L’espérance véritable : pourquoi l’Avent nous apprend à attendre autrement

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Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi nous attendons ? Pas simplement patienter dans une file d’attente ou espérer une promotion, mais vraiment attendre quelque chose qui change tout. L’Avent chrétien nous invite à redécouvrir cet art oublié : transformer l’attente en chemin intérieur, l’espoir vague en espérance concrète.

Dans un monde saturé de promesses de bonheur instantané, l’Avent propose un paradoxe : accepter de ne pas tout maîtriser pour s’ouvrir à l’inattendu. Cette période liturgique nous reconnecte à une sagesse millénaire portée par les prophètes, tout en démasquant les fausses espérances qui nous épuisent.

Les prophètes de l’Avent : une espérance ancrée dans le réel

Des messagers pour des temps difficiles

Isaïe, Michée, Jérémie, Jean-Baptiste : ces noms résonnent dans nos célébrations de l’Avent. Mais qui étaient vraiment ces prophètes ? Pas des diseuses de bonne aventure ni des vendeurs de rêves. Ils parlaient à des peuples éprouvés, dispersés, découragés. Leur contexte ? L’exil, l’invasion, la destruction du Temple, la perte d’identité nationale.

Prenez Isaïe. Il prophétise pendant que l’Assyrie menace Jérusalem. Son peuple vit dans la peur constante. Michée observe les injustices sociales qui déchirent Israël. Jérémie annonce la chute de Jérusalem à des gens qui refusent de l’entendre. Jean-Baptiste prêche dans un désert, littéral et spirituel, à une génération sous occupation romaine.

Aucun d’eux n’offrait d’espérance abstraite ou de pensée magique. Leur message ? Une présence allait venir. Un Messie. Une restauration. Mais pas comme on l’imaginait.

Jean-Baptiste : prophète de malheur ou d’espérance ?

Jean-Baptiste est fascinant. Vêtu de poils de chameau, mangeant des sauterelles, criant « Repentez-vous ! » dans le désert. Sympathique ? Pas vraiment. Prophète de malheur ? C’est tentant de le penser.

Pourtant, regardez de plus près. Son monde allait s’écrouler. Jérusalem serait envahie par les Romains en l’an 70. Le Temple serait détruit. Avait-il tort ? Non. Il voyait juste.

Mais voici la clé : cette destruction engendrerait le monde chrétien, promis à un bel avenir. Jean annonçait une fin pour préparer un commencement. Comme un chirurgien qui doit couper pour guérir.

Son monde enchanté n’était pas celui d’un Dieu qui règle tous nos problèmes comme un dépanneur cosmique. C’était celui d’un Dieu qui transforme nos ruines en fondations.

La Promesse divine : concrète, pas abstraite

Les prophètes ne vendaient pas du positivisme facile. Isaïe parle d’un « rameau qui surgit de la souche de Jessé » – une image de renaissance après la coupe, pas d’absence de souffrance. Il annonce « la lumière sur le peuple qui marchait dans les ténèbres » – reconnaissant d’abord l’obscurité.

Michée prophétise que de Bethléem, « trop petite parmi les clans de Juda », sortira le chef d’Israël. La petitesse devient lieu de grandeur.

Cette Parole prophétique s’appelle Promesse divine. Pas un vœu pieux, mais un engagement de Dieu dans l’histoire réelle. Les prophètes invitaient à une conversion du regard : voir les germes du salut là où tout semble perdu.

Imaginez. Vous êtes en exil à Babylone. Votre pays est détruit, votre temple en ruines. Et Jérémie vous écrit : « J’ai pour vous des projets de paix et non de malheur, pour vous donner un avenir et une espérance. » (Jr 29, 11) Folie ? Non. Foi.

Les mirages de l’espérance moderne

Le Progrès : le prophète déçu des Lumières

On a beaucoup espéré du Progrès. Les philosophes des Lumières l’annonçaient : la science et la raison éradiqueraient la misère, arrêteraient les conflits, supprimeraient les inégalités. Le futur serait forcément meilleur que le passé.

Cette croyance a structuré deux siècles de pensée occidentale. Mais regardez autour de vous. Les guerres ont-elles disparu ? La pauvreté ? Les injustices ? Le XXe siècle, siècle du Progrès scientifique maximal, a aussi été celui des totalitarismes, de la Shoah, des génocides, des guerres mondiales.

Le Progrès technique n’a pas produit le progrès moral promis. Nous avons des smartphones incroyables et des solitudes abyssales. Nous pouvons communiquer instantanément avec le monde entier et ne savons plus parler à notre voisin de palier.

