L’Évangile selon saint Jean commenté verset par verset

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CHAPITRE 10

Jean 10.1 « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui n’entre pas par la porte dans la bergerie, mais qui y monte par ailleurs, est un voleur et un brigand. – Allégorie, et non parabole, ainsi qu’on le dit trop souvent d’une manière inexacte. La parabole suppose une narration fictive ; dans l’allégorie la figure est plus simplement et plus directement exposée, et l’application se fait aussitôt comme d’elle‑même. Le quatrième évangile ne contient pas une seule parabole proprement dite ; bien plus, S. Jean n’emploie jamais le mot παραδολή. Voyez la note sous Matth. début du chap. 13. En revanche, seul il expose tout au long deux allégories de N.-S. Jésus‑Christ ; ici celle du bon berger, plus loin (chap. 15) celle de la vigne. Toutefois, cette image du berger nous a déjà été plusieurs fois présentée dans les autres évangiles pour décrire la conduite de N.-S. Jésus‑Christ envers les âmes, cf. Matth. 9, 36 ; 15, 24 ; 18, 12-13 ; Luc. 15, 4-7. Elle n’est pas moins familière aux écrits de l’Ancien Testament, où Dieu est souvent mentionné comme le berger dévoué d’Israël. Voyez surtout Ps. 22, Ézéchiel 34, Zacharie 11, etc. – Le vrai début de ce nouveau chapitre serait à 9, 39, selon la juste réflexion de Maldonat ; mais on a voulu, par la division actuelle, attirer davantage l’attention sur l’allégorie du Bon berger. – En vérité, en vérité. Cette double affirmation, propre au style de S. Jean, introduit comme toujours une idée importante. Jamais on ne la trouve au commencement d’un discours ; aussi n’avons‑nous ici, comme il vient d’être dit, que la continuation de 9, 39-41, cf. 10, 21, où les auditeurs établissent eux‑mêmes l’enchaînement. – Je vous le dis. Jésus s’adresse aux Pharisiens, cf. 9, 40-41. A ces « guides aveugles » (Matth. 23, 16), qui égaraient le troupeau de Dieu, Notre‑Seigneur oppose le portrait du vrai berger. – Celui qui n’entre pas par la porte… Nous aurons bientôt l’explication authentique de ce premier trait de l’allégorie (vv. 7 et 9). – Dans la bergerie, εἰς τὴν αὐλὴν τῶν προβάτων (avec deux articles qui supposent un bercail et un troupeau bien connus). Le mot grec αὐλὴν désigne une de ces bergeries en plein air si fréquentes en Orient. C’est un espace plus ou moins considérable, qu’entoure un mur en pierres ou une palissade ; au fond de la cour se trouve habituellement une petite étable basse, fermée d’un seul côté, sous laquelle les brebis peuvent s’abriter un peu, cf. Nombres 31, 16 ; 1 Samuel, 24, 4 ; Luc. 2, 8. Les troupeaux y sont renfermés durant la nuit. – Mais qui y monte par ailleurs(ἀλλαχόθεν,ici seulement dans le Nouveau Testament). Ailleurs que par la véritable entrée, c’est-à-dire en escaladant les murs, à la manière des voleurs, qui évitent d’ordinaire la porte avec un grand soin, craignant d’être surpris par le gardien (v. 31). Ainsi faisaient les Pharisiens. – Celui, ἐκεῖνος, reprend le sujet avec emphase, selon le genre de notre évangéliste, cf. 1, 18, 33 ; 5, 11, 39 ; 6, 57, etc. – Est un voleur et un brigand, κλέπτης ἐστὶν καὶ λῃστής. Les deux expressions sont associées pour renforcer l’idée ; de plus, elles sont mises en gradation ascendante. Le κλέπτης n’est qu’un vulgaire voleur, dont l’art consiste surtout à employer la ruse (12, 6 ; 1 Thessaloniciens 5, 2 et ss.) ; le λῃστής est un brigand qui aime la violence brutale (18, 40 ; Matth. 26, 55). 

Jean 10.2 Mais celui qui entre par la porte est le berger des brebis. – Beau contraste. Le bon berger entre par la porte, lui seul est autorisé à entrer, cf. v. 9. – Le berger des brebis. Dans le grec, il n’y a pas d’article devant ποιμήν. La pensée est générale : un berger de brebis. Voilà donc le signe distinctif du vrai berger : il entre par la porte dans la bergerie. Mais comme Jésus lui‑même est cette porte (vv. 7 et 9), au moral cela signifiera la nécessité d’une vocation vraiment divine pour devenir berger des âmes. Entrer dans le sacerdoce sans vocation, c’est escalader par un autre endroit, à la façon du voleur et du bandit.

Jean 10.3 C’est à lui que le portier ouvre et les brebis entendent sa voix, il appelle par leur nom ses brebis et il les mène aux pâturages. – Ce verset et le suivant décrivent la conduite du bon berger. – Celui‑ci (Τούτῳ) est fortement accentué. – Le portier ouvre. Ce portier est le gardien laissé la nuit auprès des brebis pour les défendre. Naturellement, il n’ouvre la porte qu’à bon escient. Qui représente‑il dans l’application de l’allégorie ? C’est le seul point sur lequel les exégètes ne soient pas d’accord. Dieu, selon les uns ; mais ce serait peu naturel et peu digne : Dieu est le propriétaire du bercail, et non un humble θυρωρὸς. Selon d’autres, Moïse ou Jean‑Baptiste : le premier parce qu’il donna la Loi, laquelle conduit au Christ (Galates 3, 24) ; le second en sa qualité de Précurseur. Peut-être est‑il mieux de négliger ce détail, comme accessoire et simple ornement : nous préférons ce sentiment de divers commentateurs. – Description de ce qui se passe entre les brebis et le berger : elles le reconnaissent à l’instant, il les appelle lui‑même, et les conduit à de bons pâturages. 1° Les brebis entendent sa voix : l’entendant tous les jours, elles savent le distinguer entre cent autres, au seul son de sa voix. – 2° Ses brebis(B, D, L ajoutent παντα, « toutes »)… D’ordinaire, en Orient, plusieurs troupeaux, appartenant à divers propriétaires et confiés à plusieurs bergers, sont réunis le soir dans une même bergerie ; le matin chaque berger vient prendre ses brebis spéciales : de là ιδια mis en avant. – Il appelle… ( φωνει :d’après א, A, B, D, L ; καλεῖ dans la Recepta) par leur nom(κατ’ ὄνομα, « chacune par son nom » ). Trait délicat, car il marque ici la connaissance intime et une vraie affection, cf. Exode 33, 12, 17 ; Isaïe 43, 6 ; 45, 3 ; 49, 9 ; Apocalypse 3, 5. En outre, fait historique, attesté tout ensemble par la Bible et par les classiques. Corrippus : « Il rassemble ses agneaux en un seul troupeau, en les appelant par leur nom ». Longus, 4 : τους αιγασ προσειπε και τους τραγους εκαλεσεν ονομαστι, cf. Théocrite, v. 102. – 3° Et il les mène aux pâturages(εξαγει). Il les fait sortir du bercail, pour les mener au pâturage.

