Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là,
    pendant que Jésus parlait,
un pharisien l’invita pour le repas de midi.
Jésus entra chez lui et prit place.
    Le pharisien fut étonné
en voyant qu’il n’avait pas fait d’abord les ablutions
précédant le repas.
    Le Seigneur lui dit :
« Bien sûr, vous les pharisiens,
vous purifiez l’extérieur de la coupe et du plat,
mais à l’intérieur de vous-mêmes vous êtes remplis
de cupidité et de méchanceté.
    Insensés ! Celui qui a fait l’extérieur
n’a-t-il pas fait aussi l’intérieur ?
    Donnez plutôt en aumône ce que vous avez,
et alors tout sera pur pour vous. »
– Acclamons la Parole de Dieu.
Alléluia. Alléluia.
Elle est vivante, énergique, la parole de Dieu;
elle juge des intentions et des pensées du cœur.
Alléluia. (cf. He 4,12)
Entrer dans la scène: un repas, une surprise, une parole qui tranche
L’évangile est simple, presque domestique: Jésus accepte l’invitation d’un pharisien pour le repas de midi. On s’y voit: table mise, gestes convenus, petites politesses. Puis, le grain de sable. Jésus ne fait pas les ablutions rituelles. Surprise, malaise, jugement. Alors Jésus lève le voile: «Vous purifiez l’extérieur de la coupe… mais au-dedans vous êtes remplis de cupidité et de méchanceté.» Et il ouvre une porte inattendue: «Donnez plutôt en aumône ce que vous avez, et alors tout sera pur pour vous.»
Cette parole, aujourd’hui, traverse nos salons rangés, nos agendas maîtrisés, nos feeds impeccables. Elle vient toucher là où rien ne se voit: l’intention, la pensée, le désir. La Parole de Dieu ne se contente pas de commenter nos gestes; elle enflamme le cœur pour le convertir. Et l’itinéraire proposé par Jésus est étonnant: la route vers la pureté ne passe pas d’abord par la propreté des mains, mais par la prodigalité des mains ouvertes. L’aumône n’est pas une aération optionnelle de notre vie spirituelle; elle en est la respiration.
La pureté selon Jésus: l’intérieur compte, mais passe par le don
Le reproche de Jésus n’oppose pas l’intérieur et l’extérieur comme deux mondes étrangers. Il rappelle que Dieu a fait les deux: «Celui qui a fait l’extérieur n’a-t-il pas fait aussi l’intérieur?» Autrement dit, l’intérieur et l’extérieur sont appelés à s’accorder. Et la charnière de cet accord, c’est le don. L’aumône, dans la Bible, n’est pas une pièce jetée au hasard; c’est un acte de justice, une manière de rendre à Dieu ce qu’il nous confie pour ses petits. Elle purifie parce qu’elle décentre, elle libère le cœur de la cupidité, elle brise la fermeture.
Dans notre vocabulaire, le mot «aide» a presque remplacé «aumône». Nous parlons de solidarité, de philanthropie, d’inclusion. C’est bien. Mais «aumône» garde une saveur tranchante: elle rappelle que je ne suis pas propriétaire absolu de ce que j’ai. Je suis dépositaire. Elle me place au seuil d’un mystère: quand je donne, c’est mon cœur qui est lavé. Et quand je retiens par peur, c’est mon cœur qui se trouble.
Un miroir pour notre époque: propreté, performance et paraître
Nous vivons une époque de l’hygiène et de la mesure. Montres connectées, scores de sommeil, comptes budgétaires, check-lists d’habitudes, boîtes mail au zéro message non lu. Rien de tout cela n’est mauvais. Mais le risque demeure: confondre une vie maîtrisée avec un cœur converti. Nous pouvons afficher la vertu et oublier la miséricorde. Nous pouvons diffuser des messages identitaires ou moraux et rester intérieurement fermés. Nous pouvons publier nos engagements et ne plus voir le pauvre à notre porte.
L’obsession du «propre» s’est déplacée de la cuisine à l’image de soi. On «nettoie» son flux d’actu, on «purge» ses contacts, on «filtre» les gens toxiques. Parfois, c’est indispensable pour vivre. Mais s’il ne reste que cela, l’extérieur brille et l’intérieur se dessèche. L’aumône, elle, introduit de la porosité: elle ouvre une brèche pour que la miséricorde circule.

