L’Évangile selon saint Jean commenté verset par verset

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CHAPITRE 16

Jean 16.1 Je vous ai dit ces choses, afin que vous ne soyez pas scandalisés. Je vous ai dit ces choses. Formule fréquente dans ce discours, cf. vv. 4, 6, 33 ; 14, 25 ; 15, 11. Elle désigne ici la troisième partie du chapitre 15 (vv. 18-27), relative aux persécutions qui attendaient les disciples dans un monde incrédule et méchant. – Afin que vous ne soyez pas scandalisés. Le Sauveur veut mieux avertir encore ses amis, et les préparer plus complètement à la souffrance. Des persécutions imprévues présentent d’ordinaire de graves dangers ; car elles ressemblent à ces pierres contre lesquelles on vient tout à coup se heurter, et qui nous renversent si aisément. Au contraire, « Les épreuves ont coutume de cogner moins fort quand elles sont prévues » (S. Grégoire‑le‑Grand), cf. Matth. 13, 21, etc. S. Jean n’emploie qu’à deux reprises (ici et 6, 62) l’expression métaphorique scandalisés.

Jean 16.2 Ils vous chasseront des synagogues et même l’heure vient où quiconque vous fera mourir, croira faire à Dieu un sacrifice agréable. – Description de quelques‑unes des souffrances spéciales que le monde devait faire endurer aux premiers prédicateurs de l’évangile. Le Sauveur cite nommément, par manière d’exemple, l’excommunication et la mort, c’est-à-dire la persécution religieuse et la persécution civile car ces choses‑là, non plus, ne seront pas légères. – 1° Ils vous chasseront des synagogues. Comme les mots mêmes l’indiquent, c’est de la part des Juifs que viendra cette première sorte d’injure. Il s’agit du םרח (chérem), ou grande excommunication avec anathème, cf. la note de 9, 22. Les apôtres ressentirent très vivement cet outrage, car ils n’étaient pas encore totalement séparés du judaïsme, auquel d’anciennes habitudes les retinrent assez longtemps unis ; en outre, l’excommunication comprenait une rupture de liens sociaux qui ne pouvait être que très cruelle. – 2° Et même… cf. 2 Corinthiens 7. C’est une ellipse très forte : non‑seulement vous souffrirez cela, attendez-vous à davantage encore. – L’heure vient, au présent. Elle sera là bientôt, cette heure terrible. – Quiconque vous fera mourir. Littéral. : Quiconque vous ayant tué. Le meurtre est censé accompli. « Quiconque » est universel, et désigne les païens aussi bien que les Juifs. – Croira : l’aveuglement que produit la haine causera cette étrange et horrible illusion. – faire à Dieu un sacrifice agréable. L’expression grecque est tout à fait solennelle. Elle signifie à proprement parler : offrir un culte sacré, immoler un sacrifice, cf. Matth. 5, 23 ; Actes 7, 32 ; Hébreux 5, 1 ; 8, 3 ; 9, 7, etc. Les persécuteurs, animés par leur rage fanatique, croiront donc, en massacrant les apôtres, offrir à Dieu une hostie d’agréable odeur. Ce détail suppose une violence aussi vive que cruelle. Comparez aussi, pour la réalisation, Actes 26, 9 ; Galates 1, 13, et ss., et ce passage du Talmud : « Celui qui répand le sang d’un impie fait comme s’il offrait du sang », Bamidbar Rabba [Midrash sur le livre des Nombres], f. 329, 1.

Jean 16.3 Et ils agiront ainsi, parce qu’ils n’ont connu ni mon Père, ni moi. – Jésus revient encore (cf. 15, 21, 23) sur la cause négative de ces persécutions. – Parce qu’ils n’ont connu : ils ne sont pas arrivés à connaître, alors qu’ils l’auraient pu si aisément. Plus haut, 15, 21, Jésus avait dit « parce qu’ils ne connaissent pas », se bornant à signaler le fait de l’ignorance. – Ni mon Père ni moi. Autre petite variante, 15, 21, « ils ne connaissent pas celui qui m’a envoyé ». On sent, à travers ces mots, la profonde tristesse avec laquelle Notre‑Seigneur dut les prononcer.

Jean 16.4 Mais je vous l’ai dit afin que, lorsque l’heure sera venue, vous vous souveniez que je vous l’ai annoncé. Je ne vous en ai pas parlé dès le commencement, parce que j’étais avec vous. – Jésus revient à ce qu’il disait (v.1). – Je vous ai dit ces choses…l’heure en sera venue. Le substantif heure, par lequel Jésus avait plusieurs fois désigné sa propre passion, marque maintenant celle des apôtres (cf. v. 2). – Vous vous souveniez que je (très accentué) vous l’ai annoncé. Voyez, 13, 19, une pensée semblable. Dans le souvenir de la prédiction si claire de leur Maître, les apôtres, au temps de leurs souffrances, devaient puiser courage et confiance. Il l’avait prévu, il l’avait dit. – Dès le commencement : aussitôt après leur vocation à l’apostolat (15, 25). D’assez bonne heure, cependant, et à différentes reprises N.-S. Jésus‑Christ avait annoncé aux disciples les souffrances qu’ils auraient à endurer pour lui, cf. Matth. 5, 10, et ss. ; 10,16, et ss. ; Luc. 6, 22-23, etc. Mais alors il parlait seulement de l’avenir en général, et les apôtres avaient à peine remarqué ces prédictions douloureuses, tant leurs espérances messianiques étaient brillantes soit pour leur Maître, soit pour eux‑mêmes : en ce moment la prophétie est nette, catégorique ; il n’y a pas d’erreur possible. De plus, au côté triste se joint ici la consolante promesse du Paraclet. Le Seigneur exprime donc vraiment des choses neuves sous divers aspects, et c’est à tort que les rationalistes ont essayé de mettre ce passage en contradiction avec ceux des synoptiques que nous venons de citer. – Parce que j’étais avec vous. Détail touchant. Aussi longtemps que Jésus était avec ses disciples, ceux‑ci n’avaient rien à craindre, car sa douce et divine présence suffisait pour les réconforter : il n’était donc pas nécessaire qu’il insistât d’avance sur les persécutions de l’avenir.