Jean 10.4 Quand il a fait sortir toutes ses brebis, il marche devant elles et les brebis le suivent, parce qu’elles connaissent sa voix. – Tableau plein de charmes et pittoresque, encore plus beau quand il se réalise au moral. – Il a fait sortir toutes ses brebis, ἐκβάλῃ : expression étonnante au premier regard, car elle dépeignait plus haut (9, 34, 35) la violence des Pharisiens envers l’aveugle guéri par Jésus : elle est exacte, pourtant, puisqu’il faut toujours presser un troupeau de brebis pour le faire sortir du bercail et le conduire ; ici, d’ailleurs, elle ne suppose rien de brutal. – Il marche devant elles. Détail graphique. C’est le genre oriental ; les bergers précèdent leur troupeau plutôt qu’ils ne le suivent. Le berger spirituel doit de même précéder ses ouailles par les exemples parfaits qu’il leur donne. – Les brebis le suivent :avec une grande docilité. Cela, du reste, leur est facile, parce qu’elles connaissent sa voix(οἴδασιν au pluriel, quoique ἀκούει au v. 3 et ἀκολουθεῖ fussent au singulier). « Connaître » dit plus que « entendre » du v. 3. « Tandis que nous prenions notre repas, raconte un voyageur du XIXème siècle en Palestine, les silencieuses collines qui nous entouraient se remplirent tout à coup de bruit et de mouvement. Les bergers faisaient sortir leurs troupeaux des portes de la cité. La scène était parfaitement visible, et nous regardions et nous écoutions avec un vif intérêt. Des milliers de brebis et de chèvres étaient là, groupées en masses denses et confuses. Les bergers se tinrent groupés ensemble jusqu’à ce qu’elles fussent toutes sorties. Alors ils se séparèrent, prenant chacun un sentier différent, et poussant, tout en continuant d’avancer, un cri aigu d’un genre particulier. Les brebis les entendirent. D’abord les masses s’agitèrent comme si quelque émotion les guidait ; puis des pointes se formèrent dans les directions prises par les bergers ; ces pointes devinrent de plus en plus allongées, jusqu’à ce que les masses confuses eussent été séparées en des flots vivants, qui coulaient à la suite de leurs guides. Ce spectacle n’était pas nouveau pour moi, mais il n’avait rien perdu de son premier intérêt. C’était peut-être l’une des illustrations les plus nettes que des yeux humains pussent contempler de ce magnifique discours du Sauveur rapporté par S. Jean ».

Jean 10. 5 Elles ne suivront pas un étranger, mais elles le fuiront, parce qu’elles ne connaissent pas la voix des étrangers. » Elles ne suivront pas un étranger (même opposition qu’au v. 2). La négation est très forte dans le texte grec, ou l’on remarque aussi l’emploi du futur : οὐ μὴ ἀκολουθήσωσιν, jamais elles ne le suivront, cf. 4, 14, 48 ; 6, 35, 37 ; 8, 12, 51, 52, etc. Et pourtant cet étranger n’est pas ici nécessairement un voleur ; mais il n’est pas le berger, et les brebis sont inquiètes, et elles le fuiront (encore le futur dans le grec, και φεύξονται). – Car elles ne connaissent pas la voix des étrangers, cf. v. 4. En Orient, le berger rappelle de temps en temps aux brebis sa présence en poussant un cri aigu. Elles connaissent sa voix et le suivent ; mais si un étranger pousse ce même cri, elles s’arrêtent net et lèvent la tête avec alarme : si ce cri est répété, elles se retournent et prennent la fuite, car elles ne connaissent pas la voix d’un étranger. Cela n’est pas un ornement d’imagination dans l’allégorie ; c’est un simple fait. On raconte, qu’au XIXème siècle, un Écossais qui visitait la Palestine changea d’habits avec un berger de Jérusalem, et essaya d’entraîner les brebis à sa suite. Mais le troupeau se mit à suivre la voix du vrai berger, non ses habits.

Jean 10.6 Jésus leur dit cette allégorie, mais ils ne comprirent pas de quoi il leur parlait. – Note explicative de l’évangéliste. Elle ménage une transition de la figure à la réalité. – Cette allégorie, Ταύτην τὴν παροιμίαν. Le mot παροιμίαν, employé quatre fois seulement dans le Nouveau Testament (ici ; 16, 25, 29 et 2 Pierre 2, 22), désigne d’après l’étymologie une chose qui se trouve « à côté du chemin » (παρα et οιμος), par conséquent un langage figuré, symbolique. Il équivaut à l’hébreu לשמ (maschal). – Jésus leur dit : aux Pharisiens mentionnés plus haut, 9, 40-41. – Mais ils(avec insistance sur le pronom) ne comprirent pas… Dans le grec : τίνα ἦν ἃ ἐλάλει αὐτοῖς, « ce que c’était qu’il leur disait ». Ils ne comprirent donc pas le sens de l’allégorie. Comment ces hommes orgueilleux auraient‑ils reconnu leur portrait dans la conduite des voleurs qui ravagent le bercail ?

Jean 10.7 Jésus donc leur dit encore : « En vérité, en vérité, je vous le dis, je suis la porte des brebis. -Puisqu’ils n’ont pas compris, Jésus va développer et expliquer sa. pensée par une application directe, du moins en ce qui le concerne personnellement ; car il évitera de nouveau toute allusion explicite à leur propre conduite. Cette application porte sur deux points principaux : vv. 7-10, la porte de la bergerie ; vv. 11-16, le bon berger. – 1° La porte de la bergerie. Ce passage correspond aux versets 1-3. L’assertion majestueuse En vérité, en vérité je vous le disannonce comme de coutume un progrès dans la marche des pensées. – Je suis. Le pronom est très accentué. C’est moi qui suis… – La porte des brebis, ἡ θύρα τῶν προβάτων. Deux interprétations sont possibles et ont de tout temps partagé les exégètes : la porte par laquelle passent les brebis ; ou, la porte par laquelle on arrive auprès d’elles. Le contexte nous paraît favoriser davantage ce second sens, cf. vv. 1, 2, 3, 8.

Jean 10.8 Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des brigands, mais les brebis ne les ont pas écoutés. – Tous ceux qui sont venus(Πάντες ὅσοι) : tous, sans aucune exception. C’est en outre une expression pittoresque, qui nous montre les faux bergers arrivant l’un après l’autre à la bergerie pour la dévaster, cf. 1, 12 et le commentaire. Les plus anciens manuscrits grecs ajoutent προ εμου, avant moi. – Ce passage n’est pas sans quelque difficulté ; car, à première vue et si on le prenait absolument à la lettre, il semblerait condamner tous les anciens envoyés de Dieu sous l’Ancien Testament : patriarches, prophètes, Jean‑Baptiste lui‑même. Aussi les gnostiques en abusaient‑ils à leur façon ordinaire, prétendant qu’il était « antinomique », directement opposé à la théocratie. De là la suppression du mot « tous » par quelques copistes qu’avait embarrassés cette objection. Mais il est bien évident qu’il faut restreindre le fait en question à l’époque même de N.-S. Jésus‑Christ : Πάντες ne désigne donc que les Pharisiens et leurs semblables. – Sont des voleurs et des brigands(même expression qu’au v. 1). L’emploi du temps présent confirme ce que nous venons de dire. Du reste, au v. 16, le troupeau figure également la génération actuelle, et rien ne nous invite à remonter en arrière dans le cours de l’histoire juive. – Et les brebis ne les ont pas écoutés. Ils étaient pour elles des étrangers qu’elles redoutaient, cf. v. 5.

Jean 10.9 Je suis la porte : si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé, il entrera et il sortira et il trouvera des pâturages. Je suis la porte. Répétition emphatique (cf. v. 7), avec un commentaire cette fois. La suppression des mots « des brebis » ouvre en même temps de plus larges horizons. – On trouve, dans les écrivains les plus anciens de l’ère chrétienne, des allusions intéressantes à ce passage. Saint Ignace, Ep. ad Philad. 9 : αυτος ων θυρα του Πατρος (cf. Apocalypse 3, 8) ; Hégésippe, ap. Euseb. Histoire Ecclésiastique 2, 23, 8 : τις η θυρα του ’Ιησου ; Hermas, Le Pasteur, Similitude 9, 12 : η πυλη ο υιος του Θεου εστι. – Par moi est en avant, comme portant l’idée principale. – Si quelqu’un entre. « Siquelqu’un», qui que ce soit, pourvu qu’il remplisse la condition voulue ; aucune limite n’est tracée, cf. 6, 51 ; 8, 51, etc. Mais les commentateurs sont encore partagés pour savoir s’il s’agit des bergers ou des brebis. S. Augustin applique la parole de Jésus tout à la fois à celles‑ci et à ceux‑là. L’analogie des versets 1, 2et 8 est plus favorable aux bergers ; mais la fin du v. 9 convient davantage aux brebis, qui nous paraissent avoir occupé la place principale dans la pensée de Jésus. – Il sera sauvé : elles échapperont aux dangers extérieurs qui menacent un troupeau, v. 9. Mais il est bien évident qu’il est surtout question du salut dans le sens technique, c’est-à-dire du salut éternel. – Il entrera, et il sortira. Détails pittoresques. C’est du reste un hébraïsme fréquent dans les saints Livres, pour exprimer une parfaite liberté d’action et une grande sécurité dans les démarches, cf. Nombres 27, 17 ; Deutéronome 28, 6, 19 ; 31, 2 ; 1 Samuel, 18, 16 ; 29, 6 ; Ps. 120, 8 ; Actes 1, 21, etc. – Et il trouvera des pâturages… Ainsi donc, la sécurité, la liberté, la subsistance : tout ce qu’il faut pour être heureux.

