L’Évangile selon saint Jean commenté verset par verset

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CHAPITRE 7

Jean 7.1 Après cela, Jésus parcourut la Galilée, ne voulant pas aller en Judée parce que les Juifs cherchaient à le faire mourir. – A la suite de la double crise que nous venons d’étudier (chap. 5 et 6), nous allons voir le conflit s’accentuer de plus en plus entre N.-S. Jésus‑Christ et ceux qui lui ont juré une haine à mort. Jésus continue son œuvre et achève ses révélations divines, attirant ainsi les âmes bien disposées, mais suscitant par là même l’hostilité des « Juifs », qui, déjà, prennent des mesures actives pour se défaire de lui. L’ombre de la croix se projette très visiblement. Les luttes ont lieux à Jérusalem, S. Jean les rattache à deux séjours de Notre‑Seigneur dans la capitale juive, à l’occasion de deux fêtes successives, la solennité des Tabernacles et celle de la Dédicace. Tous ces détails sont propres au quatrième évangile. Lors de la fête des Tabernacles (7, 1-10, 21), nous voyons la masse du peuple, spécialement les pèlerins venus de Galilée, penchant tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, sachant à peine quel parti prendre, au fond portés à croire, mais retenus par l’exemple des habitants de la métropole. Ceux‑ci font usage des fragments de leur science rabbinique pour mettre à l’épreuve les actions du nouveau prophète. A l’arrière‑plan l’on entrevoit les hiérarques eux‑mêmes qui épient, retranchés derrière leurs préjugés et qui se disposent à une action décisive contre Jésus. Notons en particulier, dans la foule, les alternatives rapides des sentiments les plus multiples à l’égard de Jésus : curiosité (7, 11), crainte (7, 13, 30, 44), étonnement (7, 15, 46), embarras (7, 25 et ss.), foi vive (7, 31 ; 8, 30), hostilité ouverte (7, 32), etc. Les caractères individuels sont aussi retracés à merveille : les frères de Jésus (7, 3 et ss.), la multitude (7, 12, 20, 31, 40, 43, 49), les habitants de Jérusalem (7, 25), les « Juifs » (7, 1, 11, 13, 15, 35 ; 8, 22, 48, 52, 57), les Pharisiens (7, 32, 47 ; 8, 3, 13), les membres du Sanhédrin (7, 32, 45), Nicodème (7, 50), et surtout N.-S. Jésus‑Christ. Le divin Maître sera presque constamment interrompu quand il prendra la parole : on ne l’écoute plus avec la patience et l’attention qui caractérisaient son auditoire au chap. 5 et même au chap. 6. – Ce verset et le suivant nous apprennent l’occasion de la controverse ; nous trouverons ensuite la discussion même (v. 3-8) et son résultat final (v. 9). – Après cela, c’est-à-dire, après les graves incidents du chapitre 6. Cette vague formule embrasse tout le temps écoulé entre la Pâque, 6, 4, et la Fête des Tabernacles, 7, 2, par conséquent environ six mois (du milieu de Nisan, ou premier mois, au milieu de Tischri, ou septième mois de l’année ecclésiastique des Juifs). – Jésus parcourut (cf. 6, 67). Imparfait de la continuité, de la durée, qui résume la vie de Jésus durant les six mois dont S. Jean ne raconte pas l’histoire : ce fut une vie de courses à travers la Galilée, en vue de continuer la prédication évangélique et la formation des Douze, cf. Matth. 15-18 et parall. – La Galilée. C’est pour la dernière fois que S. Jean mentionne ici la Galilée, dont il parle d’ailleurs si rarement. – Ne voulant pas… Le narrateur explique pourquoi le Sauveur fit un aussi long séjour loin du centre de la théocratie. Si Jésus avait voulu habiter en Judée, rien ne l’en aurait empêché, car il était plus puissant que tous ses ennemis ; mais précisément il ne le voulait pas : son heure n’étant pas encore venue, pourquoi s’exposer au danger d’une manière stérile? Rien, en lui, de cet enthousiasme humain que lui prêtent les commentateurs rationalistes. Il est vrai que d’autres écrivains de la même école se scandalisent de voir en Notre‑Seigneur un « manque de courage ». La suite du récit les réfutera. Signalons une étrange variante adoptée par S. Jean Chrysostome et par quelques manuscrits de l’Itala. Comme si l’Esprit‑Saint lui‑même eût fermé à Jésus‑Christ la route de la Judée. Mais cette leçon ne mérite aucune créance. – Aller en Judée. D’où il suit que vraisemblablement Jésus n’avait pas assisté à la dernière Pâque, cf. la note de 6, 4. – Parce que les Juifs… Motif de cet éloignement volontaire et extraordinaire, cf. 5, 18. Les « Juifs » s’étaient donc affermis de plus en plus dans leur projet homicide. Du reste, ils ne perdaient pas de vue leur ennemi, car ils avaient des émissaires pour épier ses démarches même en Galilée, cf. Matth. 15, 1 et ss. ; 16, 1 et ss. Il ne s’agit pas de tous les juifs mais de la très grande majorité des élites, notamment des membres de Sanhédrin.

Jean 7.2 Or, la fête des Juifs, celle des Tabernacles, était proche. La solennité avec toute son octave, et pas simplement un jour isolé. [Octave : période de huit jours complets, faisant suite à chacune des grandes fêtes liturgiques chrétiennes, et durant laquelle on continue de solenniser cette fête] – La fête des Tabernacles ou des Tentes, cf. Lévitique 23, 33-36 ; Deutéronome 16, 13-15 ; Néhémie 8, 15 ; 2 Maccabées 10, 6-7. C’était, avec la Pâque et la Pentecôte, une des grandes solennités religieuses des Juifs. On la célébrait au septième mois, nommé Tischri, pendant huit jours complets (du 15 au 22, vers le commencement d’octobre) ; car à l’octave ordinaire on avait ajouté un huitième jour, qui était rigoureusement chômé comme le premier, tandis que les autres étaient simplement traités à la façon d’une « demi‑fête ». Le premier but de son institution avait été de conserver le souvenir des longues pérégrinations des Israélites à travers le désert avant leur installation dans la Terre promise : c’est pour cela qu’on la passait tout entière sous des cabanes de feuillage, dressées dans les rues, sur les places publiques, dans les cours ou sur les toits plats des maisons, afin d’imiter ainsi les ancêtres qui avaient vécu près de trente‑neuf ans sous la tente. De là son nom principal. C’était aussi la fête des récoltes, qui alors étaient totalement rentrées dans la cave ou au grenier. De là son caractère extrêmement joyeux, vanté par l’historien Josèphe et par les Talmudistes. Ces derniers la mentionnent fièrement comme « la fête » par antonomase, ajoutant que « quiconque n’y a pas assisté ne sait pas ce que c’est qu’une fête ». Ceux qui y prenaient part se livraient à de telles manifestations d’allégresse, agitant leur loulab (bouquet composé d’une palme, de branches de myrte, etc.), chantant bruyamment, etc., que Plutarque, Sympos. 4, 6, 2, témoin de ces cérémonies, crut qu’elles avaient pour fin le culte de Bacchus. Aujourd’hui encore, la fête des Tabernacles est chère à ceux les Juifs qui ont gardé la plupart de leurs anciens rites.

Jean 7.3 Ses frères lui dirent donc : « Partez d’ici et allez en Judée, afin que vos disciples aussi voient les œuvres que vous faites, Ses frères lui dirent… A cause de la proximité de la fête des Tabernacles, qu’on devait, à moins de raison sérieuse, aller célébrer à Jérusalem aussi bien que la Pâque et la Pentecôte. Sur les « frères » de Jésus, voyez 2, 12, et Matth. 13, 55, avec les commentaires. En leur qualité de proches parents, ils croient pouvoir adresser au divin Maître un avertissement sévère et critiquer rudement sa conduite. – Partez d’ici. Déjà cet impératif est « bien hardi », d’après la juste observation de Stier. Ces hommes désirent un théâtre plus glorieux que la Galilée pour le ministère de leur frère. – Allez en Judée. Dans la province la plus centrale et la plus importante du judaïsme. Au conseil, ou plutôt à l’ordre, ils joignent un motif pour le légitimer : afin que vos disciples… Ils veulent évidemment parler des disciples que N.-S. Jésus‑Christ avait autrefois conquis à Jérusalem et en Judée (cf. 2, 13, etc.) ; il faut, d’après leur pensée, que ceux‑ci également aient l’occasion de contempler des miracles semblables à ceux que Jésus avait multipliés sous ses pas en Galilée. En effet, l’expression œuvres, accentuée dans le grec par l’article, par le pronom, et davantage encore par les mots que vous faites, ne désigne pas autre chose que les éclatants miracles du Sauveur, accomplis surtout jusque là dans la Palestine septentrionale. L’emploi du temps présent les actualise d’une manière pittoresque, cf. 6, 40 et la note. – Voici que ces proches, ignorants et vaniteux, pensent mieux connaître que Jésus la voie qu’il doit suivre pour remplir sa mission divine. 

