Quand les pasteurs anglicans franchissent le Rubicon : l’exode silencieux qui transforme le catholicisme britannique

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Imaginez un instant : vous êtes évêque depuis des années, respecté dans votre communauté, ancré dans une tradition séculaire. Et puis un jour, vous prenez une décision qui va tout bouleverser. Vous démissionnez, vous franchissez une frontière théologique vieille de cinq siècles, et vous recommencez tout… comme simple prêtre. C’est exactement ce qu’ont fait des centaines de pasteurs et d’évêques anglicans ces trente dernières années. Leur destination ? L’Église catholique romaine.

Ce phénomène, longtemps resté dans l’ombre, vient d’être quantifié par une étude qui a de quoi surprendre. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : près de 500 prêtres ordonnés entre 1992 et 2024 en Angleterre étaient auparavant des pasteurs anglicans. Et ce n’est que la partie visible de l’iceberg. On parle d’un véritable exode, discret mais massif, qui redessine la carte religieuse du Royaume-Uni.

Mais pourquoi ? Pourquoi des hommes et des femmes d’Église acceptent-ils de tout recommencer, souvent en renonçant à des positions de pouvoir et de prestige ? Et surtout, que nous dit ce mouvement sur l’état du christianisme britannique aujourd’hui ? Plongeons dans cette histoire fascinante qui mêle convictions personnelles, bouleversements institutionnels et transformation sociétale.

Une vague de conversions qui bouleverse le paysage religieux britannique

Des chiffres qui donnent le vertige

Parlons d’abord des faits bruts. La Société Saint-Barnabé, une organisation qui accompagne les anciens membres du clergé d’autres confessions chrétiennes, a publié fin novembre une étude qui fait l’effet d’une bombe. Basée sur les archives méticuleuses de Mgr John Broadhurst, lui-même ancien évêque anglican devenu prêtre catholique, cette recherche révèle une réalité étonnante.

Plus de 700 noms. C’est le nombre de prêtres des Églises anglicanes d’Angleterre, du Pays de Galles et d’Écosse qui ont rejoint l’Église catholique en un peu plus de trois décennies. Parmi eux, 486 ont été ordonnés prêtres catholiques et 5 sont devenus diacres permanents. Mais le plus frappant ? Seize anciens évêques anglicans figurent dans cette liste. Seize personnes qui occupaient les plus hautes fonctions de leur Église et qui ont tout quitté.

Stephen Bullivant, professeur de sociologie à l’université catholique St. Mary’s de Londres, ne cache pas sa stupéfaction : « Les chiffres sont bien plus importants que ce que la plupart des gens imaginent. » Et ce qui le surprend le plus, ce n’est pas tant le nombre absolu que la proportion. En effet, environ un tiers des prêtres catholiques récemment ordonnés en Angleterre viennent de l’anglicanisme. Un tiers ! C’est comme si l’Église catholique britannique reconstituait en partie ses rangs grâce à… sa rivale historique.

Des trajectoires personnelles bouleversantes

Derrière ces statistiques se cachent des histoires humaines profondes. Prenons le cas de Jonathan Goodall. Le 12 mars 2022, cet homme qui était encore évêque anglican quelques mois auparavant s’agenouille dans la cathédrale de Westminster pour être ordonné prêtre catholique. Simple prêtre, alors qu’il dirigeait auparavant le diocèse d’Ebbsfleet. C’est un peu comme si le PDG d’une grande entreprise décidait de démissionner pour devenir chef d’équipe dans une société concurrente.

Goodall n’explique pas son choix par une quelconque amertume. Au contraire, il parle d' »entrer en pleine communion catholique », comme s’il avait trouvé ce qu’il cherchait depuis longtemps. Et il n’est pas seul dans ce cas. Andrew Burnham, l’un de ses prédécesseurs à la tête du même évêché, avait pris exactement la même décision en 2011.

Ce qui frappe dans ces parcours, c’est l’humilité qu’ils exigent. Ces hommes ne changent pas de confession par ambition ou pour obtenir un meilleur poste. Ils acceptent au contraire une forme de déclassement volontaire. Un évêque anglican qui devient prêtre catholique perd son titre, son autorité, son statut. C’est un acte de foi pure, guidé par une conviction intérieure.