Jean 10.10 Le voleur ne vient que pour dérober, égorger et détruire, moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie et qu’elles soient dans l’abondance.Le voleur ne vient (au présent, ερχεται). Le v. 9 expliquait le v. 2 ; celui‑ci nous ramène au v. 1. – Que pour dérober, égorger et détruire. Terrible gradation : le vol, l’immolation, la destruction totale du troupeau. – Mais aussi, admirable antithèse : Moi(accentué) je suis venu pour que les brebis aient la vie. La conduite des mauvais bergers a pour mobile l’égoïsme le plus brutal, et elle ne sait produire que la ruine ; la conduite du bon berger est basée sur le plus généreux dévouement : le résultat, c’est la vie ; le bonheur. – Les mots et qu’elles soient dans l’abondance sont souvent rattachés à la proposition qui précède (« pour qu’elles aient la vie ») comme un qualificatif : Je suis venu pour qu’elles aient la vie, et qu’elles l’aient plus abondamment. Mais, à la suite de S. Cyrille et de nombreux exégètes, nous croyons qu’il est mieux de les interpréter à part ; car, d’après le texte grec, ils sont complets en eux‑mêmes et expriment une idée nouvelle, indépendante. La locution περισσὸν ἔχωσιν (au positif, et non pas au comparatif signifie « avoir du superflu », cf. 2 Corinthiens 9, 1. Jésus affirme donc ici qu’il donne à ses brebis et la vie, et l’abondance de tous les biens en général.

Jean 10.11 Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis. – 2° Le bon berger, vv. 11-18. Deux qualités spéciales du berger sont d’abord relevées : son admirable esprit de sacrifice, vv. 10-13 ; la parfaite connaissance qu’il a de ses brebis, vv. 14-16. Les versets 17 et 18 montrent l’union intime qui existe entre le bon berger et son Père céleste. – Je suis (même emphase que précédemment) le bon berger : ὁ ποιμὴν ὁ καλὸς, avec deux articles, « C’est comme s’il disait : il est l’unique, le promis, le seul vrai berger », Maldonat, cf. v. 8. La formule suppose en effet l’existence d’autres bergers, qui ne peuvent remplir qu’imparfaitement l’œuvre accomplie par Jésus d’une manière si adéquate. Remarquez le choix de l’épithète καλὸς, que nous ne saurions traduire en un seul mot, car elle réunit les concepts de beauté, de bonté, de noblesse. Elle dit beaucoup plus que αγαθος. Donc N.-S. Jésus‑Christ est un berger parfait : et nous allons voir en quoi consiste son admirable perfection. – Le bon berger(de nouveau ὁ ποιμὴν ὁ καλὸς) donne sa vieLa leçon grecque la mieux autorisée est τίθησιν, « dépose », comme aux vv. 15, 17 et 18, cf. aussi 13, 37, 38 ; 15, 13 ; 1 Jean 3, 16. « Déposer sa vie » marque mieux l’aspect libre et volontaire du sacrifice. Ce sacrifice, le plus généreux qui se puisse accomplir, caractérise si bien le bon berger, qu’on le signale coup sur coup jusqu’à cinq fois dans les vv. 11-18. – Pour (ὑπὲρ, pour l’avantage de) ses brebis. Dans nos pays, il est plus rare que les brebis occasionnent à leurs bergers de sérieux dangers ; en Orient il n’en était pas de même, car il faut souvent les défendre contre les agressions redoutables des bêtes fauves et des voleurs, cf. Genèse 13, 5 ; 14, 12 ; 31, 39 et s. ; Job. 1,17 ; 1 Samuel, 34, 35 ; Amos 3, 12, etc.

Jean 10.12 Mais le mercenaire, qui n’est pas le berger et à qui les brebis n’appartiennent pas, voit venir le loup, abandonne les brebis et prend la fuite et le loup les ravit et les disperse. – Nouvelle antithèse. Le nom grec μισθωτὸς (mercenaire) n’est employé qu’ici et Marc. 1, 2, dans le Nouveau Testament ; il est tristement significatif dans l’allégorie du bon berger, comme le prouvent les détails suivants. – Qui n’est pas berger (καὶ οὐκ ὢν ποιμήν, sans article). Le mercenaire est ainsi caractérisé négativement. S’il était berger, sa conduite ne serait pas seulement inexplicable, mais impossible. – À qui (en avant avec l’accent) les brebis n’appartiennent pas, cf. v. 3. Troisième répétition emphatique de la même pensée. Il ne prend aucun intérêt personnel aux brebis confiées à sa garde. – Voit (θεωρεῖ, verbe expressif) venir le loup :τὸν λύκον avec l’article. Le loup, cet ennemi perpétuel et universel des brebis sans défense. Au moral, quiconque est ennemi de Notre‑Seigneur Jésus‑Christ et des âmes rachetées par lui : démons, faux prophètes, hérétiques, corrupteurs de tout genre, cf. v. 28 ; Matth. 7, 15 ; Actes 20, 29. – Et abandonne les brebis ; ἀφίησιν, il les laisse‑là, sans défense. La description est rapide et tout à fait vivante ; cinq verbes au présent, simplement unis par la conjonction καὶ: θεωρεῖ…, καὶ ἀφίησιν.., καὶ φεύγει: καὶ ὁ λύκος ἁρπάζει αὐτά, καὶ σκορπίζει. – Et s’enfuit. Il pense tout d’abord à son propre salut, sans s’inquiéter de ce qui arrivera aussitôt après son lâche départ. – Et le loup s’en empare et disperseAutre tableau dramatique, qui nous rend témoins des ravages opérés dans le troupeau. Un double malheur atteint les brebis : quelques‑unes sont saisies individuellement et deviennent la proie du loup, les autres se dispersent dans leur effroi.

Jean 10.13 Le mercenaire s’enfuit, parce qu’il est mercenaire et qu’il n’a nul souci des brebis. – Jésus insiste encore sur le motif d’une manière de faire si indigne : parce qu’il est mercenaire ;son seul nom dit tout, il ne pense qu’à son salaire et il est sans cœur pour les brebis ; il n’a nul souci (οὐ μέλει αὐτῷ ; il ne se soucie pas) des brebis. L’application se fait d’elle‑même, et le nom de mercenaire a passé dans le langage chrétien pour stigmatiser ces prêtres, rares aujourd’hui, grâce à Dieu, qui négligent le soin sacré des âmes pour s’occuper avant tout de leurs intérêts privés. Comparez au contraire 1 Pierre 5, 7.

Jean 10. 14 Je suis le bon berger, je connais mes brebis et mes brebis me connaissent, – Je suis le bon berger. On dirait que Jésus veut faire oublier ce sombre et sinistre portrait du berger mercenaire, en réitérant sa douce assertion du v. 11. – Et je connais mes brebis(τὰ ἐμά). Il parle d’abord de la connaissance intime qu’il a de son troupeau ; en effet, il connaît ses brebis avant que celles‑ci ne le connaissent elles‑mêmes. Mais cette harmonieuse réciprocité ne tarde pas à s’établir : et mes brebis me connaissent . Je connais les miennes, et les miennes me connaissent, de même que mon père me connaît et que je connais mon Père. II y a une grande emphase sur ce verbe quatre fois répété.

Jean 10.15 Comme mon Père me connaît et que je connais mon Père et je donne ma vie pour mes brebis.Comme (Καθὼς dit beaucoup plus que ωσπερ) le Père me connaîtLes relations de N.-S. Jésus‑Christ avec les siens sont tellement intimes, qu’il peut les comparer à celles qui l’unissent à son Père céleste, cf. 14, 20 ; 15, 10 ; 17, 8 ; 10, 18, 21. Rapprochement sublime, qui nous confère un si grand honneur. – Et je donne ma vie… Ce beau verset avait sa place toute marquée après une pareille assertion. Voyez la note du v. 11.