Science et technologie : les nouveaux sauveurs ?

Aujourd’hui, cette espérance s’est recyclée. La science et la technologie, dit-on, arriveront à tout contrôler et à tout améliorer. Le libéralisme économique promet la prospérité pour tous via le marché libre. Le transhumanisme annonce la fin de la maladie, du vieillissement, peut-être de la mort elle-même.

Soyons clairs : la science et la technologie sont des merveilles. Elles ont éliminé des maladies, facilité la vie, élargi nos horizons. Mais peuvent-elles répondre aux questions essentielles ? Qu’est-ce qu’une vie bonne ? Comment aimer vraiment ? Que faire de notre finitude ?

Un exemple concret : vous pouvez avoir la meilleure intelligence artificielle pour optimiser votre agenda, mais elle ne vous dira pas si vous consacrez votre temps aux bonnes personnes.

Le bonheur comme absence de souffrance

Il est ancien de penser que le bonheur est quiétude et consiste à ne plus souffrir. Le stoïcisme antique enseignait l’ataraxie – l’absence de trouble. Le bouddhisme vise le nirvana – l’extinction du désir et donc de la souffrance.

Noble ? Oui. Complet ? Discutable. Cette vision fait de la vie un problème à résoudre, de l’existence une douleur à anesthésier. Mais la joie chrétienne n’est pas absence de souffrance. Elle peut coexister avec elle.

Pensez à une mère qui accouche. La douleur est réelle, intense. Pourtant, quand elle tient son enfant, elle dit souvent : « Je referais tout ça. » Pourquoi ? Parce que certaines souffrances sont fécondes. Elles créent, transforment, font naître du nouveau.

Le piège du matérialisme

La sagesse populaire est persuadée que le bien matériel apporte le plaisir et la paix. Plus d’argent = plus de bonheur. Plus de possessions = plus de sécurité. Plus de confort = plus de satisfaction.

Vraiment ? Combien de personnes riches sont malheureuses ? Combien de célébrités avec tout le confort possible sombrent dans la dépression ? Le suicide touche autant (parfois plus) les pays riches que les pays pauvres.

Le matérialisme offre une promesse simple : « Achète ceci, tu seras heureux. » Mais c’est une promesse à crédit qui ne se rembourse jamais. Il y a toujours un nouveau produit, une nouvelle envie, un nouveau manque.

L’amour romantique : le bonheur conjugal garanti ?

Et l’amour romantique serait le seul à assurer le bonheur conjugal. Cette croyance moderne est puissante. Trouvez votre « âme sœur », ressentez le coup de foudre, et vous vivrez heureux pour toujours.

Le résultat ? Des attentes impossibles. Des divorces quand la passion s’estompe. Une quête perpétuelle du partenaire « parfait » qui n’existe pas. L’amour véritable n’est pas un état permanent d’euphorie romantique. C’est un choix quotidien, un engagement, une construction patiente.

Demandez à des couples mariés depuis 50 ans. Ils ne vous parleront pas de papillons éternels dans le ventre. Ils vous parleront de fidélité dans les moments difficiles, de pardon répété, de croissance mutuelle.

Alors, où sont les vrais prophètes ?

Face à ces fausses espérances, le Psaume 4 pose la question juste : « Qui nous fera voir le bonheur ? » (Ps 4, 6)

La réponse du psalmiste : seul le Seigneur « fait lever sur nous la lumière de sa face, met en notre cœur la joie… et nous établit en sureté. »

Pas une formule magique. Une relation. Pas une possession. Une présence. Pas un avoir. Un être.

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L’art d’attendre : transformer l’attente en fécondité

Redéfinir l’espérance

Quelle est la vraie définition de l’espérance chrétienne ? Pas un optimisme béat, ce sourire forcé qui nie les problèmes. Pas un positivisme naïf qui prétend que « tout ira bien » sans raison.

L’espérance, c’est le courage et la confiance en Dieu, maître de l’histoire et des cœurs. C’est croire que Dieu est à l’œuvre même quand nous ne voyons rien. C’est tenir bon quand tout semble s’écrouler.

Prenons un exemple actuel. « Il n’y avait pas grand monde à la crèche de Bethléem ? Ils seront des foules à Jérusalem ! » Cette logique de l’Évangile renverse nos inquiétudes.

Vous manquez de prêtres dans votre paroisse ? « Il y en a assez pour les croyants du petit reste que nous sommes et il en aura de nouveaux pour les nombreux croyants de demain. » L’espérance ne nie pas la réalité présente, elle la lit avec les yeux de Dieu.