David Waller incarne parfaitement cette dynamique. Converti en 2011, il est aujourd’hui évêque de l’Ordinariat de Notre-Dame de Walsingham, une structure spéciale créée par Rome pour accompagner les anglicans entrant en communion avec l’Église catholique. Son histoire illustre comment l’Église catholique a su créer des ponts pour faciliter ces transitions.

Les années charnières qui ont tout changé

Deux périodes se détachent nettement dans cette saga des conversions. Elles correspondent à des moments de rupture pour l’Église anglicane, des instants où les lignes ont bougé de manière irréversible.

1994 : le séisme de l’ordination des femmes

Cette année-là, trente-deux femmes sont ordonnées prêtres par l’évêque de Bristol. Une première historique pour l’Église anglicane. Pour beaucoup, c’est un progrès, une ouverture nécessaire. Mais pour d’autres, c’est une rupture avec la tradition. Plus de 150 membres du clergé anglican choisissent alors de rompre avec leur Église et embrassent le catholicisme.

Comprenez bien : il ne s’agit pas nécessairement d’une opposition aux femmes dans le clergé en tant que telle. Pour nombre de ces pasteurs, c’est une question de fidélité à ce qu’ils considèrent comme la tradition apostolique ininterrompue. Ils estiment que l’Église n’a pas le pouvoir de modifier certains aspects fondamentaux de la foi. C’est un débat théologique complexe, mais qui a des conséquences très concrètes sur la vie de ces hommes et femmes.

2010 : la visite de Benoît XVI, un tsunami spirituel

Seize ans plus tard, un autre événement va provoquer une nouvelle vague. En septembre 2010, le pape Benoît XVI effectue une visite historique de quatre jours au Royaume-Uni. C’est seulement la deuxième fois qu’un pape se rend en Grande-Bretagne (la première étant Jean-Paul II en 1982). L’objectif affiché ? Rapprocher catholiques et anglicans.

L’impact est considérable. Dans l’année qui suit cette visite, plus de 80 membres du clergé anglican rejoignent l’Église catholique. Certains parlent même d’un « tsunami ». Mais cette visite n’arrive pas de nulle part. Elle a été précédée, quelques mois auparavant, par un acte juridique majeur : la constitution apostolique « Anglicanorum Coetibus ».

Ce document, promulgué en 2009, autorise la création d' »ordinariats personnels » pour les fidèles anglicans qui souhaitent rejoindre l’Église catholique de manière collective. Concrètement, cela signifie qu’ils peuvent conserver certains éléments de leur liturgie et de leur tradition tout en entrant en pleine communion avec Rome. C’est comme construire un pont avec des rampes d’accès des deux côtés.

L’Ordinariat de Notre-Dame de Walsingham, créé en 2011, est l’une de ces structures. Il permet aux anciens anglicans de vivre leur foi catholique tout en gardant des liens avec leur héritage spirituel. C’est une solution à la fois pragmatique et théologiquement sophistiquée, qui reconnaît la richesse de la tradition anglicane tout en affirmant l’unité de l’Église catholique.

Les raisons profondes d’un exode sans précédent

Une crise d’identité théologique

Pour vraiment comprendre ce mouvement, il faut saisir les tensions qui traversent l’anglicanisme depuis des décennies. L’Église anglicane, née d’une rupture avec Rome au XVIe siècle, a toujours été une sorte de « via media », un chemin du milieu entre catholicisme et protestantisme. Cette position médiane a longtemps été sa force, permettant d’accueillir une grande diversité de sensibilités.

Mais cette même diversité devient aujourd’hui problématique. Comment maintenir l’unité quand certains se considèrent comme quasi-catholiques (la « Haute Église ») tandis que d’autres penchent vers un protestantisme évangélique ? Les débats sur l’ordination des femmes, le mariage homosexuel, la morale sexuelle créent des fractures profondes.

Pour ceux qui rejoignent Rome, il y a souvent un sentiment de retrouver une cohérence doctrinale. Le catholicisme offre un magistère, une autorité enseignante claire. Certains trouvent cela rassurant après avoir navigué dans les eaux troubles des débats anglicans. Comme le note Stephen Bullivant : « Beaucoup se sont rendu compte que Dieu avait un plan pour eux, et une partie de ce plan consistait à ce qu’ils fassent cela. »

Des motivations spirituelles, non politiques

Il serait tentant de réduire ces conversions à des désaccords sur des questions sociales ou morales. Mais les témoignages des intéressés racontent une autre histoire. La plupart insistent sur le fait qu’ils ne rejettent pas leur passé anglican. Ils parlent plutôt d’un appel intérieur, d’une recherche de plénitude spirituelle.