Jean 10.16 J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie, il faut aussi que je les amène et elles entendront ma voix et il y aura une seule bergerie, un seul berger. – La vue anticipée de la mort qu’il subira si généreusement pour le bien de ses brebis ouvre tout à coup au berger suprême des horizons plus étendus : J’ai encore d’autres brebis. Elles sont à lui, il les possède (ἔχω) ces « autres brebis », ainsi nommées pour les distinguer de celles que contient le bercail juif (de cette bergerie, ἐκ τῆς αὐλῆς ταύτης) ; mais elles sont disséminées, égarées à travers le monde païen, et il faudra un travail spécial pour les grouper autour du bon berger. Notez qu’ici comme partout ailleurs, les Juifs conservent leurs droits de priorité pour l’appel à la foi et au salut par le Messie mais ils ne sont pas les seuls appelés, cf. Matth. 10, 5, 6. – il faut aussi que je les amène, car c’était réellement un devoir du Christ d’après le plan divin ; ἀγαγεῖν, les amener à la bergerie. – Et elles entendront ma voix. Premier résultat des démarches du bon berger : ces brebis, qui lui appartiennent quoiqu’elles soient momentanément égarées, reconnaîtront sa voix comme les autres, vv. 3 et 4, et elles le suivront avec docilité. – Et il y aura… Second résultat, principal, définitif. Il est exprimé en termes simples et majestueux tout ensemble. Le grec emploie le pluriel, καὶ γενήσεται (« et fient »), ce qui montre mieux la manière dont les brebis éparses se réuniront pour former une seule bergeriesousun un seul berger ; il y a ici une expression toute nouvelle, ποίμνη, qui désigne non plus le bercail, mais le troupeau. – Magnifique prophétie de l’unité de l’Église du Christ. Le mur de séparation qui séparait les Juifs et les païens sera renversé ; toutes les nations pourront se réunir en une seule sous la douce houlette du bon berger. 

Jean 10.17 C’est pour cela que mon Père m’aime, parce que je donne ma vie pour la reprendre. – Dans ce verset et le suivant toute figure disparaît ; mais ils appartiennent néanmoins à l’allégorie, dont ils réitèrent l’idée principale et à laquelle ils servent de conclusion. Plus haut, v. 15, Jésus décrivait les relations pour ainsi dire intellectuelles qui l’unissent à son Père : ils ont l’un de l’autre une complète connaissance. Il passe maintenant à des rapports beaucoup plus intimes : il est aimé du Père, et il nous dira pour quel motif. – C’est pour cela… Διὰ τοῦτο, avec emphase (cf. 5, 16 ; 7, 21, etc.) : à cause de son généreux dévouement, déjà mentionné plusieurs fois et sur lequel il va insister encore. – …Que le Père m’aime (pronom très accentué). La première Personne de la sainte Trinité aime nécessairement le Fils ; mais il s’agit en cet endroit d’une affection spéciale, de celle que Dieu porte au Verbe fait chair, et il la lui porte pour la raison suivante : parce que je donne ma vie.« Cela est dit avec force et autorité », Maldonat. Ce pronom avait été omis au v. 15 ; mais le Sauveur veut marquer davantage la spontanéité, le mérite de son sacrifice. Voyez Éphésiens 5, 2, où la mort volontaire de N.-S. Jésus‑Christ est représentée comme étant à Dieu « un parfum d’agréable odeur », cf. Philippiens 2, 8-9. Il n’est pas étonnant, après cela, que Dieu ait pour Jésus une affection si tendre. – Pour la reprendre. Notez toute la force de la particule ἵνα, « pour que ». Assurément Jésus est mort en premier lieu pour nous sauver et pour restituer à Dieu la gloire que nos péchés lui avaient enlevée ; mais il est mort aussi pour ressusciter : le but final de sa mort était sa glorification éternelle.

Jean 10.18 Personne ne me la ravit, mais je la donne de moi-même, j’ai le pouvoir de la donner et le pouvoir de la reprendre : tel est l’ordre que j’ai reçu de mon Père. » – Personne  ne me la prend (αἴρει au présent). Quelle est la puissance humaine qui eût été capable de faire mourir le Verbe incarné, sans son acquiescement plein et entier ? S’il perd la vie, ce n’est pas par impuissance de se défendre. – Mais je la donne de moi‑même.(nouvelle emphase sur les deux pronoms). Même idée, reproduite sous une forme positive. Voyez le beau commentaire contenu dans l’histoire même de la mort de N.-S. Jésus‑Christ. Luc. 23, 46 : « Père, entre tes mains je remets mon esprit », cf. Matth. 27, 50 ; Jean 19, 30 et parall. Aucun des quatre narrateurs ne dit que Jésus « mourut » ; tous ils évitent cette expression qui eût été inexacte relativement à lui. – J’ai le pouvoir de la donner... Autre point sur lequel le divin Maître veut nous éclairer : sa mort et sa résurrection auront lieu en vertu d’un mandat spécial de son Père. Sur le nom grec Ἐξουσίαν, voyez 1, 12, et le commentaire. – Et j’ai le pouvoir de la reprendre. La formule ἐξουσίαν ἔχω est répétée d’une manière solennelle. Reprendre sa vie ; c’est ressusciter après la mort : preuve d’une puissance divine. – Tel est le commandement, Ταύτην τὴν ἐντολὴν (avec l’accent sur le pronom) : le double mandat de sacrifier sa vie et de la reprendre ensuite. – Que j’ai reçu de mon Père. La volonté de Dieu, le plan providentiel, tel est, enfin de compte, le motif pour lequel le bon berger se sacrifie pour ses brebis ; mais entre cette volonté du Père et la sienne il existe la plus parfaite harmonie. Beau trait pour terminer ce passage admirable. – Sur les représentations artistiques du Bon berger dans l’antiquité, Voyez la note sous Luc, 15, 5.

Jean 10.19 Il s’éleva de nouveau une division parmi les Juifs à l’occasion de ce discours. Il y eut encore une division parmi les Juifs, à cause de ces paroles. – Une division. « de nouveau » nous renvoie au passage 7, 43, où nous avions une formule àpeu près identique. Voyez encore, 9, 16, la petite discussion occasionnée dans le cercle pharisaïque lui‑même par la guérison de l’aveugle‑né. – à l’occasion de ce discoursest une bonne traduction de διὰ τοὺς λόγους τούτους. Plus bas, v. 21, il sera simplement question de paroles isolées, ῥήματα ; ici c’est l’ensemble des discours que l’on envisage. Discours si frappants, qui avaient produit un légitime émoi dans toute l’assistance.

Jean 10.20 Plusieurs d’entre eux disaient : « Il est possédé d’un démon, il délire : Pourquoi l’écoutez-vous ? »Plusieurs d’entre eux disaientOn signale d’abord les réflexions du plus grand nombre, πολλοὶ ἐξ αὐτῶν. La masse persiste dans son hostilité, et tâche, par une remarque injurieuse, de jeter du discrédit sur la personne et sur l’enseignement de N.-S. Jésus‑Christ. – Il est possédé d’un démon. Sur ce grossier outrage, voyez 7, 20 ; 8, 48, et les commentaires. Cette fois, les Juifs ajoutent avec non moins de grossièreté : et il délire (μαίνεται) ; son langage est celui d’un homme qui a perdu la raison. – Pourquoi l’écoutez-vous ? Par cette dernière parole ils trahissent pourtant leur inquiétude ; car ils avaient dû remarquer bien souvent les prodigieux effets des discours de Jésus : aussi voudraient‑ils éloigner tous ses auditeurs.