Traduire «Donnez plutôt en aumône» aujourd’hui
Que signifie «donnez ce que vous avez» dans nos vies urbaines, numériques, souvent pressées? La question appelle des réponses plurielles.
- Donnez de l’argent, de façon régulière, à la mesure de vos moyens. La régularité purifie la peur de manquer. La discrétion purifie l’ego.
 - Donnez du temps: visites, coups de fil, garde d’enfants, aide administrative. Le temps donné purifie l’impatience.
 - Donnez de l’attention: écoute sans notifications, regard qui ne fuit pas, prénom retenu. L’attention donnée purifie la distraction.
 - Donnez un espace: une table ouverte, une chambre d’amis, un coin de bureau partagé. L’hospitalité purifie la propriété.
 - Donnez une compétence: traduire, réparer, coder, cuisiner, plaider. Le service purifie la vanité.
 - Donnez une parole: affirmation de dignité, pardon demandé, bénédiction offerte. La parole qui bénit purifie la langue.
 - Donnez la possibilité: recommander, introduire, coopter. Ouvrir une porte purifie l’instinct de contrôle.
 
Chacun a quelque chose. Jésus ne dit pas: «Donnez ce que vous n’avez pas»; il dit: «Donnez ce que vous avez.» Là où vous êtes, avec ce que vous possédez, aujourd’hui.
Petite exégèse: quand l’aumône lave le cœur
Dans la tradition biblique, l’aumône s’adosse à la justice. Elle est souvent associée au jeûne et à la prière. Luc, l’évangéliste de la miséricorde, souligne que l’aumône «efface» ou «couvre» une multitude de péchés non pas comme une transaction, mais comme un feu qui consume l’égoïsme. Le mot grec pour «pur» est katharos: débarrassé des mélanges. L’aumône clarifie le désir, retire le sable dans l’engrenage du cœur.
«Donnez plutôt en aumône ce que vous avez» se lit alors comme une pédagogie: si tu veux cesser de te replier sur toi, commence par faire circuler ce que tu retiens. Tu découvriras la joie du désencombrement, non pas pour toi d’abord, mais pour eux. Et en retour, toi, tu deviendras libre.
Une parole qui tranche nos intentions
L’alleluiatique d’He 4,12 annonce la couleur: la Parole de Dieu juge les pensées du cœur. Pas pour condamner, mais pour discerner ce qui est vivant et ce qui est fermé. Parfois, nous ne savons plus si nous donnons par amour ou par calcul. La Parole, comme un scalpel, sépare l’un de l’autre. Elle garde la part de gratuité, elle nomme la part de stratégie. Elle ne tolère pas l’ambiguïté volontaire, ces petits arrangements où nous «donons» pour gagner en réputation, apaiser une culpabilité, acheter une tranquillité. Elle nous reconduit à l’essentiel: donner pour aimer, aimer pour vivre.
Les visages de la cupidité aujourd’hui
La cupidité n’est pas seulement l’amour de l’argent. Elle se niche dans la comparaison permanente, la sécurisation anxieuse, le refus de se laisser déranger.
- Cupidité de sécurité: je thésaurise des contacts, des options, des diplômes, en me privant de la joie de partager.
 - Cupidité d’image: je donne surtout ce qui se voit et qui se raconte bien.
 - Cupidité de temps: je n’accorde aucune marge aux imprévus; je vis serré, de peur de perdre la main.
 - Cupidité d’attention: je préfère les flux qui me confirment à ceux qui me confrontent.
 - Cupidité affective: je retiens le pardon par peur d’être re-blessé.
 