Jean 7.4 Car personne ne fait une chose en secret, lorsqu’il désire qu’elle paraisse. Si vous faites ces choses, montrez-vous au monde » Ils motivent maintenant leur si pressante requête. Qui veut la fin veut les moyens, disent‑ils à Jésus, en lui appliquant un principe général de conduite, très vrai en lui‑même, mais dont ils font une si mauvaise application. – En secret doit se prendre d’une manière relative. D’après le contexte (voyez la note des v. 1 et 3), agir en secret c’était demeurer en Galilée et ne pas aller se manifester à Jérusalem. Au reste, à cette époque de sa vie, le Sauveur fuyait habituellement les foules et demeurait plus volontiers dans l’intimité de ses apôtres. – Lorsqu’il désire…. Il est très accentué : c’est-à-dire celui qui opère ses œuvres secrètement et mystérieusement. La personne est ainsi mise en contraste avec les œuvres. Quelle inconséquence de rechercher une éclatante notoriété, de vouloir faire du bruit autour de son nom, et d’accomplir dans le secret, comme si on avait peur de se montrer, les actions d’éclat par lesquelles on désire se rendre célèbre. « Il n’y a personne qui agisse en secret parmi ceux qui veulent être connus », Lücke. Mais les frères de Jésus étaient dans la plus grossière erreur quand ils lui attribuaient une intention humaine de cette sorte. – lorsqu’il désire qu’elle paraisse. Ouvertement, hardiment, cf. 16, 29. – Si vous faites ces choses. « Si » ne suppose pas le moindre doute relativement aux miracles de Jésus ; il équivaut à « puisque ». Dès lors que tu accomplis de pareilles œuvres pour accréditer ta mission, fais‑les, non dans un coin obscur, mais à la face du pays tout entier. – Manifeste‑toi. Telle est leur conclusion : que Jésus sorte enfin de la situation équivoque dans laquelle il s’est mis, du moins d’après leur jugement ; qu’il se présente enfin comme le Messie. Ils voudraient une manifestation prompte et décisive, dont le résultat, croient‑ils, ne serait pas douteux. – Monde désigne ici le monde juif, qui avait Jérusalem pour centre. C’est donc dans la capitale théocratique que le Sauveur devait se manifester, afin d’y faire confirmer officiellement par la hiérarchie son rôle et sa mission. La suite des événements prouvera qu’à leur point de vue étroit les frères de Jésus n’avaient pas tort. Notre‑Seigneur n’avait qu’à le permettre, et dès lors on l’eût acclamé Roi‑Messie à Jérusalem, comme on le fera dans quelques mois, 12, 12-18, cf. 6, 15.

Jean 7.5 car ses frères mêmes ne croyaient pas en lui. Entre cette étrange demande et la réponse du divin Maître, S. Jean intercale une courte, mais significative réflexion, qui cadre si bien avec son plan : Ses frères mêmes ne croyaient pas. Pas même eux, quoique ils eussent dû se trouver au premier rang parmi les croyants. Douloureuse et tragique allusion à l’incrédulité de tant d’autres Juifs. L’imparfait dénote encore la coutume, la durée. Cependant, ce serait exagérer que de prendre ces mots dans le sens d’un manque absolu de foi ; les versets 3 et 4 ont réfuté d’avance une telle opinion. Aussi est‑il difficile de comprendre comment S. Jean Chrysostome, S. Augustin, Théophylacte, Euthymius et d’autres en sont venus à penser que la démarche des « frères » était un piège pour attirer Jésus à Jérusalem et l’y faire tomber entre les mains de ses ennemis. Leur foi existe, mais vacillante et très imparfaite ; frappés des miracles de Notre‑Seigneur, ils soupçonnent en lui le Messie : toutefois ils partagent les préjugés de leurs contemporains, et ils rêvent à un Christ humainement glorieux, qu’ils voudraient voir au plus tôt à la tête de la nation. C’est pour cela qu’ils le pressent d’aller se faire introniser dans la capitale. Nous retrouverons plus tard les frères du Christ parmi les vrais croyants, Actes 1, 14 ; 1 Corinthiens 9, 5 ; Galates 1, 19. Leur foi s’était purifiée après la résurrection.

Jean 7.6 Jésus leur dit : « Mon temps n’est pas encore venu, mais votre temps à vous est toujours prêt. Réponse pleine d’énergie, mais aussi de douceur et de bonté, comment l’ont remarqué à l’envi les anciens exégètes. – Mon temps. Non pas le temps de la Passion, comme le voudrait S. Jean Chrysostome ; mais, d’une manière générale, le temps d’aller se manifester à Jérusalem. Indépendamment du contexte, qui demande cette interprétation, on peut ajouter que notre évangéliste emploie de préférence le mot heure pour désigner la passion du Christ. – N’est pas encore venu. Littéralement, « n’est pas encore présent ». Pour eux, ils peuvent aller à Jérusalem quand bon leur semble, et sans le moindre inconvénient.

Jean 7.7 Le monde ne saurait vous haïr, moi, il me hait, parce que je rends de lui ce témoignage, que ses œuvres sont mauvaises. A son tour (cf. v. 4) Jésus développe et motive son assertion. – Ne saurait vous haïr. Les frères avaient dit : Manifeste‑toi au monde. Il relève cette dernière expression, mais en lui donnant un sens plus profond, conforme à la triste réalité des choses. C’est d’ailleurs presque toujours en mauvaise part que le substantif le monde est employé dans le quatrième évangile. L’impossibilité signalée par Notre‑Seigneur repose sur le principe bien connu (Platon, Lys. 214) : tout ce qui est homogène s’attire, les choses hétérogènes se repoussent (Bisping), cf. 3, 3, 5 ; 5, 19 ; 6, 44, etc. – Vous haïr. Vous qui lui ressemblez, qui partagez ses goûts et ses sentiments, qui lui appartenez comme ses membres, cf. 15, 19. – Il me hait. Moi qui suis en guerre perpétuelle avec lui, moi qui le critique et le condamne sans cesse. Les faits étaient là pour démontrer la haine implacable du monde contre N.-S. Jésus‑Christ. – Et pourquoi Jésus était‑il détesté du monde? Car je rends de lui ce témoignage… Et ce témoignage consistait à dévoiler nettement, sans ambages (cf. 1 Jean 5, 19), que ses œuvres sont mauvaises.

Jean 7.8 Montez, vous, à cette fête, pour moi, je n’y vais pas, parce que mon temps n’est pas encore venu. » La réponse de Jésus continue d’être calquée sur la demande. C’est donc ici une conclusion, comme dans la seconde moitié du v. 4. – Montez, vous… Le pronom « vous » est très emphatique. Vous pouvez, vous, aller à Jérusalem sans aucun danger ; vous êtes même sûrs d’y être bien reçus. – A cette fête. Les parents du Sauveur n’avaient pas mentionné la fête, mais c’était bien à l’occasion de la Fête des Tabernacles qu’ils lui avaient suggéré d’aller en Judée. – Pour moi, je n’y vais pas… Et pourtant, nous allons voir presque aussitôt Jésus prendre le chemin de Jérusalem (v. 10), et nous le trouverons (v. 14, 36). Comment expliquer cette contradiction ? Le païen Porphyre s’en prétendait choqué, et il relevait avec ironie l’inconstance prétendue de Notre‑Seigneur (cf. S. Jérôme, Adv. Pelag. 2, 17), et plus d’un rationaliste a formulé fin XIXème siècle la même accusation. On a essayé de plusieurs manières d’écarter la difficulté. 1° D’autres, mais sans raison suffisante, ont donné au verbe « monter » le sens de partir avec la caravane des pèlerins. Jésus, d’après le verset 10, alla à Jérusalem non pas publiquement, mais comme en secret. 2°  On a fait porter l’idée principale sur « fête ». Je ne monte pas à la fête, aurait dit Jésus ; et en effet il n’arriva qu’au milieu de la solennité (v. 11, 14). 3° C’est le pronom cette qui parfois a été plus particulièrement accentué. Je ne vais pas à « cette » fête avec l’intention que vous me proposez. 4° La meilleure interprétation nous paraît être celle qu’adoptait S. Jean Chrysostome : Je ne vais pas maintenant à la fête, je n’y vais pas avec vous. L’emploi du temps présent et la réflexion qui suit prouvent en effet que Notre‑Seigneur avait dès lors l’intention arrêtée d’assister à la solennité ; mais il ne voulait se mettre en route que lorsque aurait sonné l’heure précise du plan providentiel, cf. 2, 3 et l’explication.

Jean 7.9 Après avoir dit cela, il resta en Galilée. – Il resta, lui, pour quelque temps encore, tandis que ses frères partaient.

Jean 7.10 Mais lorsque ses frères furent partis, lui-même monta aussi à la fête, non publiquement, mais en secret. – Les versets 10-13 servent d’introduction. Son heure étant alors venue, Jésus à son tour se mit en route pour Jérusalem. Jésus n’était pas seul absolument : ses disciples les plus intimes l’accompagnaient sans doute.

Jean 7.11 Les Juifs donc le cherchaient durant la fête et disaient : « Où est-il ? » – Cependant, une émotion très vive régnait à Jérusalem au sujet de Notre‑Seigneur : peuple et hiérarques, amis et ennemis, tous s’occupaient et parlaient de lui. L’évangéliste en trace un tableau pittoresque, v. 11-13. – Les juifs. Par « Juifs » il faut entendre les chefs spéciaux de la nation théocratique, à peu près universellement hostiles au Sauveur, cf. v. 13. – Le cherchaient. (Par suite de l’absence de Jésus) Notez cet imparfait et tous les suivants, qui marquent des actions réitérées. Ils se disaient entre eux, ou bien ils disaient aux pèlerins en les questionnant : Où est‑il ? Jésus remplissait si bien tous les esprits qu’on n’avait pas même besoin de prononcer son nom. Sous la question des hiérarques on voit poindre un double sentiment : l’étonnement causé par son absence, puisqu’il s’agissait d’une fête obligatoire, et le désir inquiet, hostile, de connaître le lieu de sa retraite.

Jean 7.12 Et il y avait dans la foule une grande rumeur à son sujet. Les uns disaient : « C’est un homme de bien. Non, disaient les autres, il trompe le peuple. »Une grande rumeur… Des rumeurs à mi‑voix, cf. 6, 41 et le commentaire. – Dans la foule. C’est le peuple par opposition aux hiérarques. – Les uns… Parmi cette multitude agitée, le narrateur distingue deux catégories, dont l’une est favorable, l’autre défavorable à N.-S. Jésus‑Christ. Il nous fait assister aux conversations engagées entre les divers groupes. – Les uns disaient donc un homme de bien, équivalant à loyal, sincère, par opposition à séducteur : « C’est un homme droit ». Éloge bien modeste ; les ennemis du Sauveur ne seront pas aussi modérés dans leur appréciation. Non, répondent‑ils carrément, il trompe, il fait errer. Voyez Luc 23, 2, 5, où une accusation identique sera portée au tribunal de Pilate. Pour ce parti hostile, Jésus était donc un faux docteur, qui séduisait les masses populaires par sa conduite et ses discours, en faisant croire qu’il était le Christ.