Jean 10.21 D’autres disaient : « Ce ne sont pas là les paroles d’un possédé, est-ce qu’un démon peut ouvrir les yeux des aveugles ? »D’autres disaient. Ceux‑ci sont beaucoup mieux disposés. Leur réflexion est pleine de bon sens ; elle porte tour à tour sur la prédication de Notre‑Seigneur et sur son récent miracle. – 1° Sa prédication : les paroles, de telles paroles. Les accusations que nous venons d’entendre tombaient d’elles‑mêmes, si on les mettait en regard de l’enseignement de Jésus. – D’un possédé (δαιμονιζομένου en un seul mot). Au contraire, c’étaient les « paroles de Dieu », 3, 34. – 2° Son récent miracle : est-ce qu’un démon… ; dans le grec μὴ… δύναται… ; formule que nous rencontrons si souvent dans les écrits de S. Jean pour marquer une forte impossibilité. « Sûrement, un démon ne peut pas…. » – Ouvrir les yeux des aveugles. Notez le choix judicieux de toutes les expressions. Ils ne refusent pas au démon d’une façon absolue le pouvoir de faire des miracles, car ce serait une fausseté théologique réfutée par la Bible elle‑même, cf. Exode 6, 11, 22, etc. Ce qu’ils nient à bon droit, c’est que le démon puisse accomplir tels et tels miracles extraordinaires qui attestent visiblement l’intervention divine : or, de ce genre était la guérison de l’aveugle, cf. 9, 16. – Pourquoi s’arrêtent‑ils dans ce raisonnement si juste, et s’en tiennent‑ils au côté négatif de la question ? Ne leur était‑il pas aisé de conclure aussi que l’auteur d’un si éclatant miracle était certainement le Messie ? Il est vraisemblable qu’ils n’en eurent pas le courage.

Jean 10.22 On célébrait à Jérusalem la fête de la Dédicace, c’était l’hiver, – N. S. Jésus‑Christ à Jérusalem à l’occasion de la Dédicace. 10, 22-42. Après un intervalle d’environ deux mois (voyez la note du v. 22). nous retrouvons le Sauveur à Jérusalem, et nous entendons le dernier témoignage public qu’il se rendit personnellement avant sa Passion. – La Dédicace, ou Encénies :mot latin calqué sur le grec τὰ Ἐγκαίνια, qui signifie « renouvellement », et, dans le langage sacré, « dédicace », cf. 1 Rois 8, 63 ; 2 Chroniques 7, 5 ; Esdras 6, 16, dans la traduction des Septante. On appelait ainsi une fête relativement moderne, instituée l’an 164 avant J.-C. par Judas Maccabée, pour célébrer le souvenir de la purification solennelle du Temple, après la profanation sacrilège d’Antiochus Épiphane cf. 1 Maccabées 1, 20-60 ; 4, 36-59 ; 2 Maccabées 10, 1-8 ; Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques, 12 7,7. On la nommait aussi la fête des Lumières, ou simplement les Lumières, τα φωτα, à cause des illuminations joyeuses qui l’accompagnaient partout. Son nom hébreu était et est encore Chanoukah (הכנח , de ךנח , consacrer), car les Israélites n’ont pas cessé de la solenniser joyeusement chaque année. – A Jérusalem. La Dédicace pouvait se célébrer en tous lieux et n’exigeait pas, comme la Pâque, la Pentecôte et la fête des Tabernacles, un pèlerinage spécial au centre du culte juif. Cette mention de la Ville sainte suppose que Jésus avait dû quitter Jérusalem après la dernière solennité, et qu’il y était ensuite revenu. La haine maintenant si vive de ses adversaires ne lui permettait pas d’y résider longuement, sans courir des dangers qui auraient avancé l’heure voulue par son Père, cf. 7, 33, 44 ; 8, 59. – C’était l’hiver. On était en effet en plein hiver, car la Dédicace commençait le 25 cislev, c’est-à-dire dans la seconde moitié de décembre. Comme la fête des Tabernacles avait lieu en octobre (voyez 7, 2 et le commentaire), il existe entre les versets 21 et 22 du chap. 10 une lacune d’environ deux mois. La note c’était l’hiver est, d’après l’hypothèse la plus naturelle, un détail écrit pour les lecteurs non initiés aux coutumes du judaïsme. D’après S. Cyrille et d’autres exégètes, elle aurait pour but d’expliquer pourquoi Jésus se tenait à l’abri sous les portiques du temple, ainsi qu’il est dit au verset suivant.

Jean 10.23 et Jésus se promenait dans le temple, sous le portique de Salomon.Et Jésus se promenait. Trait graphique, avec l’imparfait de la durée. – Dans le temple, ἐν τῷ ἱερῷ ; c’est-à-dire dans l’ensemble des constructions qui composaient le temple. Sur la différence du ιερον et du ναός, voyez le commentaire de 2, 14 et 19. – Sous le portique de Salomon. Ces mots déterminent l’endroit précis du ιερον où se promenait alors Notre‑Seigneur. On appelait στοᾷ του Σολομῶνος une galerie couverte située à l’orient, et qui, d’après la tradition juive, aurait été un reste du temple construit par Salomon, cf. Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques 20, 8, 6 ; Actes 3, 11 ; 5, 12. Au sud, se trouvait la triple colonnade d’Hérode le Grand. 

Jean 10.24 Les Juifs l’entourèrent donc et lui dirent : « Jusqu’à quand tiendrez-vous notre esprit en suspens ? Si vous êtes le Christ dites-le-nous franchement. » – 3° L’occasion immédiate du discours est racontée d’une manière dramatique, qui dénote le témoin oculaire. – Les Juifs l’entourèrent donc (οὖν, profitant de la circonstance). Notez l’emploi de l’aoriste après un imparfait : περιεπάτει, il se promenait (v. 23) ; tout à coup, Ἐκύκλωσαν αὐτὸν, littéralement, « ils firent cercle autour de lui » (cf. Actes 14, 20), lui barrant ainsi le passage, pour le mieux forcer de répondre. – Les Juifs désigne naturellement le parti hostile, les hiérarques. – Et lui dirent (autre imparfait significatif) : Jusqu’à quand, Ἕως πότε... Locution qui exprime une extrême impatience. N’est‑il pas temps de te déclarer enfin ? Inutile d’ajouter que cette impatience ne provenait nullement d’une sainte curiosité; elle avait au contraire pour mobile la haine, le désir de compromettre et d’accuser Jésus. – Tiendrez-vous notre esprit. Même expression métaphorique dans le texte grec : τὴν ψυχὴν ἡμῶν αἴρεις. C’est, au propre, tenir suspendu en l’air, dans une situation pénible ; au figuré, laisser dans l’incertitude, agiter entre la crainte et l’espérance, par conséquent surexciter péniblement. – Ils vont préciser davantage leur question : Si vous(pronom accentué) êtes le Christ (ὁ χριστός, avec l’article), dites‑le nous clairement (παρρησίᾳ, cf. 7, 13). Plus tard le Sanhédrin adressera la même demande au Sauveur (Luc. 22, 67), pour en tirer également parti contre lui.

Jean 10.25 Jésus leur répondit : « Je vous l’ai dit et vous ne me croyez pas : les œuvres que je fais au nom de mon Père me rendent témoignage, – Jésus leur répondit. Sa réponse n’est pas directe. Il se contente d’abord de renvoyer ces hypocrites et ces incrédules à ses anciennes déclarations et au témoignage de ses œuvres ; mais n’était‑ce pas un langage aussi clair que possible ? – Je vous l’ai dit (Εἶπον, à l’aoriste). Il ne le leur avait pas dit directement comme à la Samaritaine, 4, 26 ; mais d’une manière cependant assez nette pour les éclairer sur sa nature et sur sa mission, cf. 8, 12, 18, 24, etc. Malgré cela, ajoute‑t‑il tristement, vous ne me croyez pas :juste et douloureux reproche. – Les œuvres que je fais(τὰ ἔργα), cf. 5, 20, 36. Ses miracles surtout, mais également l’ensemble de ses autres œuvres messianiques. « Je » est très solennel, et opposé à leur « vous » dédaigneux (v. 24). – Fais au nom de mon Père. En rapprochant de ses actes le nom béni de son Père, il les authentifie pour ainsi dire, les ramène à leur source toute divine. – Elles‑mêmes… Répétition emphatique du sujet. Cette construction est familière à S. Jean, cf. 6, 46 ; 7, 18 ; 15, 5, etc. – Me rendent témoignage. Voyez 5, 19, 20, 36, et le commentaire. 

