CHAPITRE 1
1, 1‑8 ; Parall. Matth. 3, 1‑12 ; Luc 3, 1‑18.
Mc1.1 Commencement de l’Évangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu. S. Marc commence son récit de la façon la plus abrupte, nous conduisant aussitôt au centre de l’action. Dès sa première ligne, il se montre à nous comme l’Évangéliste de l’action (voir la Préface, § 7). Les deux autres synoptiques consacrent quelques pages aux origines humaines de Jésus ; Cf. Matth. 1–2 ; Luc 1–2. S Jean 1, 1‑48, raconte tout d’abord au lecteur la génération éternelle du Verbe : rien de semblable dans S. Marc. Prenant Notre‑Seigneur Jésus‑Christ dans la plénitude de sa vie, il passe directement aux faits qui préparèrent d’une manière immédiate le ministère messianique du Sauveur. Nous trouvons dès ce début tout ce qui le caractérise comme écrivain, c’est‑à‑dire la rapidité, la concision, le pittoresque. — Il règne parmi les exégètes le plus complet désaccord sur l’enchaînement et l’organisation intérieure des quatre premiers versets. Qu’il suffise de mentionner les trois opinions principales. 1° Théophylacte, Euthymius, Vatable, Maldonat, etc., suppléent ἦν ou « fut » à la fin du v. 1, qu’ils rattachent ainsi aux deux suivants. Une nouvelle phrase commence avec le v. 4. 2° D’autres critiques, tels que Lachmann, Mgr Mac‑Evilly, le P. Patrizi, sous‑entendent les mots « se déroula ainsi » après « Fils de Dieu » au v. 1 ; ils ouvrent ensuite une parenthèse dans laquelle ils placent les vv. 2 et 3. Le v. 4 se relie par là‑même directement au v. 1, qu’il complète et explique. « Voici quel fut le début de l’Évangile… : Jean parut dans le désert… » 3° On isole tout à fait le premier verset des suivants, de manière à en faire une sorte de titre ; puis on traite les vv. 2, 3 et 4 comme une longue phrase conditionnelle, de sorte que le dernier membre, « Jean était… », retombe sur le premier, « Selon qu’il est écrit ». « Ainsi qu’il est écrit dans le prophète Isaïe… : Jean fut dans le désert baptisant et prêchant ». Cet arrangement nous paraît le plus naturel et le plus logique des trois. — De l’Évangile. Voyez l’explication de cette expression dans l’Introduction générale, chap. 1. Évidemment, elle ne désigne pas ici le livre composé par S. Marc, mais la bonne nouvelle messianique dans toute son étendue. Quoique cette bonne nouvelle eût déjà été annoncée si fréquemment par les prophètes, quoique Dieu lui‑même eût daigné en faire entendre les premiers accents à Adam et à Ève aussitôt après leur péché, Genèse 3, 15 (les Pères ont justement nommé ce passage « le Protévangile »), néanmoins, à proprement parler, l’Évangile ne commence qu’avec la prédication de S. Jean‑Baptiste. — De Jésus‑Christ. Nous avons expliqué l’étymologie et le sens de ces beaux noms dans notre commentaire sur Matth. 1, 16 et Matth. 1, 21. La manière dont ils sont rattachés au mot Évangile indique que Jésus est l’objet de la bonne nouvelle que l’Évangéliste se propose de raconter tout au long. — Fils de Dieu. Ces mots ne sauraient être ici, comme le prétendent plusieurs rationalistes, un simple synonyme de « Messie » : on doit les prendre dans leur acception théologique la plus stricte et la plus relevée. S. Marc attribue à Notre‑Seigneur Jésus‑Christ, dès le début de sa narration, un titre dont toutes les pages suivantes prouveront la parfaite vérité, un titre que les premiers prédicateurs du Christianisme joignaient immédiatement à son nom dès qu’ils s’adressaient à un auditoire païen. S. Matthieu, écrivant pour des Juifs, commence au contraire par dire que Jésus est fils d’Abraham et de David : il ne parle qu’un peu plus tard de sa divinité. Quoique le but fût le même, la méthode variait suivant les circonstances. Cette appellation de « Fils de Dieu » est employée sept fois par S. Marc ; S. Jean l’appliqua jusqu’à 29 fois à Jésus. Voilà, dès le début du second Évangile, trois noms qui contiennent tout le caractère et tout le rôle du Sauveur. Jésus, c’est l’homme ; Christ, c’est la fonction ; Fils de Dieu, c’est la nature divine.
