CHAPITRE 3
Jean 3.1 Or, il y avait parmi les Pharisiens un homme nommé Nicodème, un des principaux parmi les Juifs. – Ce verset et la première ligne du suivant contiennent la mise en scène. La particule « or » établit, par mode de contraste, un enchaînement avec les détails qui précèdent, 2, 23-25. – Un homme. Cet homme est ensuite désigné d’une manière plus complète par le parti religieux auquel il appartenait (parmi les Pharisiens), par son nom, par sa dignité (un des principaux parmi les Juifs)c’est-à-dire qu’il était membre du Sanhédrin, cf. 7, 45, 50). – Appelé Nicodème.Nicodème est un nom grec connu des classiques (Démosthène, Eschyle, Denys d’Halicarnasse), et signifiant « victoire du peuple ». C’est à tort qu’on en a fait parfois une dénomination hébraïque, dont l’étymologie serait « naki », innocent, et « dâm », sang ; car la Palestine était alors inondée de noms grecs, cf. 1. 40, 43 et le commentaire. C’est à tort aussi que divers auteurs ont voulu identifier Nicodème avec un certain Bonaï du Talmud, surnommé Nakdimôn, célèbre par ses richesses, sa générosité, son esprit de piété. D’après une étrange hypothèse de Baur, Nicodème n’aurait jamais existé ; ce serait un personnage atypique, destiné à représenter le judaïsme devenu chrétien, de même que la Samaritaine figurerait le paganisme converti. Un des évangiles apocryphes les plus instructifs porte son nom.
Jean 3.2 Il vint de nuit trouver Jésus et lui dit : « Maître, nous savons que vous êtes venu de la part de Dieu, comme docteur, car personne ne saurait faire les miracles que vous faites, si Dieu n’est pas avec lui. » – Il vint de nuit trouver Jésus. S. Jean ne parle de Nicodème qu’à trois reprises, et, fait surprenant, il mentionne chaque fois cette circonstance d’une manière explicite. Comparez 7, 50 (si du moins les mots « vint de nuit trouver Jésus » sont authentiques) et 19, 39. Évidemment, c’est un sentiment de crainte qui avait fait choisir à Nicodème, pour son entrevue avec Jésus, une heure qui lui permît d’échapper aux regards du public. Il ne voulait pas se compromettre en face de ses collègues du Sanhédrin, en manifestant son intérêt pour un nouveau docteur qui était loin d’avoir plu aux autorités juives. Plus tard, cependant, il avouera franchement sa foi. – Maître. La conversation (versets 2-10) à laquelle assistaient peut-être les disciples intimes du Sauveur (Meyer, etc.), s’ouvre ainsi par un petit exorde manifestant la recherche de la bienveillance. Le titre de « rabbi » (Maître) est significatif sur les lèvres d’un membre du Grand Conseil, d’autant mieux que Jésus n’y avait aucun droit strict. – Le pluriel nous savons est pareillement significatif, car il démontre que Nicodème ne parlait pas seulement alors en son propre nom, mais que d’autres membres du sanhédrin (par exemple Joseph d’Arimathie) partageaient les mêmes sentiments à l’égard de N.-S. Jésus‑Christ. Remarquez la force du mot grec : « nous savons de façon très sûre » – Vous êtes venu de la part de Dieu comme docteur. Les mots « de Dieu » sont mis en avant par insistance : de Dieu, et non des hommes ; c’est Dieu lui‑même qui vous a conféré le grade de docteur, qui vous a donné le pouvoir d’enseigner. – Car personne ne saurait faire.Nicodème expose maintenant comment lui et ses collègues étaient arrivés à la conclusion qu’il vient d’énoncer. C’était, certes, par un excellent motif. Les miracles opérés par Jésus (2, 23) étaient de telle nature, qu’ils ne pouvaient être raisonnablement attribués qu’à Dieu (si Dieu n’est avec lui), cf. Actes 10, 38. Donc, à n’en pas douter, Dieu était avec Jésus : « nous savons ». – Malgré sa timidité, son respect humain partiel, Nicodème se manifeste ici sous les dehors d’un homme candide, ami de la vérité, plein de délicatesse. Aussi Notre‑Seigneur ne le traitera‑t‑il pas comme le premier venu.
Jean 3.3 Jésus lui répondit : « En vérité, en vérité, je te le dis, nul, s’il ne naît de nouveau, ne peut voir le royaume de Dieu. » – Jésus lui répondit.De prime abord, cette réponse de Jésus semble se rapporter si peu directement aux paroles de Nicodème, qu’on a parfois supposé (Maldonat, etc.) que le narrateur aurait omis en cet endroit plusieurs phrases intermédiaires. D’autres ont eu recours à des enchaînements ingénieux peut-être, mais arbitraires et forcés. On peut affirmer d’une manière générale que Notre‑Seigneur répond au moins à la pensée de son interlocuteur. Celui‑ci venait de reconnaître le caractère divin de l’enseignement de Jésus. Vous êtes l’envoyé de Dieu, avait‑il dit ; quelle doctrine nouvelle apportez-vous au monde ? Ne seriez-vous pas le Messie en personne ? La réponse du Sauveur se rapporterait à cette demande tacite. En tout cas Jésus, laissant de côté les détails secondaires, va droit à l’essentiel et frappe aussitôt un grand coup. Nicodème, imbu comme la plupart de ses compatriotes des préjugés pharisaïques, devait supposer que la participation au royaume de Dieu était un privilège exclusif d’Israël : cette erreur va être immédiatement renversée. – En vérité, en vérité, je te le dis.Formule solennelle, que Jésus emploiera trois fois de suite dans ce rapide entretien, cf. versets 5 et 11 (voyez 1, 51 et le commentaire). Elle introduit actuellement la promulgation de l’une des plus importantes vérités chrétiennes. – Nul, s’il ne naît de nouveau.Dans le grec, littéralement : « Si quelqu’un n’est engendré d’en haut », expression qui peut recevoir et qui a reçu en effet deux interprétations. La Peschito syriaque, l’éthiopien, S. Jean Chrysostome, les pères latins, etc., traduisent comme la Vulgate (comparez la leçon de S. Justin martyr, Apol. 1, 60, où toute ambiguïté a disparu) ; Origène, S. Cyrille, les versions arménienne, gothique, syrienne d’Héraclée, etc., ont avec une nuance : D’en haut, c’est-à-dire du ciel. Au verset suivant, c’est par « de nouveau » en grec que Nicodème le traduit, et les mots expressifs qu’il y ajoute (« entrer dans le sein de sa mère ») ne laissent pas le moindre doute sur la véritable portée de sa réflexion. – Ne peut… Ces mots indiquent une impossibilité absolue. – Voir le royaume de Dieu. « Voir » sera expliqué un peu plus bas (verset 5) par « entrer dans » ; le verbe voir, comme son équivalent hébreu, a dans toutes les langues la signification secondaire de participer à, expérimenter, goûter. Quant au « règne de Dieu », mentionné si fréquemment par les synoptiques, le quatrième évangile ne le cite sous cette forme qu’ici et au verset 5. C’est l’Église de Jésus, envisagée soit sur la terre à l’état militant, soit dans son glorieux achèvement du ciel, cf. commentaire S. Matth. 3, 2. – La nécessité d’une renaissance pour quiconque veut devenir citoyen du royaume des cieux est manifeste. Ce royaume n’étant pas matériel, terrestre, comme se l’imaginaient grossièrement les Juifs d’alors, mais tout spirituel dans son essence, on ne pouvait y entrer qu’à la condition de renaître spirituellement ; or, une nouvelle vision est requise pour contempler les objets d’un nouvel ordre.
Jean 3.4 Nicodème lui dit : « Comment un homme, quand il est déjà vieux, peut-il naître ? Peut-il entrer une seconde fois dans le sein de sa mère et naître de nouveau ? » – Comment un homme peut‑il… Divers exégètes assurent que Nicodème faisait alors la plus grossière méprise, et qu’il prenait vraiment à la lettre la nouvelle naissance imposée par Notre‑Seigneur à quiconque voudrait posséder le royaume des cieux. M. Reuss est de cet avis ; d’après lui, « tous les essais qu’on a faits pour sauver le bon sens de Nicodème échouent contre l’absurdité patente de cette objection ». De même Strauss, qui trouve en cela une preuve manifeste du caractère fictif de la narration. Les rationalistes ne manquent jamais d’adopter, pour déprimer l’autorité des saintes Écritures, les interprétations les plus ridicules. Mais, comme l’observait déjà fort bien Dom Calmet, Commentaire littéral sur S. Jean, p. 91 et 92, « il était impossible que Nicodème ignorât ce qu’était la renaissance (mystique) des prosélytes, usitée dans sa nation… Lorsqu’un Païen voulait entrer dans le Judaïsme, on lui donnait le baptême et la circoncision. Le baptême était une manière de nouvelle naissance, par laquelle le Païen renonçait à l’idolâtrie, à l’erreur, à ses anciennes habitudes. Il devenait un homme nouveau. S’il était esclave, il était affranchi. Les Rabbins enseignent que, par cette cérémonie, il recevait même une âme nouvelle. Il n’était plus pareil à ceux à qui il l’était auparavant ; il changeait de condition, d’état et de religion ». C’est ce que les Rabbins nommaient en hébreu « création nouvelle », en employant une belle métaphore (cf. Tite 3, 5 ; 1 Pierre 1, 3, 23). Mais Nicodème supposait sans doute, et telle nous paraît être la véritable explication, que les Juifs proprement dits n’avaient pas besoin d’une régénération de ce genre ; pour forcer Jésus de s’expliquer davantage, il plaide alors l’impossible, met en relief toute la difficulté de la condition, affectant d’attribuer au verbe renaître le sens de rentrer dans le sein de sa mère, et ajoutant, comme circonstance aggravante, les mots Quand il est déjà vieux. « L’Esprit lui parle et il n’a que des idées charnelles », S. Augustin, Traité 11 sur Jean. Nicodème avait donc été tout bouleversé par la réponse inattendue de Notre‑Seigneur.
Jean 3.5 Jésus répondit : « En vérité, en vérité, je te le dis, nul, s’il ne renaît de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. – Dans sa réplique (versets 5-8), Jésus commence, verset 5, par réitérer purement et simplement, en y ajoutant toutefois un commentaire rapide, sa déclaration antérieure du verset 3 ; puis il expose rapidement aussi, versets 6 et 7, la nature et la possibilité de la nouvelle naissance exigée si rigoureusement par lui ; enfin il explique la régénération chrétienne à l’aide d’une analogie empruntée au domaine de la nature, verset 8. – S’il ne renaît…Répétition solennelle, qui indique le Docteur tout divin, absolument sûr de ce qu’il dit. Jésus affirme ; puis quand on lui fait une objection, il affirme encore avec une nouvelle vigueur : seulement, il explique ici l’adverbe « de nouveau » par deux expressions plus claires, de l’eau et de l’Esprit,dont l’une désigne la condition extérieure et matérielle du renouvellement, l’autre l’agent céleste qui opère cette seconde naissance. Le vrai nom de cette naissance spirituelle, c’est le « baptême », comme l’a défini le Concile de Trente (Session 7, canon 2, De baptismo : « Si quelqu’un dit que l’eau vraie et naturelle n’est pas chose nécessaire pour le baptême et si, en conséquence, il détourne au sens d’une métaphore les paroles de notre Seigneur Jésus Christ : « Si l’on ne renaît pas de l’eau et de l’Esprit Saint » (Jean 3, 5) : qu’il soit anathème »), et comme l’admettent aujourd’hui les croyants de toutes les nuances. Voyez d’ailleurs les théologiens au traité du Baptême, et les dissertations exégétiques de Maldonat et du P. Corluy dans leurs commentaires, in h. l. Notre texte reçoit du reste une vive clarté de la double assertion du Précurseur, 1, 26 et 33, et l’on ne voit pas à quelle autre chose on le pourrait rapporter. Le prince des apôtres en donna un beau développement au jour de la première Pentecôte chrétienne, Actes 2, 38 : « Convertissez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés ; vous recevrez alors le don du Saint‑Esprit », cf. Romains 6, 4, 6, 11 ; 8, 14.
