Le « réveil religieux » américain : mythe médiatique ou réalité cachée ?

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En décembre 2025, une étude majeure du Pew Research Center a remis les pendules à l’heure sur une question qui agite les médias depuis plusieurs mois : assiste-t-on vraiment à un réveil religieux aux États-Unis ? La réponse courte : non, pas si on regarde les chiffres nationaux. Mais creusons un peu, car la réalité est plus nuancée qu’un simple oui ou non.

Imaginez que vous lisez un article qui parle d’une vague massive de conversions chez les jeunes Américains. Vous allumez votre télévision et vous voyez des reportages sur des églises orthodoxes qui ne peuvent plus accueillir tous les nouveaux fidèles. Puis vous tombez sur cette étude du Pew Research Center qui dit : « En fait, les chiffres n’ont pas bougé depuis cinq ans. » Qui croire ?

C’est exactement le dilemme auquel nous faisons face aujourd’hui. D’un côté, des histoires captivantes de jeunes hommes qui découvrent la foi orthodoxe sur YouTube pendant la pandémie. De l’autre, des statistiques qui montrent une stabilité presque parfaite. Alors, qu’est-ce qui se passe vraiment ?

Ce que disent vraiment les chiffres

La grande stabilisation

Commençons par les faits bruts. Depuis 2020, environ 70 % des adultes américains déclarent appartenir à une religion. Ce pourcentage n’a pratiquement pas bougé en cinq ans. En 2025, 62 % des Américains s’identifient comme chrétiens, un chiffre quasi identique à celui de 2020.

Vous vous demandez peut-être : « Attendez, est-ce que ça veut dire que la religion ne décline plus ? » Exactement. Après des décennies de chute continue – on parle de 1970 jusqu’à 2020 environ – le déclin s’est arrêté net. C’est comme si on avait freiné brusquement après une longue descente.

Pour vous donner une idée de l’ampleur du changement précédent : en 2007, 84 % des Américains s’identifiaient à une religion. En 2020, on était tombé à environ 71 %. C’est une baisse massive en seulement 13 ans. Mais depuis 2020 ? Stabilité totale. Le chiffre reste scotché autour de 70 %.

Les « nones » ont eux aussi plafonné

Parlons maintenant du groupe qui avait fait couler beaucoup d’encre : les « nones », c’est-à-dire ceux qui ne s’identifient à aucune religion. Ce groupe avait explosé, passant de 16 % en 2007 à environ 29 % aujourd’hui. Mais devinez quoi ? Cette croissance aussi s’est arrêtée.

Les « nones » représentent actuellement 29 % de la population adulte américaine. Parmi eux, 5 % se disent athées, 6 % agnostiques, et 19 % décrivent leur religion comme « rien en particulier ». Ces chiffres n’ont pas changé de manière significative depuis 2020.

C’est fascinant quand on y pense : pendant des années, les observateurs prédisaient que les « nones » allaient continuer à grandir indéfiniment. Certains imaginaient déjà une Amérique majoritairement non-religieuse d’ici quelques décennies. Mais le mouvement s’est arrêté. Au moins temporairement.

Les jeunes : toujours moins religieux, mais pas en baisse continue

Voici où ça devient intéressant. Les jeunes adultes (18-30 ans) restent beaucoup moins religieux que leurs aînés. Seulement 55 % d’entre eux s’identifient à une religion en 2025, contre 83 % chez les plus de 71 ans. L’écart est énorme.

Mais – et c’est crucial – ce pourcentage de 55 % chez les jeunes est resté stable depuis 2020. Il était de 57 % en 2020, ce qui représente une variation minime. Pas de chute supplémentaire, mais certainement pas de rebond non plus.

Prenons quelques indicateurs concrets : 32 % des jeunes adultes prient quotidiennement (contre 59 % des plus âgés), et 26 % assistent aux services religieux au moins une fois par mois (contre 43 % des plus âgés). Ces chiffres aussi sont restés stables.

Le cas particulier des très jeunes adultes

Maintenant, accrochez-vous, parce que c’est là que les choses deviennent vraiment nuancées. Les chercheurs du Pew ont remarqué quelque chose d’intéressant : les plus jeunes adultes (18-22 ans, nés entre 2003 et 2006) sont légèrement plus religieux que ceux qui ont quelques années de plus (23-30 ans).