Jean 16.5 Et maintenant que je m’en vais à celui qui m’a envoyé, aucun de vous ne me demande : « Où allez-vous ? » – Ce verset inaugure une nouvelle série de pensées, que S. Thomas appelle « les raisons qui consolaient de l’éloignement du Seigneur », et que nous avons intitulée plus haut : La venue et l’œuvre de l’Esprit saint (vv. 5-15). – Et maintenant. Expression solennelle. La particule établit une forte antithèse entre le prochain départ de Notre‑Seigneur (« je m’en vais») et les années qu’il avait passées auprès de ses apôtres (« j’étais avec vous »). – A celui qui m’a envoyé. il s’en retourne au ciel, sa mission d’ambassadeur étant achevée sur la terre. – Aucun de vous ne me demande : Où allez-vous ? C’est la question si naturelle des enfants, des amis, au père ou à l’ami qui leur fait part d’un projet de voyage. Sans doute, au début du discours, deux apôtres l’avaient coup sur coup posée à Jésus dans le cénacle (S. Pierre, 13, 36, et S. Thomas, 14, 5), mais d’une manière tout extérieure et superficielle, car ils n’avaient désiré connaître que le terme de son voyage mystérieux. Or, le Sauveur aurait voulu qu’ils la réitérassent maintenant (notez l’emploi du présent, « demande ») avec des vues plus hautes, et d’après le sens plus profond qu’ils pouvaient entrevoir à la suite de ses explications. « Comme s’il disait : Vous ne songez pas où je vais ; en quel lieu, à quelle gloire, à quelle félicité ; mais sans songer où je vais et ce que je vais y faire, vous vous affligez. En quoi il les reprend secrètement du peu d’attention qu’ils ont à ce qu’il fait, et du peu d’amour qu’ils ont pour lui, puisqu’ils ne songent qu’à eux‑mêmes, et ne s’occupent que de leur tristesse ». Bossuet, Médit. sur l’Évangile, 2e partie, 18e jour. Jésus aurait aimé trouver en ce moment chez eux le joyeux élan de cœurs qui s’ouvrent aux perspectives d’une époque nouvelle, et qui ne tarissent pas en confiantes questions sur ce qu’il leur promet.

Jean 16.6 Mais parce que je vous ai dit ces choses, la tristesse a rempli votre cœur.Ces choses : les désolantes paroles des versets 1-5, relatives soit aux persécutions dont les disciples étaient menacés, soit au propre départ du Maître. – La tristesse a rempli votre cœur. Le langage est très énergique, comme l’était d’ailleurs la réalité. 

Jean 16.7 Cependant je vous dis la vérité : il vous est bon que je m’en aille, car, si je ne m’en vais pas, le Consolateur ne viendra pas en vous, mais si je m’en vais, je vous l’enverrai. – De nouveau Notre‑Seigneur va les consoler en leur promettant le divin Paraclet, cf. 14, 16, 26 ; 15, 26. – Cependant, je vous dis la vérité. Le pronom est accentué : Moi qui connais toutes choses, moi qui ne vous ai jamais trompés. Jésus appuie également sur l’expression la vérité. Le trouble dans lequel étaient tombés les apôtres était pour eux une source d’erreur ; leur Maître infaillible allait leur proposer la vérité toute simple. – Il est bon que je m’en aille. Plus haut, 14, 28, Jésus avait parlé des avantages que lui procurerait à lui‑même son retour auprès de son Père ; il signale ici celui qu’en retireront à leur tour les disciples. – Si je ne m’en vais pas. Le départ du Sauveur est, d’après le plan divin, une condition indispensable de l’envoi du Paraclet. Voyez 7, 39 ; 14, 16. – Après avoir exprimé cette condition en termes négatifs (le Défenseur ne viendra pas), Jésus la répète sous une forme positive (si… je vous l’enverrai). 

Jean 16.8 Et quand il sera venu, il convaincra le monde au sujet du péché, de la justice et du jugement : – A partir de cet endroit, nous apprenons quel sera le rôle de l’Esprit saint, soit par rapport au monde si coupable, soit par rapport aux apôtres et à leurs successeurs. – 1° Le monde et le Paraclet, vv. 8-11. Beau et profond passage, quoiqu’il paraisse de prime abord un peu énigmatique. Il résume admirablement, dans le mot Victoire, l’action de l’Esprit saint au milieu du monde incrédule. – Et quand il sera venu, il convaincra… Expression très significative. On la traduit ordinairement par « rendre manifeste quelque chose à quelqu’un par des raisons : convaincre » ; mais il faut en outre le prendre en mauvaise part, car il s’y ajoute une idée de blâme : convaincre quelqu’un de ses torts, lui donner sur tel ou tel point une démonstration si forte de la vérité, qu’il soit obligé de reconnaître qu’il est dans l’erreur. Ce rôle convient à merveille au Paraclet, à l’avocat céleste (voyez la note de 14, 16). Comparez aussi 1 Timothée 5, 20 ; 2 Timothée 4, 2 ; Tite 1, 9, 13 ; 11, 15, où le verbe « convaincre » sert à décrire le rôle des évêques à l’égard des fidèles imparfaits et des ennemis déclarés de l’Église. – La réfutation du Saint‑Esprit aura un triple objet : le péché, la justice et le jugement. Trois choses si graves, dont le monde corrompu refusait d’admettre l’existence, du moins dans sa conduite pratique. Il convaincra le monde au sujet du péché, de la justice et du jugement– Dans les trois versets suivants (9-11) Jésus reprend solennellement chacune de ces expressions, pour la commenter lui‑même. On a dit à juste titre que le quatrième évangile, agissant à la façon du S. Esprit, convainc alternativement le monde de péché (3, 19-21 ; 5, 28-29, 38-47 ; 8, 21 et ss., 34-47 ; 9, 41 ; 14, 27 ; 15, 18-24), de justice (5, 30 ; 7, 18, 24 ; 8, 28, 46, 50, 54 ; 12, 32 ; 14, 31 ; 18, 37), de jugement (12, 31 ; 14, 30 ; 17, 15). La lecture de ces divers passages serait une excellente explication des vv. 9-11.