Jean 3.6 Car ce qui est né de la chair est chair et ce qui est né de l’Esprit est esprit. – Jésus continue d’expliquer, par ce rapprochement, le « naître de nouveau » et sa nécessité. Il rappelle en deux exemples la loi des ressemblances : Les fils sont de la même nature que leurs pères ; les effets de la même nature que leurs causes. Donc, ce qui est né de la chair est chair(notez cette formule abstraite qui a beaucoup plus de force que le concret « est charnel »). Par « chair » il faut entendre la nature humaine avec ses instincts corrompus. L’état charnel se transmet de génération en génération, de telle sorte qu’il n’est possible à aucun homme naturel de sortir par sa propre force de ce cercle fatal : de là la nécessité de la régénération, cf. 2 Corinthiens 5. 3. En effet, « La chair et le sang ne peuvent posséder le royaume de Dieu, et la corruption ne possédera pas cet héritage incorruptible », 1 Corinthiens 15, 50. – Par contre, ce qui est né de l’Esprit est esprit.L’esprit, c’est ici la nature spirituelle avec ses instincts célestes, ses aspirations supérieures. – Voilà des vérités absolues, indiscutables, tout à fait palpables : elles renversent complètement la singulière opposition de Nicodème. Que gagnerait un homme à rentrer dans le sein de sa mère, puisqu’il renaîtrait avec les mêmes faiblesses, la même nature déchue ? C’est spirituellement qu’il faut renaître, pour entrer dans le royaume de cieux.
Jean 3.7 Ne t’étonne pas de ce que je t’ai dit il faut que vous naissiez de nouveau. – Ne t’étonne pas.Trait pittoresque ; surtout dans le cas où Jésus aurait fait allusion, comme l’ont pensé plusieurs exégètes, à des gestes, à des regards, par lesquels Nicodème eût marqué en cet instant même son vif étonnement. Au reste, le sénateur juif avait suffisamment manifesté, par sa réponse du verset 4, la surprise que lui causaient les paroles de Notre‑Seigneur. – Il faut que vous…Vous tous qui participez à la nature humaine ; fussiez-vous enfants d’Abraham, vous avez besoin d’une seconde naissance. Mais il est remarquable que Jésus n’englobe pas sa propre personne dans cette nécessité universelle : c’est qu’il ne partage pas les faiblesses morales de l’humanité.
Jean 3.8 Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va, ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit. »– La nature est maintenant donnée pour maître à Nicodème : un phénomène mystérieux de ce monde servira à lui faire comprendre un mystère surnaturel. – Le vent souffle où il veut.C’est ici le vent, non l’Esprit saint, dont il ne sera question qu’à la fin du verset, quand Jésus fera l’application de sa belle image. « La liaison du discours demande ce sens », disent S. Cyrille, S. Jean Chrysostome, Théophylacte, Euthymius, etc. En effet, si dès à présent Notre‑Seigneur parlait du divin Esprit, comme l’ont pensé Origène et d’autres illustres exégètes de l’antiquité, c’est à lui‑même que cet esprit céleste serait comparé, et l’explication perdrait ainsi beaucoup de sa force, de sa clarté. Dans le texte grec : le souffle est donc ici synonyme de vent. Or, Jésus affirme du vent qu’il souffle où bon lui plaît : il n’est pas d’être, en effet, qui paraisse jouir d’une plus grande liberté, quoiqu’il ait aussi, évidemment, des lois générales et particulières auxquelles il est soumis. – Et tu entends sa voix, mais tu ne sais d’où…Rien de plus vrai : le vent est encore un mystère même pour la météorologie moderne. On perçoit sa présence à son bruissement, à ses effets ; mais sur bien des points il demeure imprévisible, surtout lorsqu’il s’agit de ces brises légères, sans direction apparente, qui se font seulement sentir par l’agitation qu’elles produisent dans le feuillage des arbres. Tholuck suppose qu’au moment où Jésus tenait ce langage un vent réel s’était mis à souffler sur Jérusalem ; mais, ici encore, l’interprétation trop littérale serait forcée, exagérée. – Il en est ainsi de tout homme qui est né de l’Esprit.Cette fois, c’est bien l’Esprit saint qui est en cause. Ce qu’est l’action du vent dans le monde matériel, l’action de l’Esprit de Dieu l’est donc dans le monde des âmes. Voici un homme régénéré par le baptême : un grand mystère s’est accompli, mais on ignore de quelle manière ; la vie nouvelle qui a été infusée par le Saint Esprit ne se trahit que par ses effets. On trouve dans Xénophon, Memorables. 4, 3, 14, un rapprochement qui n’est pas sans ressemblance avec celui que fait Notre‑Seigneur dans ce passage : « Les vents aussi ne sont pas visibles, mais nous voyons leurs effets, nous sentons leur présence. Enfin l’âme humaine, plus que tout ce qui est de l’homme, participe de la divinité ; elle règne en nous, c’est incontestable, mais on ne la voit pas ».
Jean 3.9 Nicodème lui répondit : « Comment cela se peut-il faire ? »– Malgré les explications de Jésus, Nicodème n’a pas encore pu comprendre le mystère de la nouvelle naissance ; il avoue du moins franchement et naïvement son ignorance.
Jean 3.10 Jésus lui dit : « Tu es docteur en Israël et tu ignores ces choses. – Notre‑Seigneur manifeste à son tour de la surprise : Comment pouvez-vous ignorer ces choses, étant maître en Israël ? Il y a visiblement une grande insistance dans ce titre, qui équivaut à Docteur de la loi, représentant de l’enseignement officiel. C’est à tort néanmoins qu’on a parfois conclu, surtout à cause du double article dans le texte grec, que Nicodème aurait été un docteur tout à fait célèbre chez les Juifs d’alors, le docteur par antonomase en quelque sorte ; ou bien, qu’il était le chakam (sage en hébreu), c’est-à-dire le troisième dignitaire du Sanhédrin. – Et tu ignores ces choses.Il aurait dû comprendre. Plusieurs prophètes, en effet, entre autres Ézéchiel, 36, 24, et Zacharie, 13, 1, n’avaient‑ils pas exprimé les effets de l’eau régénératrice ?
Jean 3.11 En vérité, en vérité, je te le dis, nous disons ce que nous savons et nous attestons ce que nous avons vu, mais vous ne recevez pas notre témoignage. – Ici commence le discours rattaché au dialogue. Nous y distinguons trois pensées principales : 1° le témoignage du Fils de Dieu, versets 11-13 ; 2° le salut par la croix, versets 14-17 ; 3° les damnés et les sauvés, versets 18-21. – En vérité, en vérité, je te le dis.C’est pour la troisième fois que nous rencontrons, depuis le début de l’entretien, cette déclaration solennelle (cf. versets 3 et 5). Baeumlein a raison de dire (in h. l.) que, toutes les fois qu’elle apparaît dans le quatrième Évangile, le discours, tout en se maintenant dans l’ordre des vérités déjà affirmées, prend comme un nouvel essor pour s’élever à des régions supérieures, cf. 6, 32 ; 10, 1, 7 ; 12, 24 ; 23, 16 ; 6, 20, 23. Bonne réponse à faire à Strauss, quand il prétend que Jésus procède ici par soubresauts et d’une manière anti‑pédagogique. – Ce que nous savons et nous attestons.Aux affirmations antérieures de Jésus, Nicodème a objecté un « comment cela peut‑il se faire ? » qui n’était pas complètement exempt de scepticisme ; le divin Maître lui rappelle ce principe incontestable que, relativement aux vérités supérieures, l’on doit croire des témoins dignes de foi, alors même qu’elles contiennent encore des points mystérieux. C’est par des termes fort énergiques qu’il met en relief la certitude parfaite de son enseignement. En grec « savons » désigne une connaissance sûre, qui permet de parler des choses (disons) en toute exactitude ; avons vu indique la source de cette même connaissance, qui est la vue claire et immédiate des faits, et non la simple réflexion, l’abstraction. « Chez nous, dit très à propos S. Jean Chrysostome (h. l.), le témoignage des sens le plus certain est celui de la vue, et si nous voulons faire admettre quelque chose par quelqu’un, nous disons que nous l’avons contemplé de nos propres yeux. C’est ainsi que le Christ, en parlant à Nicodème de cette façon humaine, le concilie à la foi de sa parole. » Le verbe attestons, mis en corrélation avec « avons vu », est plus expressif que « disons », de même que « avons vu » l’emporte en vigueur sur « savons ». Ce sont des idées qui se complètent, se corroborent mutuellement. – Dans la précédente partie de l’entretien (cf. versets 3, 5, 7, 12), Jésus avait employé la première personne du singulier, et voici que tout à coup il parle au pluriel : Nous savons, nous avons vu, etc. Cette différence a naturellement attiré l’attention des exégètes anciens et modernes ; mais ils l’expliquent de manières très diverses. Toutes les sortes de pluriels mentionnées dans la grammaire ont été invoquées tour à tour : le pluriel de rhétorique, qui équivaudrait simplement au singulier ; le pluriel de majesté, dont se servent les grands personnages ; le pluriel de catégorie (moi et tous les maîtres qui me ressemblent, moi et les prophètes, moi et le Précurseur, etc. ) ; le pluriel de Trinité (mon Père et moi, moi et l’Esprit saint ; telle est l’opinion de plusieurs Pères). Nous croyons aussi qu’il s’agit d’un pluriel véritable, représentant plusieurs personnes distinctes, d’autant mieux que, dès le verset suivant, Jésus reprendra le singulier ; toutefois il nous semble préférable d’admettre, à la suite d’un certain nombre de commentateurs, que ces personnes étaient, dans la pensée du divin Maître, les premiers disciples, demeurés constamment auprès de lui depuis qu’ils l’avaient reconnu pour le Messie, et venus avec lui à Jérusalem pour la Pâque, cf. 1, 40 ; 2, 25. Déjà ils « savaient », car ils « avaient vu » ; eux aussi, ils pouvaient donc parler et rendre témoignage. Jésus daigne ainsi se les associer dans cette noble déclaration, et les opposer au triste groupe des Juifs demeurés incrédules : et vous ne recevez pas notre témoignage. Une expérience toute récente (2, 12 et ss) ne justifiait que trop cette plainte douloureuse. – Notez la cadence et le rythme qui règnent visiblement dans ce passage, ainsi qu’il arrive chez les Hébreux toutes les fois que la parole est émue. On dirait un vers à trois membres :
nous disons ce que nous savons,
nous attestons ce que nous avons vu,
mais vous ne recevez pas notre témoignage.
Grande promesse : Jésus apporte au monde un enseignement nouveau et parfait, qui sera basé sur la vue claire et immédiate de la vérité. Ce qu’il affirme de lui‑même et de ses premiers apôtres persiste dans son Église, quoique, hélas, il convienne peut-être plus que jamais de dire : «vous ne recevez pas notre témoignage ».
