L’Évangile selon saint Jean commenté verset par verset

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CHAPITRE 17

Jean 17.1 Ayant ainsi parlé, Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, l’heure est venue, glorifiez votre Fils, afin que votre Fils vous glorifie, – La prière sacerdotale de Jésus. 17, 1-26. Voici du plus sublime encore. « Combien doit‑on imposer silence à tout le créé, pour entendre au fond de son cœur les paroles que Jésus‑Christ adresse à son Père dans cette intime et parfaite communication. », Bossuet, Méditat. Sur l’Evang., 2è partie, 34è jour. Ce nom de Prière sacerdotale est devenu pour ainsi dire classique depuis la fin du 16ème siècle, le protestant Chytraeus l’ayant alors mis en honneur (« La prière d’intercession du prêtre suprême »). Mais, longtemps auparavant, le saint abbé Rupert de Deutz l’avait suggéré dans son commentaire : « Pourquoi dit‑il et demande‑t‑il ces choses celui qui est le pontife et l’hostie du salut (in v. 13) ? Ce pontife suprême est le propitiateur des propitiateurs, le prêtre et le sacrifice. C’est pour nous qu’il prie (in v. 26). ». Titre aussi exact qu’il est beau : c’est vraiment notre grand‑prêtre qui intercède pour nous, avant d’offrir son sacrifice sanglant. Si les chapitres 14-16 forment le sanctuaire, le 17ème est le Saint des Saints de l’Évangile. L’interprète hésite à y toucher ; il préférerait s’enfermer dans le silence dont parle Bossuet : pour se rassurer, il a besoin de se souvenir que cette prière n’a été conservée que pour servir à tout jamais de glorieux thème aux études et aux réflexions respectueuses des prêtres et des fidèles. – Les synoptiques, tout spécialement S. Luc (voyez la préface de notre commentaire) mentionnent de temps à autre les prières de Jésus ; mais, deux fois seulement (Matth. 11, 25-26, et à la scène Gethsémani, cf. Matth. 26, 39 et ss., avec les passages parallèles), et d’une manière très brève, ils en citent les termes exacts. Ici, au contraire, comme un phénomène unique dans la narration évangélique, nous avons le texte authentique et complet d’une longue prière. Passant de ses disciples (16, 33) à son Père céleste, Notre‑Seigneur épanche suavement son âme devant lui. Il résulte des versets 1 et 13 que cette prière fut proférée à haute voix ; évidemment en langue araméenne ou syro‑chaldaïque, l’hébreu de ce temps‑là. Rupert en place le théâtre au jardin de Gethsémani, mais sans raison suffisante. Selon d’autres, ainsi qu’il résulte de notre explication de 14, 31, c’est au cénacle qu’elle aurait été prononcée. M. Westcott se déclare pour la cour du temple, dont l’accès, selon une note de Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques, 18, 2, 2, était libre à partir de minuit durant les solennités pascales. Sans pouvoir fixer une localité précise, elle fut prononcée en plein air, avant que Jésus et les siens eussent franchi les murs de la ville, cf. 18, 1. L’intensité des sentiments suppose un arrêt momentané de la marche. La formule du v. 1 montre qu’il n’y eut pas d’intervalle entre la fin du discours d’adieu et le début de la prière. En même temps que cette page nous fournit le modèle des saints épanchements du cœur de Jésus dans celui de son Père, elle contient, sous une forme indirecte, une vive et profonde instruction pour les disciples et pour toute l’Église. C’est ce que relève excellemment S. Augustin dans son Traité sur S. Jean. 104, 2 : « Notre‑Seigneur, Fils unique du Père et coéternel à lui, pouvait, dans sa forme d’esclave et par elle, prier en silence, s’il l’avait jugé nécessaire ; mais il a voulu être auprès de son Père notre intercesseur, de manière toutefois à ne pas oublier qu’il était aussi notre maître. Par conséquent, la prière qu’il a faite pour nous, il l’a faite pour nous instruire ». – Ses richesses sont incomparables, malgré son étonnante simplicité qui fait que l’on comprend tout à une première lecture. « Dans toute l’Écriture, ce chapitre est le plus facile à comprendre littéralement, mais le plus profond par le sens », Bengel, Gnomon, h. l. Sans prendre nulle part le ton dogmatique, elle touche à divers points très importants pour la théologie. C’est aussi une magnifique prophétie de l’avenir de l’Église, soit dans le temps, soit dans l’éternité, tout ce que Jésus‑Christ demande dans sa prière devant infailliblement se réaliser. Que penser du rationaliste Bretschneider, qui, dans un mouvement de haine, a osé la qualifier de prière froide et dogmatique » ? Il suffit de répondre par la parole exquise de Cornelius a Lapide [Corneille de la Pierre] : « Ce sont ses dernières paroles, et comme son chant du cygne. Voilà pourquoi elles sont pleines de douceur, d’amour et de ferveur ».N’oublions pas d’y remarquer l’accent triomphal qui s’y fait constamment sentir. C’est la continuation de la fière parole « Courage ! J’ai vaincu le monde » (16, 33). Pas le moindre sentiment de crainte et d’angoisse. –Ayant ainsi parlé la première moitié de ce verset forme une petite introduction historique. Il y ajoute cette note simple : Jésus leva les yeux au ciel. Ce geste convenait merveilleusement à la circonstance, car il marquait une confiance filiale, la certitude d’être exaucé, cf. 6, 5 ; 11, 41. Quel contraste avec l’attitude de Jésus à Gethsémani dans quelques instants : cf. Matth. 26, 39. – Et dit : au milieu du silence ému des onze apôtres. – Père (Marc. 14, 36 ; Romains 8, 15 ; Galates 4, 6), tel fut le premier mot de la prière du Sauveur, laquelle est en réalité constamment la prière d’un fils à son père. Nous le retrouverons cinq autres fois : vv. 5, 11, 21, 24, 25 (deux fois avec une épithète, vv. 11 et 25). C’est aussi le premier mot de la formule d’intercession que le Seigneur nous a laissée, Matth. 6, 9. – L’heure est venue. La voilà, cette heure depuis si longtemps annoncée (cf. 2, 4), et préparée par les crises multiples que le disciple bien‑aimé a exposées avec la plus admirable fidélité. – Glorifiez votre fils. Le v. 5 dira de quelle manière Jésus souhaite d’être glorifié. Votre fils, dont la gloire doit vous être si chère. Il eût été beaucoup moins expressif de dire : Glorifiez-moi. – Afin que votre Fils vous glorifie. Voyez, sur cette réciprocité de glorification, 13, 31, 32 et le commentaire.