L’aumône purifie chacune de ces cupidités non par un grand renversement héroïque, mais par de petits actes concrets, réguliers, parfois cachés.

Une écologie du don dans l’économie réelle
Nous traversons inflation, précarités, inquiétudes énergétiques. Donner n’est pas naïveté. C’est un choix de priorités. L’économie du don ne remplace pas l’économie de marché, mais elle l’humanise. Chaque geste de gratuité réintroduit de la respiration dans un tissu social contracté.
- Fixez un pourcentage réaliste de dons réguliers. Même modeste, il stabilise.
 - Préférez la fidélité à l’éclat: mieux vaut 10 euros chaque mois que 100 une fois en réaction.
 - Diversifiez: une cause lointaine, une proximité, une urgence.
 - Ajoutez la présence: passez de la carte bleue au café partagé quand c’est possible.
 
La pureté promise par Jésus n’est pas seulement individuelle. Elle est communautaire: ainsi, «tout sera pur pour vous.» On se purifie les uns les autres quand la générosité circule.
L’ère numérique: aumône d’attention et hygiène du scroll
Le numérique distribue notre attention comme une monnaie. Que signifie «donner en aumône» dans ce monde-là?
- Cessez de propager l’indignation inutile. Offrez le bénéfice du doute, vérifiez avant de partager.
 - Donnez de la visibilité à des voix discrètes: artistes, associations, voisins.
 - Laissez des commentaires bienveillants et précis. La précision purifie la flatterie.
 - Écrivez des messages privés de gratitude. La gratitude purifie la comparaison.
 - Pratiquez un jeûne de notifications hebdomadaire et offrez ce temps à une visite ou un appel.
 
Donner en aumône son attention, c’est rendre aux personnes la dignité de ne pas être seulement des «contenus».
Le geste, la règle, la joie: une petite règle de vie
Sans régularité, les bonnes intentions s’épuisent. Une petite règle, souple et réaliste, rend la générosité habitable.
- Le lundi, je planifie un don financier et un coup de fil.
 - Le mercredi, je consacre 30 minutes à une aide concrète (paperasse, courses).
 - Le vendredi, je prie nommément pour deux personnes rencontrées.
 - Le dimanche, j’invite ou j’ouvre un créneau d’hospitalité simple.
 
La régularité n’éteint pas l’esprit; elle l’alimente. Et la joie vient, souvent, quand on ne l’attend pas.
Obstacles: peur d’être dupé, fatigue de compassion, manque de clarté
- Peur d’être dupé: si le risque vous paralyse, choisissez des canaux fiables et gardez une petite part pour l’imprévu. L’erreur n’annule pas la valeur du don.
 - Fatigue de compassion: alternez engagements intenses et repos. La compassion est un muscle: il a besoin d’entraînement et de récupération.
 - Manque de clarté: notez vos élans et transformez-les en rendez-vous. L’intention devient action quand elle entre dans l’agenda.
 
La pureté ne signifie pas naïveté. Elle signifie alignement entre ce que je confesse et ce que je choisis.
Familles: éduquer par le geste et le récit
- Un pot commun visible où chacun met une pièce pour un projet choisi ensemble.
 - Un «sachet de gentillesse» dans le sac: mouchoirs, barres, mots doux.
 - Des récits de saints, de voisins, d’anonymes qui donnent. Les enfants imitent ce qu’ils admirent.
 
La pureté de cœur se transmet par des mains occupées et des yeux brillants.
Quand le don guérit le donateur: trois vignettes
- Le navetteur: dans le métro, il descend un arrêt plus tôt pour marcher avec un sans-abri, non pour «résoudre» sa situation, mais pour l’écouter. Il découvre que sa propre solitude se dissipe.
 - La retraitée: elle cuisine une fois par semaine pour des étudiants du quartier. Son deuil s’adoucit dans le parfum du thym et les rires du soir.
 - L’étudiante: elle traduit bénévolement des documents pour des familles migrantes. Ses angoisses trouvent un espace d’oxygène dans l’utilité humble.
 