Jean 16.9 au sujet du péché, parce qu’ils n’ont pas cru en moi, ; – Ce sera la première conviction produite par le Paraclet : S. Thomas : « L’Esprit Saint convainc seulement du péché d’incroyance, car par la foi tous les autres péchés sont remis ». Il démontrera au monde que « le monde entier est au pouvoir du Mauvais » (1 Jean 5, 19), plongé constamment dans toutes sortes de péchés. – Parce qu’ils… Ces trois « parce que » sont remarquables. Ils introduisent trois faits distincts, qui correspondent au caractère spirituel du monde (v. 9), du Christ (v. 10), du démon (v. 11), et qui forment tour à tour la base de l’action du Saint Esprit. – Or la base des péchés multiples du monde, c’est son incrédulité si complète et si inexcusable : ils n’ont pas cru en moi, « avec une foi formée par l’espérance et l’amour » cf. 15, 22, 24. Le Paraclet le prouvera.

 Jean 16.10 au sujet de la justice, parce que je vais au Père et que vous ne me verrez plus,La justice. S. Jean n’emploie ce substantif qu’ici et au v. 8. D’après l’interprétation la plus vraisemblable, admise par la plupart des Pères grecs et des exégètes, la justice en question n’est autre que celle de N.-S. Jésus‑Christ lui‑même. Les hommes de ce monde avaient refusé de la reconnaître, maltraitant le juste par excellence (Actes 3, 14), comme s’il eût été le dernier des scélérats ; mais le Paraclet leur en fournira une preuve incontestable. – Parce que je vais au Père. Ce fait parlera de lui‑même, publiquement et suffisamment. L’entrée triomphale de N. S. Jésus‑Christ dans le ciel comme Fils de Dieu démontrera sans réplique qu’il est la parfaite innocence. Les Juifs n’avaient pas voulu reconnaître que le Christ est juste, son Ascension prouvera leur péché et la parfaite justice de Jésus. – Et que vous ne me verrez plus. Jésus n’oublie pas la tristesse que la séparation devait causer à ses meilleurs amis. Toutefois, il y a plus que cela ; car, avant tout, ce détail est un développement des mots Je m’en vais au Père. En conséquence de son départ et de la nouvelle forme d’existence qu’il aura prochainement, Jésus cessera d’être visible aux regards matériels et physiques des apôtres, cf. 14, 19 et le commentaire. – S. Augustin et un certain nombre d’exégètes qui l’ont suivi entendent ici par justice non pas l’innocence du Sauveur lui‑même, mais celle des vrais croyants. « De quelle façon le monde sera‑t‑il donc convaincu touchant la justice ? Il le sera touchant la justice de ceux qui croient ; il est convaincu touchant le péché, parce qu’il ne croit pas en Jésus‑Christ ; et il est convaincu touchant la justice de ceux qui croient. Car, pour être condamnés, il suffira aux infidèles d’être comparés aux fidèles », S. Augustin d’Hippone Traité 95 sur S. Jean, 2. Mais ce sens est moins net et ne cadre pas bien avec le contexte. Nous jugeons identiquement l’opinion d’après laquelle il s’agirait de la nature de la vraie justice en général.

Jean 16.11 au sujet du jugement, parce que le Prince de ce monde est [déjà] jugé.au sujet du jugement : désigne ici un jugement de condamnation, porté par l’Esprit Saint contre le monde, cf. 3, 18. – Parce que introduit pour la troisième fois le motif. Et ce motif est tout à fait péremptoire : le prince de ce monde (c’est-à-dire, Satan, cf. 12, 31 ; 14, 30) est déjà jugé. Notez l’emploi du parfait. Déjà la chose est accomplie pour ainsi dire, tant elle est certaine à l’avance. En Satan s’était concentré l’esprit du monde ; or Satan verra son règne renversé par la prédication de l’Évangile : son jugement et sa condamnation sont le gage d’un jugement analogue pour les mondains, ses sujets. Que le monde ne se croie donc pas victorieux parce que Jésus va mourir sur la croix. – Faisons encore une rapide synthèse (voyez la note du v. 8). Au verset 9, il a été question de l’homme en général ou du monde ; les versets 10 et 11 nous ont ensuite présenté les deux princes spirituels qui ont influencé les hommes de manières si différentes : N.-S. Jésus‑Christ et le chef des démons. L’homme est mis en corrélation avec le péché, Jésus‑Christ avec la justice, Satan avec la damnation.

Jean 16.12 J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter à présent. – Nous passons à un autre aspect de l’œuvre du Paraclet : Jésus nous le montre agissant aussi au sein du groupe des douze apôtres ; non plus, cependant, d’une façon toute terrible, mais avec une grande suavité. Le Saint‑Esprit instruira les disciples : tel est le résumé de ce passage (vv. 12-15). – J’ai encore beaucoup de choses à vous dire. Sur cette formule, comparez 8, 6 ; 2 Jean 12 ; 3 Jean 13 ; Actes 23, 17, 19 ; 28, 19. Quant au sens, voyez l’explication de 14, 26 et de 15, 15. Il est peu probable que par « beaucoup de choses » Notre‑Seigneur ait voulu désigner des révélations entièrement nouvelles : il pensait d’abord à un développement plus complet, à une sorte d’explication, de développement et clarification des vérités communiquées par lui à ses apôtres. – Mais introduit une restriction. Quoique Jésus ait donné aux disciples toute sa confiance (cf. 15, 14-15), il est des choses qu’il ne peut leur dire encore, à cause de leur état moral. – Vous ne pouvez les porter à présent. Le verbe porter est pittoresque dans ce passage. Les vérités extérieures prises dans leur ensemble sont envisagées comme un lourd fardeau, que tout le monde ne saurait soulever et porter, pas même les apôtres au moment présent de leur croissance spirituelle, cf. 2, 21-22 ; 12, 16, etc. La scène actuelle le prouvait surabondamment.