Jean 3.12 Si vous ne croyez pas quand je vous parle des choses qui sont sur la terre, comment croirez-vous si je viens à vous parler de celles qui sont dans le ciel ?– Autre transition aux grands mystères que Jésus se propose de révéler à Nicodème ; nouvel échelon pour conduire le « maître en Israël » en des sphères de plus en plus sublimes. Je mérite éminemment votre croyance (verset 11) ; mais, si vous hésitez à me l’accorder pour des choses relativement aisées à constater, du moins dans leurs effets, comment me la donnerez-vous quand il s’agira de profonds mystères, d’obscures vérités, c’est-à-dire quand il faudra me croire sur parole (verset 12) ? – Nous avons à déterminer le sens des mots terre, ciel. Jésus appelle sur la terre non pas les choses purement terrestres, qui ne firent jamais l’objet de ses discours, mais des phénomènes religieux qui se manifestent au milieu de nous et qui ont la terre pour théâtre (comp. 1 Corinthiens 15, 40 ; 1. Corinthiens 5, 1 ; Colossiens 3, 2 ; Philippiens 2, 10, etc.) ; par exemple, et même directement d’après le contexte, le mystère de la régénération dont il a parlé plus haut. Sans doute, ces phénomènes ont au ciel leur source et leurs ramifications dernières, mais ils appartiennent à la terre par leur apparition et leur visibilité, et c’est à ce point de vue qu’ils sont nommés « de la terre ». Au contraire, dans ciel, sert à désigner des mystères supérieurs, invisibles par leur nature, et ne rentrant que grâce à des révélations expresses dans le domaine de notre expérience. Tels sont, entre autres, les mystères de la Sainte Trinité, de la génération éternelle du Verbe, le plan divin de la Rédemption. Au fond, il s’agit donc de deux catégories de choses divines et célestes ; avec cette différence que la seconde est d’une nature plus sublime, sortant davantage, comme on a dit, « des insondables profondeurs de la divinité, « et exigeant de la part des hommes « une aptitude beaucoup plus grande que la première pour être comprise ». – Comment croirez-vous ?Cette bienheureuse hypothèse va se réaliser dans un instant. Jésus n’a jusqu’ici exposé que les rudiments de la religion nouvelle ; dès le verset 13 il passera à des choses tout à fait célestes. Les lignes suivantes empruntées au chap. 9 du livre de la Sagesse (verset 16), ne sont pas sans rapport avec la vérité exprimée dans notre passage : « Nous avons peine à nous représenter ce qui est sur terre, et nous trouvons avec effort ce qui est à notre portée ; ce qui est dans les cieux, qui donc l’a découvert ? ». Elles ne s’appliquent toutefois, d’après le contexte, qu’à des faits de l’ordre naturel. – Quoique interrogé, Nicodème se tait désormais et il reste muet jusqu’à la fin de l’entretien. La vérité l’a profondément touché : il croit et adore en silence. Tout au plus pourrait‑il répondre avec Job (40, 4-5) : « Voici, je suis trop peu de chose ; que te répliquerais‑je? Je mets la main sur ma bouche. J’ai parlé une fois, je ne répondrai plus ; deux fois, je n’ajouterai rien ».
Jean 3.13 Et nul n’est monté au ciel si ce n’est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est dans le ciel. – Comment me croirez-vous si je vous révèle les choses du ciel (verset 12) ? Et cependant je peux seul vous en parler avec une autorité absolue, puisque seul j’ai habité le ciel et contemplé ses secrets à découvert. Ou, plus brièvement : Celui‑là seul peut exposer les choses célestes, qui est lui même du ciel. – « Qui est monté aux cieux et en est descendu » ? est‑il dit au livre des Proverbes, 3, 4. N.-S. Jésus‑Christ fait en ce moment la réponse : nul n’est monté au ciel, si ce n’est … « Personne », pas même Moïse, ni aucun des grands Prophètes. « n’est monté » : dans le texte grec est à un parfait très énergique, que l’on doit prendre dans le sens strict et littéral ; on ne saurait nier plus vivement le fait en question. « Au ciel », c’est-à-dire dans le royaume de la vérité absolue, éternelle, de manière à la contempler face à face. Non toutefois que Jésus ait voulu marquer son Ascension par les mots « monté au ciel », comme l’ont pensé S. Augustin, Bède le Vénérable et quelques autres ; car ce glorieux mystère appartenait encore à l’avenir. C’est simplement une locution elliptique. « Tolet et Luc de Bruges ont raison de dire que quand le Christ dit qu’il monte, il s’adapte à la façon des hommes de parler, lesquels ne peuvent imaginer qu’on puisse se rendre au ciel sans monter », Corluy, p. 81. – Qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme.Cette descente du ciel avait eu lieu au jour de l’Incarnation, quand le Verbe s’était fait chair dans le sein virginal de Marie, cf. Luc. 1, 26 et ss. Les Pères s’arrêtent volontiers, pour les expliquer et pour les admirer, sur ces termes si étonnamment juxtaposés : « Le Fils de l’homme est descendu du ciel ». « C’est le Verbe qui est descendu », s’écrie S. Cyrille d’Alexandrie, et cependant, « Il dit que le fils de l’homme est descendu, ne voulant pas, après l’incarnation, séparer le Christ en deux personnes, ne permettant à personne de dire qu’autre est le Fils, simple temple assumé de la Vierge, et autre le Verbe, qui procède du Père comme une lumière, sauf en ce qui concerne la distinction qui provient de leur nature ». « La dénomination de Fils de l’homme ici ne comprend pas seulement la chair du Sauveur, mais désigne toute sa personne par celle des deux natures qui est inférieure. Maintes fois Notre‑Seigneur la désigne tout entière sous le nom de sa divinité, ou sous celui de son humanité », S. Jean Chrysostome. « Bien que ce soit sur la terre qu’il soit devenu Fils de l’homme, il n’a pas jugé indigne de sa divinité qui est descendue jusqu’à nous de porter le nom de Fils de l’homme, tout en restant dans le ciel, de même qu’il a honoré son humanité du nom de Fils de Dieu, car l’unité de personne qui existe entre les deux natures fait qu’il n’y a qu’un seul Christ et fils de Dieu qui s’est rendu visible sur la terre, de même que le Fils de l’homme demeurait dans les deux », S. Augustin (voyez la Chaîne d’Or de S. Thomas d’Aquin). Voilà bien le dogme catholique dans toute sa précision. – Qui est dans le ciel. Le Verbe de Dieu, même en se faisant homme, n’avait pas quitté le ciel ; mais il continuait d’être en communion perpétuelle et intime avec le ciel ; il y résidait comme dans sa patrie. « Jésus‑Christ était sur la terre et il était au ciel ; sur la terre par son corps, au ciel par sa divinité, ou plutôt en tous lieux par sa divinité. Il était sorti du sein de sa mère, sans quitter celui de son Père », S. Augustin, Traité 12 sur S. Jean, 8. Les rationalistes rejettent naturellement ce sens, pour ne voir ici qu’une « métaphore hébraïque », laquelle attribuerait vaguement à Jésus je ne sais quelle nature « supérieure ». M. Alford leur riposte à bon droit que de pareilles tentatives sont futiles et ridicules. Olshausen réfute de même par une vigoureuse parole les exégètes qui voudraient donner à qui est la signification : qui était. Ce serait là, dit‑il, un pléonasme insupportable. – Quelle richesse dogmatique dans ce verset. On peut en rapprocher Matth. 11, 27, où Jésus exprime une idée parallèle.
Jean 3.14 Comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l’homme soit élevé, – De la divinité de Jésus nous passons au plan de la merveilleuse rédemption qu’il devait opérer ; déjà la croix fait son apparition (Nous croyons inutile de chercher un autre enchaînement ; nous tomberions, comme l’a fait maint exégète, dans l’artificiel et l’arbitraire). Sans doute, cette première prédiction de la Passion du Christ dut paraître obscure à Nicodème (comp. 2, 19, relativement à la Résurrection) ; mais d’autres prophéties successives (Matth. 9, 14 et ss. ; 10, 38 ; voyez les passages parallèles de S. Marc et de S. Luc) et la voix si claire des faits la rendront aussi évidente que possible (comp. 2, 22). – Comme MoïseL’événement rappelé ici en cinq mots par Notre‑Seigneur forme l’un des miracles les plus éclatants de l’ancienne Alliance. C’était là quarantième année du séjour au désert : le peuple, fatigué, lança vers le ciel une de ces plaintes blasphématoires qui lui avaient plusieurs fois déjà coûté si cher ; Dieu se vengea en envoyant une multitude de serpents brûlants, dont la morsure produisit partout la mort dans les rangs des Hébreux. Prompt repentir des coupables, suivi, comme toujours, d’un miséricordieux pardon. Néanmoins, le Seigneur voulut attacher le salut à un signe ; sur son ordre, « Moïse fit un serpent d’airain et le plaça sur un poteau, et quiconque avait été mordu par un serpent et regardait le serpent d’airain, conservait la vie ». Voyez Nombres 21, 4-9. Étrange moyen de salut, assurément ; mais il avait l’avantage de susciter la foi, tant aimée de Dieu ; circonstance importante, que les livres juifs les plus anciens ne manquent pas de relever. « Le cœur (des malades) était fixé sur le nom de la Parole (du Verbe) de Dieu ». Targum de Jonathan. « Leurs visages devaient se diriger vers leur Père qui est au ciel. » Targum de Jérusalem. Le passage suivant de la Sagesse est encore plus frappant (16, 5 et ss.) : « Et même, quand s’abattit sur les tiens la fureur terrible de bêtes venimeuses, lorsqu’ils périssaient sous la morsure de serpents tortueux, ta colère ne persista pas jusqu’à la fin. C’est en guise d’avertissement qu’ils avaient été alarmés pour un peu de temps, mais ils possédaient un signe de salut, qui leur rappelait le commandement de ta Loi. Celui qui se tournait vers ce signe était sauvé, non pas à cause de ce qu’il regardait, mais par toi, le Sauveur de tous ». D’après la tradition juive, le serpent d’airain était donc déjà un symbole de salut. De quelle manière ? Jésus le dit en complétant la révélation unique qui semble avoir eu lieu sur ce point. – De même désigne non une ressemblance fortuite, mais un accomplissement réel, voulu par Dieu. L’acte de Moïse avait été le type de ce qui devait se réaliser aux temps messianiques pour le salut de l’humanité entière. – Soit élevé.Dans le texte grec, le verbe signifie proprement être élevé, placé sur un haut lieu, ce qui peut s’entendre de bien des manières. Toutefois, il ressort nettement du contexte qu’il ne s’agit pas ici de l’exaltation glorieuse du Messie, comme on l’a parfois prétendu fin XIXème siècle. En outre, S. Jean, d’une part, exprime régulièrement cette idée de triomphe par δοξασθηναι ; d’autre part, N.-S. Jésus‑Christ voile à plusieurs reprises sa Passion dans le quatrième Évangile sous le verbe « être élevé » (cf. 8, 28 ; 12, 32, 34). Les mots correspondants en araméen et en syriaque s’emploient précisément pour marquer le supplice de la croix. Enfin, telle est l’interprétation commune de la tradition et des auteurs modernes. Tout au plus pourrait‑on, avec quelques exégètes, associer les deux idées, l’élévation de Jésus sur la croix, et « par la croix vers la lumière » ; encore est‑il préférable de s’en tenir strictement à la première. – Soit élevé.C’était nécessaire d’après les divins et éternels décrets, promulgués à diverses reprises dans l’Ancien Testament. Voyez Matth. 16, 21 ; Luc. 24, 26 et le commentaire ; Hébreux 2, 9, 10. – Le Fils de l’homme ; Jésus répète cette humble appellation (cf. verset 13), qui convenait mieux que toute autre pour être associée au mystère de la croix. – Les points de comparaison entre la figure (« comme Moïse a élevé le serpent ») et la réalité (« de même il faut que le Fils de l’homme soit élevé ») peuvent être réunis en quelques lignes. 1° Le serpent d’airain est élevé au sommet d’un poteau, Jésus sur l’arbre de la croix. 2° De part et d’autre le salut dépend d’un regard de foi. 3° Ici et là c’est la mort qui restitue la vie. Voyez S. Justin, Apolologie 1, 60 : Dialogue avec Tryphon 94 ; S. Jean Chrysostome et Euthymius, h. l.
Jean 3.15 Afin que tout homme qui croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle. »But admirable et généreux de l’exaltation du Fils de l’homme : guérir les pauvres humains blessés à mort par le péché. « Tout homme » ne permet pas d’admettre une seule exception, le salut est offert indistinctement à tous les hommes. A une condition pourtant, la foi au divin Rédempteur : qui croit en lui. – Qu’il ait la vie éternelle. La vie éternelle, et pas seulement un prolongement de quelques mois ou de quelques années à passer sur la terre, ainsi qu’il arriva aux Hébreux guéris de la morsure des serpents.