Jean 17.2 Puisque vous lui avez donné autorité sur toute chair, afin qu’à tous ceux que vous lui avez donnés, il donne la vie éternelle. – Ce verset est étroitement uni au précédent : il explique en quoi et de quelle manière le Père sera glorifié par le Fils. – Puisque vous lui avez donné autorité sur toute chair. Jésus tire une déduction du rôle qui lui a été confié relativement aux hommes. – vous lui avez donné: le temps passé marque un don qui a été accordé à tout jamais, cf. 3, 35. – Sur toute chair. La construction est extraordinaire, cf. Matth. 10, 1 ; Marc, 6, 7. Sur l’hébraïsme toute chair, pour désigner le genre humain tout entier envisagé au point de vue de ses infirmités et de son caractère périssable, comparez les passages Genèse 6, 12, 19 ; Ps. 64, 3 ; 164, 21 ; Isaïe 40, 5 ; 49, 26 ; 66, 16, 23 ; Jérémie 12, 12 ; 32, 25 ; 45, 5 ; Ézéchiel 20, 48 ; 21, 5 ; Joël, 2, 28, etc. Elle n’apparaît qu’en ce passage du quatrième évangile, où elle rappelle la catholicité du royaume de N.-S. Jésus‑Christ. – Afin qu’à : but pour lequel Dieu a donné au Verbe incarné un pouvoir si universel. – Tous ceux que vous lui avez donnés. Dans le texte grec, tous ceux est du genre neutre, ce qui appuie encore sur la totalité des pouvoirs de Jésus : les hommes, ses sujets, sont considérés comme formant une masse idéale. – Il donne. Notre‑Seigneur a reçu les hommes comme un tout ; il leur donne individuellement le salut, cf. 3, 6 ; 6, 37. Autre nuance : la puissance de Jésus‑Christ s’étendra sur toute chair, c’est une souveraineté aussi étendue que possible ; et pourtant, il ne communique la vie éternelle qu’avec une certaine réserve, seulement à ceux que le père lui a donnés. C’est qu’il y a des hommes qui, par leur faute, ne participeront pas au salut. – La vie éternelle : S. Jean mentionne bien souvent cette vie, cf. 3, 16 ; 5, 24, 47, 54 ; 13, 5, 12, etc.

Jean 17.3 Or, la vie éternelle, c’est qu’ils vous connaissent, vous, le seul vrai Dieu et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ.Or (en avant d’une manière très solennelle) la vie éternelle : « Voici en quoi consiste » cette vie. Jésus indique ce qu’il entend par là, afin de montrer par là-même quels rapports il existe entre elle et la glorification du Père et du Fils. – C’est qu’ils vous connaissent : La tendance, le but à réaliser. Il n’est pas question en cet endroit de la vision béatifique ; mais le verbe marque, comme nous l’avons si souvent répété, une science que l’on acquiert peu à peu, grâce à des efforts permanents ; et ici, d’une façon plus spéciale, une science basée sur la foi. – Vous le seul vrai Dieu : L’objet de cette connaissance est double : d’abord Dieu le Père, « l’unique vrai Dieu », le seul en qui se vérifie l’idéal contenu dans le mot, par opposition aux faux dieux du paganisme. – Et celui que vous avez envoyé : En second lieu, N.-S. Jésus‑Christ lui‑même… La vraie connaissance de Dieu est désormais chrétienne, et indissolublement unie à la connaissance de Jésus‑Christ. Les Ariens n’ont pas manqué de dire qu’en se distinguant ainsi de « l’unique vrai Dieu », Jésus renonçait par là même à revendiquer la nature divine. Pour les mieux réfuter, S. Augustin, S. Ambroise, S. Hilaire, S. Thomas, etc., ont eu recours à une inversion des mots : « L’ordre des paroles est celui‑ci : « Que vous et celui que vous avez envoyé, Jésus‑Christ, ils vous connaissent pour le seul vrai Dieu » (S. Augustin, Traité sur S. Jean, 105, 3). Mais il n’est pas nécessaire d’avoir recours à ce moyen, car la seule manière dont le Sauveur s’associe à Dieu dans tout ce passage démontre qu’il est Dieu lui‑même, cf. 1 Corinthiens 8, 6. – Jésus‑Christ : C’est le seul endroit où Notre‑Seigneur se désigne ainsi lui‑même par ce double nom (le nom de la personne et celui de l’emploi ; voyez notes sous Mth, 1, 16 et 21), qui devait être bientôt universellement adopté. – Sublime définition de la vie chrétienne : connaître Dieu et Jésus‑Christ, et aussi les goûter par l’amour en même temps que les connaître par la foi, car il ne s’agit pas seulement d’une science théorique et froide. S. Irénée, Contre les Hérésies 4, 20.