Jean 7.13 Cependant personne ne s’exprimait librement sur son compte, par crainte des Juifs. – Restriction intéressante, qui nous permet de juger de l’état moral des Juifs à cette époque. « Personne », à quelque groupe qu’il appartînt. – Ne s’exprimait librement sur son compte. On n’osait donc pas exprimer tout haut un jugement quelconque au sujet de Jésus. Remarquez la crainte permanente, universelle qu’inspiraient les hiérarques. Ces hommes terrorisaient vraiment la foule sous le rapport religieux ; or, bien que leur hostilité contre Notre‑Seigneur fût assez vieille, néanmoins, ils ne s’étaient pas encore prononcés ouvertement contre lui (cf. v. 26) : le peuple craignait donc d’afficher d’avance, en ce point délicat, une opinion qui pouvait être en désaccord avec celle de ses chefs.

Jean 7.14 On était déjà au milieu de la fête, lorsque Jésus monta au temple et il se mit à enseigner. – Les versets 14-39 contiennent le résumé des discours que le Sauveur, tout à coup, se mit à prononcer sous les galeries du temple, et des controverses qu’ils occasionnèrent. Nous distinguerons, avec le narrateur, les discussions engagées durant la seconde moitié de la solennité (v. 14-36), et la prédication du dernier jour (v. 37-39). Le récit est très condensé. – Première partie, v. 14-36 : Pendant la fête. Trois idées principales sont mises en relief et dominent le fond de la controverse : la doctrine de Jésus vient de Dieu, v. 14-24 ; la personne de Jésus est elle‑même divine, v. 25-31 ; Jésus retournera bientôt vers son Père céleste, v. 32-36. – 1° La doctrine de Jésus vient du Père, v. 14-24. – Au milieu de la fête. Par conséquent, vers le troisième ou le quatrième jour. Les Rabbins ont une expression identique. – Jésus monta au temple. Ne faisait‑il alors qu’arriver à Jérusalem ? Ou bien, venu plus tôt, s’était‑il tenu soigneusement caché ? Il est impossible de le déterminer avec certitude. – Et il enseignait. S. Jean n’indique pas l’objet de cette prédication prolongée du Sauveur ; mais on le devinera sans peine d’après les paroles qui vont être citées bientôt. Tout dut porter sur la personne, l’œuvre, la doctrine de N.-S. Jésus‑Christ. Et la foule si mêlée qu’on a décrite n’avait pu s’empêcher d’écouter en silence. 

Jean 7.15 Les Juifs étonnés disaient : « Comment connaît-il les Écritures, lui qui n’a pas fréquenté les écoles ? » – Effet produit par ce divin enseignement (nouvel imparfait). Autrefois déjà, dans ce même temple, Jésus, âgé de douze ans, avait suscité l’étonnement des docteurs de la loi par ses questions et ses réponses (Luc 2, 46) ; aujourd’hui encore l’admiration est à son comble, atteignant jusqu’à ses orgueilleux ennemis. – Disaient. Malheureusement, ce qui les frappe, ce n’est pas la puissance intime de la vérité, c’est une circonstance tout à fait accessoire. Jésus, quoique si éloquent, si instruit, n’a pas passé par leurs écoles, il n’est pas un des disciples des sages, comme on les appelait. Rien de plus caractéristique que leur réflexion dédaigneuse, comme 6, 32. Ne disaient‑ils pas fièrement : « Si quelqu’un est versé dans l’Écriture et dans la Mischna, mais ne sert pas les sages avec dévouement, il est un plébéien » ?  – Écritures ne désigne pas directement les saintes Écritures, mais, d’après le sens classique, les lettres et les sciences en général, le résultat d’une éducation soignée, cf. Actes 26, 24. Voyez aussi v. 39 et 2 Timothée 3, 15, où la Bible est appelée « les saintes écritures ». Néanmoins, comme toute l’éducation rabbinique se ramenait aux saints Livres, ils sont compris d’une manière indirecte dans l’expression. – Lui qui n’a pas fréquenté les écoles. « Sans s’en douter, les Juifs rendaient ainsi à Jésus‑Christ un précieux témoignage. En effet, ils ont renversé d’avance, par cette simple parole, toutes les hypothèses rationalistes d’après lesquelles Notre‑Seigneur aurait puisé sa doctrine à quelque école juive.

Jean 7.16 Jésus leur répondit : « Ma doctrine n’est pas de moi, mais de celui qui m’a envoyé. – La réponse va droit à l’objection et la renverse. Jésus insiste d’abord sur l’origine entièrement céleste de ses connaissances et de sa doctrine (v. 16-18) ; partant de là, il justifiera ensuite sa conduite (v. 19-24). – Ma doctrine n’est pas de moi. La pensée revêt une forme paradoxale. C’est sa doctrine, et pourtant ce n’est pas absolument sa doctrine. Elle est sienne parce qu’il la prêche et que nul autre avant lui ne l’a donnée ; mais en tant qu’il est homme, elle ne lui appartient pas comme s’il l’eût acquise au prix d’efforts personnels : il n’en est pas proprement l’inventeur. Les Juifs avaient donc tort de supposer qu’il n’avait reçu aucune instruction du dehors. A ce point de vue, rien de moins original que son enseignement, puisqu’il le tenait tout entier d’un autre. – Celui qui m’a envoyé. Dieu, voilà son seul Maître, infiniment supérieur aux plus savants Rabbins, cf. 5, 19, 30. Les Juifs, dans le Talmud, citent leurs sources avec une minutie tout à fait monotone : Un tel a dit ceci, Un tel a dit cela. Jésus leur a cité sa propre source.

Jean 7.17 Si quelqu’un veut faire la volonté de Dieu, il saura si ma doctrine est de Dieu, ou si je parle de moi-même. – L’assertion qui précède (v. 16) est développée, démontrée (v. 17-18). Jésus‑Christ prouve successivement par un témoignage interne (v. 17) et par un témoignage extérieur (v. 18) l’origine divine de sa prédication. – Le critère interne, subjectif, consiste dans l’expérience personnelle des auditeurs : Si quelqu’un (sans aucune exception) veut faire… Le mot principal de la phrase est veut, qui exprime un vif attrait intérieur, un généreux acquiescement ; en effet, Jésus demande ici beaucoup plus que l’accomplissement machinal et forcé de la volonté du Père ; il met pour condition que la volonté humaine se rallie volontiers et avec amour aux divins désirs : c’est seulement alors que l’on recevra les grâces d’illumination qu’il promet ensuite. – La volonté. Remarquez l’association énergique de veut faire la volonté. Suave harmonie. – Il saura. Aussitôt qu’existera cette sainte harmonie, l’homme sera divinement doué comme d’un nouveau sens, qui lui permettra de juger par intuition la doctrine de N.-S. Jésus‑Christ ; il la reconnaîtra de la même manière qu’un enfant reconnaît la voix de son père. Heureux ceux qui possèdent ce don de perception spirituelle ! – Si elle est de Dieu. Si elle a vraiment Dieu pour auteur. Dans le texte grec, la locution correspondant à si … ou si… n’est pas employée ailleurs dans le Nouveau Testament ; elle est d’un fréquent usage chez les classiques. – Ou si je parle de moi‑même. Changement de prépositions, comme v. 19, 30 ; 15, 4. Par conséquent, si ma doctrine est simplement celle d’un homme. Le Juifs ne « voulaient » pas accomplir en toute loyauté la volonté de Dieu ; ils n’avaient donc pas à leur disposition cette lumière dont parle Jésus. « Qu’ils rejettent la haine, qu’ils aiment le Père et fassent sa volonté. Ce n’est pas difficile. Une fois écartées les ténèbres, ils verront en toute clarté la vérité de la doctrine du Christ », Maldonat, h.l. Et de même pour tous les autres incrédules. D’ordinaire, les choses de la foi se démontrent d’une autre façon que les vérités mathématiques. Les préjugés, la haine religieuse obscurcissent l’esprit et l’empêchent de comprendre.

Jean 7.18 Celui qui parle de soi-même, cherche sa propre gloire, mais celui qui cherche la gloire de celui qui l’a envoyé, est véridique et il n’y a pas en lui d’imposture. – Il existe un autre critère, celui‑ci extérieur et objectif, pour juger une doctrine et voir si elle est réellement divine : c’est la conduite personnelle du prédicateur et le but qu’il se propose en prêchant. Jésus emploie presque la forme syllogistique pour exposer ce nouveau raisonnement. Il ne se met pas directement en scène, mais il est aisé de comprendre qu’il parle de lui à la troisième personne. – Majeure de l’argument : celui qui parle de soi‑même. Tout homme qui parle en son nom privé, qui prêche sans aucune mission supérieure un enseignement provenant de son propre fond, celui‑là cherche sa propre gloire. Le caractère de son enseignement, c’est l’ambition ; non pas, sans doute, d’une manière nécessaire et absolue, mais d’après ce qui arrive très souvent parmi les hommes, à cause de leur égoïsme et de leur orgueil. Elle est innombrable, la multitude des faux prophètes, des faux philosophes, des faux réformateurs en religion, qui ont avant tout parlé pour faire du bruit autour de leur nom, pour conquérir des suffrages, pour briller, comme l’on dit. Et quand il arrive que ces beaux parleurs sont les ambassadeurs d’un autre, leur attitude est doublement odieuse, puisqu’ils s’exaltent eux‑mêmes aux dépens de celui dont ils tenaient leur mission. Reproche tacite à l’adresse des docteurs juifs qui entouraient alors Notre‑Seigneur, cf. v. 44. – Celui qui cherche la gloire de celui qui l’a envoyé. Mineure et conclusion. « Celui qui l’a envoyé » représente Dieu, d’après l’ensemble du contexte. – Est véridique. Le pronom est fortement accentué. Quand un envoyé a pour unique souci la gloire de son maître, il est infailliblement véridique, car il oublie ses propres intérêts et s’efface pour mettre en relief celui qui l’accrédite : quel intérêt aurait‑il à mentir ? – Et il n’y a pas en lui d’imposture. Répétition de l’idée sous une forme négative. A première vue, on s’étonne de trouver ici le mot imposture, au lieu de « mensonge », que semblerait exiger le parallélisme ; mais S. Jean emploie à dessein l’expression la plus étendue, qui est en même temps la plus énergique et qui relève l’impure racine du mensonge, cf. Romains 1, 18 ; 2, 8 ; 1 Corinthiens 13, 6.