Jean 16.13 Quand le Consolateur, l’Esprit de vérité, sera venu, il vous guidera dans la vérité toute entière. Car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu et il vous annoncera les choses à venir.Quand cet Esprit de vérité sera venu.., cf. v. 8. Plus tard, après la Pentecôte, quand le Paraclet les aura munis de grâces et de lumières spéciales, ils pourront tout porter sans peine. – L’Esprit de vérité, cf. 14, 17 et l’explication. – Il vous guidera. Il vous enseignera exprime la pensée, mais non l’image et la force du verbe primitif qui signifie littéralement : Il sera votre guide sur la voie. Le Paraclet se fera donc personnellement l’introducteur des disciples dans la riche contrée des vérités chrétiennes. Philon, De vita Mos. 3, 36, a un passage analogue : « L’intelligence de Moïse ne serait pas allée si droit au but, s’il n’avait pas eu l’Esprit divin pour la guider vers la vérité ». – dans la vérité toute entière. La vérité pleine et entière, la vérité dans toute son étendue, dans toutes ses profondeurs ; mais, naturellement, avec la restriction exigée par l’ « état de pèlerinage », car il restera une grande place pour les révélations du ciel. En manifestant ainsi la vérité, l’Esprit de vérité sera parfaitement dans son rôle ; connaissant tout d’une manière infaillible, il communiquera, sans danger d’erreur, la science à son plus haut degré. Il y a, dans cette demi‑ligne, l’abrégé des admirables développements du dogme catholique : ces paroles s’adressent directement aux apôtres ; indirectement à toute l’Église enseignante, que les apôtres représentent là. – Il ne parlera pas de lui‑même. (cf. 5, 19 ; 14, 4) ; de son propre fond, comme si ses paroles étaient distinctes de celles du Père et du Fils, et formaient une nouvelle source de vérité. Le démon parle de lui‑même, et il est par cela même un menteur, 8, 4. – L’Esprit de vérité parle au contraire à la façon d’un ambassadeur, qui ne va pas au delà de ce que son mandataire lui a mis sur les lèvres : Mais il dira tout ce qu’il aura entendu. Jésus avait tenu une conduite identique, n’enseignant que ce qu’il avait entendu et reçu du Père, cf. 8, 26, 40 ; 15, 15. A son tour il inspirera le Paraclet, v. 14. – Et il vous annoncera les choses à venir. Promesse importante, qui annonce que le don de prophétie se perpétuera au sein de l’Église. Sur cette révélation des secrets de l’avenir faite aux apôtres par le S. Esprit, comparez les célèbres passages : Romains 11, 25-32 ; 1 Corinthiens 15, 50-53 ; 1 Thessaloniciens 4, 13-18 ; 2 Thessaloniciens 2, 1-10 ; Tite 2, 11-14 ; 2 Pierre 2, 1 ; Jude 17-18, et la plus grande partie de l’Apocalypse. – Les mots Il vous annoncera sont répétés trois fois de suite à la fin de ce verset et des deux suivants, comme un majestueux refrain. 

Jean 16.14 Celui-ci me glorifiera, parce qu’il recevra de ce qui est à moi et il vous l’annoncera.Il me glorifiera. Tel sera, en fin de compte, le résultat principal de l’œuvre du Paraclet. De même que le Fils avait glorifié le Père en le manifestant (cf. 1, 18 ; 17, 4), il sera, lui aussi, glorifié par les révélations de l’Esprit saint. C’est la magnifique disposition providentielle des trois témoins célestes. – Ce qui est à moi : pour désigner les trésors indicibles du Fils, et surtout, dans ce passage, la plénitude de sa science, cf. Colossiens, 2, 2-3 : « Ce mystère, c’est le Christ… en qui se trouvent cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance ». – Et vous l’annoncera, cf. v. 13 ; 14, 26 et la note.

Jean 16.15 Tout ce que le Père a est à moi. C’est pourquoi j’ai dit qu’il recevra ce qui est à moi et qu’il vous l’annoncera. – Ainsi que l’indique le second hémistiche de ce verset, Jésus se propose de commenter ici l’assertion « il recevra de ce qui est à moi et vous l’annoncera ». Son divin commentaire consiste en une vérité générale et dans l’application de cette vérité au cas présent – 1° La vérité générale. Tout ce qu’a le Père… Tout sans exception, même l’essence divine ; mais plus particulièrement, d’après le contexte, les trésors de science qui leur appartiennent en commun. Le Père est en effet la source première de tous biens, à laquelle viennent puiser les deux autres personnes divines. [Symboles et Définitions de la Foi Catholique, 1996, Paris, éditions de Cerf, extraits de documents officiels du Magistère de l’Église Catholique sur la Sainte Trinité : « Bien que Dieu soit un seul (…) il n’est pas seul en lui-même » « on ne doit pas transposer à l’essence divine ce qui est propre aux Personnes (…) c’est pourquoi ce n’est pas la substance divine qui engendre, est engendrée et procède, mais le Père engendre, le Fils est engendré ». « Père, Fils et Saint Esprit sont d’une seule et même nature (…) c’est pourquoi ils sont consubstantiels (…) coégaux (…) il n’y a donc rien dans la Trinité qui soit moindre, plus élevé, plus grand ou plus petit (…) En particulier le Père, le Fils et le Saint Esprit sont égaux : – en divinité (ils sont Dieu parfait) (…) – en gloire et en majesté (…) – en éternité (dans la Trinité rien n’est plus tôt ou plus tard) (…) ils sont également éternels, aucun n’est avant ou après l’autre, ou sans l’autre (…) – en immensité (ils sont partout et contiennent tout) (…) – en puissance (…) ; il n’y a pas de degrés de la puissance dans la Trinité (…) Dieu « est » dans sa vie la plus intime « amour » essentiel qui est commun aux trois Personnes divines. »] – Est à moi. Plus haut (v. 14), ce qui est à moi au singulier, parce que les biens du Fils étaient envisagés dans leur sublime unité ; ici le pluriel, parce qu’on a surtout en vue leurs détails infinis. – 2° L’application. C’est pourquoi j’ai dit : il recevra… Comme le Sauveur rattache tout à sa personne. Même quand ses disciples ne le verront plus, il sera le centre de l’Église. Et aussi, comme l’on voit bien, dans ces trois versets (13-15), la parfaite identité d’essence du Père, du Fils et du Saint Esprit.