Jean 17.4 Je vous ai glorifié sur la terre, j’ai achevé l’œuvre que vous m’avez donnée à faire. – Jésus revient à la pensée par laquelle débutait sa prière (v. 1), et il montre, d’une part, (v. 4), comment il a glorifié son père, de l’autre (v. 5), comment son Père le glorifiera lui‑même. Toutefois, il se place à un autre point de vue, puisque en ce moment il envisage sa propre glorification comme le résultat du courageux accomplissement de sa tâche, tandis qu’aux vv. 1 et 2 elle lui apparaissait comme la préparation d’une mission à remplir. – Je vous ai glorifié. Plus haut (vv. 1 et 2) Jésus parlait de lui‑même d’une manière indirecte (« ton Fils ») ; maintenant il parle à la première personne (« moi »). – Sur la terre : par une vie de sacrifice et d’amour. Il est touchant de voir Notre‑Seigneur faisant ainsi valoir ses droits au triomphe de ciel. « Il demande à son Père sa glorification comme une récompense qui lui est due. Mais il l’avait déjà méritée en glorifiant son Père, et en accomplissant l’œuvre qu’il lui avait prescrite de faire. Il avait déjà fait ce qui dépendait de lui. Que le Père fasse donc qui dépend de lui, qu’il le glorifie. », Maldonat. – J’ai achevé l’œuvre. Tout le plan divin relatif à N.-S. Jésus‑Christ, à sa vie et à sa mort, cf. 4, 34. Ce plan est ici contemplé dans son unité admirable ; comparez 5, 36, où l’emploi du pluriel en exprimait les détails multiples. Le Rédempteur voit son œuvre, et aussi le but de cette œuvre, comme des choses actuellement achevées. – L’œuvre que vous m’avez donnée à faire, cf. 5, 36 et le commentaire. Jésus, en tant qu’homme, n’avait pas choisi, il avait simplement obéi à sa divinité.

Jean 17.5 Et maintenant à vous, Père, glorifiez-moi auprès de vous, de la gloire que j’avais auprès de vous, avant que le monde fût. Et maintenant (solennel) : maintenant que mon rôle terrestre a pris fin, rôle de souffrance et d’humiliation. – Glorifiez-moi, auprès de vous. Les pronoms sont encore emphatiquement rapprochés, mais le second est le plus accentué : « A ton tour, en échange. » Et la douce appellation Père, vient insister avec vigueur. – Les mots auprès de vous‑même sont opposés à « sur la terre » du v. 4 : ils rappellent le majestueux prologue, 1, 1 – De la gloire que j’avais, ce qui marque la continuité perpétuelle de cette glorieuse possession. – Avant que le monde fût. C’est-à-dire, de toute éternité ; voyez la note de 1, 1. – Auprès de vous : au sein du père, avant l’Incarnation. Deux opinions se sont formées parmi les exégètes catholiques touchant cette requête de N.-S Jésus‑Christ. D’après les uns, c’est sa gloire même, de laquelle il avait été séparé par l’Incarnation (Philippiens 2, 6), que le Sauveur redemanderait ici. Suivant les autres, le privilège réclamé par Jésus ne concernait que sa nature humaine. « Illustre, exalte, glorifie cette mienne humanité de la gloire qui est digne du Fils de Dieu que je suis. Et fais en sorte que cette gloire que, en tant que Dieu, j’ai avec toi de toute éternité, se communique et s’étende à ma chair », Tolet, cf. S. Jean Chrysost. Nous préférons ce second sentiment. Ce ne sont toutefois que des nuances. Pour la réalisation de cette prière de l’Homme‑Dieu, comparez Philippiens 2, 9 ; 1 Timothée 3, 16 ; Hébreux 1, 8 et 13 ; 1 Pierre 2, 22.

Jean 17.6 J’ai manifesté votre nom aux hommes que vous m’avez donnés du milieu du monde. Ils étaient à vous et vous me les avez donnés et ils ont gardé votre parole. – J’ai manifesté : j’ai rendu visible, cf. 1, 31 ; 2, 11 ; 7, 4 ; 21, 1. Ce verbe correspond à « je vous ai glorifié, j’ai accompli l’œuvre… » des versets précédents. – Votre nom aux hommes que vous m’avez donnés. Jésus n’a pas communiqué ses révélations célestes aux premiers venus d’entre les hommes, mais à ceux que son Père lui avait spécialement choisis, cf. vv. 9, 11, 22, 24. – Du milieu du monde, cf. 15, 16 et l’explication. Les apôtres aussi avaient appartenu au monde coupable. – Ils étaient à vous. Pas seulement d’une manière générale, comme tous les hommes, mais d’une façon très spéciale, à cause du choix dont ils avaient été l’objet. Jésus reviendra dans un instant (v. 9) sur ce trait, pour en faire un pressant motif de sa prière. – Et vous me les avez donnés : c’est au moment de cette donation que le Sauveur lui‑même avait élu les Douze pour ses apôtres, cf. 6, 70 ; 15, 16. Voyez aussi les passages 6, 37, 44, 66 ; 10, 29 ; 18, 9, qui nous montrent également le Père conduisant les hommes à son Christ, ou les lui donnant. – Et ils ont gardé votre parole. Cette parole ne diffère pas de celle du Fils, et est transmise par lui. « ils ont gardé », pour décrire une vigilante attention et un fidèle accomplissement dans le passé. Obéissance très méritoire, parce qu’elle était tout à fait libre, cf. 1, 11, 12 ; 3, 18, 19 ; 12, 47, 48, etc.

Jean 17.7 Ils savent à présent que tout ce que vous m’avez donné vient de vous, – Heureux effets produits chez les apôtres par l’acceptation obéissante de la parole de Dieu, vv. 7-8 – à présent : les choses étant ainsi. – Ils savent, littéralement : ils sont arrivés à connaître ; par conséquent, ils savent, cf. 5. 3 ; 5, 42 ; 6, 70 ; 8, 52, 55 ; 14, 9, etc. – Que tout (mot accentué) ce que vous m’avez donné… L’œuvre entière de la rédemption, considérée dans ses nombreux détails ; tout le ministère messianique du Seigneur Jésus. – Vient de vous. Notez l’emploi du présent : ces choses sont et demeurent divines.