Jonathan Goodall, par exemple, a expliqué qu’il agissait « afin de répondre à l’appel du Seigneur » et non « par rejet » de ce qu’il avait « connu et vécu au sein de l’Église anglicane ». C’est une nuance importante. Ces hommes et femmes ne claquent pas la porte avec colère. Ils franchissent un seuil avec respect, souvent dans la douleur de quitter une communauté qu’ils aiment.

Beaucoup évoquent une quête d’unité. Le catholicisme représente pour eux l’Église universelle, celle qui transcende les frontières nationales et culturelles. Dans un monde fragmenté, cette promesse d’unité exerce une attraction puissante. C’est comme passer d’un réseau régional à un réseau mondial, avec tout ce que cela implique de connexions et d’appartenance.

D’autres mentionnent l’attrait de la continuité sacramentelle. L’Église catholique revendique une succession apostolique ininterrompue depuis les premiers apôtres. Pour certains anglicans, cette continuité offre une assurance, un ancrage dans une tradition bimillénaire. C’est un peu comme rejoindre une famille dont l’arbre généalogique remonte aux origines.

Le rôle catalyseur des scandales et des crises

On ne peut ignorer non plus le contexte de crise que traverse l’Église anglicane. Les affaires d’abus sexuels, qui ont également touché l’Église catholique, ont ébranlé la confiance des fidèles. Mais dans le cas anglican, elles se combinent avec d’autres controverses : divisions internes sur les questions de société, baisse de la pratique, fermetures d’églises.

La visite de Benoît XVI en 2010 s’est d’ailleurs déroulée dans un contexte où l’Église catholique elle-même était « engluée dans les affaires d’abus sexuels », comme le note l’étude. Pourtant, cela n’a pas empêché les conversions. Pourquoi ? Peut-être parce que les convertis ne cherchent pas une Église parfaite (ils savent qu’elle n’existe pas), mais une Église qui leur semble offrir un cadre théologique et spirituel plus stable.

Certains observateurs parlent aussi d’une fatigue face aux débats incessants. L’anglicanisme, avec son système synodal et démocratique, peut parfois donner l’impression d’être plus occupé à discuter qu’à prier. Pour ceux qui aspirent à une vie spirituelle centrée sur la liturgie et les sacrements, le catholicisme, avec son accent sur la Tradition et le magistère, peut sembler plus reposant.

Le facteur générationnel

Un aspect fascinant de ce phénomène concerne les générations. On pourrait s’attendre à ce que les conversions touchent principalement les prêtres âgés, attachés à la tradition. Mais les données suggèrent une réalité plus complexe.

L’étude montre que ces conversions s’étalent sur trois décennies et touchent différentes générations. Certains sont des prêtres expérimentés qui ont vécu les changements de 1994 et ne s’en sont jamais vraiment remis. D’autres sont plus jeunes, entrés dans le ministère anglican après ces bouleversements, mais qui ont fini par se sentir en décalage avec l’évolution de leur Église.

Ce qui unit ces générations, c’est souvent un attachement à ce qu’on appelle la « Haute Église » anglicane, cette tradition qui a toujours maintenu une proximité liturgique et théologique avec le catholicisme. Pour eux, franchir le pas vers Rome n’est pas un saut dans l’inconnu, mais plutôt l’aboutissement d’une logique spirituelle déjà présente dans leur pratique.

Un catholicisme en pleine renaissance au Royaume-Uni

Les chiffres qui changent la donne

L’arrivée de ces centaines de prêtres anglicans ne se produit pas dans un désert. Elle s’inscrit dans une dynamique plus large : la croissance étonnante du catholicisme britannique. Et là encore, les chiffres donnent le tournis.

Une étude publiée en avril 2025 par la « Bible Society », intitulée « Le Réveil silencieux », révèle une transformation spectaculaire. En 2018, 3,7 millions d’Anglais et de Gallois adultes (8% de la population) se rendaient à la messe au moins une fois par mois. En 2025, ils sont 5,8 millions, soit 12% de la population. Une augmentation de 56% en sept ans !

Relisez ces chiffres calmement. En plein XXIe siècle, dans une Europe sécularisée où les églises se vident, le catholicisme britannique connaît une croissance à deux chiffres. C’est comme si, pendant que tout le monde prédisait la fin de la religion, quelque chose de totalement inattendu se produisait.