Jean 10.26 Mais vous ne me croyez pas, parce que vous n’êtes pas de mes brebis.Mais vous (encore avec l’accent) ne me croyez pas. De nouveau Jésus leur reproche leur incrédulité, si coupable après tant de preuves. Il la rapporte ensuite à son véritable motif : parce que vous n’êtes pas de mes brebis. Quoique plusieurs semaines se fussent écoulées depuis son dernier discours, il pouvait leur rappeler l’allégorie du bon berger, qui avait fait sur eux une vive impression, cf. 5. 19. Or il y avait dit que ses brebis le connaissaient et le suivaient, vv. 4, 14 ; mais ces Juifs ennemis ne faisaient pas partie de son troupeau.

Jean 10.27 Mes brebis entendent ma voix. Je les connais et elles me suivent. 28 Et je leur donne la vie éternelle et elles ne périront jamais et nul ne les ravira de ma main. – Contraste saisissant. Ces deux versets sont étroitement unis. Ils contiennent six propositions accouplées deux à deux, de manière à former trois petits groupes, avec une belle symétrie et gradation dans les pensées. Quelle simplicité de style (notez les cinq καὶ forment tout l’enchaînement), et pourtant quelle force étonnante. – Mes brebis entendent ma voixJésus répète ici les principaux détails de son allégorie, modifiant à peine quelques expressions, cf. les vv. 3 (les brebis entendent sa voix), 4 (les brebis le suivent), 14 (je connais mes brebis). – Je leur donne la vie éternelle : δίδωμι au présent, comme aux passages analogues, 3, 15 ; 5, 34, etc. Ce n’est pas une promesse, dont l’accomplissement dépend de la conduite d’un autre ; c’est un vrai cadeau, dont la conservation dépend de nous. – Elles ne périront jamais. Dans le grec, la négation est encore plus énergique : οὐ μὴ ἀπόλωνται εἰς τὸν αἰῶνα, cf. 8, 51. Il est impossible qu’elles périssent jamais. – Nul ne les ravira, ἁρπάσει : même expression qu’au v. 12, où elle servait à dépeindre la violence brutale des loups. – De ma main. Cette main, si douce pour conduire les brebis, pour les caresser et les porter ; si forte pour les défendre contre les ennemis. Ainsi donc, jamais le bon berger n’abandonnera son troupeau.

Jean 10.29 Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tous et nul ne peut les ravir de la main de mon Père. – Mais pourquoi les brebis de Jésus peuvent‑elles vivre dans une telle sécurité ? C’est parce qu’il est « un » lui‑même avec Dieu (vv. 29-30). – Mon Père, qui me les a données,est plus grand que tousLe don est constitué des brebis confiées par Dieu à N.-S. Jésus‑Christ. – Et nul ne peut les ravir…. C’est, avec une légère modification, le second hémistiche du v. 28. Au lieu du futur « nul ne les ravira », nous lisons le présent, et Jésus insiste davantage sur l’impuissance des ennemis de son troupeau. – De la main de mon Père équivaut à « de ma main ». Qui donc pourrait ravir par force un objet que Dieu tient dans sa main ? Cf. Sagesse 3, 1.

Jean 10.30 Mon père et moi nous sommes un. » – Quelle parole. Si brève et si majestueuse. Les Juifs ont demandé à Jésus de leur révéler clairement et sans ambages sa nature et son rôle : seront‑ils satisfaits maintenant ? – Mon père et moi. Moi et Dieu, comme toutes les fois que Notre‑Seigneur emploie ainsi le mot Père. – Nous sommes un (ἕν ἐσμεν). Il ne dit pas εις, « un », ce qui signifierait qu’il forme avec Dieu une seule et même personne ; mais ἕνau neutre, une seule chose, une substance identique, un Dieu unique. Que pourrions‑nous ajouter de plus ? Voilà le dogme fondamental du christianisme énoncé avec la plus grande netteté et la plus grande énergie. C’est le point culminant de la prédication de N.-S. Jésus‑Christ. Le Sauveur va bientôt quitter la terre ; mais auparavant, il aura déclaré sa divinité en termes aussi lumineux que le jour. Sur ce beau texte, rendu plus célèbre encore par les controverses qu’il suscita dans l’antiquité, voyez Tertullien, Adv. Prax., 22 ; Hippol. c. Noct. 7 ; S. Ambroise, De Spiritu sancto, 1, 111, 116 ; S. Augustin d’Hippone Coll. c. Max. 14, etc. Les Ariens osèrent prétendre qu’il désignait seulement une union morale ; mais il fut aisé de mettre en relief l’absurdité d’une pareille interprétation.

Jean 10.31 Les Juifs ramassèrent de nouveau des pierres pour le lapider. – Les Juifs, eux, comprirent toute la portée de cette assertion, comme le prouva leur conduite immédiate. – Les Juifs ramassèrent à cause de (οὖν) sa parole, qui était à leurs yeux un affreux blasphème, cf. v. 33. Le grec ajoute πάλιν, « de nouveau », par allusion à une démonstration semblable, qui avait eu lieu pendant la fête des Tabernacles, 8, 59. Au lieu de « soulever » (ηραν), nous lisons dans le texte grec Ἐβάστασαν, « prirent sur le dos », expression qui suppose plus d’efforts (cf. Galates 6, 2, 5), sans exiger pourtant, comme le disent quelques exégètes, que les pierres aient été apportées de loin. – Des pierres pour le lapider (λιθάσωσιν).Voyez le commentaire de 8, 59.

Jean 10.32 Jésus leur dit : « J’ai fait devant vous beaucoup d’œuvres bonnes qui venaient de mon Père : pour laquelle de ces œuvres me lapidez-vous ? » -Ici commence la seconde partie de l’allocution, vv. 32-39, dans laquelle Notre‑Seigneur fera directement l’apologie de sa conduite. Comme la première, elle se terminera par une rapide conclusion historique, v. 39(comparez le v. 31). – Jésus leur dit. Jésus répond à leurs procédés iniques, cf. 2, 18, etc. Avec quel calme tout divin il tient tête à l’orage. – J’ai fait devant vous, ἔδειξα ὑμῖν: en effet, il leur avait en quelque sorte mis ses miracles sous les yeux. – Beaucoup d’œuvres bonnes. C’est une de ces formules dont S. Jean se sert pour suppléer aux omissions volontaires qu’il fait de la plupart des miracles du Sauveur, cf. 2, 23 ; 4, 45 ; 20, 30, etc. Le grec a ἔργα καλὰ, littéral : « de belles œuvres », cf. v. 11 et le commentaire, et Marc. 7, 37, dans le texte grec. – qui venaient de mon Père. Réflexion importante : Jésus opérait directement et manifestait ces « belles » œuvres qui témoignaient en sa faveur ; toutefois, elles procédaient de Dieu comme de leur source : Jésus les accomplissait dans la vertu du Père, avec lequel, d’ailleurs, il n’était qu’une seule et même divinité. – Pour laquelle… Le grec ποῖον serait mieux traduit par « de quelle nature », car il marque la qualité, l’espèce. – Me lapidez-vous ? Le temps présent est pittoresque ; les Juifs étaient en face de Jésus, prêts à l’écraser sous les pierres qu’ils tenaient à la main. Il y a une fine ironie dans les paroles du Sauveur : « Des mots d’une grande finesse », dit Maldonat. Ces œuvres admirables, qui auraient dû attirer tout le monde à lui, et qui servaient au contraire à susciter la haine de ses adversaires.

Jean 10.33 Les Juifs lui répondirent : « Ce n’est pas pour une bonne œuvre que nous vous lapidons, mais pour un blasphème et parce que, étant homme, vous vous faites Dieu,– Les Juifs lui répondirent. Les Juifs refusent dédaigneusement de reconnaître qu’ils se sont mis dans leur tort en attaquant Jésus. – Pour une bonne œuvre (Περὶ καλοῦ ἔργου). Ils reprennent son expression, qu’ils placent à leur tour en avant de la phrase d’une manière emphatique. – Mais pour un blasphème :pour une chose qui est tout à fait l’opposé d’un καλοῦ ἔργου. – La conjonction et n’introduit pas un nouveau grief ; elle est simplement explicative. Les Juifs vont dire en quoi consiste le blasphème qu’ils reprochent à Notre‑Seigneur. – Étant homme : tous les mots sont fortement accentués. N’étant qu’un homme ordinaire, vous vous faites Dieu, cf. 5, 18 ; 8, 53. 