Jean 17.8 car les paroles que vous m’avez données, je les leur ai données. Et ils les ont reçues et ils ont vraiment reconnu que je suis sorti de vous et ils ont cru que c’est vous qui m’avez envoyé.Car… De quelle manière les disciples sont parvenus à reconnaître que tout était divin dans leur Maître – Les paroles que vous m’avez données : au pluriel, alternant avec le singulier la parole comme en plusieurs autres endroits, cf. v. 6 ; v, 38, 47, etc. Ce sont ici les révélations en tant qu’elles tombaient une à une des lèvres du Sauveur. – Je les leur ai données, le père ne les lui avait données que pour qu’il les transmette aux hommes, et ils ont connu véritablement. – Ils ont vraiment reconnu. Adverbe emphatique : la foi des apôtres fut vive et solide, pas seulement à la surface. – Que je suis sorti de vous. Ces mots désignent l’origine divine de Jésus, cf. 16, 28. Les suivants, que c’est vous qui m’avez envoyé, se rapportent à son rôle de Messie. – Le changement des verbes ont connu d’abord, puis ont cru est à remarquer. Ayant reconnu, les apôtres crurent ; la science les conduisit à la loi. Nous avons trouvé l’ordre inverse au chap. 6, v. 70.

Jean 17.9 C’est pour eux que je prie. Je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que vous m’avez donnés, parce qu’ils sont à vous. – Jésus passe à l’intercession proprement dite, vv. 9-19. Il expose en termes tout à la fois délicats et vigoureux le grand besoin qu’ils ont des secours divins. – Je : Ce majestueux pronom revient fréquemment dans les chapitres 14-17. – Prie pour eux. « eux » est aussi accentué. « C’est comme s’il disait : je prie pour ceux qui sont semblables à ceux que je viens de décrire », Maldonat. – Ce n’est pas pour le monde que je prie. Pour eux, et non pour le monde incrédule. Évidemment, on ne saurait entendre ces paroles d’un refus absolu de prier pour le monde, et leur sens a été souvent exagéré dans les applications mystiques qu’on en a faites. N.-S. Jésus‑Christ n’exclut pas le monde de ses supplications, pas plus qu’il ne l’exclut des mérites de sa mort. Il nous a recommandé de prier pour nos ennemis, Matth, 5, 44-45, et il n’a pas manqué de joindre l’exemple au précepte, Luc. 23, 34. Et même, dans un instant, il priera directement pour le monde (v. 23). Il emploie donc cette forme de langage afin de mieux caractériser, de mieux mettre sous les regards et sous l’affection du Père, ses disciples qui étaient l’objet spécial, exclusif, de sa supplication au moment actuel. Mon Père, regardez-les ; c’est uniquement sur eux que j’attire votre attention à l’heure présente. – Mais pour ceux que vous m’avez donnés. Ces mots encore sont fortement accentués. – Parce qu’ils sont à vous, cf. v. 6 et le commentaire. Quoique donnés à Jésus‑Christ, ils demeurent la propriété du Père, qui ne pourra moins faire que de bénir et protéger les siens.

Jean 17.10 Car tout ce qui est à moi est à vous et tout ce qui est à vous est à moi et que je suis glorifié en eux.Tout ce qui est à moi est à vous. Quoique exprimée sous une forme générale, et par un neutre très significatif, cette pensée se rattache étroitement à la précédente, « ils sont à vous », v. 9. Jésus met en relief le premier motif pour lequel Dieu doit exaucer sa prière et secourir les apôtres : ceux‑ci n’appartiennent pas moins au Père qu’au Fils, tout étant commun entre les personnes divines. – Et tout ce qui est à vous est à moi, (simplement) : par réciprocité. L’énergie du langage est étonnante. – Et que je suis glorifié en eux. Autre motif d’une bienveillante écoute de la part du père : Jésus a été glorifié en eux. Comme ailleurs, le verbe au parfait dépeint la chose dans le domaine du passé, tant elle sera sûrement accomplie. Le Sauveur avait confiance en ses disciples, malgré la défaillance qu’il venait de prédire (16, 32). En réalité, ils l’ont glorifié de leur mieux, et ils demeurent des monuments à jamais vivants en son honneur.

Jean 17.11 Je ne suis plus dans le monde. Pour eux, ils sont dans le monde et moi, je vais à vous. Père saint, gardez dans votre nom ceux que vous m’avez donnés, afin qu’ils ne fassent qu’un, comme nous. – La prière du Sauveur devient de plus en plus touchante. Ses courtes phrases, qu’entrecoupe l’émotion, sont simples et grandioses. Après avoir dit à son Père que ses disciples méritaient sa divine protection, Jésus signale maintenant les circonstances qui la rendaient nécessaire. Voici qu’il va les quitter, les laissant seuls au milieu de nombreux dangers. – Je ne suis plus dans le monde. Il a eu si peu de temps à vivre, qu’il peut regarder son séjour sur la terre comme ayant déjà pris fin. – Pour eux, ils sont dans le monde. Eux, au contraire, ils demeurent dans ce monde hostile et corrompu ; car le moment n’est pas venu pour eux d’accompagner leur Maître, cf. 13, 33, 36-37, etc. – Et moi, je viens à vous. Sans doute, c’est bonheur et gloire pour Jésus de remonter au ciel ; mais son mode d’action sur ses apôtres sera nécessairement changé par la séparation. Remarquez les « et » et le « mais », qui juxtaposent et coordonnent simplement les propositions, à la manière hébraïque. – Père saint. Il y a dans cette appellation un argument très fort, quoique tacite, pour obtenir au groupe des douze apôtres une grâce spéciale de sanctification, cf. vv. 17 et 19. – Gardez. C’est la substance même de la prière qui apparaît enfin. Que Dieu, d’abord, préserve les apôtres de la contagion du monde ; que son regard paternel veille constamment sur eux. Eux‑mêmes n’ont‑ils pas « gardé » la parole du Père (v. 6) ? – Dans votre nom. Ce nom béni, par lequel Notre‑Seigneur avait protégé jusqu’alors ses disciples (v. 12), est envisagé ici comme un domaine sûr et sacré, dans lequel on vit à l’abri des pièges du monde. – Ceux que vous m’avez donnés, afin qu’ils ne fassent qu’un. (neutre énergétique, cf. 12, 30 et la note). Tel est le but en vue duquel le Sauveur demande spécialement la protection du Père sur les apôtres : qu’il y ait toujours entre les brebis du troupeau mystique, même après la disparition du berger, une sainte et parfaite harmonie, analogue à celle qui unit les personnes divines : comme nous. Jésus ne pouvait citer un plus admirable modèle d’unité, cf. v. 23. Le pronom « nous » ainsi employé est une revendication aussi forte que possible de l’identité de nature avec Dieu.