Par exemple, 30 % des adultes nés entre 2003 et 2006 disent assister aux services religieux au moins une fois par mois. C’est plus que les 24 % observés chez ceux nés entre 1995 et 2002.

Avant que vous ne criiez au réveil religieux, laissez-moi vous expliquer ce qui se passe vraiment. Ce phénomène n’est pas nouveau du tout. Les chercheurs l’ont observé dans les études précédentes de 2007 et 2014 également. Voici le pattern : les très jeunes adultes (18-22 ans) ont tendance à refléter la religiosité de leurs parents pendant quelques années après avoir atteint 18 ans. Puis, en vieillissant, leur pratique religieuse commence à décliner.

C’est comme si, à 18-20 ans, vous continuiez par habitude ou par respect pour vos parents. Puis, en gagnant en indépendance et en vous éloignant de la maison familiale, vous commencez à suivre votre propre chemin. Gregory Smith, du Pew Research Center, est très clair : « Les données historiques suggèrent que les patterns que nous voyons aujourd’hui sont le résultat normal des jeunes adultes suivant possiblement la religiosité de leurs parents pendant quelques années après l’âge de 18 ans, après quoi leur religiosité commence à baisser. »

En d’autres termes, ce petit rebond chez les 18-22 ans ne signifie probablement pas qu’ils resteront religieux. C’est juste un effet de transition vers l’âge adulte.

L’écart hommes-femmes se réduit (mais pas pour de bonnes raisons)

Voici un détail surprenant : chez les jeunes adultes, l’écart traditionnel entre hommes et femmes en matière de religiosité se réduit. Historiquement, les femmes ont toujours été plus religieuses que les hommes. Mais chez les jeunes, cet écart se resserre.

Attention, ce n’est pas parce que les jeunes hommes deviennent plus religieux. C’est parce que les jeunes femmes le deviennent moins. En 2007, 54 % des femmes âgées de 18 à 24 ans priaient quotidiennement, contre 40 % des hommes du même âge. Aujourd’hui, les deux groupes sont beaucoup plus proches, mais à un niveau bien plus bas qu’avant.

Chez les générations plus âgées, l’écart homme-femme reste important. Les femmes de plus de 70 ans, par exemple, sont beaucoup plus religieuses que les hommes du même âge. Mais cette différence s’estompe progressivement dans les cohortes plus jeunes.

Les signaux contradictoires qui alimentent l’idée d’un réveil

Le phénomène orthodoxe : réel mais microscopique

Vous avez peut-être vu ces articles qui parlent d’un « tsunami » de jeunes hommes qui se convertissent à l’orthodoxie. Le New York Post, le Telegraph et d’autres médias ont publié des reportages enthousiastes sur ce sujet. Des prêtres orthodoxes affirment que leurs paroisses doublent de taille. Des articles parlent de jeunes hommes qui découvrent la foi sur YouTube pendant la pandémie et qui se mettent à jeûner 40 jours d’affilée.

Ces histoires sont vraies. Elles existent. Mais voici le problème : l’orthodoxie reste une tradition minuscule aux États-Unis. On parle d’environ 300 millions d’orthodoxes dans le monde, mais une fraction infime vit aux États-Unis.

Et les chiffres du Pew sont sans appel : seulement 1 % des adultes américains âgés de 18 à 24 ans s’identifient actuellement comme orthodoxes après avoir été élevés dans une autre religion ou sans religion. Et tenez-vous bien : un pourcentage égal a quitté l’orthodoxie. Le flux est donc neutre.

Trevin Wax, un observateur religieux qui a analysé ces tendances, l’explique bien : « L’orthodoxie est une tradition minuscule aux États-Unis, plus petite même que l’Église unie libérale du Christ. Dans ces circonstances, les augmentations en pourcentage peuvent sembler dramatiques quand la ligne de base est petite. »

Imaginons qu’une paroisse orthodoxe compte 50 fidèles et passe à 100. C’est un doublement, 100 % de croissance ! C’est spectaculaire au niveau local. Mais ça ne change rien au paysage religieux national. C’est comme si vous ajoutiez une goutte d’eau dans l’océan et que vous disiez : « Regardez, le niveau monte ! »

Ce qui attire vraiment les convertis

Parlons de ce qui se passe dans ces paroisses orthodoxes qui croissent. Les témoignages sont fascinants et révèlent quelque chose d’important sur notre époque.