Le don n’efface pas la douleur, mais il l’oriente vers la vie.
Intérieur/extérieur: Dieu a fait les deux
Jésus ne méprise pas les ablutions. Il reproche qu’elles deviennent alibi. Aujourd’hui, nos «ablutions» prennent la forme de routines de bien-être, de performance, de mise en scène. Gardons-les, si elles servent la charité. Abandonnons-les, si elles la remplacent. La vérité de la pureté, c’est l’unité: la coupe propre à l’extérieur parce que le cœur est nettoyé par le don.

La table, lieu de conversion
La scène se joue à table. Nos repas aussi peuvent devenir eucharistiques par l’attention, la gratitude, la place laissée à l’autre.
- Laisser un couvert libre dans le cœur, sinon sur la table.
 - Commencer par remercier nommément ceux qui ont rendu la nourriture possible.
 - Réduire le gaspillage et partager les restes.
 
La pureté passe aussi par ce que nous choisissons d’acheter, de cuisiner, de partager.
L’épreuve du réel: quand c’est compliqué
Parfois, donner semble aggraver des dynamiques de dépendance. Parfois, on se heurte à des systèmes opaques. Alors, il faut apprendre.
- Se former à l’écoute (sans sauver, sans s’effacer).
 - S’appuyer sur des collectifs locaux.
 - Fixer des limites claires, expliquées avec respect.
 
La pureté s’éprouve dans la complexité, pas dans l’aseptisation.
«Tout sera pur pour vous»: promesse communautaire
Jésus parle au pluriel. L’aumône ne purifie pas seulement l’individu, elle assainit la communauté: familles, équipes, paroisses, villes. Là où le don circule, la méfiance baisse, la parole s’apaise, la créativité renaît.
- Dans une équipe: un budget «bien commun» pour des gestes de soin.
 - Dans une paroisse: une liturgie simple qui ouvre sur des actes concrets d’hospitalité.
 - Dans une ville: des espaces de rencontres où l’on partage des savoir-faire.
 
Le tissu social se nettoie par capillarité.
La joie sobre: l’esthétique du cœur pur
Le cœur pur n’est pas l’âme parfaite. Il est sans mélange. Il apprend une joie sobre, non tapageuse, reconnaissable aux signes discrets:
- Une disponibilité calme.
 - Un humour tendre.
 - Une liberté face aux regards.
 
Cette joie, le monde l’attend sans la nommer. Elle se contagie par proximité.
Itinéraire simple: trois semaines pour déverrouiller le don
Semaine 1: voir. Chaque jour, noter un visage rencontré, un besoin perçu, un merci formulé.
Semaine 2: agir. Deux gestes concrets: un don matériel et un don de temps.
Semaine 3: relire. Qu’ai-je ressenti? Qu’est-ce qui a résisté? Quelle joie a surgi?
Ce petit cycle, répété, polit le cœur comme on polit une pierre par la rivière.
Prière: demande d’un cœur ajusté
Seigneur Jésus,
Tu t’assieds à nos tables et tu regardes nos cœurs.
Tu vois nos peurs, nos calculs, nos belles apparences.
Donne-nous d’aimer la simplicité qui donne,
doser le nécessaire, offrir le surplus,
partager même ce que nous croyons indispensable.
Purifie nos intentions par la joie de la rencontre.
Apprends-nous le geste qui relève,
la parole qui restaure,
le silence qui écoute.
Alors, par ta grâce, tout sera pur pour nous. Amen.
Prière courte avant de sortir de chez soi
Seigneur,
mets dans ma poche une bonté disponible,
dans mon regard une place pour l’autre,
dans mes mains une offrande joyeuse.
Garde-moi des gestes qui humilient,
inspire-moi ceux qui humanisent.
Rends-moi léger et généreux. Amen.
La confession du cœur: examen en fin de journée
- Où ai-je retenu par peur?
 - Où ai-je donné pour être vu?
 - Où ai-je laissé l’Esprit me déranger?
 - Qui puis-je appeler demain?
 