Jean 17.12 Lorsque j’étais avec eux, je les conservais dans votre nom. J’ai gardé ceux que vous m’avez donnés et aucun d’eux ne s’est perdu, hormis le fils de perdition, afin que l’Écriture fût accomplie.Lorsque j’étais avec eux : Jésus continue de parler comme s’il avait déjà réellement quitté les siens : sa prière n’en est que plus pressante. – Je les conservais dans votre nom. L’imparfait marque une vigilance de tous les instants. – ceux que vous m’avez donnés, je les ai gardés : le verbe garder indique ici la protection qui résulte d’une garde vigilante. – Et aucun d’eux ne s’est perdu. C’est la conséquence heureuse de la garde, Jésus ayant une force divine pour défendre ce précieux dépôt. – hormis le fils de perdition. Triste exception pourtant, que le Sauveur mentionne avec une parfaite délicatesse, car il tait le nom du coupable. L’expression grecque n’est usitée que deux fois dans le Nouveau Testament : ici pour désigner Judas, et 2 Thessaloniciens 2, 3, pour désigner l’Antéchrist. C’est un hébraïsme, qui correspond à « celui qui s’est perdu ». – Afin que l’Écriture fût accomplie : Notre‑Seigneur fait allusion au Ps. 108, 8 « Qu’un autre prenne sa charge » (cf. Actes 1, 20) ; ou mieux encore, au Ps. 11, 10 : « Même l’ami, qui avait ma confiance et partageait mon pain, m’a frappé du talon ». Cette parole, prononcée tout d’abord par David au sujet de la trahison d’Achitophel, devait se réaliser surtout, d’après un sens supérieur et voulu par Dieu, dans la trahison de Judas. La ruine du traître est sa propre faute mais elle rentrait dans le plan divin. 

Jean 17.13 Maintenant je vais à vous et je fais cette prière, pendant que je suis dans le monde, afin qu’ils aient en eux la plénitude de ma joie.Maintenant je vais à vous : le temps présent, à cause de la proximité de l’accomplissement. Jésus est en route pour le ciel. – Et je fais cette prière, pendant que je suis dans le monde. C’est-à-dire, la prière du v. 11, avant de quitter le monde. – Et le Sauveur formule sa demande ouvertement, en présence de ceux qu’elle concernait, dans une intention toute spéciale : dans la connaissance de son intercession toute‑puissante ils pourront puiser une consolation perpétuelle et parfaite. – Comme plus haut, 15, 11, les mots la plénitude de ma joie représentent la joie de N. -S Jésus‑Christ lui‑même. Le bon Maître souhaite donc que ses disciples jouissent, d’une manière complète, de son propre bonheur. La locution qu’ils aient en eux la plénitude de ma joie est extrêmement énergique.

Jean 17.14 Je leur ai donné votre parole et le monde les a haïs, parce qu’ils ne sont pas du monde, comme moi-même je ne suis pas du monde. – Nouveaux motifs de la prière de Jésus en faveur du groupe des douze apôtres : il les accumule avec une force et une délicatesse inimitables. Il vient de dire à son Père (vv. 11-13) : Je vais quitter le monde ; protégez mes disciples qui y restent. Il continue (vv. 14-15). Ce monde impie et méchant les menace ; protégez-les. – Je leur ai donné votre parole, (au parfait), et ils ont accepté avec foi cette divine parole, cf. vv. 6 et 8. – Et le monde (antithèse avec « je ») les a haïs : Aussitôt le monde les a couverts de haine, parce qu’ils avaient adhéré à l’enseignement divin de Jésus. – Parce qu’ils ne sont pas du monde, cf. 15, 18-19. Le monde les a envisagés comme des apostats. – Comme moi-même, je ne suis pas du monde. Rapprochement bien louangeur, mais aussi tout à fait instructif pour les disciples : leur éloignement du monde devrait, s’il est possible, égaler celui de Jésus‑Christ. 

Jean 17.15 Je ne vous demande pas de les ôter du monde, mais de les garder du mal. – Après avoir fait valoir les principales raisons de sa demande « gardez-les » (v. 11), le Sauveur la réitère en la développant. – Je ne vous demande pas (cf. v. 9) de les enlever du monde. Une prompte mort, qui conduirait directement les apôtres au ciel, serait le plus simple et le plus sûr moyen de les préserver ; mais ce serait l’anéantissement du plan divin. Leur rôle consiste au contraire à demeurer dans le monde pour en être le sel et la lumière, pour le sauver. – Mais de les garder du mal, cf. 2 Thessaloniciens 3, 3 : « Le Seigneur, lui, est fidèle : il vous affermira et vous protégera du Mal ». Ici, ce qui est plus fort : que les apôtres soient préservés non seulement des attaques du monde, mais qu’ils ne mettent pas même le pied dans son domaine. « Mal » est‑il au neutre ou au masculin dans le texte grec ? Question difficile à résoudre et qui partage les commentateurs. Au neutre, il désignera l’empire du mal, le péché. Au masculin, il représentera le démon : interprétation plus conforme à l’usage que S. Jean fait de cette expression, cf. 1 Jean 2, 13 et ss. ; 3, 12 ; 5, 18, 19, etc.