Jean 3.16 En effet, Dieu a tellement aimé le monde, qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle. – Afin que quiconque. – Admirable synthèse des versets 13-15 ; « l’Évangile réduit à l’essentiel », comme l’on a dit souvent ; l’un des passages les plus beaux de la Bible ; « Peu de paroles et beaucoup de sens ». Ces trois lignes, en effet, nous déclarent tout ensemble : 1° que l’essence de Dieu consiste dans l’amour (cf. 1 Jean 3, 9, 16), 2° que la divine charité est allée à notre égard jusqu’au sacrifice le plus généreux, 3° que l’objet de ce céleste amour est le monde corrompu et pervers, 4° que Jésus est le Fils unique de Dieu, 5° qu’il a été sacrifié pour le salut du monde, 6° que le salut est offert par Dieu à tous les hommes, 7° que ceux‑là seuls, néanmoins, qui croiront en Jésus seront sauvés, 8° que tous les autres périront à jamais. – En effetrelie ces différentes pensées à celle des versets 14 et 15 : Jésus va chercher jusque dans le ciel le motif de sa passion et de sa mort. – Tellement exprime l’amour infini et éternel du Père : A ce point, d’un amour si intense.– Dieu a tant aimé le monde[ce verbe aimer est l’un des mots grecs caractéristiques de S. Jean]. Il n’est pas étonnant que Dieu aime : la lumière peut‑elle ne pas briller, le feu ne pas brûler ? Mais il est étonnant qu’il ait aimé le monde, c’est-à-dire la pauvre et misérable espèce humaine tout entière, sans distinction de peuples ni de familles (Cf 1, 9, 10, 29) ; il est étonnant surtout qu’il l’ait aimé à tel point qu’il a donné son Fils unique.Quelle force dans l’expression. Et, mieux encore, quelle prodigalité dans l’amour. Chaque mot a pour but de mieux relever la pensée. « Quel plus grand témoignage d’amour et de charité que d’avoir donné pour le salut du monde un Fils, son Fils propre, son Fils unique. », S. Hilaire, La Trinité, 6. « Mais ce qui suit exprime plus fortement encore cet amour : Ce n’est pas un serviteur, ce n’est pas un ange, ce n’est pas un archange, c’est son propre Fils qu’il a donné. S’il eût eu plusieurs fils, et qu’il en eût sacrifié un, ce serait déjà la preuve d’un amour immense, mais c’est son Fils unique qu’il nous a donné », S. Jean Chrysostome h. l. Comp. Zacharie 12, 10 ; Romains 8, 32 ; Hébreux 11, 17 ; 1 Jean 4, 9. Précédemment, Jésus s’était simplement servi de l’expression plus vague et plus humble « Fils de l’homme » ; mais elle ne saurait maintenant lui suffire. Voyez, Genèse, 22, 2 et 16, la manière dont le Seigneur fait ressortir par cette même circonstance (« Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes » ; « parce que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique ») la grandeur du sacrifice d’Abraham. Mais, au moment suprême, le père des croyants put substituer une autre victime à son fils « unique et chéri », tandis que Dieu immola vraiment le sien sur le Calvaire. – A donnéa évidemment ici le sens de livrer, d’abandonner comme victime, cf. Luc. 22, 19 ; Galates 1, 4 ; Tite 2, 14. Ce n’est pas, comme on l’a dit parfois, un simple synonyme de « envoyer ». Que sont nos faibles actes d’amour à côté de celui‑là. – Afin que quiconque…Après avoir si fortement désigné l’amour incomparable de Dieu pour nous comme le fondement dernier de son propre sacrifice, N.-S. Jésus‑Christ répète mot pour mot la phrase du verset 15, qui a une grande importance dans tout ce passage, cf. verset 18. On dirait « le refrain d’un cantique » (Godet), refrain plein de charmes et aimable, puisqu’il promet aux hommes un salut si facile. M. Schegg fait justement remarquer ici que le Sauveur emploie le langage le plus simple pour exprimer les idées les plus grandioses, et que cette union de la grandeur et de la simplicité confère à la parole du divin Maître « une majesté incomparable ». – L’adjectif éternel revient jusqu’à dix‑sept fois dans l’évangile de S. Jean, six fois dans sa première lettre, et toujours il est associé au mot vie. On ne le trouve qu’à huit reprises dans les synoptiques.
Jean 3.17 Car Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. – Jésus confirme d’une manière négative son assertion précédente. C’est, dit Maldonat, « une autre preuve d’amour ». – Car Dieu n’a pas envoyé.La « mission » du Fils de Dieu, d’après le sens strictement théologique de cette expression, est surtout marquée par S. Jean. – Le Fils.Ici, l’épithète amoureuse est supprimée ; nous n’avons que le titre qui indique la dignité (cf. versets 16 et 18) : sans doute, parce qu’il va être aussitôt question de jugement. – Pour juger le monde.Telles étaient les idées juives alors régnantes. D’après la christologie des Rabbins, le Messie, dès les premiers instants de son apparition, devait s’élancer contre les païens et les écraser sans pitié : on expliquait en ce sens les passages Psaume 2, 9 ; Malachie 4, 1, etc. Les mots « juger, jugement » sont évidemment pris en mauvaise part, soit dans ce verset, soit dans les suivants, puisqu’ils sont opposés à l’idée du salut. Quoique le mot grec χρίνω ait la signification primitive de discerner (« cerno » des Latins), différencier, séparer, il est plus ordinairement employé dans le sens de juger, et, par suite, de condamner, supposé que celui qui passe en jugement ait été trouvé coupable. – Mais afin que le monde soit sauvé par lui.C’est-à-dire : « pour qu’il aie la vie éternelle », versets 15 et 16. Le Fils de Dieu ayant été envoyé par amour, il est bien évident qu’il ne vient pas parmi les hommes pour exécuter contre eux des desseins de vengeance. Sauver, tel est son rôle ; Jésus « sauveur », tel est son nom (cf. Matth. 1, 21 et le commentaire ; voyez la lettre à Diognète, 7 ). Dans un instant, il est vrai (verset 18), et avec plus de force encore dans d’autres discours (5, 27 ; surtout 9, 39 : « Je suis venu en ce monde pour rendre un jugement »), Notre‑Seigneur décrira sa venue comme celle d’un juge redoutable ; mais ces idées ne sont en rien contradictoires. Pour faire l’harmonie, nous n’avons qu’à distinguer entre le but direct, qui est le salut universel, et un résultat tristement nécessaire, dans l’hypothèse où l’aimable Sauveur serait rejeté par une certaine partie de l’humanité. Jésus vient pour sauver ; mais il ne sauvera pas les hommes malgré eux, et c’est précisément cette nuance délicate qui est exprimée par un changement remarquable dans la construction : pour que le monde soit sauvé. Le monde ne sera sauvé que s’il consent à s’approprier le salut. – Par lui, et par lui seul. En effet, est‑il dit ailleurs (Actes 4, 12), « En nul autre que lui, il n’y a de salut, car, sous le ciel, aucun autre nom n’est donné aux hommes, qui puisse nous sauver ». La triple répétition du mot « monde » a quelque chose de très solennel.
Jean 3.18 Celui qui croit en lui n’est pas jugé, mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. – Nous avons ici une sorte de dilemme qui explique la pensée du verset 17. Ou les hommes croient en Jésus, ou ils ne croient pas : s’ils croient, ils ne seront pas jugés ; s’ils ne croient pas, ils sont déjà jugés et condamnés. Ainsi, « la ligne de démarcation qui sépare sauvés et non sauvés, au lieu de passer entre Juifs et païens, passe entre croyants et incrédules », à quelque nation qu’ils appartiennent. – Le mot croitest à son tour répété par trois fois ; ce qui ne saurait être un fait accidentel, car il exprime ici l’idée principale. – N’est pas jugé, mais celui qui ne croit pas est déjà jugé.Pensée très forte. Dans l’un et l’autre cas, tout jugement proprement dit est inutile : inutile à l’égard des croyants, puisque Jésus n’est pas venu pour les juger, mais pour les sauver (verset 17) ; inutile à l’égard des incrédules, car leur incrédulité même est déjà un jugement et une condamnation. En ne voulant pas de l’unique moyen de salut qui leur est offert, ceux‑ci prononcent eux‑mêmes leur sentence ; le souverain Juge aura seulement à la ratifier. Comparez ce dire antique des Latins : « le coupable se condamne au moment même où il commet sa faute » et ce mot peut-être encore plus ancien des lois romaines, adressé à chaque coupable : « Tu t’es toi‑même exposé à ta peine ». S. Augustin fait un beau rapprochement pour expliquer la pensée de Jésus : « le médecin s’approche du malade, pour lui rendre, autant que possible, la santé. Mais le malade se donne à lui‑même la mort, s’il refuse d’observer les prescriptions du médecin. Le Sauveur est venu en ce monde ; pourquoi l’appelle‑t‑on Sauveur du monde, si ce n’est qu’il est venu pour sauver le monde et non pour le juger? Tu refuses le salut qu’il t’apporte ? Tu seras jugé d’après ta conduite », (Tract. 12 in Jean). On peut dire aussi avec le P. Corluy (p. 84) : « Il est déjà jugé ; car il reste en effet dans son état de condamné, où il se trouvait déjà. Nous étions, de par nous‑mêmes, voués à la colère (Éphésiens 2, 3) ; et comme l’explique S. Jean (3, 36), la colère de Dieu demeure sur lui. Il n’est donc pas nécessaire qu’une nouvelle condamnation soit prononcée », cf. Hébreux 11, 6. – Le changement de temps dans les verbes est beau et significatif. D’abord le présent, pour exprimer un état permanent : « N’est pas jugé » ; puis le parfait, pour marquer un fait produit sans retour, « est déjà jugé ». – Parce qu’il n’a pas cru. – Jésus insiste sur le motif du terrible jugement des impies : ils n’ont pas cru, alors qu’ils avaient tant de raisons de croire. – Au nom du Fils unique de Dieu.Nous retrouvons la suave et forte épithète du verset 16 ; mais c’est la grandeur du crime des incrédules qu’elle a pour but de relever ici. Sur la locution « croire au nom », voyez 1, 12.
Jean 3.19 Or, voici quel est le jugement : c’est que la lumière est venue dans le monde et que les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises.– Quoique le but de l’Incarnation soit le rachat du monde (verset 17), il y aura des méchants qui seront jugés et condamnés (verset 18) : Jésus va commenter le motif de leur condamnation. – Or, voici quel est le jugement. Cette tournure revient plusieurs fois dans le quatrième évangile ; comp. 15, 12 ; 17, 3). Voici en quoi consiste le jugement, quelle est sa nature ; ou, selon d’autres : Voici la raison d’être du jugement. La première traduction est plus grammaticale et plus conforme au contexte, puisque, d’après le verset 18, les hommes sont directement jugés par leur conduite individuelle. – La lumière (et plus bas les ténèbres) voyez 1, 4, 5 et ss.) est venue dans le monde.Cette lumière par excellence, nous avons vu que c’est le Verbe incarné ; elle s’est manifestée au monde aussi brillante que le soleil en plein midi. Mais, hélas ! Les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière,cf. 1, 10, 11. Douloureux phénomène dont Jésus avait déjà fait l’expérience (2, 23-25), et qu’il constate avec un accent de vive tristesse. « Les hommes » sont envisagés ici comme classe ; au reste, ce que dit Notre‑Seigneur en cet endroit convient à un grand nombre, peut-être même au plus grand nombre d’entre eux. Préférer les ténèbres à la lumière, et surtout à une telle lumière, indique une affreuse perversion d’esprit et de cœur, que le style du divin Maître met admirablement en relief. – Ont mieux aimé…que :cette comparaison exprime un choix délibéré. « La beauté de la lumière les a étonnés ; mais ils étaient attachés à l’amour des ténèbres », Bengel, Gnomon, h.l. Par « ne croit pas » du verset 18 il ne faut donc pas entendre seulement l’absence de foi, mais le rejet direct et actif de la foi. – Parce que leurs œuvres étaient mauvaises.Raison d’un choix aussi indigne. C’est une pensée profonde et constamment vraie : l’immoralité produit l’incrédulité. L’imparfait « étaient » est ici à noter, car il marque la permanence du fait ; remarquez aussi la construction renversée grecque qui produit une gradation saisissante.