Quitter les faux dieux

L’espérance exige un renoncement. Quittons l’espoir en l’Homme et ses prophéties pour s’abandonner au Christ, et renonçons aux faux dieux.

Quels faux dieux ? Celui du Progrès inéluctable. Celui de la Technologie salvatrice. Celui du Matérialisme rassurant. Celui de l’Amour romantique sauveur. Celui du Confort permanent.

Ce ne sont pas de mauvaises choses en soi. Mais érigées en absolus, en sources ultimes de sens, elles deviennent des idoles qui déçoivent.

Éviter les pièges de la tentation

Face aux difficultés, plusieurs tentations guettent :

La nostalgie paralysante. Certains voudraient revenir en arrière dans les délices de la nostalgie qui cachent le poison du découragement. « C’était mieux avant. » Vraiment ? Ou est-ce que nous idéalisons un passé qui avait ses propres problèmes ?

La nostalgie regarde en arrière. L’espérance regarde en avant. La nostalgie dit : « Retrouvons ce que nous avons perdu. » L’espérance dit : « Accueillons ce qui vient. »

La violence réactive. Comme Pierre à Gethsémani qui dégaine son épée et coupe l’oreille du serviteur du grand prêtre, certains prônent la violence de l’épée. Mais Jésus remet l’oreille en place et dit à Pierre : « Remets ton épée à sa place. »

La violence réactive vient de la peur. L’espérance vient de la foi. La violence veut imposer. L’espérance propose.

La victimisation complaisante. D’autres se victimisent et rêvent de martyre, pour émouvoir l’ennemi, mais le mal ne peut être notre légitimité.

Se complaire dans le rôle de victime, c’est donner au mal un pouvoir qu’il ne mérite pas. L’espérance chrétienne ne nie pas les persécutions réelles, mais elle refuse d’en faire une identité.

L’attente comme espace fertile

L’attente est souvent vécue comme une frustration. Vous attendez une réponse médicale. Vous attendez que votre enfant trouve sa voie. Vous attendez qu’une relation se répare. Vous attendez de comprendre le sens de votre vie.

L’Avent propose une autre manière de comprendre l’attente : un espace fertile, un lieu de transformation, un utérus qui prépare la vie.

Pensez à une graine plantée. Elle attend dans la terre. Rien ne se voit. Mais tout se passe. Les racines se forment, la tige se prépare, la vie s’organise. L’attente n’est pas vide. Elle est pleine d’une activité invisible.

Quand nous acceptons de ne pas tout maîtriser, un espace s’ouvre en nous pour accueillir l’inattendu. C’est exactement ce que vit Marie lors de l’Annonciation. Elle ne maîtrise pas. Elle accueille. « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole. »

Se tenir ouvert

L’espérance devient alors le geste de se tenir ouvert, sans savoir exactement ce qui viendra. Pas de garanties. Pas de plan détaillé. Juste une confiance.

C’est se préparer intérieurement à accueillir du neuf, à laisser mûrir en soi un désir, non pas d’avoir, mais d’être davantage.

Notez la différence :

  • Avoir plus = acquérir des choses externes
  • Être davantage = se transformer intérieurement

L’Avent nous invite au second. Pas « qu’est-ce que je vais recevoir à Noël ? » mais « qui vais-je devenir pour accueillir le Christ ? »

L’exemple de la femme enceinte

La femme enceinte peut être occupée mais non préoccupée, prête à souffrir mais pour donner la vie.

Voilà une image puissante de l’espérance. Une femme enceinte vit dans l’attente. Elle sait qu’un accouchement approche. Elle sait que ce sera douloureux. Mais elle n’est pas paralysée par la peur. Pourquoi ?

Parce que cette souffrance a un sens. Elle mène à la vie. Elle n’est pas absurde. Elle est féconde.

De même, l’Avent nous prépare à un « accouchement » spirituel. Il y aura peut-être des douleurs de croissance, des renoncements, des nuits obscures. Mais tout cela prépare une naissance.

Attendre avec Marie et Joseph

Attendons avec Marie et Joseph cet enfant dont ils ne connaissent que le sexe et le nom, comme tous les parents de la terre.

C’est magnifique quand on y pense. Marie et Joseph sont dans une situation très ordinaire à certains égards. Ils attendent un bébé. Ils connaissent son sexe (garçon). Ils connaissent son nom (Jésus). Mais ils ne savent pas à quoi il ressemblera, comment il grandira, quelle sera sa personnalité.

Pourtant, au milieu d’un monde qui ne la connaissait pas, ils étaient habités par une sacrée Promesse !