 Jean 16.16 Encore un peu de temps et vous ne me verrez plus et encore un peu de temps et vous me verrez, parce que je vais à mon Père. »Encore un peu de temps. Voyez 13, 23 et 14, 19. Dans quelques heures, quand la mort l’aura ravi aux regards des siens ; ou, d’après une autre opinion, tout au plus dans quelques jours, lorsqu’il sera remonté au ciel. – Et vous ne me verrez plus. Au lieu du futur, lisez le présent de l’anticipation, comme aux versets 10 et 17. – Et encore un peu de temps. Jésus affecte un langage mystérieux, paradoxal en apparence. Trois opinions se sont formées au sujet de ce second « un peu de temps ». Suivant les Pères grecs, il désignerait le temps qui s’écoula entre la Passion et la Résurrection, et, par suite, les quelques apparitions dont Notre‑Seigneur favorisa ses apôtres durant cet intervalle ; mais c’est trop peu dire, évidemment, S. Augustin, Bède le Vénérable, Maldonat, etc., passent à un autre extrême, car ils appliquent « un peu de temps » aux longs siècles qui devaient séparer l’Ascension de la fin du monde. Plus communément, et à meilleur titre, on croit que Jésus avait en vue, selon l’interprétation adoptée pour le premier « un peu de temps », le temps de la Résurrection à la Pentecôte, ou même seulement les dix jours de l’Ascension à la Pentecôte. De part et d’autre, cela ne fait qu’un assez court intervalle, qui correspond fort bien aux deux expressions. – Et vous me verrez. Cette fois, le texte grec emploie aussi le futur, mais il change l’expression d’une manière significative : au lieu du verbe qui exprime un regard attentif et pénétrant, celui qui marque de la façon la plus générale le phénomène de la vision. Preuve que Jésus ne parlait plus de sa présence physique et matérielle ; c’est sous une forme indirecte et spirituelle, dans son Paraclet, que les apôtres le verront désormais, cf. 14, 19 et le commentaire (là, cependant, le même verbe voir était répété, deux fois). Voyez aussi 12, 45, où il est dit que les disciples contempleront le Père en Jésus ; ils contempleront pareillement leur Maître dans l’Esprit qu’il leur enverra. – Parce que  je vais à mon Père. Jésus s’en va ; c’est le motif pour lequel, d’une part, les Onze cesseront bientôt de voir Notre‑Seigneur ; pour lequel, d’autre part, ils recommenceront bientôt aussi à le contempler sous une forme nouvelle.

Jean 16.17 Sur quoi, quelques-uns de ses disciples se dirent entre eux : « Que signifie ce qu’il nous dit : Encore un peu de temps et vous ne me verrez plus et encore un peu de temps et vous me verrez, parce que je vais à mon Père ? » – Petite scène très vivante. Sur quoi, en conséquence de la dernière parole de Jésus. – Que signifie ce qu’il nous dit… Quelle peut bien être la signification de ce mystérieux langage ? – Voilà donc les apôtres bien perplexes. Tout à coup ils cesseront de voir leur Maître, et tout à coup ils le reverront ; ils ne le verront plus parce qu’il s’en retourne vers son Père, et ils le reverront parce qu’il retourne vers son Père : ces choses leur paraissaient bien incompréhensibles. Et on le croit sans peine, si on se met à leur place.

Jean 16.18 Ils disaient donc : « Que signifie cet « encore un peu de temps » ? Nous ne savons ce qu’il veut dire. » – Cette fois, le narrateur emploie l’imparfait si pittoresque de la durée, de la répétition. – Que signifie… un peu de temps ? C’est le mot qui les troublait et les déconcertait le plus ; et nous avons vu que les exégètes n’ont pu tomber d’accord à son sujet. – Nous ne savons pas ce qu’il veut dire. Après quelques efforts pour comprendre, ils s’avouent réciproquement leur ignorance.

Jean 16.19 Jésus connut qu’ils voulaient l’interroger et leur dit : « Vous vous questionnez entre vous sur ce que j’ai dit : Encore un peu de temps et vous ne me verrez plus et encore un peu de temps et vous me verrez.Jésus connut… L’emploi du verbe connaître semblerait indiquer une connaissance naturelle, cf. 5, 6 ; 6, 15, etc. La science surnaturelle de N.-S. Jésus‑Christ est d’ordinaire exprimée par le verbe « savoir », cf. 2, 24 ; 6, 6 ; 13, 1, 3 ; 18, 4, etc. Au reste, il avait pu entendre et remarquer. Plus bas, néanmoins (v. 30), les apôtres paraissent supposer pour ce cas même une science miraculeuse. – Qu’ils voulaient l’interroger. Mais ils n’osaient réaliser leur désir ; Jésus les prévient tout aimablement. – Vous vous questionnez entre vous… Au verset 17 : se dirent entre eux, avec une légère nuance, cf. 4, 33. – Pourquoi j’ai dit : Encore un peu de temps… A son tour, Jésus reprend la formule énigmatique, dont il va donner l’interprétation.

Jean 16.20 En vérité, en vérité, je vous le dis, vous pleurerez et vous vous lamenterez, tandis que le monde se réjouira, vous serez affligés, mais votre affliction se changera en joie. – Du moins, une interprétation partielle, qui, sans préciser la durée historique des deux « un peu de temps », caractérisera assez nettement, en ce qui concerne les apôtres, chacune des périodes ainsi désignées. C’est une double prophétie, annonçant de profondes tristesses pour le moment présent, des joies très vives pour l’avenir. – En vérité, en vérité… que les disciples tiennent pour tout à fait certains les événements que le divin Maître va leur annoncer sous le sceau du serment. – Vous pleurerez et vous vous lamenterez. Ce pronom, rejeté à fin de la proposition, a une grande énergie. Le premier verbe est l’expression la plus générale pour désigner le deuil extérieur, cf. 11, 33 ; 20, 11. Le second marque des lamentations bruyantes, cf. Marc. 5, 38 ; Luc. 7, 32. Quand ils sont réunis, comme dans ce passage, c’est pour dénoter le comble de la désolation, cf. Matth. 2, 18 ; Luc. 23, 27 et suiv. – Le monde se réjouira. (frappant contraste). Tandis que les amis du Sauveur seront plongés dans la douleur, le monde se félicitera et se réjouira d’être délivré de son ennemi mortel. – Vous serez affligés..: nouvelle antithèse, mais pour prédire aux apôtres la fin de leurs ennuis. Les verbes pleurer et se lamenter avaient exposé le côté extérieur de la tristesse ; maintenant, c’est le sentiment intérieur qui est noté. – Mais votre tristesse sera changée en joie. La locution grecque a beaucoup plus de force : « deviendra joie ».