Ben Christenson, 25 ans, a grandi dans l’Église anglicane. Il raconte : « Le plus difficile en grandissant dans mon église, c’est que même de mon vivant, il y a eu beaucoup de changements. J’ai réalisé qu’il n’y a vraiment aucun moyen d’arrêter les changements. » Il a vu la chorale en robe remplacée par un « groupe de louange », les positions de longue date sur les questions LGBT évoluer, des drapeaux Pride et Black Lives Matter apparaître devant les portes de l’église. Pour lui, l’orthodoxie offre la stabilité : 2000 ans d’histoire, des traditions inchangées.

Emmanuel Castillo, 32 ans, ancien lutteur qui a commencé à lire la Bible alors qu’il gardait des prisonniers d’Al-Qaïda à Guantanamo Bay, a trouvé que son église protestante ressemblait trop à ses soirées du samedi dans un bar : « Le même genre d’éclairage, le même genre de musique, le même genre de sentiment, et après avoir lu les évangiles et le livre des Actes, je savais que ce n’est pas comme ça qu’ils adoraient il y a 2000 ans. »

Les hommes interviewés parlent de chercher quelque chose de « masculin » – des liturgies de deux heures (ou plus), des jeûnes extrêmes, des confessions régulières, des prières prescrites. Le Père Josiah Trenham, un prêtre orthodoxe, parle de la « féminisation » du christianisme occidental, où la plupart des fidèles sont des femmes et où les services sont dominés par des chansons émotionnelles, des gens qui se balancent, les mains levées, les yeux fermés en extase.

Mais voici le truc : ce n’est pas seulement l’orthodoxie qui attire. De jeunes hommes se tournent aussi vers les messes latines traditionnelles dans le catholicisme, vers les formes conservatrices de l’anglicanisme et du luthéranisme. C’est un mouvement vers le traditionalisme en général, pas spécifiquement vers l’orthodoxie.

Le rôle d’Internet et de la pandémie

Un élément crucial : beaucoup de ces conversions ont été facilitées par YouTube et les podcasts. Le Père Truebenbach, d’une église orthodoxe de Salt Lake City, dit que la plupart des nouveaux convertis ont découvert l’orthodoxie en ligne pendant les confinements de la pandémie.

C’est ironique quand on y pense : c’est une culture hyper-connectée et consumériste qui rend possibles ces histoires de conversion vers une tradition « immuable ». Sans Internet, Matthew Ryan, un ancien athée de 41 ans, n’aurait jamais vu ce commentaire sur YouTube sur le bien et le mal qui l’a lancé dans sa recherche spirituelle.

Avant Internet, si vous viviez dans une petite ville du Midwest, vous n’aviez probablement jamais rencontré un chrétien orthodoxe de votre vie. Maintenant, vous pouvez regarder une Divine Liturgie orthodoxe complète en streaming, écouter des podcasts de théologie patristique, et échanger avec des convertis du monde entier.

Les autres signes de vitalité religieuse

L’orthodoxie n’est pas le seul signe de vitalité. Il y a d’autres mouvements intéressants, même s’ils ne se traduisent pas (encore) en changements statistiques massifs.

Les groupes religieux à forte fécondité – comme les mormons, les chrétiens évangéliques conservateurs ou certaines communautés catholiques traditionalistes – maintiennent leurs effectifs mieux que les dénominations mainline. Les Américains noirs restent le groupe démographique le plus religieux, avec 73 % qui s’identifient comme chrétiens (contre 62 % dans la population générale).

Des mouvements comme celui des « tradwives » (femmes qui adoptent des rôles domestiques traditionnels) ou l’intérêt croissant pour les écoles à domicile dans certains cercles religieux montrent qu’il existe des poches de renouveau, même si elles sont difficiles à quantifier.

Pourquoi les médias adorent parler de réveil

Les journalistes aiment les histoires de conversion. C’est humain. Une histoire de jeune homme qui abandonne l’athéisme pour jeûner 40 jours et assister à des liturgies de cinq heures est infiniment plus captivante qu’un graphique montrant une ligne horizontale sur cinq ans.