L’examen ne juge pas pour punir, mais pour réorienter. La pureté grandit de correction en correction.
Le pardon comme aumône
Il existe une aumône plus difficile que l’argent: le pardon. Il coûte parfois davantage qu’un virement. Pardonner, c’est rendre à l’autre sa possibilité d’être autre que sa faute. Cette aumône-là purifie profond, parce qu’elle touche nos blessures. Elle guérit lentement, comme une cicatrice qui ne se referme pas en un jour.
- Quand c’est possible, nommer la blessure.
 - Quand ce n’est pas prudent, remettre à Dieu et lâcher la chaîne intérieure.
 - Chercher une médiation si nécessaire.
 
Le pardon n’est pas l’oubli ni l’impunité. Il est une délivrance.
Les sacrements et le don: eucharistie, réconciliation, mission
- L’Eucharistie: nous recevons pour devenir ce que nous recevons. Le corps donné de Jésus devient le style de nos gestes.
 - La Réconciliation: Dieu ne fatigue pas de nous purifier. L’aveu met à nu la cupidité, l’absolution ré-ouvre la circulation.
 - La Mission: la grâce reçue ne se stocke pas, elle se partage.
 
Plus nous donnons, plus la source en nous se nourrit. C’est le paradoxe chrétien.
Une alchimie humble: de l’habitude à la vertu
Les philosophes parlaient d’habitus: une disposition stable acquise par des actes répétés. L’aumône devient vertu quand le geste n’est plus un arrachement, mais une seconde nature. Elle n’abolit pas la vigilance: elle la rend joyeuse. Un cœur pur n’est pas un cœur naïf; c’est un cœur solide, rendu simple par la pratique de la charité.
Paraboles domestiques du don
- Le placard: ouvrir une étagère «transitions» pour accueillir ce dont je n’ai plus besoin et qui fera l’essentiel d’un autre.
 - L’agenda: laisser un créneau «interruptible» chaque semaine, pour l’inattendu.
 - Le téléphone: chaque dimanche soir, un message de bénédiction à quelqu’un qu’on néglige.
 
Ces gestes minuscules, insistants, deviennent un style.
Quand l’aumône devient prophétique
Donner peut contester des structures injustes. L’aumône n’est pas seulement compassion individuelle; elle peut devenir signe qui interroge.
- Embaucher avec second regard.
 - Acheter solidaire même quand ce n’est pas optimal.
 - Refuser la culture du jetable.
 
Prophétique ne veut pas dire héroïque tous les jours. Prophétique signifie fidèle, public quand il le faut, créatif toujours.

Prière pour la ville
Dieu de miséricorde,
tu connais les trottoirs usés et les cœurs fatigués.
Bénis notre quartier,
les mains qui soignent, celles qui se tendent,
les portes qui s’ouvrent et les regards qui soutiennent.
Apprends-nous l’art de l’aumône urbaine:
une présence qui ne presse pas,
une parole qui ne juge pas,
un geste qui ne calcule pas.
Que ta paix s’insinue dans nos rues. Amen.
Prière pour les écrans
Seigneur,
sur mes écrans, mets une lampe.
Que je cherche la vérité,
que j’évite la vaine gloire,
que je fasse place aux petits.
Garde-moi des colères faciles,
donne-moi le courage de la douceur.
Fais de mon attention une offrande. Amen.
L’aumône comme désencombrement spirituel
Nous accumulons objets, mais aussi regrets, obligations, images. Donner, c’est faire du vide pour que Dieu respire en nous. Certains pratiquent le tri matériel saisonnier; pourquoi pas un tri spirituel?
- Déposer chez Dieu une rancune et offrir à la place une bénédiction.
 - Renoncer à une dépense pour financer une joie d’autrui.
 - Remplacer un défilement de 20 minutes par une visite.
 