Jean 10.34 Jésus leur répondit : « N’est-il pas écrit dans votre Loi : J’ai dit : vous êtes des dieux ? – Sans rien retirer de sa déclaration précédente, mais en la développant au contraire avec vigueur, Jésus va se disculper formellement. Il démontrera d’abord, vv. 34-36, par un argument basé sur la sainte Écriture, qu’il a tout à fait le droit de se dire Fils de Dieu. – N’est‑il pas écrit (ἔστιν γεγραμμένον. Voyez 2, 17 et le commentaire). La forme interrogative donne plus de vie et de force à la pensée. – Dans votre loi. Le pronom a ici le même sens qu’au passage 8, 17 : cette loi pour laquelle vous professez un si grand respect. L’argument confondra donc ses adversaires en leur opposant leurs propres paroles. Quant au mot « Loi », il est employé par abréviation, pour représenter tous les écrits de l’Ancien Testament, dont la Torah était en effet la première partie, cf. 12, 34 ; 15, 25, etc. Le Talmud use très souvent de cette formule d’une façon identique. – J’ai dit. C’est Dieu lui‑même qui a la parole dans ce texte emprunté au psaume 81, 6. S’adressant à des juges d’Israël, iniques mais légitimement institués, il leur donne ce titre solennel : Vous êtes des Dieux(avec plus d’énergie encore dans le texte hébreu אתם אלהים). En tant qu’ils participent à l’autorité du Seigneur, en tant qu’ils sont ses mandataires, ne sont‑ils pas réellement parmi les autres hommes comme Dieu lui‑même ? – Voilà donc un fait indiscutable dans la Bible même, Dieu donne à des juges, criminels pourtant, le nom de dieux. C’est la majeure du raisonnement. [Psaume hébreu N°82 (N°81 dans la Vulgate) :1 Cantique d’Asaph. Dieu se tient dans l’assemblée du Tout-Puissant, au milieu des dieux il rend son arrêt : 2 « Jusqu’à quand jugerez-vous injustement et prendrez-vous parti pour les méchants ? Séla. 3 « Rendez justice au faible et à l’orphelin, faites droit au malheureux et au pauvre, 4 sauvez le misérable et l’indigent, délivrez-les de la main des méchants. 5 « Ils n’ont ni savoir ni intelligence, ils marchent dans les ténèbres, tous les fondements de la terre sont ébranlés. 6 « J’ai dit : Vous êtes des dieux, vous êtes tous les fils du Très-Haut. 7 Cependant, vous mourrez comme des hommes, vous tomberez comme le premier venu des princes. » 8 Lève-toi, ô Dieu, juge la terre, car toutes les nations t’appartiennent.][Jésus savait qu’ils étaient psychologiquement incapables de professer sa double nature divine et humaine à ce moment là, il ne l’enseignera à ses apôtres qu’après la résurrection car c’est un mystère trop élevé pour que l’homme admette que Dieu s’unisse une âme et un corps d’homme et subisse les atrocités de la Passion. Pour etre sauvés, Dieu ne leur demandaient alors que de croire qu’il est le Messie, le Christ cf. Jean 8,24 si vous ne croyez pas que je suis le Messie, vous mourrez dans vos péchés ; ainsi Jésus va mettre en avant son humanité et leur démontrer que ses paroles d’union entre Dieu et lui ne justifient pas l’accusation de blasphème puisque l’Ecriture dit que les juges humains d’Israel sont des dieux, un juif qui se déclare « Fils de Dieu » et « Un avec le Père » ne remplit pas la condition de blasphème contre Dieu pour pouvoir être lapidé. Jésus ne dit pas qu’il n’est pas Dieu, il ne dit pas qu’il ne serait « qu’un envoyé de Dieu », il essaie seulement de leur éviter un crime injustifié même aux yeux de la loi juive. Il essaie de les sauver en les aidant à comprendre que ses miracles prouvent qu’il est le Messie prophétisé par la Bible juive.]

Jean 10.35 Si la Loi appelle dieux ceux à qui la parole de Dieu a été adressée et si l’Écriture ne peut être anéantie, – Dans ce verset et au 36e, Jésus argumente sur le texte qu’il a cité. – Si elle appelle dieuxLe sujet de appelle est sous‑entendu : la Loi, l’Écriture. « Ceux » est fortement accentué. Les mots suivants, à qui(πρὸς οὓς) la parole de Dieu a été adressée, retombent sur ce pronom et le déterminent : les fonctionnaires théocratiques auxquels, dans le psaume, s’adressait le divin langage. – Et si l’Écriture ne peut être anéantie. Proposition très importante, car c’est d’elle surtout que dépend la valeur du raisonnement. Elle est également dominée par la particule « si ». « anéantie », λυθῆναι (une des expressions favorites de S. Jean, cf. 1, 27 ; 2, 19 ; 5, 18 ; 7, 23 ; 11, 44, etc.), fait image comme au passage analogue Matth. 5, 19. L’Écriture ne peut être déliée, c’est-à-dire qu’elle ne peut rien perdre de sa divine autorité : preuve irréfragable en faveur de son inspiration. – Voilà un second fait également certain : la Bible étant un livre infaillible, c’est à bon droit que les juges d’Israël avaient reçu le nom glorieux de « dieux ». Saint Thomas d’Aquin, Commentaire sur l’Evangile selon saint Jean :  « il les a appelés dieux en tant qu’ils participent quelque chose de la divinité selon la participation à la parole de Dieu qui leur a été annoncée. Car par la parole de Dieu, l’homme obtient une participation de la puissance et de la pureté divines » (…) « une réalité n’en devient une autre d’une manière participée que par participation de ce qui est tel par son essence. Par exemple, elle ne devient feu d’une manière participée que par participation du feu par essence. Donc, quelque chose ne devient Dieu d’une manière participée que par participation de celui qui est Dieu par essence : donc le Verbe de Dieu, c’est-à-dire le Fils lui-même, par participation de qui quelqu’un est fait Dieu, est Dieu par essence. »

Jean 10.36 comment dites-vous à celui que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde : Vous blasphémez, parce que j’ai dit : Je suis le Fils de Dieu ? – Conclusion des prémisses qui précèdent, vv. 34-35. – celui que le PèreJésus choisit à dessein le mot Père (au lieu de « Dieu »), car il se propose de démontrer ses rapports de filiation avec Dieu. Remarquez la place emphatique donnée à « celui ». Ce pronom est ensuite majestueusement expliqué par les verbes sanctifié et envoyé, dont le premier (ἡγίασεν),qui équivaut à l’hébreu כדש, désigne la consécration messianique de N.-S. Jésus‑Christ tandis que le second, fréquemment usité de la même manière dans notre évangile, nous montre Jésus comme l’ambassadeur et le représentant de Dieu son Père. Qu’étaient à côté de lui les juges israélites ? Et le nom de « Dieu » ne lui convenait‑il pas mille fois davantage ? – Dites‑vous. Vous, par opposition à la Sainte Écriture. – Vous blasphémezLeur parole est citée sous la forme directe, à la manière habituelle des Hébreux. Elle est ainsi plus expressive. – Parce que j’ai dit…. Plushaut, v. 30, le mot incriminé était : « Moi et le Père nous ne sommes un ». Jésus le traduit absolument comme avaient fait les Juifs, v. 33, en l’interprétant de sa nature divine. 

Jean 10.37 Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez pas. – Après cette admirable démonstration exégétique, vv. 34-36, Jésus en donne une autre encore, d’un genre pratique, vv. 37-38. « Il confirme par l’expérience ce qu’il avait d’abord démontré par le témoignage de l’Écriture, qu’il forme avec le Père un seul et même être ». Maldonat, h. l. Il revient à la preuve de ses œuvres que nous avons déjà entendue plusieurs fois, cf. 5, 19 et ss., 36 ; 8, 38, etc. Il le présente actuellement sous la forme d’une dilemme irréfutable. – Si je ne fais pas les œuvres de mon PèrePremière supposition : Ou bien je n’opère pas les œuvres de Dieu. Concession si pleine d’humilité. – Dans ce cas, ne me croyez pas (μὴ πιστεύετέ μοι). Non‑seulement il le leur permet, mais il le leur ordonne explicitement. Jésus, en effet, ne demandait pas une croyance aveugle et apportait ses preuves, et quelles preuves.