Jean 16.21 La femme, lorsqu’elle enfante, est dans la souffrance parce que son heure est venue. Mais lorsqu’elle a donné le jour à l’enfant, elle ne se souvient plus de ses douleurs, dans la joie qu’elle a de ce qu’un homme est né dans le monde. – Ce verset et le suivant contiennent une vivante comparaison empruntée à la vie de famille, qui décrit à merveille la rapide transformation de la tristesse des apôtres en une joie très vive. D’abord le type, v. 21, puis l’antitype, v. 22. – La femme : la femme en général ; car Jésus va signaler une loi commune et universelle. – lorsqu’elle enfante,est dans la souffrance. Les douleurs de l’enfantement, fruit direct du péché originel (Genèse 3, 16), sont souvent mentionnées dans la Bible d’une manière proverbiale, cf. Isaïe 13, 8 ; 21, 3 ; Jérémie 4, 31 ; 6, 24 ; Osée 13, 13 ; Michée 4, 9, etc. – Lorsqu’elle a donné le jour à l’enfant. Dans le texte grec, le verbe correspondant à enfanter n’est pas le même qu’auparavant ; Fils avec l’article, le petit enfant, impatiemment attendu. – Elle ne se souvient plus de ses douleurs. Encore l’article : les angoisses si violentes. – Dans la joie. Avec l’article pour la quatrième fois : La joie indicible qu’éprouvent les mères. – Et la cause de cette joie, c’est de ce qu’un homme est né dans le monde. Un homme (ici il n’y a pas d’article) ; pas seulement un enfant, un fils. En pensant qu’elle a donné le jour, la mère se sent heureuse et fière, et elle ne songe plus à ce que son bonheur lui a coûté de souffrances.

Jean 16.22 Vous donc aussi, vous êtes maintenant dans l’affliction, mais je vous reverrai et votre cœur se réjouira et nul ne vous ravira votre joie. – Jésus applique aux apôtres cette belle comparaison. – Vous donc aussi. Vous aussi, comme la femme qui enfante. La particule donc relie ce verset au 20e. – Vous êtes maintenant dans l’affliction. C’est une nécessité, mais ce sera rapide ; et la peine même est une condition des joies qu’apportera sûrement l’avenir. – En effet, continue le Sauveur, je vous reverrai (Voyez la note du v.16 ). Nuance pleine d’intérêt. Plus haut, vv. 16 et 17, Jésus avait dit : « Vous me verrez » ; il présente maintenant un autre heureux aspect de la situation ; lui aussi il aura le bonheur de voir ses chers amis, cf. 14, 18. – Et votre cœur se réjouira. Quelles délices, en effet, pour les apôtres à revoir N.-S. Jésus‑Christ après une séparation si cruelle. – Mais ce qui y mettra le comble, c’est que, ne dépendant pas de la présence extérieure, elles seront permanentes, sans fin : et nul ne vous ravira votre joie. Une mère a souvent le chagrin de perdre ses enfants ; nous pouvons ne perdre jamais Jésus. 

Jean 16.23 En ce jour-là, vous ne m’interrogerez plus sur rien. En vérité, en vérité, je vous le dis, tout ce que vous demanderez à mon Père, il vous le donnera en mon nom. – Deux autres avantages infiniment précieux, que procurera aux disciples cette bienheureuse période inaugurée par le second « un peu de temps », c’est-à-dire par la Pentecôte : une connaissance parfaite de la vérité et la toute‑puissance d’intercession. – En ce jour‑là, cf. v. 26, et 14, 20 (avec la note). Au jour où Jésus sera de nouveau présent aux siens, quoique d’une autre manière. – Vous ne m’interrogerez plus sur rien. Il y a quelques instants à peine, v. 5, Notre‑Seigneur se plaignait de ce qu’aucun de ses apôtres ne songeât à l’interrompre ; maintenant il affirme tout au contraire qu’il sera inutile de lui poser des questions, car ils verront alors toutes choses, grâce aux révélations du Paraclet, cf. v. 13. La meilleure traduction du verbe grec ερωτησετε est « interrogerez », cf. vv. 5 et 19. Le sens de « prier, adresser des requêtes », est possible en cet endroit ; mais il est moins en harmonie avec le contexte. – En vérité, en vérité… Encore le sceau du serment sur une solennelle promesse, cf. v. 20. – tout ce que vous demanderez à mon Père..., cf. 14, 13 ; 15, 16. Dans le texte grec, le verbe ne peut désigner que la prière. – Il vous le donnera en mon nom. S. Thomas : le Seigneur donne sept conditions d’une bonne prière. N°1 demander des biens spirituels. N°2 avec persévérance. N°3 que la prière soit faite dans la concorde, « Si deux d’entre vous se mettent d’accord sur la terre pour demander quoi que ce soit, ils l’obtiendront de mon Père qui est dans les cieux ». N°4 que la prière provienne d’un amour filial cf. Au Père car celui qui demande par crainte, ce n’est pas au père qu’il demande, mais au maître de maison ou à l’ennemi. N°5 que la prière soit faite avec piété, c’est-à-dire avec humilité. N°6 que la prière soit faite en temps opportun ; si on ne reçoit pas, il ne faut pas se décourager aussitôt. N°7 qu’on demande pour soi. 

Jean 16.24 Jusqu’à présent vous n’avez rien demandé en mon nom : demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit parfaite.Jusqu’à présent (jusqu’au moment présent) vous n’avez rien demandé en mon nom. Ils ne le pouvaient pas dans le sens strict ; car, pour prier au nom de N.-S. Jésus‑Christ, il fallait que le Sauveur fût assis triomphant à la droite de son Père, après avoir mérité par ses souffrances et par sa mort le titre de médiateur parfait. Ces paroles ne contiennent donc aucun reproche ; elles constatent simplement un fait. – Demandez, et vous recevrez (voyez la note du v. 14). Comparez une promesse identique dans les évangiles synoptiques, Matth. 7, 8 ; Marc. 11, 24 ; Luc. 11, 9. – Afin que votre joie soit parfaite : « afin que » marque le résultat à atteindre ; et ce résultat est exprimé très énergiquement dans le grec. C’est une joie à laquelle rien ne manque et qui demeure à jamais, cf. 3, 29 ; 15, 11 ; 17, 13.