Le cœur pur se reconnaît au souffle. Il ne halète pas, il respire.
Relire Jésus à table: pédagogie par le contraste
À table, Jésus renverse les attentes. Il ne blesse pas pour humilier, il tranche pour libérer. Sa parole peut piquer notre amour-propre. Si c’est le cas, bonne nouvelle: nous sommes atteints. La question suivante: quelle décision concrète vais-je prendre cette semaine?
- Fixer un montant, un rendez-vous, un nom.
 - Écrire l’engagement sur un papier et le glisser sous la croix, sur la table, dans le portefeuille.
 - Rendre grâce quand ce sera fait.
 
La grâce s’inscrit dans le réel par l’encre des petites résolutions.
Quand le don rencontre la limite: consentir à ne pas tout faire
La pureté n’est pas la perfection. Elle sait dire non pour pouvoir dire oui. Il y a des causes que nous ne porterons pas, des personnes que nous ne pouvons pas accompagner de près. L’humilité du don consiste à accepter d’être un maillon, pas la chaîne entière. Dieu n’a pas besoin de notre omniprésence, il désire notre fidélité.
La joie de se savoir dépossédé
Le Christ pauvre nous apprend la liberté du «à moi, à toi, à nous». Quand une chose demeure trop précieuse pour être imaginée partagée, une petite alarme peut s’allumer. Et si je commençais par prêter? Et si je partageais un accès, un outil, un livre? Le cœur s’élargit par essais. Un pas, puis un autre.
Prière de disponibilité
Esprit Saint,
ouvre en moi un passage.
Délie mes doigts crispés,
élargis mes marges,
déplace mes priorités.
Fais de moi une halte pour les fatigués,
un abri pour les inquiets,
un témoin discret de ta bonté.
Que mon «oui» puisse devenir pain, clé, oreille. Amen.
Aumône et justice: deux jambes, une marche
Si l’aumône est une jambe, la justice en est une autre. L’une répond à l’urgence, l’autre travaille la cause. Nous ne marcherons bien qu’avec les deux.
- Aumône: je relève, ici et maintenant.
 - Justice: je m’informe, je m’engage, je vote, je plaide.
 
La pureté du cœur n’est pas apolitique; elle est libre de tout camp, orientée par la dignité.
Purifier par le beau: l’art comme aumône
Créer, c’est donner forme à une gratuité. Offrir une chanson, un poème, une peinture, une photo, un bouquet, peut relever un cœur. Le beau n’est pas superflu: il lave le regard. Qui a déjà reçu une carte manuscrite dans une période sombre sait la force de ces aumônes délicates.
- Écrire un mot à la main chaque semaine.
 - Partager un livre aimé, pas un livre de débarras.
 - Offrir un moment de silence avec une musique apaisante.
 
Le beau pacifie. Il prépare le cœur à la rencontre.
Les saisons du don: adapter sans lâcher
Il y a des saisons de générosité débordante, d’autres de retrait. L’arrivée d’un enfant, une maladie, une recherche d’emploi. Adapter n’est pas renoncer. Parfois, l’aumône prend la forme de demander de l’aide. Recevoir, c’est aussi purifier l’orgueil du «je me débrouille».
- Oser dire: «J’ai besoin».
 - Laisser quelqu’un nous préparer un repas, porter un sac, prier pour nous.
 