Jean 3.20 Car quiconque fait le mal, hait la lumière, de peur que ses œuvres ne soient blâmées.– Ce verset et le suivant développent la réflexion profondément psychologique qui vient d’être énoncée. – Car quiconque.C’est le quatrième « car » depuis le verset 16. Tout se lie et se tient dans ce passage comme les anneaux d’une chaîne. « Quiconque », car il est question d’un loi universelle ; de là l’emploi du temps présent : qui fait, hait…, vient. Le phénomène indiqué se renouvelle sans cesse. De même au verset 21. Le « mal ».
S. Chrysostome (homélie 28.) : Cette haine de la lumière devait paraître une chose incroyable pour plusieurs (car il n’est personne qui préfère les ténèbres à la clarté), il fait donc connaître la cause de cet aveuglement : « Car leurs œuvres, ajoute-t-il, étaient mauvaises. » S’il était venu pour juger les hommes, cette haine de la lumière aurait eu quelque raison, car celui qui a conscience de ses crimes, cherche à fuir le juge qui doit le condamner, mais les coupables se présentent sans crainte devant celui qui n’a pour eux que des paroles de pardon. Quoi de plus naturel donc pour les hommes dont la conscience était chargée de si grands crimes, d’aller au-devant du Sauveur, qui leur apportait le pardon ? C’est ce que plusieurs ont fait, et nous voyons les publicains et les pécheurs venir s’asseoir à la même table que Jésus. Mais il en est dont la mollesse est si grande, que leurs mains tombent de langueur devant les travaux de la vertu, et qu’ils persévèrent dans le mal jusqu’à la fin de leur vie ; Notre-Seigneur flétrit ouvertement celte lâcheté: «Quiconque fait le mal, hait la lumière, » ce qui est vrai de ceux qui veulent obstinément persévérer dans le mal. — ALCUIN. « Tout homme qui fait le mal hait la lumière, c’est-à-dire, que celui qui est dans la résolution de pécher, qui aime le péché, hait par-là même la lumière qui découvre le péché. – Hait la lumière.Non seulement l’homme vain dont il s’agit préfère les ténèbres à la lumière (verset 19), mais il a de plus pour celle‑ci une haine positive. Comparez le beau passage de Job 24, 13-17 (surtout d’après l’hébreu), et les dires analogues des classiques : « Les méchants aiment des choses qui ont besoin du voile des toits et des rideaux », Marc‑Aurèle, 3, 7 ; « Le grand jour pèse aux mauvaises consciences », Sénèque, Lettre 122. – Et ne vient pas à la lumière.Conséquence toute naturelle, la lumière faisant ressortir à merveille ce qu’il y a de bon ou de mauvais dans les choses : or, celui qui agit mal ne veut pas que l’inanité de ses œuvres apparaisse ainsi au grand jour, et devienne pour lui l’occasion d’un blâme sévère (condamnées). Qu’en sera‑t‑il de celui qui commet des œuvres absolument mauvaises ?
Jean 3.21 Mais celui qui accomplit la vérité, vient à la lumière, de sorte que ses œuvres soient manifestées, parce qu’elles sont faites en Dieu. » Mais celui qui accomplit… C’est un contraste. Jésus introduit une autre catégorie humaine bien distincte de la précédente. Le texte grec employant ici, pour exprimer l’action « ποιῶν » au lieu de « πράσσῶν » du verset 20, les exégètes ont souvent essayé d’indiquer les motifs de ce changement : ποιῶν indiquerait le bon résultat de l’activité, πράσσῶν une simple agitation, etc. Ces distinctions nous paraissent subtiles, et nous ne croyons pas qu’il faille attacher tant d’importance à l’emploi de ces deux synonymes. – Le substantif La véritémérite davantage notre attention, car il paraît extraordinaire au premier regard, étant opposé aux œuvres mauvaises (verset 20). « Faire la vérité » est en effet une expression remarquable, qui devient claire pourtant si l’on se ressouvient que « toute bonne action est une pensée vraie réalisée », effectuée. Il s’agit d’ailleurs plutôt de la vérité morale que de la vérité intellectuelle. Comparez des locutions semblables dans 1 Corinthiens 13, 6 ; 1 Jean 1, 6 ; 2 Jean 4 ; 3 Jean 3, 4 – Vient à la lumière, de sorte que ses oeuvres soient manifestées.Celui qui accomplit des actions vraies et bonnes n’a rien à redouter de la lumière, tout au contraire ; il traite donc ses œuvres à la façon dont l’aigle traite, d’après la légende antique, ses aiglons nouvellement éclos. Il leur montre le soleil en face : pas par ostentation assurément, car il est prêt à les condamner lui‑même si elles apparaissent alors vaines ou mauvaises ; mais il veut connaître leur nature réelle, que l’éclat de la lumière manifeste en plein. Euripide dit semblablement la lumière de la vérité, par opposition aux hommes pervers, qui aiment la nuit (Iphig. in Taur. 1066). – Parce qu’elles sont faites en Dieu.Cette dernière parole explique pourquoi les bons s’approchent volontiers de la lumière. Ils ont agi en union avec Dieu, de concert avec lui ; il y a donc du divin dans leurs actes : pourquoi en craindraient‑ils la manifestation ? La phrase tout entière est très énergique, spécialement dans le grec (littéralement : elles sont ayant été faites ; d’où il suit qu’étant entièrement accomplies, elles ne peuvent plus être gâtées désormais). – Tel est ce magnifique entretien, qui, de degré en degré, s’est successivement élevé aux vérités les plus hautes. M. Reuss s’étonne de le voir finir si brusquement. Selon lui, l’évangéliste aurait dû signaler au moins le départ de Nicodème et le résultat de l’entrevue : de ce silence il tire, à la façon de Baur (voyez la note du verset 1), un argument contre le caractère historique de la narration. Nous opposerons à M. Reuss l’autorité d’un autre rationaliste, B. Brückner, d’après lequel ce même silence « démontre, au contraire, que S. Jean voulait uniquement raconter la réalité historique » (Kurzgefasstes exeget. Handbuch zum N. T., von de Wette, 5e éd., p. 75). « Chaque trait est vrai, continue cet auteur, et s’harmonise avec le précédent ; et un pareil portrait, qui est d’ailleurs plutôt esquissé que décrit, ne doit pas seulement avoir une base historique vague et générale ; il doit avoir un fondement qui lui corresponde de la façon la plus exacte, c’est-à-dire la personne même de Nicodème ». Baumgarten‑Crusius l’a dit aussi en termes très justes, « si l’évangéliste n’ajoute rien de plus, et n’a pas même un mot pour exposer le résultat immédiat du discours, c’est une preuve en faveur de sa simplicité et de sa loyauté historique ». Les écrivains sacrés procèdent souvent de cette sorte ; car c’est avant tout l’histoire de N.-S. Jésus‑Christ qu’ils veulent raconter, et non celle des personnages accessoires. Du reste, S. Jean fera plus tard quelques allusions fort nettes à Nicodème et à cet entretien intime, cf. 7, 50 ; 19, 39. – Sur l’immense portée dogmatique des versets 3-21, dont nos notes éparses ont pu donner au moins quelque idée, voyez Corluy, Commentar. in evang. Joannis, p. 87. Nous verrons de plus en plus S. Jean mériter l’épithète de « théologien », qui lui a été si légitimement appliquée par les premiers Pères. Voyez la Préface, § 3. Sur la nature particulière des discours de N.-S. Jésus‑Christ dans le quatrième Évangile, voyez aussi la Préface, § 5. – Nous avons renvoyé ici, pour ne pas trop troubler la suite du commentaire, une discussion assez vive qui s’est élevée à propos des versets 16-21. Les paroles que renferme ce passage sont‑elles la continuation pure et simple du discours de Jésus ? Ou bien ne doit‑on pas les regarder comme des réflexions personnelles, rattachées par l’évangéliste à l’allocution du divin Maître ? Érasme semble être l’auteur de ce second sentiment, qui a trouvé depuis un assez grand nombre d’adeptes (Kuinoel, Paulus, Tholuck, Olshausen, Milligan, Westcott, et même des exégètes catholiques, tels que A. Maier, Klofutar, Bisping). Voici les principaux arguments sur lesquels on l’appuie. 1° Plusieurs des expressions employées dans ce passage notamment « fils unique », versets 16 et 18, cf. 1, 14, 18 ; 1 Jean 4, 9), « croire au nom » (verset 18, cf. 1, 12 ; 2, verset 3 ; 1 Jean 5, 13) et « faire la vérité » (verset 21 ; cf. Jean 1, 6), sont exclusivement propres à la diction de S. Jean, et n’apparaissent nulle part ailleurs sur les lèvres de Jésus. 2° Au verset 19, les formes verbales passées « est venue », « ont mieux aimé », « marquent évidemment une crise déjà accomplie et appartiennent à la position occupée par S. Jean, mais non à celle où était alors le Sauveur, puisque la révélation de sa personne et de son œuvre n’avait pas encore été présentée ouvertement au monde » (Westcott). Ces temps passés désigneraient donc un laps de temps assez considérable, écoulé depuis l’inauguration du ministère de Notre‑Seigneur, et ne sauraient lui convenir directement. 3° La forme dialoguée a cessé tout à fait, et le discours ressemble désormais à une série de réflexions du narrateur. 4° C’est précisément la manière de S. Jean d’agir ainsi, c’est-à-dire de greffer en quelque sorte ses considérations privées sur les idées du divin Maître, qui sont par là même récapitulées, commentées. – Il est aisé de répondre à ces allégations diverses. 1° Pourquoi les locutions indiquées n’auraient‑elles pas été au service de N.-S. Jésus‑Christ ? De telles raisons ne prouvent rien parce qu’elles tendent à prouver trop. 2° Nous avons montré dans le commentaire que l’attitude des Juifs à l’égard du Sauveur justifiait suffisamment l’emploi du temps passé ; la connaissance prophétique que Jésus avait de l’avenir rendait au reste, en toute hypothèse, son langage parfaitement plausible. 3° Cela encore prouve trop, puisque la forme dialoguée a cessé dès le verset 13. Voyez le commentaire, où la vraie raison du silence de Nicodème a été exposée. 4° On se borne à nous citer 12, 37-41, passage qui n’a ici aucune valeur, l’écrivain sacré y montrant de la façon la plus évidente qu’il prend lui‑même la parole. « Ce qui est contraire à son usage constant. Car quand il intercale ses réflexions dans des phrases d’autrui, ou quand il fait des commentaires sur ce qui a été énoncé, il l’indique toujours clairement », Knapp, Opusc. ap. Hengstenberg, h. l. Ajoutons que rien n’indique une transition de ce genre ; que le lecteur serait, par suite, induit inévitablement en erreur, n’ayant reçu aucun avertissement préalable ; que S. Jean (ni aucun autre évangéliste) ne pouvait se permettre de telles libertés à l’égard des paroles de Jésus ; que le verset 15 ne termine aucunement l’entretien ; que les versets 16-21 contiennent des pensées non moins importantes que nouvelles, bien loin d’être un simple développement des versets antérieurs ; enfin que « la cohésion de toutes les parties est trop étroite pour autoriser l’idée d’une distinction entre la part revenant à Jésus et celle de l’évangéliste » (Godet). Ainsi donc, cet étrange sentiment n’a aucun fondement sérieux (voyez Meyer, Luthardt, Baumgarten‑Crusius, Stier, J.-P. Lange, Keil, etc.) ; et, si nous avons voulu le réfuter à fond, c’est à cause des dangers qu’il présente, et parce que nous le retrouverons bientôt sur notre route (verset 31).