Aucun panneau lumineux dans le ciel pour les gens de Nazareth. Aucune annonce publique. Juste deux personnes ordinaires portant l’extraordinaire dans le secret de leur cœur.

C’est peut-être ça, l’espérance chrétienne : porter l’extraordinaire dans l’ordinaire. Vivre habité par une Promesse que le monde ne voit pas encore.

Les grandes images prophétiques

L’Avent nous offre des images prophétiques puissantes :

Le rameau qui surgit. De la souche coupée, morte en apparence, jaillit une nouvelle branche. La vie n’est pas finie. Elle se renouvelle.

La lumière sur le peuple qui marchait dans les ténèbres. Reconnaissance de l’obscurité, mais annonce de la lumière. Pas « faisons comme si tout allait bien », mais « une lumière vient ».

La paix messianique à construire. Pas une paix déjà toute faite, tombée du ciel. Une paix à construire, projet commun, engagement collectif.

Ces images invitent à une conversion du regard : voir les germes du salut là où tout semble perdu. C’est l’art du prophète. C’est l’art de l’espérance.

Un défi pour aujourd’hui

Vous voyez trop de musulmans autour de vous et cela vous inquiète ? Retournement prophétique : « Ils sont là pour découvrir le Christ que nous leur présenterons et seront peut-être les nouveaux prophètes ! »

Pas de la naïveté. De l’espérance. Pas du déni des tensions réelles. Une vision transformée par la foi.

L’espérance chrétienne ne ferme pas les yeux sur les défis. Elle les regarde avec les yeux du Christ. Elle voit des opportunités là où d’autres voient des menaces. Elle voit des frères là où d’autres voient des étrangers.

L’attente transformée

L’art d’attendre est de transformer l’attente en chemin intérieur. Pas subir passivement. Pas s’agiter frénétiquement. Mais habiter activement le temps de l’attente.

Concrètement, comment ?

  1. Accepter le mystère. Vous ne savez pas tout. C’est normal. C’est humain. C’est même nécessaire pour que Dieu ait de l’espace pour agir.
  2. Cultiver le désir. Pas la convoitise d’avoir toujours plus. Le désir profond d’être davantage conforme au Christ, plus aimant, plus libre, plus vivant.
  3. Vivre le présent. L’attente n’est pas une parenthèse vide entre « maintenant » et « enfin ». C’est un temps riche, un lieu de croissance, un laboratoire de la foi.
  4. Rester ouvert. Dieu vient souvent autrement que prévu. Attendez-vous à être surpris. Préparez-vous à accueillir l’inattendu.
  5. Faire confiance. Même dans l’obscurité. Même quand vous ne comprenez pas. Même quand ça ne va pas comme vous vouliez.

L’Avent n’est pas une simple période de préparation à Noël, comme on prépare une fête. C’est une école de l’espérance, un apprentissage de l’attente féconde, une initiation au mystère de la Promesse divine.

Dans un monde saturé de fausses espérances – le Progrès qui déçoit, la technologie qui ne sauve pas, le matérialisme qui n’apaise pas, l’amour romantique qui ne suffit pas – l’Avent nous reconnecte à la source véritable.

Cette source, c’est la foi en un Dieu qui s’engage dans l’histoire, qui tient ses promesses, qui fait surgir la vie de la mort, la lumière des ténèbres, l’espérance du désespoir.

Les prophètes nous l’ont montré. Jean-Baptiste nous l’a crié. Marie et Joseph nous l’ont incarné. À nous maintenant de vivre cette espérance, de la laisser transformer notre attente en chemin intérieur, notre frustration en fécondité, notre peur en confiance.

Car voici le secret de l’Avent : ce n’est pas nous qui attendons Dieu. C’est Dieu qui attend que nous lui ouvrions la porte. Il frappe. Il attend. Il espère. Il nous fait confiance pour l’accueillir.

Alors, en cet Avent, posez-vous cette question : qu’est-ce qui doit « accoucher » en vous ? Quel renouveau germe dans le secret de votre cœur ? Quelle promesse portez-vous sans que le monde autour la voie encore ?

L’attente n’est pas vide. Elle est pleine d’une vie qui se prépare. Comme Marie, laissez-la vous transformer. Comme Joseph, tenez bon dans le doute. Comme les prophètes, gardez les yeux fixés sur la Promesse.

Le Christ vient. Il est déjà là. Il viendra encore. Entre ces trois venues, l’Avent nous apprend à attendre autrement : non pas en comptant les jours, mais en laissant les jours nous compter, nous former, nous préparer à l’accueil du Tout-Autre dans l’ordinaire de nos vies.

Bon Avent. Bonne attente !

Équipe Via Bible
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