Jean 17.16 Ils ne sont pas du monde, comme moi-même je ne suis pas du monde. – Répétition de la première moitié du v. 14, afin d’introduire une demande positive, « sanctifiez-les » (vv. 17-19), après la prière négative « les préserver » (vv. 14-15).

Jean 17.17 Sanctifiez-les dans la vérité : votre parole est la vérité.Sanctifiez-les. Expression si belle. Néanmoins, les exégètes ne sont pas d’accord sur la signification précise qu’il faut lui donner en cet endroit. Les uns, à la suite de S. Augustin, de S. Cyrille, de S. Thomas, lui laissent le sens le plus ordinaire et le plus large : doter de la perfection morale. Mais ce qui convient très bien pour les disciples ne saurait s’appliquer à Jésus‑Christ lui‑même : plus bas (v. 19), quand le Sauveur dira qu’il se sanctifie pour les siens, une telle interprétation cesserait évidemment d’être exacte. Les autres (d’après S. Jean Chrysostome, Tolet, Maldonat, Luc de Bruges, etc.) prennent le mot « sanctifier » dans l’acception qu’il a en divers passages de l’Ancien Testament : mettre à part pour un ministère sacré, cf. Jérémie 1, 5 ; Ecclésiastique 49, 7 ; 2 Maccabées 1, 25. C’est le vrai sens, croyons‑nous ; il est confirmé par le passage Jean 10, 36 (voyez le commentaire), et il englobe évidemment la première interprétation lorsqu’il s’agit des disciples. « Sanctifiez-les » peut donc se paraphraser ainsi : Séparez-les en vue de leur rôle tout céleste, et munissez-les des grâces et des vertus nécessaires à son accomplissement. – Dans la vérité. Non pas « par la vérité », car la proposition grecque n’a pas ici le sens instrumental ; elle désigne l’élément dans lequel il faut que les apôtres soient placés pour que leur sanctification soit produite, et l’atmosphère de toute leur vie. – Votre parole (la parole qui est tienne) est la vérité… Jésus ajoute ces mots afin d’expliquer ce qu’il entendait par la vérité sanctificatrice : c’était l’ensemble de la révélation qu’il avait prêchée lui‑même, et que les disciples avaient reçue d’une manière si croyante, cf. vv. 6 et 8.

Jean 17.18 Comme vous m’avez envoyé dans le monde, je les ai aussi envoyés dans le monde. – La mission confiée aux apôtres réclame absolument cette consécration divine. – Comme vous m’avez envoyé dans le monde : dans le dessein de sauver le monde. – je les ai aussi envoyés dans le monde. Quoique l’apostolat, dans le sens strict, n’ait commencé qu’après la résurrection, cf. 20, 21 ; Matth. 28, 19. Destinés eux aussi à convertir le monde, il est nécessaire qu’ils soient sanctifiés. 

Jean 17.19 Et je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu’eux aussi soient sanctifiés en vérité. – La sanctification personnelle de Jésus‑Christ, autre motif qui exige celle des disciples. C’est une révélation toute sublime que nous trouvons dans ce verset, cf. 10, 6. – Et je me sanctifie moi‑même pour eux. Dans le texte grec, les pronoms « Je » et « moi‑même » relèvent l’activité, la spontanéité de la consécration de l’Homme‑Dieu ; il s’est séparé de tout pour se dévouer entièrement à son œuvre de rédemption. Bien plus, il s’est offert à son Père comme une victime d’agréable odeur, ce qui est la sanctification par excellence, cf. Hébreux 9, 14, S. Jean Chrysost., S. Cyrille, etc. Le verbe hébreu, employé si souvent dans l’Ancien Testament pour désigner les sacrifices, exprime très bien cette idée. – Afin qu’eux aussi soient sanctifiés en vérité … Nous avons ici un commentaire des mots « pour eux » : Jésus montre qu’en réalité c’est pour les apôtres qu’il s’est sanctifié. Par sa généreuse oblation il voulait obtenir qu’ils fussent eux‑mêmes sanctifiés dans la vérité. Cette fois dans le texte grec « vérité » n’est pas précédé d’un article ; d’où beaucoup d’exégètes ont conclu que le sens n’est pas tout à fait le même qu’au v. 17. Ils traduisent : vraiment, véritablement ; par opposition à une sanctification apparente, extérieure. Mais c’est peut-être faire ici trop de cas de l’omission de l’article.

Jean 17.20 Je ne prie pas pour eux seulement, mais aussi pour ceux qui, par leur prédication, croiront en moi.Je ne prie pas pour eux seulement. Les apôtres rappellent au Sauveur l’univers entier qu’il veut sauver par leur intermédiaire ; il étend donc naturellement ses mains sacerdotales sur toute l’Église pour la bénir. – Mais aussi pour ceux qui, par leur prédication, croiront en moi. Jésus a déjà sous les yeux, par anticipation, la multitude innombrable des chrétiens de l’avenir. – Par leur prédication : croyants, car ayant entendu, cf. Romains 10, 14 et s. La parole des apôtres ne devait pas différer de celle de Jésus, laquelle reproduisait celle de Dieu même, cf. v. 8. – En moi est très solennel à la fin de la phrase.