Mc1.2 Selon ce qui est écrit dans le prophète Isaïe : « Voilà que j’envoie mon messager devant vous, pour vous frayer le chemin. — Selon qu’il est écrit. Anneau qui rattache le Nouveau Testament à l’Ancien, l’Évangile aux Prophètes, Jésus au Messie promis. En effet, dit Jansénius, « Le début de l’évangile ne procède pas au hasard, ni ne s’inspire d’un conseil humain. Il est tel que les prophètes l’avaient décrit à l’avance, Dieu réalisant ce qu’il avait promis ». S. Matthieu citait à chaque instant les écrits de l’ancienne Alliance, pour prouver le caractère messianique du Sauveur ; S. Marc ne les rapproche de lui‑même qu’à deux reprises (cf. Marc 15, 26) des faits évangéliques. Voir la Préface § 4, 3, 3°. Mais le rapprochement actuel est significatif, comme le faisait remarquer saint Irénée [Adversus Hæreses, 3, 19, 6] : « Marc…fit ainsi le début de son ouvrage : début de l’Évangile… faisant manifestement du début de son évangile les paroles des saints prophètes ». Il ajoute : « Ainsi donc il n’y a qu’un seul et même Dieu et Père, qui a été prêché par les prophètes et transmis par l’Évangile, Celui‑là même que nous, chrétiens, nous honorons et aimons de tout notre cœur ». — Dans le prophète Isaïe. Les textes grecs imprimés et la plupart des manuscrits ne mentionnent pas le nom d’Isaïe ; de plus, le mot prophète y est mis au pluriel, et de fait la citation appartient à deux prophètes, le v. 2 à Malachie 3, 1, le v. 3 à Isaïe, 40, 3. Saint Irénée avait adopté cette leçon. Saint Jérôme regardait de son côté le nom d’Isaïe comme une interpolation : « Nous pensons, nous, que le nom d’Isaïe a été ajouté fautivement par un copiste » [in Matth., 3, 3]. Cependant, plusieurs manuscrits grecs importants, B, D, L, Δ, Sinait., et des versions assez nombreuses, telles que la copte, la syrienne, l’arménienne, l’arabe et la persane, portant ou ayant lu dans le prophète Isaïe comme la Vulgate, la plupart des critiques se décident à bon droit en faveur de cette variante. Il est vrai qu’elle crée une assez grande difficulté d’interprétation, puisque le passage cité par S. Marc, ainsi que nous venons de le dire, n’est pas seulement extrait de la prophétie d’Isaïe, mais encore de celle de Malachie. Toutefois ce fait même contient une raison favorable à l’authenticité, conformément aux principes de la critique littéraire. Du reste, les exégètes ne sont pas à court de moyens pour justifier la formule employée par S. Marc. 1° Isaïe serait seul mentionné parce qu’il était le plus célèbre et le plus ancien des deux prophètes ; 2° ou bien son nom représenterait le livre entier des prophéties de l’Ancien Testament, de même que le mot Psaumes servait parfois à désigner tous les Hagiographes ; 3° peut‑être est‑il mieux de dire que S. Marc use ici de la liberté que les écrivains de l’antiquité soit sacrée, soit profane, s’accordaient volontiers en fait de citations : « Comme Matthieu au chapitre 21, verset 5 n’attribue qu’au seul prophète Zacharie ce qu’Isaïe a dit lui aussi à 62, 11, et comme saint Paul dans le chapitre 9, et le verset 27 de la lettre aux Romains ne cite qu’Isaïe pour un texte qui se trouve aussi dans Osée 2, 2, de la même façon Marc se réfère à deux, mais ne nomme que le prophète Isaïe ». D’après un grand nombre de rationalistes, S. Marc aurait été mal servi par sa mémoire ; d’après Porphyre, il se serait rendu coupable d’une grossière maladresse en nommant un prophète pour un autre[Homilia de principio Evang. seç. Marc, inter opera saint Chrysost.]. — Voici que j’envoie… Nous avons vu dans le premier Évangile, Matth. 11, 10, Notre‑Seigneur appliquer lui‑même ces paroles de Malachie au saint Précurseur. — Mon ange, c’est‑à‑dire, d’après l’étymologie du mot ange, mon envoyé, mon messager. Jean‑Baptiste n’a‑t‑il pas été le vrai précurseur (litt. « celui qui court en avant ») de Jésus ?
Mc1.3 Une voix crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez ses sentiers. » — Voix de celui qui crie… Voir, l’explication de cette prophétie dans l’Évangile selon S. Matthieu, 3, 3. — Préparez le chemin. « Quand un homme de qualité doit traverser une ville ou un village, on envoie un messager pour avertir les habitants qu’ils aient à préparer la route et à attendre ses ordres. On voit aussitôt les gens se mettre à balayer les chemins, d’autres qui étendent leurs vêtements sur le sol, d’autres qui coupent des branches d’arbre pour établir des guirlandes et des arcs de verdure partout où le grand homme doit passer » [Joseph Roberts, Oriental illustrations of the sacred scriptures, p. 555.]. — L’association des textes de Malachie et d’Isaïe, telle que nous la trouvons ici, est une des particularités de S. Marc. Les deux autres synoptiques rattachent bien la seconde citation à l’apparition du Précurseur, cf. Matth. 3, 3 et Luc 3, 4‑5 ; mais ils réservent la première pour une circonstance beaucoup plus tardive. Cf. Matth. 11, 10, et Luc 7, 27. Autre différence : dans notre Évangile, c’est l’écrivain sacré qui signale en son propre nom le rapport qui existait entre Jean‑Baptiste et les prophéties de l’Ancien Testament ; dans les deux autres narrations, c’est Jésus d’une part qui se sert de la prophétie de Malachie pour faire l’éloge de son Précurseur, c’est d’autre part S. Jean qui se sert de la prédiction d’Isaïe pour s’humilier profondément.