La révolution silencieuse des jeunes générations

Mais le plus frappant se trouve dans les statistiques sur les jeunes. Accrochez-vous : 41% des jeunes Britanniques se déclarent aujourd’hui catholiques, contre seulement 20% qui se disent anglicans. Laissez cette information faire son chemin. La religion historique du pays, celle du roi ou de la reine, celle qui est inscrite dans les institutions depuis Henri VIII, est en train d’être dépassée par le catholicisme chez les jeunes.

Comment expliquer ce phénomène ? Plusieurs facteurs se combinent. D’abord, l’immigration. Le Royaume-Uni a accueilli ces dernières décennies de nombreux immigrés venus de Pologne, d’Italie, d’Espagne, d’Amérique latine, des Philippines, d’Afrique… Beaucoup sont catholiques et transmettent leur foi à leurs enfants.

Mais l’immigration n’explique pas tout. On observe aussi des conversions parmi les Britanniques de souche. Le catholicisme exerce une attraction particulière sur certains jeunes en quête de structure, de tradition, de beauté liturgique. Dans un monde liquide et changeant, la messe en latin, l’encens, les processions, les saints, offrent des repères tangibles.

Les réseaux sociaux jouent également un rôle surprenant. Des prêtres catholiques charismatiques accumulent des dizaines de milliers de followers. Des podcasts catholiques cartonnent. Une esthétique « catholicisme traditionnel » se développe, avec ses codes visuels et culturels. Pour certains jeunes, être catholique devient presque… cool. C’est contre-intuitif, mais c’est une réalité observable.

L’anglicanisme en déclin : miroir inversé

Pendant que le catholicisme croît, l’anglicanisme décline. Les chiffres sont sans appel. La fréquentation des offices anglicans baisse régulièrement depuis des décennies. Des églises ferment, sont transformées en appartements, en pubs, en salles de concert. Des diocèses fusionnent par manque de moyens.

Ce déclin a des causes multiples. La sécularisation générale de la société britannique joue évidemment un rôle. Mais il y a aussi des facteurs spécifiques à l’anglicanisme. Son statut d’Église établie, liée à la monarchie et aux institutions, peut la faire percevoir comme poussiéreuse, déconnectée de la vie réelle des gens.

Ses divisions internes sapent aussi sa crédibilité. Quand deux évêques de la même Église ne sont pas d’accord sur des questions fondamentales (le mariage, la morale sexuelle, la nature de la Révélation), comment les fidèles peuvent-ils savoir ce qu’ils sont censés croire ? Cette confusion doctrinale pousse certains vers le catholicisme (qui offre des réponses claires) et d’autres vers les Églises évangéliques (qui offrent un engagement communautaire fort).

Les conversions de prêtres anglicans vers le catholicisme s’inscrivent donc dans un mouvement plus large. Elles ne sont pas un accident, mais un symptôme de transformations profondes du paysage religieux britannique.

Vers un basculement historique ?

Au vu de ces tendances, certains observateurs font une prédiction audacieuse : le catholicisme pourrait bientôt dépasser l’anglicanisme et devenir la première confession du Royaume-Uni. Si les courbes continuent, ce basculement pourrait intervenir dans la prochaine décennie.

Imaginez les implications. Le pays qui s’est séparé de Rome au XVIe siècle, qui a persécuté les catholiques pendant des siècles, qui a construit son identité nationale en partie contre le catholicisme, verrait celui-ci redevenir majoritaire. Ce serait un retournement historique d’une ampleur considérable.

Bien sûr, il faut rester prudent avec les projections. Les tendances peuvent s’inverser. L’Église anglicane pourrait se réformer et regagner en attractivité. Le catholicisme britannique pourrait rencontrer ses propres défis (scandales, tensions internes, difficulté à intégrer sa diversité croissante).

Mais une chose est sûre : nous sommes en train d’assister à une recomposition majeure du christianisme britannique. Les conversions de prêtres anglicans ne sont qu’une facette de cette transformation, mais elles en sont aussi un symbole puissant. Elles montrent que même dans nos sociétés sécularisées, la question religieuse reste vivante, dynamique, capable de surprendre.

Ce que cela nous dit sur notre époque

Au-delà du cas britannique, ce phénomène nous renseigne sur les aspirations spirituelles contemporaines. Dans un monde marqué par la fragmentation, l’incertitude, la multiplication des choix, certains cherchent une ancre. Ils veulent appartenir à quelque chose qui les dépasse, qui a traversé les siècles, qui ne change pas au gré des modes.