Jean 17.21 Pour que tous ils soient un, comme vous, mon Père, vous êtes en moi et moi en vous, pour que, eux aussi, ils soient [un] en nous, afin que le monde croie que vous m’avez envoyé. – Notre‑Seigneur passe au premier objet spécial de sa prière pour l’Église ; il demande qu’elle soit fondée et qu’elle se maintienne dans une parfaite unité, vv. 21-23. – Pour que tous ils soient un ; L’adjectif grec est accentué : Tous, sans distinction de temps et de lieux. – Comme vous, mon Père, vous êtes en moi et moi en vous. De nouveau (cf. v. 11), mais avec plus d’insistance, Notre‑Seigneur propose son Père et lui comme des modèles de l’union qui doit régner entre les disciples. Sur cette circuminsession divine, voyez 10, 38 et le commentaire. La Circumincession est un terme théologique, qui désigne l’existence des Personnes de la Sainte Trinité les unes dans les autres. Leur compénétration mutuelle est fondée sur l’unité d’essence. En Dieu, il y a trois Personnes mais Dieu est Un, Unique. Il n’y a pas trois dieux mais Un seul Dieu.] – pour que, eux aussi, ils soient [un] en nous ; « en nous » est le trait important. L’unité entre chrétiens, pour être durable, doit être appuyée sur Dieu et cimentée par lui. – afin que le monde croie que vous m’avez envoyé. Le monde est profondément désuni, car l’égoïsme, qui est à la base de toutes ses démarches, ne peut produire que la division et le schisme. L’admirable unité de l’Église sera pour lui un phénomène saisissant, dont il devra, malgré son incrédulité, faire remonter la cause jusqu’au divin fondateur du Christianisme. Voyez, dès les premiers jours de l’histoire ecclésiastique, la réalisation de cette parole : Actes 2, 46-47 ; 4, 32 ; 5, 11 et ss. ; 21, 20. Comparez aussi 1 Jean 1, 3. A côté de l’Église romaine toujours une, les fausses églises se divisent et s’émiettent chaque jour davantage.

Jean 17.22 Et je leur ai donné la gloire que vous m’avez donnée, afin qu’ils soient un, comme nous sommes un, moi en eux et vous en moi.Et je leur ai donné la gloire que vous m’avez donnée. Le mot grec δόξαν (gloire) a reçu des interprétations très diverses : 1° D’après S. Jean Chrysostome, Euthymius, etc., il représenterait surtout le don de faire des miracles ; mais quel rapport y a‑t‑il entre un tel don et la demande afin qu’ils soient un ? 2° S. Cyrille, S. Hilaire, Luc de Bruges, Beelen, le P. Corluy l’appliquent à la sainte Eucharistie, envisagée comme centre d’unité, cf. 6, 57 ; 1 Corinthiens 16, 17. Sentiment qui plaît à première vue ; mais qui n’a aucun pas d’appui dans le contexte, bien plus, qui est réfuté par le contexte (« que vous m’avez donnée », et v. 24) 3° Pour S. Augustin et S. Thomas, cette gloire est celle que posséderont un jour nos corps ressuscités. On ne voit pas non plus quelle relation cela peut avoir avec l’unité dans le temps présent. 4° S. Ambroise, Jansénius de Gand, Tolet, Noël Alexandre, etc., croient que Jésus avait à la pensée la gloire de la filiation divine, qui a été communiquée aux chrétiens par adoption. Cela est préférable ; toutefois il nous paraît meilleur encore de dire : 5° qu’il s’agit de la gloire dont jouit le Christ lui‑même dans le ciel depuis son Ascension. Le v. 24 exige cette interprétation. Cette gloire, Jésus la possédait alors d’une manière anticipée (« que vous m’avez donnée »), et il annonce que déjà il l’a donnée à tous les vrais croyants : ceux‑ci, en effet, la possèdent en germe, dans l’espérance, en tant que corps du Christ, cohéritiers avec le Christ, cf. Romains 8, 17. – pour que, eux aussi, ils soient [un] en nous. Voilà bien ce qui créera l’unité complète entre les fidèles ; car ils ne forment ainsi qu’un seul corps, dont Jésus‑Christ ressuscité est le chef.

Jean 17.23 Afin qu’ils soient parfaitement un et que le monde connaisse que vous m’avez envoyé et que vous les avez aimés comme vous m’avez aimé. – Après avoir motivé sa demande d’union dans l’Église militante par la glorieuse perspective de l’unité parfaite qui régnera entre tous les membres de l’Église triomphante (v 22.), Jésus revient à la synthèse si noble du v. 21, qu’il réitère avec plus de vigueur. – Moi en eux, et vous en moi. La base de la sainte unité des croyants, c’est, d’une part, leur adhésion étroite à N.-S. Jésus‑Christ, en qui ils se retrouvent tous mêlés et confondus ; d’autre part, l’adhésion autrement étroite de Jésus‑Christ à Dieu. Jésus nous tient tous unis dans son cœur, et il nous porte tous au cœur de son Père. Il n’y a pas de plus complet idéal d’unité ; aussi le Sauveur ajoute‑t‑il : afin qu’ils soient parfaitement un. Le verbe grec est d’une rare énergie, presque intraduisible en français (au parfait : « qu’ils soient ayant été consommés, rendus parfaits ») ; avec mouvement : « vers une chose unique »), cf. 11, 52 ; 1 Jean 2, 5 ; 4, 12. – Le but final sera, comme au v. 21, et que le monde connaisse …Il y a pourtant ici une petite nuance dans l’expression : « connaisse » au lieu de « croie ». A côté de la foi, Notre‑Seigneur mentionne l’expérience personnelle du monde, une science sérieuse et solide formée peu à peu sur les points en question. – Car cette connaissance aura un double objet. 1° que vous m’avez envoyé (deux pronoms accentués) 2° et que vous les avez aimés. Il fallait en effet que Dieu aimât beaucoup le monde, pour lui envoyer, pour lui donner son Fils unique, cf. 1 Jean 3, 16. Mais les mots comme vous m’avez aimé mettent le comble à la charité de Dieu pour le monde, en le rapprochant de son amour pour Jésus‑Christ.