Les médias ont également tendance à généraliser à partir d’exemples locaux. Une église orthodoxe qui triple de taille à Salt Lake City devient « un tsunami de conversions à travers l’Amérique ». Un prêtre qui dit qu’il voit beaucoup de jeunes hommes dans sa paroisse devient « les jeunes hommes américains se tournent en masse vers l’orthodoxie ».

Ce n’est pas nécessairement de la mauvaise foi. C’est juste que les anecdotes sont plus faciles à raconter que les tendances statistiques complexes. Et franchement, elles sont plus intéressantes à lire.

Le « réveil religieux » américain : mythe médiatique ou réalité cachée ?

Comprendre ce qui se joue vraiment

La différence entre tendances locales et nationales

Voici quelque chose de crucial à comprendre : les deux réalités peuvent coexister. Des paroisses orthodoxes peuvent exploser en taille dans certaines villes, tandis qu’au niveau national, l’orthodoxie reste stable ou minuscule.

Imaginez l’Amérique comme un immense puzzle de 330 millions de pièces. Certaines pièces bougent beaucoup – ici une communauté orthodoxe qui double, là une méga-église évangélique qui perd la moitié de ses fidèles, ailleurs une communauté de « nones » qui se forme dans une ville universitaire. Mais quand vous prenez du recul et regardez l’image complète, tout ça s’équilibre. Le puzzle global ne change pas beaucoup.

C’est exactement ce que montrent les données du Pew. Il y a du mouvement. Environ 35 % des adultes américains ont changé de religion depuis leur enfance. C’est énorme ! Mais ces changements s’annulent en grande partie au niveau national.

L’effet « calme avant la tempête »

Ryan Burge, professeur à l’Université de Washington à Saint-Louis et expert du paysage religieux américain, propose une interprétation intrigante. Selon lui, cette stabilité depuis 2020 pourrait être « le calme avant la tempête ».

Il fait référence à un précédent historique : entre la fin des années 1980 et le début des années 1990, le pourcentage d’Américains qui s’identifiaient comme chrétiens est tombé de 90 % à environ 80 %, puis est resté stable pendant plus d’une décennie avant de redescendre.

En d’autres termes, les déclins religieux ne se produisent pas toujours de manière linéaire. Parfois, ils se stabilisent pendant un moment avant de reprendre. Burge suggère que nous pourrions vivre un de ces moments de pause avant que le déclin ne reprenne.

Pourquoi cette pause maintenant ? Plusieurs hypothèses circulent. La pandémie a peut-être changé temporairement les comportements religieux. Les gens qui restaient religieux en 2020 sont peut-être ceux qui le resteront quoi qu’il arrive – un « noyau dur » résistant. Ou alors, les chocs culturels et politiques récents ont peut-être solidifié les identités religieuses de manière temporaire.

Mais Burge et d’autres chercheurs pensent que, à long terme, le déclin reprendra probablement. Pourquoi ? À cause de la démographie.

La bombe à retardement démographique

Voici le facteur le plus important pour l’avenir de la religion en Amérique : les générations qui remplacent les anciennes sont beaucoup moins religieuses.

Les Américains de plus de 71 ans sont religieux à 83 %. Quand cette génération disparaîtra (dans les 10-20 prochaines années), elle sera remplacée par les générations actuelles de jeunes adultes, religieux à seulement 55 %.

C’est mathématique. Même si personne ne change d’avis, même si les taux restent parfaitement stables dans chaque groupe d’âge, la composition religieuse de l’Amérique va inévitablement changer. Les religieux vieillissent et meurent, les non-religieux sont jeunes et prennent leur place.

Pensez-y comme à un immeuble où les appartements du haut sont occupés par des croyants et ceux du bas par des non-croyants. Les gens du haut vieillissent et quittent progressivement l’immeuble, tandis que de nouveaux locataires – majoritairement non-croyants – emménagent au rez-de-chaussée. Même si personne ne change d’étage, la composition globale de l’immeuble va évoluer.

À moins – et c’est le grand « à moins » – que quelque chose ne change fondamentalement. À moins que les jeunes générations ne deviennent soudainement plus religieuses en vieillissant, ce qui serait un renversement historique majeur. Ou à moins qu’il y ait une vague massive de conversions, bien plus importante que ce que nous voyons actuellement.