Mc1.4 Jean parut, baptisant dans le désert, et prêchant le baptême de pénitence pour la rémission des péchés. — Jean était dans le désert. Voici l’ange annoncé par Malachie. La voix dont Isaïe avait parlé retentit enfin dans le désert. Dans le désert : l’Évangéliste appuie sur cette expression, pour montrer la réalisation parfaite de la prophétie qu’il vient de citer. C’était le désert de Juda (cf. Matth. 3, 1 et le commentaire), la contrée désolée qui avoisine la Mer Morte, et à laquelle les anciens Juifs avaient donné parfois le nom significatif de ישימון, l’horreur. Cf. 1 Samuel 23, 24. — Baptisant et prêchant. Nous avons, dans ces participes, l’indication des deux grands moyens par lesquels S. Jean accomplissait son rôle glorieux de Précurseur. 1° Il baptisait : il administrait, le plus souvent sur les rives du Jourdain, parfois en d’autres lieux, cf. Jean 3, 23, ce rite symbolique d’où lui est venu le surnom de Baptiste. Nous en avons expliqué la nature dans notre commentaire sur S. Matthieu, p. 70. 2° Il prêchait et, dans sa prédication, il recommandait vivement son baptême, autour duquel il groupait toutes les vérités qu’il annonçait, la nécessité de la pénitence, la rémission des péchés, l’avènement prochain du Christ (v. 8). — Le baptême de pénitence, c’est‑à‑dire « baptême dans la pénitence ». Ce nom, qu’on retrouve dans le troisième Évangile, Luc 3, 3, et au livre des Actes, 19, 4, détermine très bien le caractère du baptême de S. Jean : c’était un signe vivant de pénitence pour tous ceux qui le recevaient, car il leur montrait de la manière la plus expressive la nécessité où ils étaient de laver leurs âmes par le repentir, de même que leurs corps avaient été purifiés par l’eau dans laquelle ils s’étaient plongés. — Pour la rémission des péchés. Le baptême du Précurseur n’avait pas une vertu suffisante pour remettre de lui‑même les péchés, mais il disposait les cœurs à obtenir du Christ ce précieux résultat. — Sur le nom de S. Jean, voir l’Évangile selon S. Matthieu, 3, 1 ; sur l’époque de son apparition, Luc 3, 4 et les notes.
Mc1.5 Tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem venaient à lui et, confessant leurs péchés, ils recevaient de lui le baptême dans le fleuve du Jourdain. — Après avoir décrit d’une manière générale S. Jean et son ministère, l’Évangéliste donne quelques détails particuliers sur ses auditeurs, v. 5, sur sa vie mortifiée, v. 6, et sur sa prédication, vv. 7 et 8. Le tableau est concis, mais il est vigoureusement tracé, à la manière accoutumée de S. Marc. — Et tous… venaient à lui. C’est l’auditoire qui est d’abord mis sous nos yeux. Les épithètes tout, tous, bien qu’elles soient des hyperboles populaires, témoignent néanmoins d’un concours prodigieux, occasionné par un immense enthousiasme. La plupart des habitants de la Judée et de Jérusalem accouraient auprès du Précurseur. De fait, tout le pays, représenté par les différentes classes de la société, cf. Matth. 3, 7 ; Luc 3, 10‑14, se transportait sur les bords du Jourdain. — Et ils étaient baptisés. Touchés par la prédication de S. Jean, tous recevaient avec empressement son baptême : le texte grec le dit formellement, καὶ ἐϐαπτίζοντο πάντες ἐν τῷ Ιορδάνῃ. Ce πάντες représente le « tous » de notre texte latin. La Vulgate, guidée sans doute par d’anciens manuscrits, l’a rattaché aux « habitants de Jérusalem ». — Dans le fleuve du Jourdain. Un de ces petits traits à peine perceptibles par lesquels on reconnaît la destination d’un ouvrage. S. Matthieu, du moins d’après les meilleurs manuscrits, ne dit pas que le Jourdain est un fleuve : aucun de ses lecteurs Juifs ne pouvait l’ignorer. Au contraire, les païens convertis pour lesquels écrit S. Marc ne connaissaient pas la géographie de la Palestine ; de là cette désignation particulière. — Confessant leurs péchés. Voyez quelques détails sur cette confession dans l’Évangile selon S. Matthieu, 3, 6.