Jean 7.19 Est-ce que Moïse ne vous a pas donné la Loi ? Et aucun de vous n’accomplit la loi. – La conduite morale de Jésus, v. 19-24. La transition est assez brusque ; mais rien n’autorise à conjecturer, comme l’ont fait divers commentateurs, qu’une pensée intermédiaire aurait été omise par l’évangéliste. Après s’être tenu pendant quelques instants sur la défensive, v. 16-18, Jésus pousse maintenant l’attaque sur le terrain de ses adversaires. Il va droit au fait, et divulgue le véritable motif de leurs objections : ils en veulent à sa vie. Partant de là, il donne une courte mais solide apologie de sa conduite, de même qu’il a plus haut défendu sa doctrine. Moïse… Ce grand nom porte l’idée principale. Moïse, de qui vous vous recommandez sans cesse, sera le premier à vous condamner. Voyez, v. 45, un raisonnement semblable. – Donné la loi. La loi par excellence, la loi mosaïque en général, et pas seulement tel ou tel précepte particulier (la loi relative au sabbat, à l’homicide, etc.), comme on l’a prétendu sans raison. – Et aucun de vous… Parmi vous qui avez reçu cette loi et qui en êtes si fiers, cf. Galates v. 3, la même expression. Accusation bien grave, mais parfaitement justifiée car si les Juifs observaient alors minutieusement la plupart des détails de la loi, ils demeuraient étrangers à son esprit contre lequel ils allaient sans cesse, cf. Matth. 5, 17-47 et le commentaire. Et c’étaient ces mêmes hommes qui voulaient mettre à mort Jésus‑Christ, sous prétexte qu’il était un contempteur de la loi. – Nous avons adopté le sentiment des exégètes qui mettent un point d’interrogation au milieu du verset et un simple point à la fin. La pensée nous paraît ainsi tout à la fois plus coulante et plus énergique.

Jean 7.20 Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir ? » La foule répondit : « Vous êtes possédé du démon, qui est-ce qui cherche à vous faire mourir ? »Pourquoi cherchez-vous… Pour quel motif ? Quel crime ai‑je donc commis? Les « Juifs » (cf. v. 15) que visaient les dernières paroles de Jésus gardent un silence significatif. Qu’auraient‑ils pu répondre ? Mais la foule naïve riposte : composée en majeure partie d’étrangers venus à Jérusalem pour la fête, elle ignore les desseins des hiérarques. Comparez le v. 25, où nous voyons les habitants de la capitale parfaitement instruits du véritable état des choses. – Qui est‑ce qui cherche… Aucun de ces bons provinciaux ne nourrissait un pareil projet, et ils jugent tous leurs coreligionnaires d’après leurs propres sentiments. Il n’y a donc, suivant eux, qu’une manière d’expliquer l’apostrophe lancée par Jésus contre l’auditoire ; il est en proie à une idée fixe, à une hallucination qui a le démon pour auteur : vous êtes possédé du démon. Par ces mots, ils ne voulaient pas indiquer une possession proprement dite (comparez 8, 48, et le commentaire), mais une forte dépression morale, produite par le malin esprit, et analogue à ce que les Grecs nommaient mauvais esprit, cf. 10, 20 ; et aussi Matth. 11, 18 ; Luc 7, 33, où le même dire est appliqué à Jean‑Baptiste, que l’on trouvait trop sombre et trop austère. Ici Jésus laisse tomber sans y répondre ce propos d’ignorants ; plus loin il relèvera l’accusation parce qu’elle aura un caractère plus grave.

Jean 7.21 Jésus leur dit : « J’ai fait une seule œuvre et vous voilà tous hors de vous-mêmes ? – Allusion évidente (voyez le v. 23) au miracle que Jésus avait opéré auprès de la piscine de Béthesda, v. 1 et ss. L’époque en était assez lointaine ; mais Notre‑Seigneur n’était pas revenu depuis lors à Jérusalem, et ce miracle avait été si éclatant par toutes ses circonstances, que le souvenir en vivait encore dans toutes les mémoires : voilà pourquoi le Sauveur l’appelle hyperboliquement son « unique » miracle de Jérusalem, quoiqu’il en eût accompli plusieurs autres dans la capitale juive, cf. 2, 23. – vous voilà tous hors de vous-mêmes (tous avec emphase). Comme l’observe S. Jean Chrysostome, ce verbe désigne moins ici l’admiration proprement dite qu’un étonnement plein de malveillance. Le miracle, en effet, avait eu lieu en un jour de sabbat, cf. v. 23, et 5, 9.

Jean 7.22 Moïse vous a donné la circoncision, non qu’elle vienne de Moïse, mais des Patriarches, – Mais qu’ils ont tort de se scandaliser. Jésus le leur démontre en faisant une vigoureuse apologie de sa conduite, v. 22-23. – Moïse vous a donné la circoncision, cf. Lévitique 12, 3. Si Moïse vous a donné la circoncision, ce n’est pas qu’elle vienne de lui à proprement parler, car il l’a reçue de nos ancêtres ; et néanmoins vous pratiquez la circoncision même aux jours de sabbat. Ce fait va servir de base à l’argumentation du Sauveur. Le parfait a donné exprime un don accordé une fois pour toutes, et qui demeure. – Non qu’elle vienne de Moïse… ouvre une parenthèse qui se termine après patriarches, et qui contient une restriction historique. Jésus venait de dire que la circoncision avait été donnée aux Juifs par Moïse ; mais en réalité il n’en était pas le premier auteur, et elle ne datait pas seulement de son temps : elle remontait jusqu’aux patriarches si chers à Israël, plus spécialement à Abraham, qui l’avait reçue de Dieu même comme un signe d’alliance, cf. Genèse 17, 20 ; Actes 7, 8 ; Romains 4, 11. Ce trait relève singulièrement l’importance de la circoncision. – Et vous la pratiquez… Avec emphase : le jours du sabbat. D’après la loi, on devait circoncire tout enfant mâle huit jours après sa naissance, et il arrivait souvent que le huitième jour coïncidait avec le sabbat : dans ce cas ; malgré la rigueur avec laquelle ils observaient le repos sabbatique (Voyez la note sous Matth., 12, 2), les Juifs avaient très justement pensé que ce signe sacré de leur alliance avec Dieu devait passer avant tout le reste. « La circoncision chasse le Sabbat », dit un adage rabbinique. Les disciples d’Hillel ajoutaient que « la loi relative au sabbat était négative, tandis que le précepte qui concernait la circoncision était positif : or, le positif détruit le négatif ».

Jean 7.23 et vous la pratiquez le jour du sabbat. Si, pour ne pas violer la loi de Moïse, on circoncit le jour du sabbat, comment vous indignez-vous contre moi, parce que, le jour du sabbat, j’ai guéri un homme dans tout son corps ? – Jésus va conclure son argumentation par un rapprochement inattendu, qui démontrera d’une façon péremptoire la légitimité de sa conduite personnelle. – pour ne pas violer la loi de Moïse. Même aux jours de sabbat on pratiquait la circoncision, sans le moindre scrupule, attendu que l’ordonnance qui la prescrivait aurait été viciée par un retard. Selon le langage de la Mischna, traité Schabb. 19, 1, 2, cette cérémonie avait été « rendue dépendante du huitième jour ». Voyez S. Jean‑Chrysostome et S. Augustin, h.l. – Pourquoi vous indignez-vous contre moi… remarquez la place du pronom moi employé en ce seul endroit du Nouveau Testament, exprime un ressentiment très amer. – J’ai guéri un homme dans tout son corps. « Tout son corps » aussi est emphatique, et la conclusion est de celles qu’on nomme « du mineur au majeur ». Les Rabbins disaient : retrancher le prépuce par la circoncision, c’était donc guérir une partie censée malade du corps humain. Or voici que Jésus avait rendu la santé complète, non‑seulement à un organe isolé, mais au corps tout entier du paralytique. Si une cure partielle et totale était permise le jour du sabbat, à plus forte raison une guérison totale.

Jean 7.24 Ne jugez pas sur l’apparence, mais jugez selon la justice. » – Simple appel au bon sens des Juifs, pour mettre fin à toute cette discussion. – Juger selon l’apparence, c’est juger d’après ce qui apparaît au premier regard, par conséquent avec partialité. Envisagé d’une manière superficielle, l’acte de Jésus pouvait passer pour une violation du sabbat, surtout aux yeux d’hommes imbus de si grands préjugés ; mais le divin Maître demande précisément que l’on veuille bien le juger d’après une autre norme : jugez selon la justice. Le grec a l’article « le juste jugement » ; il n’y en a en effet qu’un seul de cette sorte, cf. Tobie 3, 2 ; Zacharie 7, 5. Les jugements basés sur les seules apparences sont si fréquemment iniques et erronés.