Jean 16.25 Je vous ai dit ces choses en paraboles. L’heure vient où je ne vous parlerai plus en paraboles, mais je vous parlerai ouvertement du Père.Je vous ai dit ces choses. A quoi se rapporte « ces choses » ? Seulement aux versets 19-24, d’après un certain nombre d’exégètes. A toute la prédication de N.-S. Jésus‑Christ, suivant une autre opinion qui est évidemment exagérée. Aux paroles précédentes du discours d’adieu, selon le sentiment qui a nos préférences. – En paraboles. Sous une forme voilée, par conséquent obscure. Voyez la note de 10, 6. Jésus s’était servi d’un assez grand nombre d’expressions figurées durant tout ce discours : son départ, son retour, l’allégorie de la vigne, la femme qui enfante, le « un peu de temps », etc. ; et ces images l’avaient « couvert d’ombre », dit S. Jean Chrysostome. – L’heure vient (au présent). Elle approche, l’heure où je ne vous parlerai plus en paraboles. Jusqu’alors les apôtres n’avaient pas été assez mûrs pour entendre la vérité sous sa forme simple et directe : la descente de l’Esprit Saint au jour prochain de la Pentecôte les rendra capables de la recevoir ouvertement, c’est-à-dire sans aucun voile, cf. 7, 13 et le commentaire. – Je vous parlerai ouvertement du Père. Ces célestes communications, Jésus les fera surtout par son Paraclet ; mais aussi par lui‑même entre sa résurrection et son ascension, cf. Luc. 24, 25-27, 45, etc.

Jean 16.26 En ce jour-là, vous demanderez en mon nom et je ne vous dis pas que je prierai le Père pour vous.En ce jour‑là (cf. v. 23 et l’explication) vous demanderez en mon nom. « En ce jour là » par opposition à « jusqu’à présent » du v. 24. Jésus venait de constater que jusqu’alors les apôtres n’avaient pas prié en son nom. – Et je ne vous dis pas que… D’après quelques exégètes, la pensée du Sauveur serait : Je n’ai pas besoin de vous dire que je prierai pour vous, car il est évident que je le ferai. Mais tel n’est pas le véritable sens, lequel est nettement déterminé par le v. 27. Mon Père vous aime, et il vous accordera de lui‑même toutes les grâces dont vous aurez besoin ; il n’est donc pas nécessaire que je vous promette mon intercession. Toutefois, dit fort bien Tolet, h. l., « Remarque que Jésus n’a pas nié qu’il demanderait. Car il n’a pas dit : je ne demanderai pas, mais je ne dis pas que je demanderai, afin d’exclure la nécessité de son intervention », cf. Maldonat. C’est la figure de rhétorique appelée prétérition. Sur la médiation et les prières de N.-S. Jésus‑Christ dans le ciel, comparez les passages 14, 16 ; Romains 8, 34 ; Hébreux 7, 25 ; 9, 24 ; 1 Jean 2, 1 et s., etc. – Je prierai. Le pronom est très accentué. Sur l’emploi du verbe grec correspondant à prier, voyez 14, 16 et la note : c’est ordinairement la demande d’un égal à un égal. – Pour vous : à votre sujet ; nuance délicate qui s’accorde fort bien avec le contexte.

Jean 16.27 Car le Père lui-même vous aime, parce que vous m’avez aimé et que vous avez cru que je suis sorti du Père.Car le Père (« car » annonce un développement explicatif) vous aime. Lui‑même : de lui‑même, spontanément, il vous aime. Et remarquez que Jésus emploie, pour exprimer ce sentiment du Père envers les apôtres, non le verbe le plus relevé αγαπα mais φιλει, qui marque mieux une affection tendre et paternelle, cf. 11, 5 et le commentaire. – Parce que vous : vous, par opposition au monde indifférent et même hostile) m’avez aimé. Le parfait exprime très bien la durée et la fidélité de l’amour des disciples pour leur Maître. Et c’est précisément cet amour généreux et fidèle qui leur avait gagné la haute amitié du Père. – Et que vous avez cru (de nouveau le parfait). Autre motif pour lequel le Père les chérissait : ils avaient cru fermement à la mission et à la divinité de son Fils. L’amour et la foi, voilà bien les deux qualités essentielles d’un excellent disciple. La foi n’est mentionnée qu’en second lieu, parce qu’elle fut moindre d’abord que l’affection ; mais elle alla peu à peu grandissant avec l’amour. – Que je suis sorti du Père.

Jean 16.28 Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde, maintenant je quitte le monde et je vais au Père. » – Comme on l’a dit, il y a tout un symbole chrétien dans ce verset : l’éternelle génération du Verbe, l’Incarnation, la Rédemption, le triomphe éternel de N.-S. Jésus‑Christ, y sont clairement exprimés. – Je suis sorti du Père. Le point de départ ainsi indiqué n’est pas seulement la présence du Père, mais sa substance même. – Et je suis venu dans le monde : comme Messie‑Dieu, par l’Incarnation. Le parfait désigne une œuvre entièrement accomplie. – maintenant… Le premier hémistiche pouvait s’intituler : Du ciel en terre ; celui‑ci pourrait se résumer dans les mots : De la terre au ciel. – Je quitte le monde : maintenant que l’œuvre de la Rédemption est achevée. – Et je vais au Père, pour régner éternellement à ses côtés.

Jean 16.29 Ses disciples lui dirent, « Voilà que vous parlez ouvertement et sans vous servir d’aucune image.Ses disciples lui dirent, – « Voilà que ». Cette particule, aimée de S. Jean, et plus fréquemment employée dans son évangile que dans tous les autres écrits du Nouveau Testament mis ensemble, dénote ici une joyeuse surprise. Jésus venait d’annoncer aux Onze (v. 25) que bientôt il leur parlerait clairement et sans figures ; et ils supposent que ce moment est déjà venu. Aussi, reprenant ses propres paroles, ils mettent les deux verbes au temps présent, vous parlez ouvertement, et sans vous servir d’aucune image, tandis qu’il s’était servi du futur, et ils ajoutent un maintenant significatif. Leur réflexion est naïve comme celles que font souvent les enfants : déjà ils croient avoir tout compris. « ils les comprenaient si peu qu’ils ne voyaient pas même qu’ils ne les comprenaient pas. Ils étaient encore de petits enfants », dit spirituellement S. Augustin, h. l.