Jean 3.22 Après cela, Jésus se rendit avec ses disciples au pays de Judée et il y séjourna avec eux et il baptisait.– Après celadésigne d’une manière vague la circonstance de temps. « Ces choses », c’est-à-dire, non seulement l’entretien avec Nicodème, mais en général tous les événements du séjour à Jérusalem racontés ci‑dessus (2, 14-3, 21). Jésus quitta sans doute la ville sainte vers la fin des solennités pascales, en même temps que la foule des pèlerins. La locution grecque correspondante est fréquemment employée dans le quatrième évangile par mode de transition, cf. 2, 12 ; 5, 1, 14 ; 6, 1 ; 11, 7, 11, 19, 28 ; 19, 38 ; 21, 1. – Jésus… avec ses disciples: les disciples mentionnés aux chapitres 1 et 2 : Pierre, André, Jacques, Philippe, Nathanael, et l’évangéliste lui‑même. – Au pays de Judée.C’est la circonstance de lieu ; elle sera précisée davantage au verset suivant. Jérusalem étant située dans la Judée, cette désignation a créé aux vieux commentateurs, dont la géographie n’était pas le côté fort, de curieux embarras, très bien décrits par Maldonat (h. l.). Il est évident qu’elle oppose simplement la province à la capitale, les districts ruraux à la cité. On ne la trouve nulle part ailleurs sous cette forme ; mais on en peut rapprocher l’expression analogue « la Judée » cf. S. Marc, 1, 5, et Actes 26, 20. Sur les limites de cette province, cf. commentaire S. Matth. 3, 1-2. Voici que la sphère dans laquelle Jésus déploie son activité de Messie s’agrandit peu à peu : le temple, la ville sainte, la province de Judée, bientôt la Galilée. – Et il y demeurait.Cet imparfait semble impliquer un séjour notable, que de nombreux exégètes évaluent à plusieurs mois. – Et baptisait.Autre imparfait, pour indiquer la réitération de l’acte. Nous trouverons plus bas, 4, 2, un important correctif à cette assertion : « Quoique ce n’était pas Jésus qui baptisait, mais ses disciples ». En grec, volontiers « on attribue l’action à celui au nom de qui elle est exécutée par d’autres ». Jésus est donc censé faire personnellement ce que ses disciples accomplissaient par son autorité. – On a beaucoup discuté, depuis l’époque des Pères, sur la nature du baptême signalé ici et 4, 1, 2. Était‑ce déjà le « baptême de feu », le baptême chrétien, sacramentel ? N’aurait‑ce pas été plutôt une imitation du « baptême d’eau » conféré par le Précurseur ? La première opinion a été plus communément admise dans l’antiquité comme dans les temps modernes, et ce motif d’autorité plaide puissamment en sa faveur. La seconde compte néanmoins, à travers les âges, d’illustres défenseurs, entre autres S. Jean Chrysostome, S. Léon, Théophylacte, et un grand nombre de commentateurs, et plusieurs raisons nous portent à l’adopter de préférence : 1° la nature préparatoire du ministère de Notre‑Seigneur durant cette période de sa vie ; 2° le texte si expressif, 7, 39, « il ne pouvait y avoir l’Esprit, puisque Jésus n’avait pas encore été glorifié », rapproché des paroles « Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu », Matth. 3, 11 ; 3° cet autre message du premier évangile, qui semblerait s’appliquer beaucoup mieux à l’institution du sacrement, « Allez. De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint‑Esprit », Matth. 28, 19 ; 4° l’absence de toute autre mention relative à cette collation du baptême par les disciples de Jésus jusqu’après la résurrection, d’où l’on peut inférer qu’elle fut abandonnée bientôt. – Il ressort du moins de ce trait, et la suite du récit le montrera plus clairement encore, que la prédication du Sauveur produisait déjà des résultats importants.
Jean 3.23 Jean aussi baptisait à Ennon, près de Salim, parce qu’il y avait là beaucoup d’eau et l’on venait et l’on était baptisé,– Jean aussi baptisait.Plus encore que le simple imparfait cette tournure désigne la fréquence et la durée de l’acte. Il baptisait et baptisait encore. Pendant quelque temps, le Précurseur et le Messie travaillent simultanément, à peu de distance l’un de l’autre et de la même manière, prêchant en termes identiques (cf. Matth. 3, 2 et Marc. 1, 14, 15) et employant le même rite préparatoire. Jean‑Baptiste continue son œuvre jusqu’au dernier instant. Samuel ne cessa pas immédiatement après la consécration du Saül d’exercer les fonctions de juge en Israël ; Jean attend aussi l’heure de la Providence pour mettre un terme à sa prédication, à son baptême (voyez le verset 34). Les rationalistes, qui ne comprennent rien au plan divin, se scandalisent à tort de voir que le Précurseur ne se retire pas dès la première manifestation du Christ. – À Ennon, près de Salim. La seconde de ces localités devait être plus considérable et plus connue, puisqu’elle sert à déterminer l’emplacement de la première. Mais où étaient‑elles l’une et l’autre ? Problème géographique impossible à résoudre pour le moment. Ce ne sont pourtant pas les hypothèses qui manquent, Salim ou Salem et Ennon (pluriel de source, par conséquent : « les sources ») étant des noms très communs, qu’on retrouve sur divers points du territoire palestinien Ennon serait quelque part dans la vallée du Jourdain, peut-être à 12 km au sud de Scythopolis (Beït Shéan), à l’ouest de Jourdain et donc loin de la Judée. – Parce qu’il…introduit le motif pour lequel le Précurseur s’était transporté spécialement en ce lieu : il y avait là beaucoup d’eau,et il en fallait beaucoup pour le baptême d’immersion. Cette locution désigne des sources, des ruisseaux, et non une rivière unique comme serait le Jourdain. Du reste, la remarque de l’évangéliste serait bien naïve, si nous devions chercher Aenon au bord du fleuve. – Et l’on venait et l’on était baptisé.Encore des imparfaits, qui marquent la répétition des actes. Il y a en outre ici l’indication d’un grand concours de peuple.
Jean 3.24 car Jean n’avait pas encore été jeté en prison. – Car Jean n’avait pas encore…Ce verset forme une sorte de parenthèse explicative, qui montre la rigoureuse exactitude du narrateur. C’est une date importante pour l’harmonie des évangiles. Elle fixe en effet la place précise de Matth. 4, 12-17 et des passages parallèles, qui, dans le cours de la biographie de Jésus, doivent venir seulement à la suite de ce ministère préparatoire, accompli en Judée. On voit, par ce détail et d’autres semblables, que S. Jean n’écrivit qu’après les synoptiques, et qu’un de ses desseins fut de compléter leur œuvre, cf. Eusèbe de Césarée, Histoire Ecclésiastique 3, 24, qui faisait déjà cette remarque. C’est donc sans aucun fondement que les rationalistes trouvent la chronologie de S. Jean « inconciliable avec celle du premier évangile » (Reuss, La Théologie johannique, p. 150). – Jeté en prison.Simple assertion du fait, parce que les lecteurs sont supposés le connaître plus à fond par les relations antérieures. La formule implique que l’incarcération devait être prochaine.
Jean 3.25 Or, il s’éleva une discussion entre les disciples de Jean et un Juif touchant la purification. – Or il s’éleva.La particule grecque correspondant à « or », aimée de notre évangéliste, signifie plutôt : en conséquence. C’est une transition, qui a pour but de nous faire passer de ces données générales à l’occasion particulière du dernier témoignage de Jean‑Baptiste. Ce qui résulta de l’administration simultanée du baptême par Jésus et par son Précurseur, ce fut une discussion, c’est-à-dire une contestation assez vive entre les disciples de S. Jean d’une part et « un Juif » d’autre part. – La tournure entre les disciplessemble signifier que les disciples du Précurseur furent les premiers à soulever la discussion. – Touchant la purification. Cette expression, souvent employée d’une manière générale par les Juifs pour désigner les ablutions et lustrations religieuses (cf. 2, 6), représente plus spécialement ici le baptême, dont elle relève le caractère symbolique. L’historien Josèphe emploie de même le verbe grec ϰαθαίρειν pour décrire le rite qui a valu au Précurseur le surnom de Baptiste. Le baptême qu’administraient de concert Jésus et S. Jean, telle fut donc la cause déterminante du litige : toutefois, on ne saurait déterminer le point précis du débat. Vraisemblablement, selon l’antique conjecture de S. Jean Chrysostome, le « Juif » s’était vanté d’avoir été baptisé par les disciples de Notre‑Seigneur, et ceux de S. Jean avaient riposté en affirmant que le baptême conféré par leur maître était meilleur, plus efficace : du moins ils recourent aussitôt à lui pour faire trancher la question.
Jean 3.26 Et ils vinrent trouver Jean et lui dirent : « Maître, celui qui était avec vous au-delà du Jourdain et à qui vous avez rendu témoignage, le voilà qui baptise et tous vont à lui. » – Et lui dirent.Leur langage est vivant, tout à fait naturel. C’est bien ainsi que durent parler des disciples tendrement dévoués à leur maître, jaloux de sa gloire, peinés de voir un rival surgir tout à coup à ses côtés et lui enlever une partie de ses admirateurs. De pareils détails ne s’inventent guère. – Maître,est le titre respectueux qui était ordinairement conféré à Jean‑Baptiste comme à Jésus, cf. Luc. 3, 12. – Celui qui était avec vous… Dans leur amer dépit, les amis du Précurseur ne daignent pas même appeler Jésus par son nom ; mais ils se servent, pour le désigner, de deux circonstances qui donnaient en apparence l’avantage à S. Jean relativement à lui. Première circonstance : « Celui qui était avec toi au‑delà du Jourdain » (à Béthanie ou Béthabara, cf. 1, 28-36). La formule est très expressive : c’est Jésus qui était avec Jean comme l’on est avec un personnage distingué, supérieur. Deuxième circonstance : A qui vous avez rendu témoignage :A toi donc il doit sa mission ; il ne serait rien sans toi. – Après ce contraste rapide, qui établit la supériorité du Précurseur, la conduite de Jésus, conduite non moins ingrate qu’illégitime dans la pensée des disciples, est exposée en deux mots énergiques : le voilà qu’il baptise.Il baptise. comme si ce n’était pas votre prérogative. de quel droit ose‑t‑il usurper vos fonctions ? – La passion éclate davantage encore dans la phrase finale : Et tous vont à lui.Il y a ici une exagération considérable ; mais la jalousie ne s’exprime pas autrement : les plus petits succès d’un rival lui semblent être des conquêtes gigantesques. Voilà donc la manière dont le rôle de Jean‑Baptiste a été compris par ses propres disciples. Comparez Matth. 9, 14, où nous retrouvons un certain nombre d’entre eux dans les mêmes sentiments.
Jean 3.27 Jean répondit : « Un homme ne peut prendre que ce qui lui a été donné du ciel. » – Le Précurseur a d’abord présenté Jésus comme le souverain Juge (Matth. 3, 12 et parall.) ; puis il l’a manifesté comme la victime propitiatoire qui devait expier nos crimes (Jean 1, 36) : ici, il nous le montre sous les traits d’un époux mystique dont les noces avec l’Église vont bientôt se célébrer ; bien plus, sous les traits même du Fils de Dieu. – Jean répondit …Le Précurseur va leur rappeler magnifiquement son rôle subordonné. Deux parties dans cette belle et noble réponse : versets 27-30, Jésus et Jean‑Baptiste ; versets 31-36, Jésus et le monde. – Une idée générale sert d’introduction (verset 27) :Un homme ne peut rien …C’est la vérité bien connue, que la Providence gouverne toutes choses ; que, par suite, tout succès vient de Dieu (du ciel ; métonymie. Peutexprime une véritable impossibilité ; Rien ne permet pas une seule exception), cf. 21, 11, il existe des dires analogues des Rabbins. Mais à qui faut‑il appliquer ici ce principe ? A Jésus ou à Jean‑Baptiste ? Les exégètes ont été constamment divisés là-dessus. S. Jean Chrysostome, Théophylacte, Euthymius, Bisping, Watkins, Plummer, B. Weisse, etc., sont pour la première hypothèse ; S. Cyrille de Jérusalem, S. Augustin, Jansenius, Bengel, Lücke, A. Maier, Alford, etc., pour la seconde. Dites de Jésus, ces paroles signifient : Vous êtes attristés de son influence croissante ; mais le succès même qu’il obtient devrait plutôt vous démontrer que sa mission est divine. Appliquées au Précurseur, elles reviennent à la pensée suivante : Je ne saurais accepter la suprématie que souhaiterait pour moi votre faux zèle, car cela n’entre pas dans les desseins du ciel. La première interprétation nous paraît s’harmoniser mieux avec le contexte. Tous viennent à lui, s’étaient écriés les disciples (verset 26). Oui, répond leur maître, et c’est Dieu même qui le veut ainsi. Plusieurs exégètes (notamment Kuinoel, Luthardt, J. P. Lange, Westcott, M. Fouard) laissent le principe dans la généralité, sans distinguer entre Jésus, et Jean. Peut-être est‑ce encore ce qu’il y a de meilleur.