Jean 7.25 Alors quelques habitants de Jérusalem dirent : « N’est-ce pas là celui qu’ils cherchent à faire mourir ? – 2° La véritable origine de Jésus, v. 25-30 (voyez la note du v. 14). Parce qu’ils voyaient N.-S. Jésus‑Christ parler si librement, à la face de ses adversaires bien connus. – Quelques habitants de Jérusalem, cf. Marc 1, 5, le seul autre passage où soit employée cette expression. Comme nous l’avons vu (v. 20), les habitants de Jérusalem contrastent ici avec les pèlerins venus de province : ceux‑ci ignoraient les vrais sentiments du parti pharisaïque à l’égard du Sauveur ; ceux‑là au contraire sont au courant de tout. De là leur réflexion si nette : N’est‑ce pas là celui… (pronom accentué).

Jean 7.26 Et le voilà qui parle publiquement sans qu’on ne lui dise rien. Est-ce que vraiment les chefs du peuple auraient reconnu qu’il est le Christ ? – Ouvertement et librement, cf. v. 13. – Sans qu’on ne lui dise rien. Eux qui lui étaient si hostiles, ils le laissent faire, ils ne l’interrompent même pas. – Sur cette tolérance qui les étonne ils bâtissent une hypothèse plus étonnante encore : Est‑ce que vraiment… Comme en maint autre passage du quatrième évangile, la question suppose une réponse négative. Les chefs du peuple auraient reconnu qu’il est le Christ ? cf. 1, 48 et l’explication ; 4, 29, 33 ; 7, 31, etc. Au v. 25, où la question ne suggérait aucun doute, nous lisions N’est‑ce pas là… Plus haut, v. 15, la foule n’osait parler ouvertement de Jésus parce que ses chefs ne s’étaient pas encore prononcés d’une manière officielle à son sujet ; nous trouvons ici quelque chose d’analogue. Chacun tenait à savoir quelle était la pensée des hiérarques. – Qu’il est le Christ. Cette supposition, chuchotée timidement, prouve combien avait été grande l’impression produite par les paroles de Jésus. Son nom et celui du Messie étaient aussitôt rapprochés l’un de l’autre dès qu’il était question de lui.

Jean 7.27 Celui-ci, néanmoins, nous savons d’où il est, mais quand le Christ viendra, personne ne saura d’où il est. » – Les auteurs de l’hypothèse se hâtent de la renverser eux‑mêmes. L’objection qu’ils vont formuler est en parfaite harmonie avec toute la tradition rabbinique. – Nous savons d’où il est. « Où » ne représente pas ici le lieu de la naissance, ni les ancêtres en général, mais la parenté immédiate et actuelle. Cet adverbe a une signification identique dans les deux moitiés du verset ; or, dans la seconde il est appliqué à l’origine du Messie, et les prophéties avaient annoncé dans les termes les plus clairs qu’il naîtrait à Bethléem et qu’il appartiendrait à la famille de David, cf. v. 41 et 42. – Quand le Christ viendra, personne ne saura… Le verbe grec n’est plus le même, parce que l’on veut indiquer un autre genre de connaissance. « Nous savons » quels sont les parents de Jésus : c’est une science complète et toute acquise ; « personne ne sait » quels sont ceux du Christ : c’est une science que l’on suppose ne devoir venir que lentement et peu à peu. Rien de plus intéressant que ces délicatesses du langage évangélique. Voyez, 8, 55 ; 13, 7 ; 14, 7 ; 21, 17, d’autres exemples d’un emploi alternatif des deux mêmes verbes. – D’où il est. Au dire des Rabbins, après être né secrètement à Bethléem, le Messie devait vivre on ne sait en quel lieu et dans le plus profond mystère, jusqu’au jour où il ferait une soudaine et brillante apparition. S. Justin Martyr mentionne aussi cette singulière opinion dans son Dialogue avec Tryphon, § 8. D’où pouvait‑elle bien provenir ? Probablement de quelques‑uns des prophéties suivantes, qu’on avait mal interprétées : Isaïe 53, 8 : « Qui racontera la génération éternelle du Messie? » ; Daniel 7, 13 : « Je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme » ; Michée 5, 2 : « Celui qui doit régner dans Israël, dont la génération est dès le commencement, dès l’éternité » ; Malachie, 3, 1 : « Voici que j’envoie mon messager pour qu’il prépare le chemin devant moi ; et soudain viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez ».

Jean 7.28 Jésus, enseignant dans le temple, dit donc à haute voix : « Vous me connaissez et vous savez d’où je suis et pourtant ce n’est pas de moi-même que je suis venu mais celui qui m’a envoyé est vrai, vous ne le connaissez pas.Jésus dit à haute voix (A l’occasion de leur grossière erreur)… le verbe grec (à l’aoriste) est tout à fait expressif. Jésus crie à haute voix pour se faire entendre de tous, parce qu’il va se rendre un témoignage des plus importants, cf. v. 37 ; 1, 45 ; 12, 44. « « Les acclamations que Jésus a soulevées avaient des causes importantes », dit Bengel, et S. Jean est fidèle à les signaler. – Enseignant dans le temple, cf. v. 14. L’instruction sera courte, mais significative. Le style en est rapide, entrecoupé, et laisse deviner l’émotion du divin Maître. – Vous me connaissez. Vous connaissez ma personne ; vous savez d’où je suis : vous connaissez mon origine extérieure, ma parenté selon la chair. Jusqu’ici Jésus concède tout ; il admet que ses interlocuteurs ont de lui une connaissance extérieure et superficielle ; mais il relève ensuite leur profonde ignorance relativement à sa vraie nature et à son rôle. – ce n’est pas de moi-même que je suis venu. Bien loin d’être venu de lui‑même, il est, comme on l’appelle ailleurs (Hébreux 3, 1), « le grand apôtre », le grand envoyé de Dieu. – Celui qui m’a envoyé est vrai, cf. 8, 26. D’où il suit que la mission de Jésus est elle‑même « vraie », solide et réelle. – Et vous ne le connaissez pas. Honteuse ignorance, pour des hommes qui se figuraient au contraire avoir avec Dieu les plus intimes relations. Mais le reproche n’était que trop fondé. Ne connaissant pas le Père, ils ne pouvaient non plus connaître son Fils, N.-S. Jésus‑Christ, quoi qu’il leur plût de dire sur ce point, cf. v. 27.

Jean 7.29 Moi, je le connais, parce que je suis de lui et c’est lui qui m’a envoyé. » – Jésus appuie sur le pronom. « Moi » est opposé à « vous » du v. 28. La particule parce que annonce une preuve : et en effet, Notre‑Seigneur va indiquer deux motifs de la parfaite connaissance qu’il a de Dieu. Le premier motif consiste dans sa génération divine et son unité de nature ; le second dans sa mission divine. Un fils ne connaît‑il pas son père ? L’ambassadeur ne connaît‑il pas celui qui l’accrédite ?

Jean 7.30 Ils cherchèrent donc à le saisir et personne ne mit la main sur lui, parce que son heure n’était pas encore venue.Ils cherchèrent donc… (Parce qu’il affirmait si nettement sa mission céleste)… C’est pour la troisième fois que nous trouvons cette formule, cf. v. 1 et v. 18. Notez l’imparfait de la durée : se saisir de Jésus pour le mettre à mort, voilà désormais le désir constant de ses ennemis, cf. v. 32, 44 ; 8, 20 ; 10, 39 ; 11, 55. Seule, sa ruine totale assouvira leur rage. Dans le texte grec, le verbe a pour primitif « presser, opprimer », c’est une des locutions favorites de S. Jean. – Personne ne mit la main sur lui. Expression pittoresque, cf. Actes 12, 1, etc. Qu’est‑ce donc qui empêcha les hiérarques de mettre sur Jésus leurs mains puissantes? Peut-être ne l’osèrent‑ils pas, impressionnés qu’ils étaient par sa majesté, par le nombre croissant de ses adhérents. Mais l’évangéliste donne de leur échec une raison plus profonde : parce que son heure n’était pas encore venue. L’heure de Jésus, c’est ici le temps de sa passion (cf. 8, 20 ; 13, 1, etc.) ; or cette heure n’avait pas encore sonné. Au fond, c’est donc le plan de Dieu lui‑même qui contrariait le plan des pharisiens ; le Seigneur gouvernait les destinées de son Christ jusque dans les plus petits détails.

Jean 7.31 Mais beaucoup, parmi le peuple, crurent en lui et ils disaient : « Quand le Christ viendra, fera-t-il plus de miracles que n’en a fait celui-ci ? » – 3° Le prochain départ de Jésus v. 31-36 (voyez la note du v. 14). – Beaucoup…crurent en lui. La haine va croissant, mais aussi l’amour. La foule est mise en contraste avec ses chefs qui cherchaient à s’emparer de Jésus. – Crurent en lui est beaucoup plus fort que le crurent. C’était la foi en la personne même, et pas seulement à la parole de Jésus. – Et ils disaient. (L’imparfait après l’aoriste ; un fait qui se continue, après un fait complet en soi). Les pieux croyants s’encourageaient mutuellement, en se communiquant le motif principal qui les avait gagnés au Sauveur ; ou bien, on peut regarder aussi leurs paroles comme une réponse adressée par eux à ceux des Juifs demeurés incrédules qui leur proposaient des objections contre Jésus. – Le Christ, quand il viendra… Plus haut, v. 27, le présent exprimait le caractère subit de la venue du Christ ; ici on la regarde comme un fait accompli. Quand il viendra : ce langage n’implique pas le moindre doute relativement à la dignité messianique de Jésus, puisque ceux qui le tiennent croyaient en lui. « Ils ne doutent pas qu’il soit venu. Mais c’est sous forme interrogative qu’ils proposent le motif de leur conviction, attendant une réponse négative », Corluy, h.l. – Fera‑il‑plus de miracles ? La preuve de la vraie religion par les miracles est admirablement résumée dans cette parole si simple. – Que…celui‑ci. Le pronom est énergique et pittoresque. Nous avons ici une nouvelle démonstration indirecte des innombrables miracles accomplis par Jésus‑Christ : on conçoit qu’en jetant un coup d’œil rétrospectif sur tant de miracles, les âmes droites en fussent vivement frappées, et qu’elles en tirassent la légitime conclusion ; Ce Jésus ne peut être que le Messie, cf. Isaïe 35, 5, 6 ; 53, 4 ; Matth. 11, 2-6.