Jean 10.38 Mais si je les fais, quand bien même vous ne voudriez pas me croire, croyez à mes œuvres : afin que vous sachiez et reconnaissiez que le Père est en moi et que je suis dans le Père. » – Mais si je les fais(δὲ, contraste). Deuxième supposition : Ou bien je les accomplis ; et cela était évident pour quiconque ne fermait pas les yeux. – quand bien même vous ne voudriez pas me croire : et dans cet autre cas, si vous refusez de me croire sur parole, si vous vous défiez de ma personne, de ma véracité, du moins croyez à mes œuvres.Quelle force, et quelle humilité encore, et quel calme admirable dans ce langage. – Afin que vous sachiez et reconnaissiezS’ils tirent des œuvres de Jésus la conclusion manifeste qui s’en échappe, alors ils arriveront à ce résultat : ils reconnaîtront son unité parfaite avec Dieu. – Que le Père est en moi et que je suis dans le Père. C’est-à-dire : que nous n’avons, mon Père et moi, qu’une seule et même nature. Ces deux propositions expriment ce que les théologiens ont nommé la « circuminsessio » (existence des personnes de la sainte Trinité les unes dans les autres ; συμπεριχωρησιςdes Grecs), cf. S. Thom. Aquin, Somme Théologique, pars 1, q. 2, art. 5. S. Cyrille en donne ce beau commentaire : « Comme le soleil est dans le rayon qui émane de lui, et le rayon dans le soleil dont il s’échappe, de même le Fils est dans le Père et le Père dans le Fils, car ils coexistent l’un dans l’autre, et l’un pour l’autre, en tant que deux personnes divines, dans l’identité et l’unité de nature. » [Les paroles de Jésus reviennent à dire : « Je prouve que Dieu est suffisamment avec moi par les miracles de vie que je fais et qu’aucun homme n’a jamais fait. Cela justifie que je me dise Fils de Dieu. Vous reconnaissez que ceux à qui Dieu a donné pouvoir de vie et de mort sur vous en les instituant vos juges, peuvent être appelés des dieux par Dieu lui-même (dans le Psaume 82) parce que Dieu les a rendu participant de son propre pouvoir de vie et de mort. Quant à moi, Jésus, votre Messie, j’exerce un pouvoir de vie en guérissant miraculeusement d’un mot, d’un simple acte de volonté, les aveugles de naissances, les paralytiques, les estropiés, des lépreux, des sourds, des muets, des possédés, et en ressuscitant les morts. Cette avalanche de miracles extraordinaires que j’opère sous vos yeux depuis 3 ans, prouvent que Dieu est avec moi, qu’il me fait participer, aucun autre homme, à son pouvoir de vie, à son pouvoir de guérison miraculeux à son pouvoir de résurrection. Ces miracles prouvent que je peux me dire « Fils de Dieu » sans blasphémer puisque de simples juges humains sont déclarés « dieux » par la Sainte Bible. Je ne vous demande pas de me croire « Dieu fait homme », je vous demande de me croire « Christ d’Israël » et donc « Messie d’Israël ». Je prouve que je profère aucun blasphème contre Dieu quand je me déclare Fils de Dieu au sens  de participant au pouvoir miraculeux de Dieu. Ma très grande Union avec Dieu est prouvée par les milliers de miracles que je fais depuis 3 ans. »]

Jean 10.39 Là-dessus, ils cherchèrent de nouveau à se saisir de lui, mais il s’échappa de leurs mains. Ils cherchèrent de nouveau, allusion à 7, 30, 32, 44. Les Juifs n’osent plus lapider Jésus sur place, car sa brûlante argumentation avait fait tomber leur accusation de blasphème. Toutefois, si les pierres qu’ils tenaient toutes prêtes (cf. v. 31) tombèrent forcément de leurs mains, leurs sentiments de haine n’en devinrent que plus farouches ; aussi cherchaient‑ils (l’imparfait est à noter) à s’emparer de lui, pour se venger ensuite avec quelque apparence de justice. – Il s’échappa de leurs mains. Rien n’indique que Notre‑Seigneur ait fait appel pour cela à sa puissance de thaumaturge, cf. 8, 59 et le commentaire. Sa majesté, la crainte de ses partisans nombreux, purent suffire pour le protéger, et il se perdit lui‑même dans la foule.

Jean 10.40 Il s’en retourna au-delà du Jourdain, dans le lieu où Jean avait commencé à baptiser et il y demeura.Il s’en retourna de nouveau : le premier séjour de Jésus en Pérée remontait à son baptême, cf. 1, 28 et ss. – Au‑delà du Jourdain(πέραν, d’où le nom de Pérée). L’hostilité des juifs, qui était maintenant à son comble, ne permettait plus à N.-S. Jésus‑Christ de rester à Jérusalem ; il va donc chercher un refuge pour les dernières semaines de sa vie dans la région tranquille située à l’est du Jourdain. – Les mots qui suivent précisent l’endroit spécial où il s’établit : Dans le lieu(le grec a simplement : εἰς τὸν τόπον ) où Jean…. La tournure avait baptisé (avait été baptisant), ἦν βαπτίζων, est très expressive, et marque une habitude prolongée. – commencé àest à noter ; car il a été dit que le Précurseur avait ensuite administré le baptême à Ennon, près de Salim, cf. 3, 23 et le commentaire. – Et il y demeura. Le grec a l’imparfait, ἔμεινεν. Le séjour du Sauveur en Pérée dura environ trois mois, de la Dédicace à la Pâque, c’est à dire de la fin de décembre au commencement d’avril. Il faut pourtant déduire de là quelques jours pour le voyage de Béthanie, 11, 1 et ss ., et pour un autre voyage à Éphrem, 11, 54. Jésus achève ainsi sa vie publique aux lieux mêmes où il l’avait inaugurée par son baptême et par le choix de ses premiers disciples. 

Jean 10.41 Et beaucoup venaient à lui, disant : « Jean n’a fait aucun miracle, mais tout ce qu’il a dit de celui-ci était vrai. » -Le souvenir de Jean‑Baptiste et du témoignage si formel qu’il avait rendu à N.-S. Jésus‑Christ était encore très vivant dans cette région, où, du reste, les Pharisiens et les hiérarques n’exerçaient pas la même influence qu’en Judée. – disant Jean n’a fait… (par contraste avec Jésus). Cette multitude amie alléguait ainsi le double motif qui l’avait amenée à croire en Jésus comme au Messie promis. Premier motif : S. Jean, quoique si puissant et si visiblement envoyé de Dieu, n’a fait aucun miracle. Note importante pour la vie du Précurseur. Il y a ici un sous‑entendu manifeste : Jésus, au contraire, a opéré de nombreux miracles. -Deuxième motif : Tout ce qu’il(πάντα δὲ ὅσα, expression énergique : tout en général, et chaque chose en particulier) a dit de celui-ci était vrai(ἀληθῆ). Les faits avaient pleinement confirmé les témoignages de Jean‑Baptiste.

Jean 10.42 Et il y en eut là beaucoup qui crurent en lui.beaucoup…crurent. Belle conclusion pratique du raisonnement. Beaucoup étaient accourus auprès de Jésus (v. 41), beaucoup crurent en lui (en lui, et pas seulement « le crurent », cf. 1, 12 et le commentaire). – Le grec ajoute ἐκεῖ, « là », opposant ainsi la foi des humbles habitants de la Pérée à l’incrédulité fanatique des « Juifs » de Jérusalem.

Bible de Rome
Bible de Rome
La Bible de Rome réunit la traduction révisée 2023 de l’abbé A. Crampon, les introductions et commentaires détaillés de l’abbé Louis-Claude Fillion sur les Évangiles, les commentaires des Psaumes par l’abbé Joseph-Franz von Allioli, ainsi que les notes explicatives de l’abbé Fulcran Vigouroux sur les autres livres bibliques, tous actualisés par Alexis Maillard.

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