Jean 3.28 « Vous m’êtes vous-mêmes témoins que j’ai dit : je ne suis pas le Christ, mais j’ai été envoyé devant lui. – Après cette explication générale, Jean‑Baptiste répond d’une manière plus directe et plus détaillée à l’observation de ses disciples. D’abord, dans ce verset, « il leur répond en reprenant leurs propres arguments » (Maldonat). – Vous‑mêmes (avec insistance ; même vous, si jaloux de ma gloire)Vous m’êtes vous-mêmes témoins…Effectivement, ils venaient de rappeler le témoignage que S. Jean avait naguère rendu à N.-S. Jésus‑Christ . – Que j’ai dit: je ne suis pas le Christ.Le chap. 1, versets 19-28, nous a fait assister à cette grandiose scène d’humilité. – Mais j’ai été envoyé…Voyez 1, 30. La conjonction est récitative à la façon hébraïque. Comme ses disciples, le Précurseur désigne Jésus par un simple pronom devant lui, qui est en cet endroit d’un bel effet. – Certes, il n’était pas possible à S. Jean d’affirmer en termes plus exprès son infériorité par rapport au Sauveur. Envoyé en avant du Messie, il n’a évidemment qu’un rôle préparatoire, et, ceux qui se plaignent que Jésus abuse du témoignage rendu en sa faveur, devraient voir au contraire que ce même témoignage lui attribuait un rôle tout à fait prépondérant.
Jean 3.29 Celui qui a l’épouse est l’époux, mais l’ami de l’époux, qui se tient là et qui l’écoute, est ravi de joie à la voix de l’époux. Telle est ma joie, elle est parfaite.– Pour démontrer de plus en plus combien il est au‑dessous de Jésus, Jean‑Baptiste emploie une frappante comparaison, empruntée aux coutumes nuptiales des anciens Juifs, cf. Matth. 9, 15 et le commentaire. – Deux personnages distincts sont notés, l’époux et l’ami de l’époux. Ce dernier, ainsi nommé parce qu’on le choisissait parmi les amis les plus intimes, ne différait guère du paranymphe des Grecs. Il était chargé, les fiançailles une fois conclues, de transmettre aux futurs époux leurs messages réciproques, la coutume ne leur permettant pas de se voir avant le mariage ; il organisait la fête des noces et y présidait, etc. : fonctions regardées tout ensemble comme très honorables et très délicates. On l’appelait en hébreu schôschben, quelquefois ôheb, ami. – La conduite extérieure du schôschben et ses sentiments intérieurs sont décrits par quelques détails caractéristiques. Qui se tient là : il a pris l’attitude d’un serviteur zélé, prêt à l’action immédiate. – et qui l’écoute: il écoute attentivement, pour saisir et exécuter aussitôt les moindres ordres de l’époux (voyez d’autres interprétations dans Meyer, etc. ). – Est ravi de joie à la voix de l’époux…Dès qu’il entend cette voix, signe de la présence de son heureux ami, il est lui‑même au comble du bonheur, sans la moindre arrière‑pensée d’envie ou d’égoïsme. Sur l’hébraïsme χαρᾷ χαίρει (se réjouit, avec répétition destinée à renforcer l’idée), cf. Matth. 13, 14 ; 15, 4 ; Luc. 22, 15 ; Actes 4. 17 ; 5, 28 ; 23, 14 ; Jacques 5, 17. C’est le seul exemple de ce genre qu’on trouve dans le quatrième évangile. – Telle est ma joie…S. Jean s’applique maintenant à lui‑même sa belle comparaison. Telle est, s’écrie‑t‑il d’une manière emphatique, ma propre joie relativement à Jésus : c’est la joie qu’éprouve le paranymphe auprès du fiancé durant les solennités nuptiales. – Elle est parfaite :rien n’y manque ; elle est aussi parfaite que possible (en grec, verbe plein d’énergie). Sur cette locution, aimée de notre évangéliste, voyez 15, 11 ; 16, 24 ; 17, 13 ; 1 Jean 1, 4 ; 2 Jean 12. – Bossuet, dans ses Élévations sur les mystères, 24ème semaine, 1re élévation, relève admirablement la « suavité » de ce verset. « S. Jean, dit‑il, nous y découvre un nouveau caractère de Jésus‑Christ, le plus tendre et le plus doux de tous : c’est qu’il est l’époux. Il a épousé la nature humaine, qui lui était étrangère, il en a fait un même tout avec lui ; en elle il a épousé sa sainte Église, épouse immortelle qui n’a ni tache ni ride… Il a épousé les âmes saintes… ; les comblant de dons, de chastes délices ; jouissant d’elles, se donnant à elles ; leur donnant non seulement tout ce qu’il a, mais encore tout ce qu’il est, son corps, son âme, sa divinité, et leur préparant dans la vie future une union incomparablement plus grande ». « Nous devons au plus austère des prophètes, ajoute très bien M. Fouard, La vie de N.-S. Jésus‑Christ, 2e édit., tome 2, p. 234, les plus douces images sous lesquelles les âmes pieuses aiment à contempler Jésus, celles d’Agneau de Dieu (1, 29, 36) et d’Époux. » Au reste, déjà dans l’Ancien Testament, les rapports de Dieu et de la nation choisie avaient plus d’une fois comparés à ceux qu’établit le mariage, cf. Isaïe 54, 5 ; Ézéchiel 16 ; Osée 2, 19, 20, etc. Le Nouveau Testament applique plusieurs autres fois à Jésus cette image forte : Matth. 22, 1 et ss. ; 25, 1 et ss. ; Éphésiens 5. 32 ; Apocalypse 19, 7 ; 21, 2, 9, etc. Si Notre‑Seigneur est le divin fiancé de l’Église, S. Jean‑Baptiste fut vraiment un fidèle paranymphe, son ministère n’ayant eu d’autre but que de préparer la joyeuse fête des noces et de conduire l’époux à l’épouse, cf. 2 Corinthiens 11, 2. Les foules qui commençaient à se presser autour de Jésus (verset 26) étaient une annonce évidente du prochain mariage : la voix de l’époux avait retenti, et Jean l’avait entendue avec un indicible bonheur.
Jean 3.30 Il faut qu’il croisse et que je diminue. – A chacun son rôle (verset 27). Jésus est le Christ, je ne suis que son Précurseur (verset 28) ; il est l’époux, je ne suis que le paranymphe (verset 29). Par conséquent il doit croître, et je dois diminuer. Ces quelques lignes nous paraissent bien résumer la première partie de la réponse de Jean‑Baptiste. – Il fautexprime, d’après l’analogie d’autres nombreux passages, une nécessité basée sur les divins décrets qui, une fois portés, ne peuvent pas ne pas s’accomplir. Cette nécessité concerne tout à la fois Jésus et Jean ; pour l’un et l’autre elle fixe une marche progressive, mais en sens contraire, ainsi qu’il était arrivé jadis pour David et pour Saül, 2 Samuel 3, 1 : David allait se fortifiant et la maison de Saül allait s’affaiblissant. A l’un, des agradissements quotidiens ; à l’autre, des amoindrissements successifs. D’ailleurs rien de plus juste : le ministre du schôschben prend fin quand les noces ont été célébrées. – Ce passage est sublime d’humilité. S. Jean voit non seulement sans tristesse, sans l’ombre la plus légère de désappointement humain, mais avec une joie sincère et vive, son étoile pâlir à l’éclat du divin Soleil. Quel contraste avec les sentiments étroits et mesquins de son entourage. Voyez dans S. Augustin, h. l., une étrange interprétation de « croisse » et de « diminue ».
Jean 3.31 Celui qui vient d’en haut est au-dessus de tous, celui qui est de la terre est terrestre et son langage aussi. Celui qui vient du ciel est au-dessus de tous, – Nous retrouvons ici la même hypothèse qu’à propos des versets 16-21. La fin entière du chapitre (versets 31-36) contiendrait encore des réflexions de l’évangéliste, soudées par lui à la réponse de Jean‑Baptiste. Des motifs analogues sont allégués : changement de style, aoristes (verset 33) ne pouvant s’appliquer que par une expérience plus tardive, révélations trop complètes (notamment le nom de Fils de Dieu, versets 35 et 36) pour qu’elles conviennent à la situation du Précurseur, etc. (Bengel, Olshausen, Tholuck, etc., et de nouveau les exégètes catholiques A. Maier, Bisping, Patrizi). Comme plus haut, nous protestons énergiquement, avec le plus grand nombre des exégètes anciens et modernes, contre cette division arbitraire, inutile, dangereuse. Les allures variées de style s’expliquent par les mouvements divers de la pensée ; l’expérience était suffisante ; les idées, toutes profondes qu’elles soient, ne sont nullement supérieures au rôle et à la mission de S. Jean‑Baptiste, car il en avait émis antérieurement d’aussi relevées (cf. 1, 15, 30 ; Matth. 3, 14-17) ; la cohésion entre ce passage et le précédent est parfaite, le Précurseur continuant d’exposer les motifs pour lesquels il est bien au‑dessous de Jésus. Non, ce n’est pas l’évangéliste qui prend tout à coup la parole sans avertir ses lecteurs ; c’est Jean‑Baptiste qui s’envole vers des hauteurs tout évangéliques. Que le narrateur, écrivant de longues années après les faits, ait mis çà et là le coloris de son propre langage, soit. Nous n’hésitons pas à l’admettre à la suite du Bienheureux Cardinal John Henry Newman ; c’est d’ailleurs une chose évidente pour quiconque rejette la théorie de l’inspiration verbale : mais cela n’empêche pas le fond et la forme du discours d’appartenir réellement à Jean‑Baptiste. Le commentaire, nous l’espérons, ajoutera une nouvelle force à ces arguments. – L’enchaînement des pensées peut être marqué de la manière suivante : verset 31, l’origine de Jésus ; vv. 32-34, la perfection de son enseignement ; v. 35 ; sa divine filiation et sa souveraineté universelle ; v. 36, application pratique d’une grande gravité. – Le v. 31 est très expressif. Il se compose de trois petites périodes, dont la première et la dernière affirment de la manière la plus explicite l’origine céleste de Jésus, par conséquent sa prééminence absolue, universelle ; la période intermédiaire concerne Jean‑Baptiste, auquel ne sont attribuées qu’une origine, une nature et des opérations terrestres. Nous avons donc ici un court, mais saisissant parallèle, entre le docteur céleste et le docteur terrestre. Quoique l’idée soit présentée en termes généraux, l’application se fait d’elle‑même à N.-S. Jésus‑Christ et à S. Jean. – Celui qui vient d’en haut(au présent). D’en haut, c’est-à-dire du ciel, comme nous lirons à la fin du verset, cf. verset 13. S. Cyrille de Jérusalem indique fort bien la vraie pensée par une rapide paraphrase : « Lui qui est né d’une racine céleste, lui qui est de la substance du Père ». Sur la dénomination de ἐρχόμενος (celui qui vient) appliquée au Messie par les Rabbins, voyez commentaire sur Matthieu, 11, 3. – Est au‑dessus de tous : il est, en vertu de son origine, au‑dessus de tous les hommes, et plus spécialement, d’après l’idée fournie par le contexte, au‑dessus de tous les autres docteurs, au‑dessus de Jean‑Baptiste lui‑même. – Celui qui est de la terre est terrestre.De la terre, par opposition à « d’en haut », aux régions supérieures du ciel. Donc : celui qui a une origine terrestre, qui est un simple enfant d’Adam, ou un homme ordinaire. – Deux conséquences de cette origine inférieure sont ensuite marquées. D’abord et nécessairement cet homme‑là est de la terre, expression qui n’est pas le moins du monde une tautologie ; car si les mots sont à peu près les mêmes extérieurement (le grec a une nuance légère), ils représentent en réalité deux notions distinctes, celle l’origine et celle de nature, la seconde étant conforme à la première. Comparez la locution analogue de S. Paul : « Pétri d’argile, le premier homme vient de la terre ; le deuxième homme, lui, vient du ciel ». 1 Corinthiens 15, 47. Voici donc l’interprétation exacte : Quiconque a tiré sa naissance de la terre en tire aussi sa manière de vivre, fût‑il, comme l’était Jean‑Baptiste, le plus grand « entre ceux qui sont nés d’une femme » (Matth. 11, 11). La formule εἶναι ἐϰ employée pour exprimer une relation morale, apparaît fréquemment dans les écrits de notre évangéliste, cf. 7, 17 ; 8, 23, 44, 47 ; 15, 19 ; 17, 14, 16 ; 18, 36, 37 ; 1 Jean 2, 16, 19, 21 ; 3, 8, 10, 12, 19 ; 4, 1-7 ; 5, 16 ; 3 Jean 11. – Deuxième conséquence non moins rigoureuse que la première : et son langage aussi. La terre est pareillement la source dont un tel homme tire sa façon de penser et de parler ; ses discours demeurent donc terrestres, s’il est livré à ses seules facultés. Pour qu’il puisse prononcer des paroles célestes, il faut que le souffle divin l’emporte vers des sphères supérieures, que la grâce et la révélation l’éclairent. « Jean, considéré en lui‑même, vient de la terre, et parle le langage de la terre, et s’il vous a fait entendre le langage du ciel, ce n’est pas de lui‑même, mais par un effet de la grâce qui l’a rempli de ses lumières », S. Augustin. Et, même quand il avait reçu ces illuminations divines, il ne pouvait parler des choses du ciel que d’une façon terrestre, si l‘on compare son enseignement à celui de Jésus. Certes aucun prophète n’a tenu un langage comparable au langage de Notre‑Seigneur. Seul, le Verbe incarné, qui connaît directement et par intuition les mystères célestes, a pu donner au monde la révélation complète, absolue. Notez le frappant effet des mots « de la terre » trois fois répétés coup sur coup, cf. 17 ; 12, 36 ; 15, 19. – Celui qui vient du ciel. Le contraste est complet. Jean n’a qu’une origine terrestre ; mais Jésus vient du ciel, et, à ce titre, est au‑dessus de tous, ainsi qu’il avait été déjà dit plus haut.