Ce que les jeunes cherchent vraiment

Écoutons attentivement ce que disent les jeunes qui se tournent vers des formes traditionnelles de religion. Ils ne parlent pas de chercher une religion plus « facile » ou plus « confortable ». Au contraire.

Ben Christenson parle de chercher quelque chose qui a « du poids ». Emmanuel Castillo parle de vouloir être « poussé physiquement et mentalement ». Ces hommes recherchent activement la difficulté, le défi, l’exigence.

Dans une société où vous pouvez personnaliser votre café en 47 façons différentes, où Netflix vous demande « Êtes-vous toujours en train de regarder ? » avec inquiétude après trois épisodes, où tout est conçu pour être facile et sans friction, certains jeunes recherchent exactement le contraire.

Ils veulent des liturgies de cinq heures. Ils veulent jeûner 40 jours. Ils veulent des confessions régulières, des prières prescrites, des règles strictes. Pourquoi ? Peut-être parce que l’effort donne du sens. Peut-être parce que dans un monde de choix infinis, des limites claires sont rassurantes. Ou peut-être simplement parce qu’ils ont grandi dans un monde si confortable qu’ils ont soif de quelque chose qui les défie vraiment.

Mais voici le point crucial : même si cette recherche est réelle et profonde pour ceux qui la vivent, elle ne concerne qu’une minorité. La plupart des jeunes ne cherchent pas de liturgies de cinq heures. Ils cherchent plutôt à dormir le dimanche matin après une soirée du samedi.

L’importance (et les limites) du débat théologique en ligne

Un dernier élément fascinant : beaucoup de ces conversions passent par une phase de recherche intellectuelle intense en ligne. Des jeunes hommes lisent Jordan Peterson, puis découvrent les Pères de l’Église. Ils regardent des débats théologiques sur YouTube. Ils participent à des discussions sur Reddit ou d’autres forums.

Internet a démocratisé l’accès à la théologie de haut niveau. Vous pouvez maintenant lire saint Augustin, saint Jean Chrysostome ou saint Thomas d’Aquin gratuitement en ligne. Vous pouvez écouter des prêtres et des théologiens expliquer des concepts complexes. Vous pouvez voir des liturgies orthodoxes, des messes latines, des services anglicans traditionnels sans jamais quitter votre canapé.

Mais il y a un paradoxe. Ces communautés en ligne peuvent aussi devenir des chambres d’écho. Quelqu’un qui regarde une vidéo sur l’orthodoxie verra YouTube lui recommander dix autres vidéos sur l’orthodoxie. Les algorithmes ne montrent pas nécessairement une vision équilibrée. Ils montrent ce qui garde les gens engagés.

De plus, la théologie en ligne peut devenir très abstraite, très intellectualisée. C’est une chose de débattre de la procession du Saint-Esprit dans les commentaires YouTube, c’en est une autre de vivre concrètement sa foi au quotidien avec toutes ses contradictions et ses difficultés.

Alors, y a-t-il un réveil ou pas ?

La réponse honnête : ça dépend de ce que vous entendez par « réveil » et où vous regardez.

Si par « réveil » vous entendez un renversement massif des tendances au niveau national, un retour en masse des jeunes vers la religion, une augmentation du pourcentage d’Américains religieux – alors non, il n’y a pas de réveil. Les chiffres sont clairs là-dessus.

Si par « réveil » vous entendez des poches d’énergie religieuse renouvelée, des communautés en croissance dans certains endroits, un intérêt accru pour des formes traditionnelles de foi chez une minorité de jeunes – alors oui, quelque chose se passe. Ce n’est pas un mythe complet.

Mais attention à ne pas confondre ces deux choses. Des centaines de jeunes hommes qui découvrent l’orthodoxie, c’est significatif pour ces hommes et pour ces paroisses. C’est une vraie transformation de vie. Mais ce n’est pas un changement sociologique majeur au niveau d’un pays de 330 millions d’habitants.

Ce que l’avenir pourrait réserver

Personne ne peut prédire l’avenir avec certitude, mais nous pouvons identifier quelques scénarios possibles.

Scénario 1 : La stabilité continue. Les chiffres restent à peu près où ils sont maintenant. L’Amérique devient ni plus ni moins religieuse pendant encore quelques années, voire une décennie. Les mouvements locaux continuent, mais s’équilibrent au niveau national.