Jean 7.32 Les Pharisiens entendirent la foule murmurant ces choses au sujet de Jésus, alors les Princes des prêtres et les Pharisiens envoyèrent des gardes pour l’arrêter. – Mais ceux qu’aveuglaient la haine et l’orgueil étaient loin d’un pareil raisonnement. – Murmurant ces choses… (ces paroles favorables à Jésus). Retenus par la crainte qu’inspiraient universellement les hiérarques, les amis du Sauveur avaient échangé leurs sentiments à voix basse (cf. v. 12 et la note) ; néanmoins ils furent entendus, et quelque espion ou délateur alla aussitôt avertir l’autorité. – Les princes des prêtres (qui font ici leur première apparition dans le quatrième évangile) et les Pharisiens représentent le Sanhédrin ou grand Conseil. Comme nous l’avons dit ailleurs (Évangile selon S. Matth., 2, 4.), cette assemblée célèbre, qui avait la juridiction la plus étendue en matière religieuse et qui siégeait à Jérusalem, se composait de trois catégories de membres : les princes des prêtres, les anciens ou notables, et les docteurs de la Loi. Ces derniers appartenaient pour la plupart au parti pharisaïque ; c’est pour cela que S. Jean les mentionne ici par l’appellation générale de pharisiens, cf. v. 45 ; 11, 47, 57 ; 18, 3. Les notables sont passés sous silence, comme en d’autres endroits des évangiles (Matth. 21, 45 ; 27, 62, etc.). Pour la première fois, les ennemis de Jésus essaient de prendre contre lui des mesures actives et extérieures ; du « le cherchaient » ils vont passer aux faits. Leurs « gardes » étaient les employés secondaires qui formaient leur police et exécutaient leurs mandats d’arrêt. – Pour l’arrêter. Non pas sur le champ, autrement on ne comprendrait pas le retard qui fut mis à l’exécution de l’ordre (cf. v. 44 et suiv.), mais dès qu’une heure propice se présenterait.

Jean 7.33 Jésus dit : « Je suis encore avec vous un peu de temps, puis je m’en vais à celui qui m’a envoyé. – La parole de Jésus fut occasionnée par la démarche de ses ennemis, qui souleva tout naturellement en lui la pensée de sa mort prochaine. Parole solennelle, profonde, grosse de menaces pour ceux qui parmi les Juifs demeureront incrédules. L’évangéliste ne dit pas en quel lieu ni à quel moment elle fut prononcée : vraisemblablement c’est une continuation pure et simple de la scène qui précède, v. 14-32. – Avec vous un peu de temps. Six mois seulement le séparaient de sa Passion, puisqu’on célébrait alors la fête des Tabernacles, et que la Pâque suivante, il le lisait dans les divins décrets, amènerait la catastrophe finale. – Puis je m’en vais. Le présent de la certitude et du prompt accomplissement. Rien de plus clair actuellement que ces mots : Jésus va retourner au ciel, vers son Père ; mais ses auditeurs les trouvèrent pleins d’obscurité, cf. v. 35-36. Avec quel calme et sous quel magnifique aspect Notre‑Seigneur envisage son cruel supplice. C’est que dans la mort ignominieuse il contemple son noble triomphe. Jésus emploie trois verbes distincts dans le quatrième évangile pour exprimer l’idée du départ. Le premier verbe appuie sur le côté personnel du départ, sur la séparation qui en est la conséquence (8, 14, 21 et ss. ; 13, 3, 33, 36 ; 14, 4 et 5, 28 ; 16, 5, 10, etc.) ; le second associe à l’éloignement un but, une mission, quelque œuvre à accomplir (7, 35 ; 14, 3, 12, 28 ; 16, 7, 28) ; le troisième indique le départ purement et simplement (16, 7). Voyez le chap. 10, v. 7-10, où ils viennent successivement sur les lèvres de Notre‑Seigneur avec ces diverses nuances. – A celui qui m’a envoyé. Dans une autre conversation avec les Juifs, 5, 18 et ss., Jésus avait souvent appuyé sur sa nature divine ; cette fois il parle surtout de sa mission, cf. v. 16, 18, 28, 29, etc. « je m’en vais » et « celui qui m’a envoyé » sont des expressions corrélatives : un ambassadeur n’est envoyé que pour un temps ; sa mission achevée il retourne auprès de son maître.

Jean 7.34 Vous me chercherez et vous ne me trouverez pas et où je suis vous ne pouvez venir. » – Le départ de N.-S. Jésus‑Christ aura un terrible résultat pour ceux qui auront refusé de croire en lui. Ses ennemis le cherchent actuellement pour le faire mourir, v. 1 et 30 ; des jours approchent où ils le chercheront d’une tout autre manière, comme leur unique Sauveur au milieu de la plus affreuse détresse ; par exemple, à la ruine de Jérusalem, quand les divins jugements éclateront contre eux : mais ce sera trop tard. Nous pensons, à la suite de S. Jean Chrysostome, de Théophylacte, d’Euthymius, etc., que tel est ici le véritable sens du verbe « chercher ». Il ne signifie pas « chercher d’une façon hostile » (Origène, etc. : après ma mort vous me persécuterez dans mes disciples), interprétation qui serait forcée et peu naturelle. – Et vous ne me trouverez pas. Plus loin, 8, 21, Jésus s’exprimera plus énergiquement encore : « Et vous mourrez dans votre péché ». – Et pourquoi ne le trouveront‑ils pas ? Parce qu’il y aura entre eux et lui un abîme infranchissable : où je suis, vous ne pouvez venir. « Je » et « vous » sont rapprochés l’un de l’autre dans le texte grec et fortement accentués. Notez le présent : Jésus se voit déjà dans le ciel par anticipation, ou plutôt il n’a jamais cessé d’y avoir son séjour. « Il ne dit pas : Où je serai ; mais « Où je suis », parce que le Christ était toujours là où il devait retourner ; il en était venu, sans pour cela s’en éloigner », S. Augustin, Traité sur S. Jean 31, 9. Et il n’est pas douteux que l’adverbe « où » ne désigne le ciel en cet endroit. Et les ennemis de Jésus ne sauraient le rejoindre là-haut, alors même qu’ils l’imploreront instamment parmi leurs rudes angoisses, à moins donc qu’ils ne se convertissent tout d’abord. Hélas ! La prophétie du Christ se réalise encore pour Israël, qui persévère dans le refus de reconnaître Jésus comme Christ et Messie ; les Juifs cherchent vainement leur Messie sans le trouver, parce qu’ils refusent de le voir en N.-S. Jésus‑Christ. 

Jean 7.35 Sur quoi les Juifs se dirent entre eux : « Où donc ira-t-il, que nous ne le trouverons pas ? Ira-t-il vers ceux qui sont dispersés parmi les païens et ira-t-il les instruire ?Les Juifs se dirent : à cause de cette parole qu’ils n’avaient pas comprise, ou pas voulu comprendre. – Entre eux. Dans le sens les uns aux autres. Ils échangent entre eux une méchante ironie ; mais d’autres détails beaucoup plus mordants sont venus s’émousser sur la pierre angulaire qui est le Christ. – Où donc ira-t-il Voyant la partie perdue chez nous, s’en ira‑t‑il jouer son rôle en quelque autre pays? – que nous ne le trouverons pas : puisque, d’après son assertion, il nous sera désormais impossible de le trouver. – Là-dessus, ils hasardent une hypothèse, mais tellement étrange à leurs propres yeux, qu’ils en masquent tout d’abord l’invraisemblance au moyen de l’interrogation : Il n’ira pourtant pas…? Voyez la note du v. 31. –vers ceux qui sont dispersés parmi les païens : Était une expression alors en usage chez les Juifs pour désigner ceux des leurs qui, depuis la captivité, étaient « dispersés » en si grand nombre à travers le monde païen (le monde grec, d’après toute la force du texte primitif), cf. Jacques 1, 1 ; 1 Pierre 1, 1, etc. C’est l’abstrait pour le concret. On a cru quelquefois bien à tort que la « dispersion des païens » représente les païens eux‑mêmes (Calmet, Allioli, etc.). – ira-t-il les instruire ? Les païens. Ils supposent que Jésus, prenant pour point d’appui ses coreligionnaires se mettra ensuite à enseigner les païens. Ces derniers mots mettent en relief ce qu’il y avait de piquant dans l’ironie : les païens abhorrés devenant, par la prédication de Jésus, membres de la théocratie. Et pourtant, ceux qui ne pensaient alors qu’à lancer contre Jésus‑Christ une grossière injure, étaient prophètes sans le vouloir, à la façon de Caïphe (cf. 11, 50). En réalité, comme le montre chaque page de la vie de S. Paul (Actes 14 et ss.), la propagation de l’évangile eut lieu de la manière ironiquement exprimée dans ce passage : les apôtres iront bientôt « enseigner les païens », et c’est après avoir passé par les synagogues juives que la prédication chrétienne retentira ensuite aux oreilles de païens. Il avait aussi un pressentiment de la vérité, ce Rabbin qui écrivait, Pesach, 87, 2: « R. Eliézer a dit que le Seigneur a dispersé les Israélites parmi les autres nations, afin que les païens puissent s’attacher à eux ».

Jean 7.36 Que signifie cette parole qu’il a dite : Vous me chercherez et vous ne me trouverez pas et où je suis, vous ne pouvez venir ? » – Les railleurs de Jésus ont beau faire : sa parole (v. 33-34) a pénétré si avant dans leurs âmes, comme une menace terrible, qu’ils y reviennent encore, inquiets et vexés. Ils la répètent intégralement, telle qu’elle avait été formulée.