Mc1.6 Or, Jean était vêtu de poils de chameau, il avait autour de la taille une ceinture de cuir et se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Et il prêchait ainsi :… — En S. Jean, tout portait à la pénitence : son baptême, sa prédication, son aspect extérieur et sa vie. Nous trouvons ici des informations intéressantes sur ces deux dernier points. — Vêtu de poils… Pour l’aspect extérieur, le Baptiste ressemblait à Élie, son grand modèle : ils avaient l’un et l’autre le même costume, c’est‑à‑dire une tunique grossière de poils de chameau (עמר גמלים des Rabbins, litt. laine de chameaux) et une ceinture de peau pour la retrousser [cf. 2 Samuel 8, 8]. — De sauterelles et de miel sauvage. Jean ne soutenait sa vie qu’à l’aide des nourritures les plus rudimentaires : l’Évangéliste signale les deux principaux, les sauterelles et le miel sauvage, dont certains Bédouins nomades font encore aujourd’hui leur nourriture [cf. Matthieu 3, 4 et le commentaire].
Mc1.7 « Il vient après moi, celui qui est plus puissant que moi et je ne suis pas digne de délier, en me baissant, les cordons de sa sandale. — S. Marc résume en deux versets tout ce qu’il a jugé à propos de nous conserver sur la prédication du Précurseur. S’il est beaucoup moins complet là‑dessus que S. Matthieu, et surtout que S. Luc, il nous donne cependant une idée très exacte de ce qu’était l’enseignement de S. Jean‑Baptiste relativement à Jésus. La petite allocution qu’il cite contient trois idées : 1° Jean est le Précurseur de Jésus ; 2° Jean est bien inférieur à Jésus ; 3° le baptême de Jésus l’emportera de beaucoup sur celui de Jean. — Il vient après moi… C’est la première idée. Celui qui vient n’est pas nommé ; mais tout le monde comprenait sans peine qu’il s’agissait du Messie, du Messie qui était alors chez les Juifs l’objet de l’attente universelle. S. Jean, divinement éclairé, voit donc en esprit le Christ qui s’avance, qui est en chemin pour se manifester. — Celui qui est plus puissant. Le Baptiste joue sur les mots. Habituellement, le plus fort précède le plus faible ; le plus digne a le pas sur l’inférieur : ici, c’est le contraire qui a lieu. — Je ne suis pas digne… Seconde pensée. Jean a déjà dit que le grand personnage dont il annonce la venue est son supérieur (ὁ ἰσχυρότερός, remarquez cet article plein d’emphase) ; mais il veut appuyer davantage sur cette idée importante, afin qu’il n’y ait pas de méprise possible, et il l’exprime au moyen d’une très forte image, que nous avons expliquée dans nos notes sur Matth. 3.11. — De délier… la courroie. De même S. Luc, 3, 16, et S. Jean, 1, 27. S. Matthieu (3, 11) avait dit « porter » ; mais ce n’est là qu’une nuance insignifiante, car l’esclave chargé de porter les chaussures de son maître avait aussi pour fonction de les lui mettre et de les lui ôter, par conséquent d’attacher ou de délier les cordons qui servaient à les fixer aux pieds. — En me baissant. Détail graphique qu’on ne trouve que dans S. Marc ; c’est un de ces traits pittoresques qu’il a insérés en grand nombre dans son Évangile.
Mc1.8 Moi, je vous ai baptisés dans l’eau, mais lui vous baptisera dans le Saint-Esprit. » — Moi, je vous ai baptisés… Troisième idée, qui établit une comparaison entre les deux baptêmes, pour relever celui du Christ aux dépens de celui du Précurseur. Les particules μὲν, δὲ (« moi, lui ») du texte grec rendent l’antithèse plus frappante : il est vrai qu’elles manquent dans les manuscrits B, L, Sinait. — Dans l’Esprit‑Saint. Le Saint‑Esprit est comme le fleuve mystique et vivifiant dans lequel les chrétiens sont plongés au moment de leur baptême. S. Matthieu et S. Luc ajoutent « et dans le feu », mot important qui sert à mieux déterminer les effets supérieurs du baptême de Jésus. Ainsi donc, le Christ apportera au monde des bienfaits spirituels que le Précurseur était incapable de lui donner. — Quelle humilité dans S. Jean. Elle est au niveau de sa mortification. Rien de semblable n’avait été entendu depuis l’époque des Prophètes. Qui méritait mieux d’être, selon le langage de Tertullien, « le prédécesseur et le préparateur des voies du Seigneur » [Adversus Marcionem, 4, 33] ? Il est intéressant de rapprocher de la narration évangélique les lignes bien connues dans lesquelles l’historien Flavius Josèphe, décrit le portrait moral et le ministère de S. Jean‑Baptiste : « C’était un homme parfait, qui ordonnait aux Juifs de s’exercer à la vertu, à la justice les uns à l’égard des autres, à la piété envers Dieu, et de se réunir afin de recevoir le baptême. En effet, disait‑il, le baptême ne saurait être agréable à Dieu qu’à la condition qu’on évitera soigneusement tous les péchés. À quoi servirait‑il de purifier le corps, si l’âme n’était auparavant purifiée elle‑même par la justice ? Un immense concours se faisait autour de lui et la foule était avide de l’entendre » [Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, 18, 5, 2.].