Jean 16.30 Maintenant nous voyons que vous savez toutes choses et que vous n’avez pas besoin que personne vous interroge, c’est pourquoi nous croyons que vous êtes sorti de Dieu. »Maintenant nous voyons que vous savez toutes choses. Absolument toutes choses ; même ce qui se passe au fond des cœurs. Les mots suivants, et que vous n’avez pas besoin que personne vous interroge, ne font que développer cette pensée, en l’appuyant sur un incident récent, cf. v. 19. – C’est pourquoi. A cause de cela précisément, parce qu’il connaissait toutes choses. – Nous croyons. Jésus avait parlé de leur foi au temps parfait (v. 27) ; eux, ils la mentionnent comme une chose constamment présente et vraie. – Que vous êtes sorti de Dieu. Non que cette croyance fût pour eux nouvelle et récente (cf. Matth. 16, 16) ; mais les dernières paroles de leur Maître avaient encore contribué à l’affermir. Le changement des prépositions dans le texte grec est encore à noter : απο (venant de) succédant à παρα (d’auprès de, v. 27) et à εκ (sorti de, v. 28). Celle qu’emploient les apôtres est la moins expressive des trois.

Jean 16.31 Jésus leur répondit : « Vous croyez à présent. »A présent marque le moment actuel. Il y a peu de temps, v. 27, Jésus louait la foi de ses apôtres, afin de les remercier et de les encourager ; et voici que tout à coup, quand ils la mentionnent à leur tour, il leur montre combien elle est encore vacillante. C’est qu’il veut, en face des terribles événements qui approchent, leur montrer combien il faut qu’ils sachent se défier de leur faiblesse. Certaines traductions terminent la phrase par un point d’interrogation. Maldonat et d’autres commentateurs suppriment le point d’interrogation (Vous croyez, il est vrai ; toutefois…) ; la plupart des exégètes le conservent à meilleur titre (Est‑il si sûr que vous croyiez actuellement ?).

Jean 16.32 Voici que l’heure vient et déjà elle est venue, où vous serez dispersés, chacun de son côté et vous me laisserez seul, pourtant je ne suis pas seul, parce que le Père est avec moi.Voici que, cette fois, est douloureusement solennel (voir la note du v. 29) et introduit une triste prophétie. – L’heure vient, au présent, comme au v. 25, mais pour désigner une heure plus prochaine encore, qui a pour ainsi dire déjà sonné : et elle est déjà venue, au parfait. – Où vous serez dispersés. Expression très pittoresque, qui nous met sous les yeux un troupeau de brebis errant à l’aventure après avoir été complètement dispersé, cf. Matth. 26, 31. – Chacun de son côté. Sur cette locution, voyez 1, 11 ; 13, 27. Chacun chez soi ; ou, chacun à ses occupations. Leur société va être brisée pour un temps. – Et vous me laisserez seul : ils abandonneront lâchement Jésus entre les mains de ses ennemis. – Pourtant je ne suis pas seul. Notre‑Seigneur précise aussitôt. Lui, il ne sera jamais seul, quand même le faisceau d’unité se rompra autour de lui) ; car il a conscience à tout instant de la sainte et douce présence de son Père : Le Père est avec moi. Quelle divine majesté dans cette parole. N.-S. Jésus‑Christ n’a besoin de personne ; la société du Père lui suffit. Et pourtant il nous aime, et il veut que nous l’aimions aussi. Insondable mystère.

Jean 16.33 Je vous ai dit ces choses, afin que vous ayez la paix en moi. Vous avez des épreuves dans le monde, mais courage ! J’ai vaincu le monde.Je vous ai dit ces choses. Cette formule, si fréquente dans le discours d’adieu, le désigne ici tout entier (13, 31 -16, 32) ; et c’est une erreur de ne la faire retomber que sur le v. 32 (Schegg, etc.). – Afin que vous ayez la paix en moi. En lui, c’est à dire, en demeurant étroitement unis à sa personne sacrée. La paix, malgré les tribulations extérieures ; la vraie paix qu’il a laissée à ses amis (14, 27) comme un précieux héritage. Sa vie s’achève, ainsi qu’elle a commencé (Luc. 2, 14), par un message de paix. – Dans le monde. Par antithèse avec « en moi ». En lui, ils auront la paix et la joie ; dans le monde, la guerre et la souffrance. – Vous avez des épreuves. Vigoureuse expression, cf. v. 22). Le verbe grec est au présent : déjà l’angoisse avait commencé pour les disciples ; elle devait croître après le départ du Sauveur. – Mais (particule adversative : néanmoins, malgré cela) courage ! Qu’ils demeurent absolument inébranlables dans la confiance, la fermeté et la force. – J’ai (tout à fait majestueux) vaincu le monde. Le parfait de la réalisation complète : déjà le monde est là, gisant aux pieds de Jésus, à la façon d’un ennemi entièrement vaincu. Il y a une énergie incomparable dans ce cri de triomphe. Pourtant, quoi de plus étrange en apparence qu’une telle assertion, au moment où va s’ouvrir la série des humiliations et des défaites extérieures de N. S. Jésus‑Christ ? Mais il est absolument sûr de la victoire finale, et ses apôtres, son Église, doivent se rassurer, même au milieu des plus redoutables dangers, en pensant qu’il les protège. C’est une digne et sublime conclusion de ce sublime discours.

Bible de Rome
Bible de Rome
La Bible de Rome réunit la traduction révisée 2023 de l’abbé A. Crampon, les introductions et commentaires détaillés de l’abbé Louis-Claude Fillion sur les Évangiles, les commentaires des Psaumes par l’abbé Joseph-Franz von Allioli, ainsi que les notes explicatives de l’abbé Fulcran Vigouroux sur les autres livres bibliques, tous actualisés par Alexis Maillard.

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