Scénario 2 : Le déclin reprend. Après cette pause de cinq ans, la tendance à la baisse reprend, portée par le remplacement démographique. Dans 20 ans, les Américains religieux pourraient être minoritaires pour la première fois de l’histoire du pays.

Scénario 3 : Un vrai réveil. Contre toute attente statistique, les conversions deviennent suffisamment nombreuses pour changer les tendances nationales. Les jeunes deviennent plus religieux en vieillissant au lieu de moins religieux. C’est le scénario le moins probable selon les données actuelles, mais pas impossible.

Scénario 4 : La polarisation. L’Amérique religieuse se divise en deux camps distincts : d’un côté, une minorité de croyants très engagés et traditionalistes ; de l’autre, une majorité de non-religieux ou de « croyants culturels » peu pratiquants. Le milieu disparaît.

Le plus probable ? Probablement un mélange des scénarios 2 et 4. Une baisse générale avec une polarisation croissante.

Les leçons à tirer

Que pouvons-nous apprendre de tout ça ?

Première leçon : Méfiez-vous des anecdotes. Les histoires personnelles sont puissantes et importantes, mais elles ne remplacent pas les données. Une paroisse qui double de taille fait une bonne histoire, mais ne représente pas forcément une tendance nationale.

Deuxième leçon : Le changement religieux est lent. Les transformations majeures du paysage religieux prennent des générations, pas des années. Ce que nous voyons aujourd’hui est le résultat de tendances qui ont commencé il y a 40 ou 50 ans. Et ce que nous ferons aujourd’hui ne se verra pleinement que dans 40 ou 50 ans.

Troisième leçon : La démographie est le destin. On peut philosopher sur la théologie, débattre sur les réseaux sociaux, écrire des milliers d’articles. Mais au final, ce qui comptera le plus, c’est qui fait des enfants et comment ils les élèvent. Les générations moins religieuses d’aujourd’hui deviendront les adultes de demain.

Quatrième leçon : Les besoins humains ne changent pas. Que ce soit dans l’orthodoxie, le catholicisme traditionnel, ou d’autres formes de foi exigeante, les jeunes qui se convertissent cherchent quelque chose de profond : du sens, de la communauté, des défis, de la structure. Ces besoins sont réels et permanents, même si les façons de les satisfaire évoluent.

Cinquième leçon : L’avenir n’est pas écrit. Les tendances actuelles ne sont pas des lois physiques. Les sociétés peuvent changer de direction. Un réveil spirituel majeur reste théoriquement possible, même si rien dans les données actuelles ne le suggère. L’histoire nous enseigne que les surprises existent.

Regarder au-delà des gros titres

Alors, y a-t-il vraiment un réveil religieux aux États-Unis ? Si vous lisez les gros titres, vous pourriez le croire. Si vous visitez certaines paroisses orthodoxes ou certaines messes latines, vous le verriez de vos yeux. Mais si vous regardez les données nationales avec attention, la réponse est claire : non, il n’y a pas de réveil mesurable au niveau du pays.

Ce qui ne veut pas dire que rien ne se passe. Des histoires individuelles de transformation spirituelle sont réelles et importantes. Des communautés en croissance existent bel et bien. Un intérêt accru pour les formes traditionnelles de foi est observable dans certains milieux.

Mais un réveil, au sens historique du terme – comme le Grand Réveil du 18ᵉ siècle ou le Réveil évangélique du 19ᵉ siècle – se caractérise par des changements massifs et mesurables qui touchent toute la société. Ce n’est pas ce que nous voyons aujourd’hui.

Ce que nous vivons est plus subtil : une stabilisation après des décennies de déclin, avec des poches de vitalité religieuse dans un océan de sécularisation continue. C’est moins spectaculaire qu’un réveil, mais peut-être plus intéressant à étudier. Parce que ça nous dit quelque chose sur notre époque : dans une société de plus en plus sécularisée, certains cherchent exactement le contraire. Et ça, c’est fascinant.

L’avenir dira si cette stabilité est temporaire – un simple répit dans un long déclin – ou le début de quelque chose de nouveau. Pour l’instant, la seule certitude est que la réalité est plus complexe que les gros titres ne le suggèrent. Elle l’est toujours.

Équipe Via Bible
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