1, 9‑11. Parall. Matth. 3, 13‑17 ; Luc 3, 21‑22.
Mc1.9 Or, il arriva en ces jours-là que Jésus vint de Nazareth, ville de Galilée et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain. — Or, il arriva... C’est la formule hébraïque ויהי, si fréquemment employée par les écrivains de l’Ancien Testament. Elle a ici un cachet tout à fait solennel, car elle introduit Notre‑Seigneur Jésus‑Christ sur la scène. — En ces jours‑là : autre tournure hébraïque, בימים־ההם, assez vague en elle‑même, mais qui est habituellement déterminée par le contexte. Dans ce passage, elle désigne l’époque de la prédication de S. Jean‑Baptiste dont il vient d’être question. C’est donc peu de temps après l’apparition de son Précurseur que Jésus commença lui‑même sa Vie publique. D’après Luc 3, 23, il avait alors environ trente ans, l’âge auquel les Lévites entraient en fonctions suivant la Loi juive, Nb 4.3. La 780e année depuis la fondation de Rome approchait de sa fin. — Nazareth, en Galilée. Tandis que les deux autres Synoptiques se contentent de mentionner ici la Galilée en général, S. Marc, en vertu de l’exactitude de détails qui le caractérise, nomme le lieu spécial d’où venait Jésus. Le Sauveur avait donc récemment quitté sa douce retraite de Nazareth, dans laquelle s’était écoulée toute sa Vie cachée. Sur cette bourgade privilégiée, voyez l’Évangile selon S. Matthieu, 2, 22. — Il fut baptisé. Notre Évangéliste omet le beau dialogue qui s’engagea entre le Baptiste et Jésus immédiatement avant l’administration du baptême, sur la signification duquel il jette de si vives lumières. (cf. Matth. 3, 13‑15 et le commentaire) ; il se borne à signaler simplement le fait. — Dans le Jourdain. Saint Jérôme raconte que, de son temps, un grand nombre de pieux croyants avaient la dévotion d’aller se faire baptiser dans les eaux du Jourdain : il leur semblait que leur régénération y serait plus entière [Saint Jérôme de Stridon, Onomasticon, s. v. Jordanis]. Aujourd’hui, les pèlerins aiment du moins se baigner dans le fleuve sacré ; c’est même pour les Grecs une cérémonie officielle, qui se renouvelle chaque année à la fête de Pâque au milieu d’un immense concours.
Mc1.10 Et, comme il sortait de l’eau, il vit les cieux s’ouvrir et l’Esprit-Saint descendre sur lui comme une colombe. 11 Et du ciel une voix se fit entendre : « Tu es mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute mon affection. » — Dans le récit des manifestations surnaturelles qui suivirent le baptême de Jésus, S. Marc ne diffère pas notablement de S. Matthieu. Il mentionne également trois prodiges, savoir : l’ouverture des cieux, la descente de l’Esprit‑Saint sous la forme visible d’une colombe, et la voix du Père céleste qui se fait entendre pour ratifier la filiation divine de Jésus [Voir l’explication de ces phénomènes dans l’Évangile selon S. Matthieu, 3, 16,17]. Mais, selon sa coutume, il a rendu sa narration pittoresque et vivante. C’est ainsi 1° qu’il nous montre Jésus, à l’instant même où il sortait du Jourdain, voyant de ses propres yeux les cieux qui s’ouvraient au‑dessus de lui : « comme il sortait… il vit » ; 2° qu’il emploie une expression vraiment plastique pour décrire ce premier phénomène : σχιζόμενους τοὺς οὐρανοὺς, littéralement, les cieux déchirés [Comparez Luc 5, 36 ; 23, 45 ; Jean 21, 11 ; Matth. 27, 51, où le verbe σχίζω est appliqué à un vêtement, un voile, un filet qui se déchirent, ou à un rocher qui se fend] ; 3° qu’il fait adresser la voix céleste directement à Jésus : « Tu es mon Fils… en toi… » Cf. Luc 3, 22. — M. Rohault de Fleury, dans ses belles Études iconographiques sur l’Évangile, reproduit un grand nombre de représentations artistiques relatives au baptême de Notre‑Seigneur, et datant des douze premiers siècles [Charles Rohault de Fleury, L’Évangile : Études iconographiques et archéologiques, Tours, 1874, t. 1, pp. 402 et ss.].