Le don circule dans les deux sens. Refuser de recevoir peut bloquer la grâce chez l’autre.
Prière quand on est épuisé
Seigneur,
je n’ai plus grand-chose.
Prends ce peu:
un sourire fatigué,
deux minutes d’écoute,
une pièce froissée.
Tu as fait l’extérieur et l’intérieur:
viens purifier ma lassitude
par la douceur de ta présence.
Si je ne peux pas faire, apprends-moi à être.
Si je ne peux pas donner, apprends-moi à recevoir.
Et que cela suffise aujourd’hui. Amen.
Un critère de discernement: la paix humble
Après un geste de don, un signe discret confirme souvent la justesse: une paix douce, une lumière simple. Si au contraire grandissent agitation et rancœur, il est utile de relire: ai-je outrepassé mes limites? ai-je imposé mon aide? ai-je cherché mon image? La pureté avance en se corrigeant.
La mémoire des pauvres: se laisser évangéliser
Les pauvres nous évangélisent. Leur patience, leur humour, leur créativité nous apprennent quelque chose de Dieu. L’aumône, reçue avec reconnaissance, devient école. Elle nous découvre des angles morts: nos attaches, nos peurs, nos illusions. «He 4,12» s’accomplit: la Parole juge nos intentions, souvent à travers le regard des petits.
Prière avec les mains ouvertes
Seigneur,
voici mes mains.
Tu vois leurs callosités, leurs tremblements, leurs vides.
Remplis-les de ce que tu veux donner à travers moi,
vide-les de ce que j’y serre trop fort.
Que personne ne reparte plus lourd de m’avoir rencontré.
Que je ne confonde pas efficacité et charité.
Que mes gestes parlent de toi sans bruit. Amen.
Une méthode simple pour décider
- Nommer: quel est le besoin?
 - Évaluer: qu’ai-je à donner sans nuire à mes responsabilités?
 - Choisir: que puis-je faire maintenant, que puis-je planifier?
 - Confier: prier brièvement pour la personne.
 - Agir: poser le geste.
 - Relire: qu’est-ce que je retiens de ce moment?
 
Cette petite méthode met de l’ordre pour que l’esprit reste libre.

L’aumône comme liturgie de la semaine
Faire de la semaine une liturgie du don:
- Lundi de la miséricorde: un pardon à formuler.
 - Mardi de la compétence: offrir un savoir-faire.
 - Mercredi de l’écoute: un café sans téléphone.
 - Jeudi de la gratitude: une lettre, un message.
 - Vendredi du jeûne: économiser pour donner.
 - Samedi de la présence: une visite.
 - Dimanche de l’hospitalité: une invitation, même simple.
 
La répétition transforme le paysage intérieur.
Quand la parole devient maison
«Acclamons la Parole de Dieu.» Acclamer, c’est faire de la place, c’est adopter. Si la Parole est «vivante et énergique», elle ne se contente pas d’un encadrement sur un mur. Elle veut un coin chez nous. Un verset sur le frigo, un carnet d’élans notés près de l’entrée, une prière sur la table. Le quotidien devient tabernacle.
Prière d’offrande du matin
Seigneur,
dès l’aube je t’offre
mes projets, mes hésitations, mes rencontres.
Fais de mes heures des auberges,
de mes tâches des services,
de mes contrariétés des occasions de douceur.
Apprends-moi à donner avant que l’on me demande,
et à respecter le «non» de l’autre.
Que ma journée te ressemble: simple, donnée, vraie. Amen.
Espérer la promesse: «alors tout sera pur pour vous»
Cette promesse est réaliste. Elle ne dit pas «tout sera facile», mais «tout sera pur». La pureté, c’est la transparence: ce que je fais, je le fais devant Dieu, pour le bien d’autrui, avec la paix dans l’âme. Cette unité-là répare. Elle rend crédible nos paroles, elle rend souhaitables nos vies.
La route est ouverte. Elle commence par un petit geste, aujourd’hui. Peut-être un don paramétré, un sac de courses, une visite, un message, un pardon. Ce petit «oui» ouvre la voie à un autre. Et peu à peu, le dedans et le dehors s’accordent. Dieu a fait les deux; il les unifie par le don.
Dernière prière: demander la grâce de la cohérence
Dieu fidèle,
tu nous appelles à la cohérence.
Tu n’opposes pas l’intérieur et l’extérieur:
tu les harmonises dans la charité.
Garde-nous des feux d’artifice spirituels.
Enseigne-nous la lenteur du bien qui s’enracine,
la joie tranquille d’un cœur qui se simplifie,
le rire des pauvres qui nous bénissent.
Par Jésus, qui s’est laissé «interrompre» pour nous,
et qui se donne encore, pain rompu,
fais de nous des hommes et des femmes
qui donnent ce qu’ils ont,
et reçoivent de toi ce qu’ils sont. Amen.