Jean 7.37 Le dernier jour de la fête, qui en est le jour le plus solennel, Jésus debout, dit à haute voix : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive. Nous passons à la deuxième partie des discours que le Sauveur prononça dans le temple à l’occasion de la fête des Tabernacles, v. 37-39 : c’est ce que nous avons appelé plus haut (note du v. 14) la prédication du dernier jour. S. Jean n’en a conservé qu’un sommaire extrêmement abrégé, qui est néanmoins d’une grande richesse. Tandis que les autres grandes fêtes des Juifs ne duraient qu’une semaine ou sept jours, Dieu lui‑même avait ajouté à celle des Tabernacles un huitième jour, nommé ou conclusion (Lévitique 23, 36 ; dans les écrits de Philon), qui était regardé comme des plus solennels : de là l’épithète grand qu’il reçoit ici (avec l’article, le jour particulièrement grand), cf. Lévitique 23, 35 et s. ; Nombres 29, 35 ; Néhémie 8, 18. D’après les Rabbins : « le huitième jour est une fête par lui‑même », Succ. 48, 2. – Jésus debout. Trait graphique et majestueuse introduction. – dit à haute voix. Nouveau cri impétueux qui sortait du plus profond de son âme, cf. v. 28. – Si quelqu’un a soif. Déjà, dans son entretien avec la Samaritaine, 4, 14, et dans son discours de Capharnaüm, 6, 35, le divin Maître avait signalé cette soif mystique, et il s’était offert lui‑même comme un breuvage exquis pour l’assouvir. Voici qu’il réitère son offre généreuse avec plus d’insistance. – Qu’il vienne à moi. Qu’il vienne à moi par la foi et par l’amour (cf. v. 38), comme à une source rafraîchissante. – Et qu’il boive : « d’un seul trait », car cette source n’est pas moins intarissable que délicieuse. – Les exégètes admettent que ce frappant symbole fut alors employé par Jésus‑Christ, parce qu’une cérémonie spéciale de la fête des Tabernacles en rendait à son auditoire l’intelligence plus nette et plus profonde. Chaque jour, vers l’heure du sacrifice du matin, une procession sortait du temple au son de la musique : elle accompagnait un prêtre qui allait remplir à la fontaine de Siloé une amphore d’or contenant trois logs (environ 0,87 litre). Elle rentrait au moment où les membres de la victime étaient placés sur l’autel des holocaustes. Salué par les trompettes sacrées, le prêtre se dirigeait vers l’autel, où venait le rejoindre un de ses collègues qui portait le vin des libations ; ils vidaient alors simultanément, aux acclamations enthousiastes du peuple, leurs deux amphores dans deux conduits d’argent qui aboutissaient au bas de l’autel. Puis le grand Hallel (Ps. 113-118 du texte hébreu ; Vulgate 112-117) était pieusement chanté. « Celui qui n’a pas éprouvé de joie en puisant de cette eau n’en a jamais éprouvé ailleurs », Talmud. On voulait, par cette libation, remercier Dieu d’avoir fait couler l’eau du rocher pour abreuver son peuple dans le désert. C’est donc vraisemblablement à ce rite que Jésus rattacha son langage figuré.

Jean 7.38 Celui qui croit en moi, de son sein, comme dit l’Écriture, couleront des fleuves d’eau vive. »Celui qui croit en moi est un nominatif absolu, à la façon hébraïque. Le Sauveur interprète ainsi lui‑même les mots vienne à moi du verset précédent. La formule comme dit l’Écriture se rapporte aux paroles qui suivent : des fleuves d’eau vive… (et non pas à celui qui croit en moi, comme l’ont pensé S. Jean Chrysost., Théophylacte, etc.). Mais elle paraît annoncer une citation biblique, or ces paroles ne se trouvent nulle part de manière littérale dans l’Ancien Testament. Cela ne crée toutefois aucune difficulté sérieuse, car Isaïe (41, 18 ; 44, 3 ; 55, 1 ; 58 ; 11), Ézéchiel (36, 25 ; 39, 29), Joël (2, 28) et Zacharie (14, 8) ont des passages qui correspondent assez à la pensée de Jésus pour qu’il ait pu les avoir en vue soit isolément, soit tous ensemble. – Des fleuves. Des fleuves entiers, et pas seulement une source, comme au chap. 4, v. 14. Figure énergique de grâces surabondantes, qui débordent. – De son sein. Cette autre image est encore plus expressive. Jésus fait du substantif sein ou cœur un usage analogue à l’emploi de son équivalent chez les Hébreux, pour désigner l’intérieur de l’homme, cf. Proverbes 20, 27 ; Ecclésiastique 19, 12 ; 51, 21. – Couleront. Portant même au dehors le rafraîchissement et la vie, cf. 4, 14 et le commentaire. Sur l’eau vive et sa valeur en Orient, voyez la note de 4, 10. « Par manque d’eau, Jérusalem souffre de la soif. Voilà pourquoi elle a coutume d’utiliser l’eau de pluie, et elle supplée à la rareté des sources par la construction de citernes », écrivait S. Jérôme, In Isaiam 49, 14.

Jean 7.39 Il disait cela de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croient en lui, car l’Esprit n’était pas encore donné, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié. – Note exégétique de S. Jean pour commenter ce dire mystérieux, dans lequel il nous montre une douce et consolante promesse d’avenir. – L’Esprit. Il est à remarquer que les Rabbins aussi voyaient dans la cérémonie décrite plus haut un symbole de l’effusion du divin Esprit. L’haphtharah, ou lecture tirée des prophètes, qui terminait l’office du premier jour de l’octave des Tabernacles contenait ces lignes significatives de Zacharie (14, 8) : « Ce jour‑là, des eaux vives sortiront de Jérusalem, moitié vers la mer orientale, moitié vers la mer occidentale : il en sera ainsi en été, comme en hiver ». – Que devaient recevoir ceux qui croient en lui : au jour de la première Pentecôte chrétienne, et constamment depuis. – L’Esprit n’était pas encore donné . S. Jean va expliquer pourquoi les croyants n’avaient pas reçu plus tôt l’Esprit saint. C’est que, dit‑il, d’après la leçon la plus probable, « il n’y avait pas encore d’Esprit ». Évidemment l’évangéliste n’a pas en vue l’existence de l’Esprit saint, mais le rôle spécial que la troisième personne de la Sainte Trinité devait exercer dans l’Église après la mort de N.-S. Jésus‑Christ, comme l’exprime la fin du verset. – Jésus n’avait pas encore été glorifié. Par sa résurrection et par son ascension, cf. Actes 19, 2. Jésus dira bientôt lui‑même qu’il n’enverra son Esprit qu’après être remonté au ciel, 17, 5, cf. 16, 7. 

Jean 7.40 Parmi la foule, quelques-uns, qui avaient entendu ces paroles, disaient : « C’est vraiment le prophète. »qui avaient entendu ces paroles. Il semblerait donc que le narrateur a eu en vue toutes les paroles que N.-S. Jésus‑Christ avait prononcées depuis son arrivée à Jérusalem (v. 14-35), et pas seulement celles du dernier jour (v. 37-38). – C’est vraiment le prophète. (avec emphase : lui et pas un autre), avec l’article, comme aux passages 1, 21, et 6, 14. Moïse, Deutéronome 18, 15, avait autrefois promis au nom de Dieu ce prophète qui devait être le Messie ; mais ici on fait de lui, quoique à tort, un personnage distinct du Christ (cf. v. 41).

Jean 7.41 D’autres : « C’est le Christ. Mais, disaient les autres, est-ce de la Galilée que doit venir le Christ ? – Cette deuxième catégorie seule assigne à Jésus son vrai rôle. – Une troisième classe d’auditeurs demeure dans l’indécision et ne sait au juste à quoi s’en tenir. Elle formule pourtant une objection à l’adresse de ceux qui admettaient pleinement le caractère messianique de Jésus, car le Christ ne vient pas de la Galilée cf. v. 31 et 35. Ces hommes savaient que N.-S. Jésus‑Christ avec vécu en Galilée depuis son enfance et qu’il y avait passé la plus grande partie de sa vie publique ; ils supposaient donc qu’il y était né : or, continuent‑ils, le Messie ne sera certainement pas originaire de la Galilée, cf. 1, 46.

Jean 7.42 L’Écriture ne dit-elle pas que c’est de la race de David et du bourg de Bethléem, où était David, que le Christ doit venir ? » – Ils citent deux assertions de la Bible relatives à la naissance du Messie. 1° Il aura David pour ancêtre, cf. Ps. 88, 4 ; Isaïe 11, 1 ; Jérémie 23, 5 ; etc. 2° C’est à Bethléem, dans la patrie de David, que sera le berceau du Christ : du village de Bethléem (un simple bourg, cf. Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques 5, 2, 8) où était David, cf. 1 Samuel, 16 ; Michée 5, 1.

Jean 7.43 C’est ainsi que le peuple était partagé à son sujet. – Premier résultat de ces opinions variées ou contradictoires. était partagé, dit le texte grec, en faisant usage d’un mot qui marque toujours une division sérieuse ; littéralement « une déchirure ». Chacun s’en tenait donc à son sentiment favorable ou défavorable à Jésus. Voyez plus loin 9, 16 et 10, 19, des mentions analogues, du narrateur.

Jean 7.44 Quelques-uns voulaient l’arrêter, mais personne ne mit la main sur lui. – Selon quelques exégètes, ces quelques‑uns ne serraient autres que les gardes du Sanhédrin envoyés précisément pour arrêter Jésus, v. 32, 45. Mais il est plus conforme à l’ensemble du récit de voir en eux quelques zélotes du peuple, plus spécialement hostiles à Jésus, plus irrités par ses discours, et qui voulaient l’arrêter sous leur propre responsabilité. – Mais personne… Pas un seul. cf. le v. 30 et le commentaire. Ils n’osèrent pas mettre à exécution leur projet, en voyant la foule si vivement impressionnée ; et surtout, « son heure n’était pas encore venue ».