1, 12-13 ; Parall. Matth. 4 1‑11 ; Luc 4, 1‑13.
Mc1.12 Et aussitôt L’Esprit poussa Jésus au désert. — Voilà Jésus consacré Messie ; mais combien de sacrifices et d’humiliations lui vaudra ce rôle pourtant si glorieux. Le baptême d’eau, reçu dans le Jourdain, appelle le baptême de sang qui lui sera conféré sur le Calvaire. En attendant cette épreuve suprême du Golgotha, il y a l’épreuve préliminaire de la tentation qui, dans les trois premiers Évangiles, est étroitement unie au baptême du Sauveur. Mais nulle part la liaison n’est mieux marquée que dans notre Évangile : Et aussitôt. À peine baptisé, Jésus entre immédiatement en lutte avec Satan. Il était du reste très naturel que son premier acte, après avoir reçu l’onction messianique, consistât à combattre les puissances infernales, puisque tel était un des buts principaux de son Incarnation. Cf. 1 Jean 3, 8. Considérant le baptême du Jourdain comme une céleste armure dont Jésus avait été revêtu, S. Jean Chrysostome, crie à ce divin Capitaine : « Allez donc car si vous avez pris les armes, ce n’est pas pour vous reposer, mais pour combattre » [Homilia 13 in Matthieu.] . — L’adverbe « aussitôt », que nous venons de rencontrer déjà pour la seconde fois (cf. v. 40), est, comme nous l’avons vu dans la Préface, § 7, la formule favorite de S. Marc pour passer d’un fait à un autre : nous la retrouverons à chaque instant. Elle communique à sa narration beaucoup de vie et de rapidité. — L’Esprit le poussa. Quel profond mystère. C’est l’Esprit Saint lui‑même qui conduit Jésus en face de son adversaire. S. Matthieu et S. Luc avaient employé des expressions bien fortes pour représenter cette action du divin Esprit : « Jésus fut conduit dans le désert », avait dit le premier ; « Jésus fut poussé dans le désert », avait écrit le second ; mais le verbe έχϐάλλει (litt. fut expulsé) [au présent, temps aimé de S. Marc, cf. la Préface, loc. cit.] que nous lisons ici, a une énergie plus grande encore. « Les trois évangélistes disent la même chose. Mais Marc s’exprime avec plus d’efficacité… Le temps présent a aussi plus de force, et place plus la chose devant les yeux » [Juan Maldonat, Commentarii in quatuor Evangelistas, Marc, h. l.]. Jésus est donc pour ainsi dire chassé violemment dans le désert. — Quelques exégètes peu éclairés, où désireux de mettre S. Marc en contradiction avec S. Matthieu et avec S. Luc, supposent que « Esprit » désigne ici l’esprit mauvais. C’est un grossier contre sens. — Dans le désert. Selon toute probabilité, c’est dans le désert de la Quarantaine qu’eut lieu la tentation du Christ. Voir l’Évangile selon S. Matthieu, 4, 1.
Mc1.13 Et il y demeura quarante jours, tenté par Satan, il était parmi les bêtes sauvages et les anges le servaient. — Il y demeura... S. Marc est obscur dans ce verset, parce qu’il a voulu trop abréger. Heureusement, nous avons deux autres récits pour éclaircir et pour compléter le sien. S. Matthieu et S. Luc nous apprennent que Jésus, à peine arrivé dans le désert, se livra à un jeûne rigoureux qui ne dura pas moins de quarante jours consécutifs, qu’ensuite le Sauveur fut attaqué à trois reprises par l’esprit tentateur, mais qu’il repoussa victorieusement ce triple assaut du démon. Au lieu de ces détails intéressants, nous ne trouvons dans le second Évangile qu’une phrase assez vague : Il était tenté par Satan. Quel est le sens de cet imparfait, ou du participe présent qui lui correspond dans le texte grec (πειραζόμενος) ? Ne dirait‑on pas que, d’après S. Marc, Jésus fut tenté pendant tout le temps de son séjour au désert ? seulement, que la tentation eut vers la fin des paroxysmes plus violents ? Divers commentateurs l’ont pensé, entre autres saint Augustin [De Consensu Evangelistarum, l. 2, c. 16.], et Luc de Bruges. « Ces mots nous font comprendre que Jésus n’a pas été tenté par Satan uniquement à la fin de son jeûne, mais qu’il l’a été fréquemment et diversement pendant toute sa durée ». À première vue, la narration de Luc 4,2 et ss. (voir le commentaire), paraît favoriser ce sentiment. Néanmoins, la plupart des exégètes ont toujours enseigné que telle n’est pas la véritable interprétation, mais qu’on doit ramener les récits du second et du troisième Évangile à celui de S. Matthieu, qui est le plus clair des trois. Or, le premier Évangéliste suppose formellement que la tentation ne commença qu’après les quarante jours de jeûne et de retraite : « lorsqu’il eut jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim… Et le tentateur, s’approchant, lui dit… », Matth. 