Jean 3.32 et ce qu’il a vu et entendu, il l’atteste, mais personne ne reçoit son témoignage. –De l’origine céleste de Jésus le Précurseur déduit la perfection de son enseignement. Voyez plus haut (verset 11) une idée tout à fait semblable émise par le Sauveur lui‑même. – Ce qu’il a vu et entenduC’est par les sens de la vue et de l’ouïe que nous acquérons la connaissance la plus immédiate et la plus sûre des choses ; aussi les témoins oculaires et auriculaires sont‑ils ceux que l’on croit le plus volontiers. Or dans le ciel, qui est, d’après le verset 13, le lieu de toute science, dans le ciel où il a éternellement résidé, Jésus a contemplé et entendu des merveilles admirables, qu’il n’a été donné à aucun homme de connaître, cf. 1, 18. – il l’atteste, c’est à dire il en témoigne.Le pronom est solennel : cela même, et pas autre chose, est l’objet de son témoignage. Voyez 5, 38 ; 6, 46 ; 7, 18 ; 8, 26 ; 10, 25 ; 15, 5 des constructions analogues, aimées de S. Jean. – Personne ne reçoit.Note pathétique, qui contraste avec la joie du verset 29.C’est une hyperbole, car le Précurseur lui‑même va supposer immédiatement (verset 33) quele témoignage de Jésus ne demeurait pas tout à fait stérile ; mais les croyants étaient en réalité si peu nombreux. Donc, « personne » relativement à l’énorme quantité de ceux qui demeuraient incrédules, et vu le zèle qu’avait Jean‑Baptiste de préparer au Messie « un peuple bien disposé », Luc. 1, 17. Comme le dit très délicatement Bengel, « Jean désire si ardemment la suprématie du Christ, qu’au lieu de dire tous (un mot utilisé par ses disciples, cf. v. 36) il dit personne. Dans le texte grec, le verbe implique le maintien de ce qu’on a reçu, par opposition à la réception pure et simple, sans idée ultérieure. La locution « recevoir le témoignage » est d’ailleurs propre à notre évangéliste, cf. versets 11, 33 ; verset 34 ; 1 Jean 5, 9.
Jean 3.33 Celui qui reçoit son témoignage, certifie que Dieu est véridique.– Son témoignage : le pronom est placé en avant par emphase et mis en corrélation avec « Dieu ». – Certifieest une belle métaphore, empruntée à l’antique usage d’apposer son cachet sur un document d’une certaine importance, pour le confirmer, l’authentifier, cf. 6, 27 ; Romains 4, 11 ; 15, 8 ; 1 Corinthiens 9, 2. Quiconque accepte le témoignage de Jésus scelle donc pour ainsi dire solennellement de son sceau cette conséquence manifeste, que Dieu est véridique ; c’est-à-dire que Dieu est la vérité même et la source de toute vérité. En effet, N.-S. Jésus‑Christ s’étant présenté au monde avec tous les caractères d’un envoyé de Dieu, du Fils de Dieu, croire à sa véracité, c’est croire à la véracité de Celui qu’il représente. Ces deux choses sont inséparables. Aussi l’auteur du quatrième évangile pourra‑t‑il affirmer autre part (1 Jean 1, 10 ; 5, 10) que, ne pas recevoir le témoignage de Jésus, c’est faire de Dieu un menteur.
Jean 3.34 Car celui que Dieu a envoyé dit les paroles de Dieu, parce que Dieu ne lui donne pas l’Esprit avec mesure. – Car celui que …Ce premier hémistiche contient une démonstration du fait attesté au verset 33. « Celui qui », d’après le contexte (cf. verset 31), désigne Jésus‑Christ d’une manière exclusive : ce n’est pas une idée générale qui est énoncée, telle que serait la communication du divin langage à tous les prophètes, etc. – Dit les paroles de Dieu.Dans le grec : les paroles de Dieu sans aucune restriction. Comparez Deutéronome 18, 18, où le Seigneur dit expressément du Messie : « Je mettrai mes paroles dans sa bouche. » – Parce Dieu ne lui donne pas… Un nouveau « car » (ou « parce que ») rattache le second hémistiche au premier ; le Précurseur veut expliquer pourquoi Jésus, l’envoyé de Dieu, peut parler à son aise des choses de Dieu : c’est que Dieu ne donne pas l’Esprit avec mesure.Belle et forte image. Ici encore la pensée, générale dans son expression, est limitée à N.-S. Jésus‑Christ par le contexte. A ses autres représentants, Dieu répartit ses dons avec mesure ; il ne leur donne son Esprit que partiellement, dans un but spécial et restreint. « À celui‑ci est donnée, par l’Esprit, une parole de sagesse ; à un autre, une parole de connaissance, selon le même Esprit ; un autre reçoit, dans le même Esprit, un don de foi ; un autre encore, dans l’unique Esprit, des dons de guérison ; à un autre est donné d’opérer des miracles… » etc. (1 Corinthiens 12, 7-11 ; comparez ce mot du Talmud, Vajikra R. 15 : « Même l’Esprit saint n’a pas habité les prophètes sans une certaine mesure »). Quant à son Christ, « Dieu a jugé bon qu’habite en lui toute plénitude » Colossiens 1, 19, cf. Isaïe 11, 1-3. Lorsqu’on mesure ce que l’on veut donner, c’est qu’on met des bornes à sa générosité (cf. Judith 7, 11). La locution pas avec mesureest donc une litote expressive, pour signifier « non avec parcimonie », et conséquemment « très abondamment ». Le temps présent donnerenforce la pensée en marquant la continuité : il donne et donne encore.
Jean 3.35 Le Père aime le Fils et il lui a tout remis entre les mains.– Le Père aime le Fils.Le discours s’élève de plus en plus. Après avoir désigné Jésus par des noms qui déterminaient moins parfaitement sa nature (« l’époux, qui vient d’en haut, qui vient du ciel, que Dieu a envoyé »), S. Jean‑Baptiste mentionne la véritable appellation, celle de Fils, et de Fils bien‑aimé du Père, cf. 5, 20. Ce titre contient la clé de tous les détails antérieurs. Si les relations de Jésus avec Dieu sont celles d’un fils avec son père, on conçoit qu’il ait reçu la plénitude des dons célestes. Au reste, cela est encore répété ici même par manière de conclusion : et lui a tout remis entre les mains.« Toutes choses », sans la moindre exception, cf. 13, 3 ; Math. 11, 27 ; 28, 18 ; Éphésiens 1, 2. « Il lui a donné » : c’est un fait accompli, sur lequel Dieu ne reviendra plus. « Entre les mains » : expression pittoresque, qui manifeste admirablement l’étendue des pouvoirs de Jésus ; il dispose de tout à son gré, comme un propriétaire. Voyez le Psaume 2, dont ce passage est un excellent abrégé.
Jean 3.36 Celui qui croit au Fils a la vie éternelle, mais celui qui ne croit pas au Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui. »– Le Précurseur termine son témoignage en tirant la conséquence pratique de tout ce qu’il vient de dire. Si Jésus est tant aimé de Dieu et muni d’une telle puissance, heureux quiconque adhère à lui par la foi, malheur à ceux qui refusent de croire. – Celui qui croit : dans le texte grec la construction indique une foi durable, permanente. – Au Fils, avec l’article : le Fils par antonomase (de même plus bas, et au verset 35). – Tout homme qui remplit cette condition a la vie éternelle.Notez le temps présent (cf. verset 18) ; il a déjà, il a par anticipation ; sa foi lui garantit le ciel. – Celui qui…Douloureux contraste, sur lequel S. Jean‑Baptiste appuie davantage, dans l’intention évidente de ramener à de meilleurs sentiments ceux de ses disciples qu’il voyait incrédules à l’égard de N.-S. Jésus‑Christ. – Ne croit pas.Dans le grec, littéralement : celui qui désobéit. Ce mot, qu’on retrouve Romains 2, 8 ; 11, 30, 31 ; 1 Pierre 4, 17, etc., montre fort bien que tout incrédule est un réfractaire. Ne verra pas la vie.Hébraïsme (cf. Luc. 2, 26), significatif en cet endroit. Non seulement il ne possédera pas la vie bienheureuse de l’éternité ; mais il ne lui sera pas même permis de la voir. – Mais la colère de Dieu demeure sur lui. Le présent est aussi terrible qu’il était doux plus haut : la phrase entière, majestueuse comme la sentence d’un juge suprême, équivaut à l’épithète « éternelle » de l’hémistiche précédent. On comprend, du reste, que Dieu écrase éternellement du poids de sa colère ceux qui ne veulent pas croire en son Fils bien‑aimé, cf. Ps. 2, 12-13. Comparez, à propos de cet anthropomorphisme, Matth. 3, 7 ; Luc. 3, 7 ; 21, 23 ; Romains 2, 5 ; Éphésiens 5, 6 ; Colossiens 3, 6 ; 1 Thessaloniciens 1, 10 ; 2, 16 ; Apocalypse 11, 18 ; 14, 10 ; etc., indépendamment des nombreux textes de l’Ancien Testament qui parlent de Dieu irrité. – Après cette effrayante menace, le Précurseur disparaît tout à coup de la scène du quatrième évangile. Il finit ainsi son ministère comme il l’avait commencé, en relevant le caractère judiciaire du Messie, cf. Matth. 3, 12.