Jean 17.24 Père, ceux que vous m’avez donnés, je veux que là où je suis, ils y soient avec moi, afin qu’ils voient la gloire que vous m’avez donnée, parce que vous m’avez aimé avant la création du monde.Père. Encore l’appellation filiale, pour mieux toucher le cœur du Père. – Ceux que vous m’avez donnés. C’est un motif tacite que le Fils présente au Père. Jésus envisageait ici tous les fidèles présents et à venir comme une catégorie, avant de les considérer ensuite individuellement (« ils soient avec moi »). – Je veux. Un ordre, énergique au milieu d’une prière. parce que c’est la prière du Fils de Dieu. Jésus confie donc à son père sa volonté divine. Sur sa volonté humaine dans l’agonie du jardin, voyez Matth. 26, 39 et ss. – Que là où je suis (majestueux)… Telle est la clause finale de son testament : il lègue à tous les membres fidèles de son Église le ciel où il réside de toute l’éternité, le ciel où il se transporte par anticipation comme Fils de l’homme, car il y montera bientôt. – Ils y soient avec moi. (pronom également emphatique : Moi le chef, eux les membres). Voilà notre bienheureux terme, car N.-S. Jésus‑Christ ne veut pas se séparer de nous ; de même qu’entre amis dévoués on souhaite une union sans fin. – Afin qu’ils voient (au sens de contempler) ma gloire (« la gloire, la mienne », la gloire qui m’est propre). Jésus décrit ainsi en une ligne l’occupation et le bonheur des élus dans le ciel : contempler et contempler toujours sa gloire d’Homme‑Dieu (cf. v. 5, 22), et en jouir eux‑mêmes éternellement. Que vous m’avez donnée est encore une formule d’anticipation. – Parce que vous m’avez aimé … Pourquoi le Père a‑t‑il réservé une si grande gloire au Fils de l’homme ? A cause de l’amour éternel qu’il lui a porté. L’expression avant la création du monde revient à trois reprises sur les lèvres de Notre‑Seigneur dans les récits évangéliques : ici, Matth. 25, 34, et Luc. 11, 50. S. Pierre et S. Jean l’emploient de leur côté : 1 Pierre 1, 20 ; Apocalypse 13, 8 ; 17, 8. Comparez aussi Éphésiens 1, 4 ; Hébreux 4, 3 ; 9, 26 ; 11, 11. Deuxième demande du Sauveur pour son Église : la bienheureuse éternité. « Ce sera le dernier mot de l’Incarnation : l’Église attachée à Jésus‑Christ comme les soldats à leur chef, Jésus‑Christ uni à Dieu comme le Fils au père, enfin la création heureusement ramenée au créateur comme à son point de départ… C’est l’admirable réalisation du programme ainsi résumé par saint Paul : Ramener toutes choses à leur principe dans le Christ ; « nous sommes au Christ, et le Christ est à Dieu (Éphésiens 1. 10 ; 1 Corinthiens 3, 23). » Le Camus, La vie de N.-S. Jésus‑Christ, t. 3, p. 487. 

Jean 17.25 Père juste, le monde ne vous a pas connu, mais moi, je vous ai connu et ceux-ci ont connu que c’est vous qui m’avez envoyé. – Ce verset et le suivant forment une admirable conclusion de toute la prière sacerdotale. Les idées dominantes sont répétées et groupées : l’incrédulité du monde, la foi d’un grand nombre, le rôle de Jésus‑Christ dans le passé et dans l’avenir, par‑dessus tout l’amour de Dieu et pour Dieu. – Père juste. Jésus a fait appel à la sainteté de son Père (v. 11) ; il invoque maintenant la divine justice. Que le Père soit juge entre son Christ et le monde, entre le monde et les disciples fidèles. – Le monde ne vous a pas connu. Ignorance si coupable. cf. 1, 18 ; 15, 21 et le commentaire. – Mais moi je vous ai connu. Jésus, au contraire, a connu le père adéquatement et de toute éternité. – Et ceux‑ci ont connu. Il en est d’autres aussi qui ont connu, quoique d’une manière moins parfaite : ce sont tous les vrais disciples de tous les temps. Notre‑Seigneur résume leur foi, comme en tant d’autres circonstances, dans le point essentiel qui comprend tous les autres : que c’est vous qui m’avez envoyé.

Jean 17.26 Et je leur ai fait connaître votre nom et je le leur ferai connaître, afin que l’amour dont vous m’avez aimé soit en eux et que je sois moi aussi en eux. »Je leur ai fait connaître votre nom. C’est-à-dire, la nature, les attributs, les volontés de Dieu. Le Sauveur est heureux de redire, en terminant sa prière, tout ce qu’il a fait et veut faire encore pour la gloire de son père. – Et je le leur ferai connaître. Non par lui‑même, puisqu’il va quitter la terre, mais par l’intermédiaire du Saint Esprit, cf. 14, 20 et ss. ; Romains 5, 5, etc. Magnifique engagement que prend ici Jésus, comme pour toucher le cœur de Dieu par ce trait final et mériter plus sûrement les faveurs demandées. – Afin que l’amour dont vous m’avez aimé. Jésus ne se lasse pas de dire combien son père l’a aimé. Mais il ne se lasse pas non plus de souhaiter que Dieu daigne étendre son amour à tous les chrétiens. Il signale ici l’amour comme un résultat naturel de la connaissance. Connaître Dieu, c’est l’aimer et être aimé de lui ; mais « celui‑là n’aime pas qui ne connaît pas », 1 Jean 4, 8. – Soit en eux : demeure à tout jamais – Et que je sois moi aussi en eux. Jésus en nous, toujours en nous, de sorte que ce soit son image que le Père contemple dans chaque chrétien. Quelle suave conclusion de cette prière. Ah ! Si nous demeurions aussi toujours en lui!

Bible de Rome
Bible de Rome
La Bible de Rome réunit la traduction révisée 2023 de l’abbé A. Crampon, les introductions et commentaires détaillés de l’abbé Louis-Claude Fillion sur les Évangiles, les commentaires des Psaumes par l’abbé Joseph-Franz von Allioli, ainsi que les notes explicatives de l’abbé Fulcran Vigouroux sur les autres livres bibliques, tous actualisés par Alexis Maillard.

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