3, 2‑3. — Il était avec les bêtes sauvages. Malgré sa brièveté extraordinaire en ce passage, S. Marc a su pourtant nous apprendre deux choses nouvelles : la première consiste dans le nom de Satan, que nous lisions un peu plus haut, et qui est plus expressif que le « diable » des autres narrateurs ; nous trouvons la seconde ici même. Toutefois, ce trait pittoresque et vraiment digne du second Évangile devait être, malgré son apparente simplicité, une pomme de discorde pour les commentateurs. Combien d’opinion diverses n’a‑t‑il pas suscitées. 1° D’après les uns, il exprimerait les dangers extérieurs que courait le divin Maître : si le démon tentait son âme, les bêtes féroces étaient là, menaçantes pour son corps. 2° Suivant les autres, ce ne serait pas une réalité, mais un pur symbole : les animaux du désert, qui sont censés entourer Jésus, figurent les passions et la concupiscence d’où provient habituellement la tentation. 3° D’autres voient dans ce curieux détail l’expression d’un type : S. Marc, en le notant, voulait établir un rapprochement entre le second Adam et le premier ; montrer Jésus, même après la chute, entouré de bêtes sauvages qui ne lui nuisent pas, comme autrefois le père de l’humanité dans le paradis terrestre. 4° On admet plus communément, à la suite de Théophylacte et d’Euthymius, que c’est là un trait destiné à bien mettre en relief le caractère tout à fait sauvage du désert où résidait alors Jésus. Voyez aussi la description du désert de la Quarantaine dans l’Évangile selon S. Matthieu, 4, 1. Telle est, croyons‑nous, la véritable interprétation. Ces animaux du désert étaient alors, comme aujourd’hui, les panthères, les hyènes, les ours et les chacals : plus d’un voyageur les a rencontrés ou a entendu leurs cris dans ces parages. — Les anges le servaient. Les anges aussi sont aux côtés de Jésus, pour le servir comme leur Prince vénéré. Quelle étrange réunion autour du divin Maître. Satan, les bêtes fauves, les esprits célestes, c’est‑à‑dire l’enfer, la terre et le ciel. Il y a là de frappants contrastes, qui sont d’ailleurs très nettement marqués par S. Marc. Le v. 15 se compose en effet de deux phrases parallèles, ayant chacune deux membres qui se correspondent exactement, énonçant des idées d’abord connexes, puis opposées : Jésus était dans le désert et tenté par Satan ; il était avec les bêtes et servi par les anges. — Quoique la pensée exprimée par le verbe « servir » soit des plus simples, elle a été mal comprise et défigurée par plusieurs écrivains protestants, qui donnent aux anges la singulière mission de protéger Notre‑Seigneur contre les attaques des animaux sauvages. Lightfoot aussi est tombé dans l’erreur quand il a regardé la présence des anges comme un second genre de tentation pour le Christ : d’après lui, le démon se serait dissimulé sous la forme angélique afin de mieux réussir à tromper et à vaincre Jésus. — Tel est donc le récit de la tentation du Christ d’après S. Marc : nous y voyons un remarquable exemple de l’indépendance des Évangélistes en tant qu’écrivains.
1, 14‑15 ; parall. Matth. 4, 12 ; Luc 4, 14‑15.
Mc1.14 Après que Jean eut été mis en prison, Jésus vint en Galilée, prêchant l’Évangile du royaume de Dieu. — Après que Jean eut été mis en prison. Voyez l’Évangile selon S. Matthieu, 4, 12. Nous trouverons plus loin, Marc 4, 17‑20, les détails de cet emprisonnement sacrilège. — Les évangélistes synoptiques sont unanimes pour rattacher l’activité messianique de Jésus à ce fait important, comme aussi pour en fixer le premier théâtre en Galilée. Le ministère auquel Notre‑Seigneur s’était livré en Judée d’après Jean 3, 22, presque aussitôt après son baptême, doit être simplement envisagé comme une œuvre de préparation et de transition. En réalité, la Vie publique ne s’ouvre qu’au moment de l’arrestation du Précurseur, c’est‑à‑dire lorsque le héraut se retire pour faire place à son Maître. — Jésus vint en Galilée. La Galilée était la plus au nord des trois provinces palestiniennes situées à l’Ouest du Jourdain. De magnifiques promesses lui avaient été autrefois adressées au nom de Dieu, cf. Es 8, 22 ; 9,9, et Matth. 4, 14‑16 ; Jésus vient actuellement les accomplir. Au reste, la Judée était alors peu disposée à recevoir l’Évangile : le Sauveur n’y trouvait presque personne à qui il pût se fier. Cf. Jean 2, 24. La Galilée au contraire était un terrain fécond, sur lequel la bonne semence devait promptement germer et abondamment fructifier, comme nous le montrera la suite du récit. — Prêchant l’Évangile du royaume de Dieu. Le mot « royaume », qui fait défaut dans les manuscrits B, L, Sinait., etc., dans Origène, dans les versions copte, arménienne et syriaque, est regardé par les meilleurs critiques comme une interpolation. La leçon primitive aurait donc été « l’Évangile de Dieu », et « de Dieu » indiquerait la provenance, pour signifier : l’Évangile dont Dieu est l’auteur. Peu importe du reste ; le sens est le même en toute hypothèse. — Voilà Jésus prêchant l’Évangile. Comme la « bonne nouvelle » était bien placée sur ses lèvres divines.