Le catholicisme, avec son magistère centralisé, sa tradition bimillénaire, sa présence mondiale, offre cette stabilité. Pour certains, c’est étouffant. Pour d’autres, c’est rassurant. Les prêtres anglicans qui franchissent le pas sont souvent de ceux qui préfèrent la clarté à l’ambiguïté, la tradition à l’innovation, l’unité à la diversité.

Cela ne signifie pas que le catholicisme soit figé. L’Église catholique a aussi ses débats, ses tensions, ses évolutions. Mais elle offre un cadre plus structuré, une hiérarchie plus nette, une doctrine plus définie. Dans une époque où tout semble négociable, où la vérité devient subjective, où chacun est invité à construire sa propre spiritualité à la carte, cette fermeté peut exercer un attrait.

Les défis à venir

Cette croissance du catholicisme britannique et l’afflux de prêtres anglicans ne sont pas sans poser de questions. Comment l’Église catholique va-t-elle gérer cette diversité croissante ? Les ordinariats personnels sont une solution créative, mais peuvent-ils fonctionner à long terme sans créer une forme de catholicisme à plusieurs vitesses ?

Comment former et accompagner ces prêtres qui arrivent souvent avec leur famille (l’anglicanisme permettant le mariage des prêtres) ? Le célibat sacerdotal catholique reste la norme, mais ces prêtres convertis peuvent être ordonnés tout en restant mariés. Cela crée une situation particulière, qui nécessite des ajustements pastoraux et canoniques.

Et puis, il y a la question de l’intégration. Ces anciens anglicans apportent avec eux une culture ecclésiale différente, des habitudes liturgiques spécifiques, une sensibilité théologique particulière. Comment tout cela s’articule-t-il avec le catholicisme traditionnel britannique, lui-même marqué par des siècles de minorité et parfois de persécution ?

L’Église catholique britannique doit aussi éviter de triompher trop vite. La croissance est là, c’est indéniable. Mais elle ne doit pas occulter les défis immenses : intégrer les immigrés, former des prêtres, maintenir la pratique dans la durée, répondre aux scandales d’abus, dialoguer avec une société largement sécularisée.

Un témoignage pour toute l’Église

Ce qui se passe au Royaume-Uni a des résonances bien au-delà de ses frontières. C’est un laboratoire qui peut nous renseigner sur l’avenir du christianisme occidental. Les conversions de prêtres anglicans montrent que le désir de vérité, de tradition, de communion reste vivace. Elles témoignent aussi de la possibilité d’un renouveau religieux même dans les sociétés les plus sécularisées.

Pour l’anglicanisme, c’est évidemment un défi majeur. Comment retenir ses membres ? Comment articuler tradition et modernité ? Comment maintenir l’unité dans la diversité ? Ce sont des questions que se posent aussi d’autres confessions protestantes, confrontées à des tensions similaires.

Pour le catholicisme, c’est à la fois une opportunité et une responsabilité. L’opportunité d’accueillir des hommes et femmes de foi profonde, formés théologiquement, expérimentés pastoralement. Mais aussi la responsabilité de les accompagner avec sagesse, de créer les structures adéquates, de maintenir l’unité tout en respectant la diversité légitime.

Et pour nous tous, croyants ou non, c’est un rappel que la religion n’est pas un vestige du passé promis à disparaître. Elle reste une dimension fondamentale de l’expérience humaine, capable de se réinventer, de surprendre, de mobiliser. Les 500 prêtres anglicans devenus catholiques en témoignent : la foi peut encore déplacer des montagnes, ou du moins, traverser des frontières.

L’histoire n’est pas finie. Chaque semaine, de nouveaux prêtres anglicans franchissent le pas. Chaque dimanche, des milliers de nouveaux catholiques britanniques se rendent à la messe. Le « réveil silencieux » continue, loin des projecteurs, dans la discrétion des paroisses et la profondeur des consciences. Ce que nous observons aujourd’hui, c’est peut-être le début d’une nouvelle page de l’histoire religieuse britannique. Une page qui nous rappelle que même dans notre monde hyper-connecté et ultra-moderne, les questions les plus anciennes – Qui suis-je ? En quoi croire ? À quelle communauté appartenir ? – restent brûlantes d’actualité.

Équipe Via Bible
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