Jean 7.45 Les gardes étant donc revenus vers les Pontifes et les Pharisiens, ceux-ci leur dirent : « Pourquoi ne l’avez-vous pas amené ? » – N’ayant pas réussi à exécuter la mission dont on les avait chargés (v. 32), ils reviennent auprès de leurs supérieurs pour rendre compte de leur mission. Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis les événements racontés au v. 32 (cf. v. 14 et 37). – Les Pontifes  et les pharisiens. Dans le grec, les deux substantifs sont rattachés à un seul et même article parce qu’ils représentent les membres maintenant connus d’un seul et même corps. Plus haut, v. 32, chacun d’eux était précédé de son article. – Ceux‑ci leur dirent… Quoique nommés en dernier lieu, les Sanhédristes sont désignés ; mais ils étaient les plus éloignés dans la pensée de l’écrivain, qui allait aussitôt revenir aux ministres. – Pourquoi ne l’avez-vous pas amené ? La question est adressée d’un ton rude et superbe, comme à d’humbles subalternes ; on y voit toute l’amertume d’une vive déception.

Jean 7.46 Les gardes répondirent : « Jamais homme n’a parlé comme cet homme. » – Ces âmes honnêtes répondent avec la plus grande franchise et simplicité, sans chercher d’autre excuse que l’impression profonde par laquelle ils n’ont pu s’empêcher d’être dominés. Durant ces derniers jours, ils se sont tenus aux côtés de Jésus pour le faire prisonnier au moment favorable ; ils l’ont vu de près, ils ont entendu sa parole : sa sainteté, son éloquence divine ont dompté ces esprits grossiers et sans éducation, qui n’étaient cependant pas complètement gâtés comme leurs maîtres. – Jamais homme n’a parlé… La force de leur conviction éclate dans cette phrase redondante et emphatique. C’est là un des éloges les plus beaux et les plus vrais qu’ait reçus N.-S. Jésus‑Christ.

Jean 7.47 Les Pharisiens leur répliquèrent : « Vous aussi, vous êtes-vous laissés séduire ? – On sent une sourde colère s’agiter dans cette nouvelle question ; les Pharisiens sont seuls mentionnés (cf. v. 45), soit parce qu’ils furent les porte‑parole, soit à cause de la part prépondérante qu’ils avaient prise dans la tentative avortée d’arrestation, v. 32, soit enfin à cause de leur orthodoxie jalouse, qu’irritait vivement l’influence exercée par Jésus. – Vous êtes-vous laissés séduire ? Même vous, les serviteurs du Sanhédrin, qui devriez être loyaux entre tous les hommes. L’hypothèse leur paraît tellement forte qu’ils l’introduisent en grec, comme au v. 35, par la particule Μή, cf. v. 52. – Le qualificatif correspondant à séduits dans le grec ne désigne pas une simple erreur, mais un éloignement essentiel et fondamental de la vérité, cf. v. 12 ; 1 Jean 1, 7 ; 2, 26 ; 3, 7. 

Jean 7.48 Y a-t-il quelqu’un parmi les Princes du peuple qui ait cru en lui ? Y en a-t-il parmi les Pharisiens ? – C’est-à-dire parmi les membres du Sanhédrin ; car ils étaient comme les « archontes » des Juifs. – quelqu’un… qui ait cru. L’emploi du singulier est très expressif. Est‑ce qu’un seul des Sanhédristes a cru en lui ? On vient de citer les membres du Grand Conseil, en tant qu’ils étaient les chefs de la nation théocratique ; on cite maintenant les Pharisiens, comme les modèles d’une vie et d’une croyance parfaites selon la Loi. Étrange procédé d’intimidation. Il n’était permis à personne de penser ou d’agir autrement que ces deux catégories d’individus, qui prétendaient être une règle vivante de foi et de conduite.

Jean 7.49 Mais cette populace qui ne connaît pas la Loi, ce sont des maudits. »Cette populaceExpression pittoresque et de profond mépris. En faisant ainsi la leçon à leurs agents, les Pharisiens passent brusquement d’un extrême à l’autre. Nous, vos chefs et vos modèles, nous ne croyons pas à ce Jésus ; voyez maintenant ceux qui croient. – Qui ne connaît pas la loi. (La loi par excellence). Autre expression dédaigneuse pour caractériser le peuple. Le texte grecque, qui marque mieux encore la coutume, un état d’ignorance prolongé. – Sont des maudits. Voilà jusqu’où l’orgueil et la passion haineuse conduisaient les Pharisiens : à leurs yeux, la foule sans instruction était maudite. Le Talmud contient plusieurs détails semblables, qui garantissent la parfaite véracité de celui‑ci. Nulle part l’orgueil scientifique n’a été poussé aussi loin que chez les Juifs, surtout à cette époque. Les docteurs se nomment un « peuple saint » par opposition au vil « peuple de la terre », qui n’est après tout, osent‑ils dire, qu’abomination et « vermine ». 

Jean 7.50 Nicodème, l’un d’eux, celui qui était venu de nuit à Jésus, leur dit : – Voyez 3, 1 et le commentaire. – L’un d’eux. C’est-à-dire, tout à la fois membre du Sanhédrin et membre du parti pharisaïque. L’évangéliste appuie sur cette circonstance, pour montrer que, parmi les adhérents de N.-S. Jésus‑Christ, il y avait même de ces personnages influents et célèbres qui, au dire des Pharisiens, devaient être comme nécessairement incrédules. Nicodème ne prend pas encore ouvertement l’attitude d’un disciple de Jésus ; son langage calme, sobre, simple et droit est celui d’un homme honnête qui rappelle à la justice des collègues égarés par la passion. Voyez Actes 5, 32 et ss., la conduite semblable de Gamaliel.

Jean 7.51 « Notre loi condamne-t-elle un homme sans qu’on l’ait d’abord entendu et sans qu’on sache ce qu’il a fait ? » – Cette loi divine que les docteurs s’étaient implicitement vantés de connaître et de pratiquer à fond (v. 49), et qu’en ce moment même ils violaient de la manière la plus indigne. – Condamne‑t‑elle… L’homme quel qu’il soit qui se trouve dans la situation dont il s’agit. « Juger » a ici le sens de condamner. – Sans qu’on l’ait d’abord entendu. La loi, personnifiée, est censée prendre elle‑même des informations, et faire subir un sérieux interrogatoire à l’accusé. – Sans qu’on sache… (Se dit d’une connaissance sûre et complète). Nicodème faisait allusion aux prescriptions formelles de l’Exode, 23, 1, et du Deutéronome, 1, 16 et ss. « Entendre l’autre côté » a été partout et toujours un principe élémentaire de justice.

Jean 7.52 Ils lui répondirent : « Toi aussi, es-tu Galiléen ? Examine avec soin les Écritures et tu verras qu’il ne sort pas de prophète de la Galilée. » – Le coup a porté juste, comme le prouve cette sortie violente. Au lieu de répondre à l’argument de Nicodème et de justifier leur conduite, ils s’échappent aussitôt en injures. – Es‑tu galiléen ? Nous trouvons de nouveau la tournure usitée dans les questions de ce genre. Tu n’es pourtant pas… ? Galiléen, sur les lèvres des Sanhédristes, ne peut être qu’un nom de suprême dédain. Ils supposaient, eux aussi (cf. v. 41), que Jésus était originaire de Galilée ; or cette province était l’objet des railleries perpétuelles des habitants de la Judée. Les rabbins vont jusqu’à dire que « tout Galiléen est un soliveau ». La Galilée ayant fourni jusqu’alors le plus grand nombre des disciples de Notre‑Seigneur, le mot Galiléen était déjà sans doute devenu un terme de mépris pour les désigner. – Examine avec soin les Écritures. Voyez v. 39 et le commentaire. – Et tu verras : résultat tout à fait certain, suivant eux, du « scruter ». Cet impératif est très énergique. – il ne sort pas de prophète de la Galilée. Ils vont citer ce qu’ils croient être une règle absolue dans l’histoire d’Israël : de Galilée (mis en avant par emphase) il ne sort pas de prophète expression pittoresque). L’emploi du temps présent marque ici la perpétuité : jamais de prophètes galiléens. Ces savants oubliaient de la façon la plus grossière un fait important de l’histoire juive ; car certainement Jonas était Galiléen, cf. 2 Rois 14, 25. Peut-être El‑Kosch, la patrie de Nahum, était‑elle aussi une bourgade de Galilée, comme le pense S. Jérôme. Mais quels étranges aveuglements la passion n’est‑elle pas capable de produire. C’est donc à tort que divers exégètes, trouvant une erreur si grossière invraisemblable de la part des membres du Sanhédrin, font dire à ceux‑ci que désormais aucun prophète ne viendra de la Galilée méprisée. Cette explication est forcée, et en contradiction avec les mots « scrute et vois »: le fanatisme religieux suffit pour tout expliquer. Nous trouverons bientôt, 8, 33, une erreur semblable provenant de la même source.

Jean 7.53 Et ils s’en retournèrent chacun dans sa maison. – Conclusion du récit. Embarrassés malgré leur rage violente, les Sanhédristes levèrent la séance et s’en allèrent chacun chez soi, sans prendre aucune décision contre Jésus. Ce détail final rend leur défaite très saillante. On a parfois rattaché « et ils s’en retournèrent » à « foule » du v. 43 ; mais alors le verbe serait bien séparé du sujet. Nous avons suivi le sentiment le plus naturel et le plus commun.

Bible de Rome
Bible de Rome
La Bible de Rome réunit la traduction révisée 2023 de l’abbé A. Crampon, les introductions et commentaires détaillés de l’abbé Louis-Claude Fillion sur les Évangiles, les commentaires des Psaumes par l’abbé Joseph-Franz von Allioli, ainsi que les notes explicatives de l’abbé Fulcran Vigouroux sur les autres livres bibliques, tous actualisés par Alexis Maillard.

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