Mc1.15 Il disait : « Le temps est accompli et le royaume de Dieu est proche, repentez-vous et croyez à l’Évangile. » — Il disait. S. Marc donne à ses lecteurs un résumé vraiment saisissant de la prédication du Sauveur. Son style est ici rythmé, cadencé à la façon orientale, plus encore qu’au v. 13. Nous avons de nouveau deux phrases composées chacune de deux propositions : Le temps est accompli
et le royaume de Dieu est proche. Faites pénitence et croyez à l’Évangile.
La première phrase indique ce que Dieu a daigné faire pour le salut des hommes ; la seconde, ce que les hommes doivent faire à leur tour pour s’approprier le salut messianique. — 1° L’œuvre de Dieu. Le temps est accompli. « Le temps », en grec ὁ καιρὸς, le temps par antonomase, c’est‑à‑dire l’époque désignée de toute éternité pour l’accomplissement des divins décrets relatifs à la rédemption de l’humanité. « Est accompli » : la plénitude des temps est arrivée, s’écriera plus tard saint Paul à deux reprises, Galates 4, 4 et Éphésiens 1,10 ; les longs jours d’attente (cf. Gn 49,10) qui devaient précéder la manifestation du Christ sont enfin passés. Quelle nouvelle. Et c’est le Messie lui‑même qui l’apporte. Mais qui mieux que lui pouvait dire : Les temps sont accomplis. — Le royaume de Dieu est proche. Le royaume de Dieu, c’est le royaume messianique dans toute son étendue. Expression consacrée, dont nous avons expliqué l’origine et le sens dans notre Commentaire sur S. Matthieu, 3, 2. — 2° L’œuvre de l’homme, ou conditions d’entrée dans le royaume des cieux. Faites pénitence. On ne pensait guère alors à réaliser cette première condition, quoique le souvenir et le désir du Messie fussent dans tous les cœurs et sur toutes les lèvres. — Seconde condition : Croyez à l’Évangile. Le grec est beaucoup plus énergique ; il dit littéralement : Croyez dans l’Évangile. L’Évangile est pour ainsi dire l’élément dans lequel la foi devra naître et grandir ; la base sur laquelle elle devra s’appuyer. Cf. Éphésiens 1, 1. Cette foi que Jésus exige rigoureusement des siens n’est donc pas un sentiment vague et général : son objet spécial, l’Évangile, par conséquent tout ce qui concerne la personne et l’enseignement de Notre‑Seigneur, est déterminé de la façon la plus nette. — Tout le « programme » de Jésus est contenu dans ces quelques paroles. On y voit en premier lieu sa doctrine touchent l’ancienne Alliance : les prophéties de l’Ancien Testament sont accomplies. On y voit ensuite l’idée fondamentale du Christianisme : le royaume de Dieu avec tout ce qu’il renferme. On y voit enfin les conditions préliminaires du salut : la pénitence et la foi.
1, 16-20. Parall. Matth. 4, 18‑22 ; Luc 5, 1‑11.
Mc1.16 Passant le long de la mer de Galilée, il vit Simon et André son frère qui jetaient leurs filets dans la mer, car ils étaient pêcheurs. — Dans cette narration, qui nous révèle la puissance de Jésus sur les volontés et sur les âmes, S. Marc diffère à peine de S. Matthieu. Nous avons pourtant à signaler plusieurs traits caractéristiques, qui prouveront de nouveau l’indépendance des écrivains sacrés. — Passant : expression pittoresque, spéciale à notre Évangéliste. — Le long de la mer de Galilée. Le divin Maître a quitté Nazareth pour venir se fixer à Capharnaüm, cf. Matth. 4,13‑18 ; Luc 4, 31 ; 5, 16, sur les bords du lac si charmant de Tibériade, que nous avons décrit en expliquant le premier Évangile, Matth. 4, 13. Il est seul encore ; mais voici qu’il veut attacher définitivement à sa personne quelques disciples avec lesquels il a eu, vers l’époque de son baptême, des relations assez étroites, quoique temporaires, Jean 1, 35 et ss. Ils deviendront ses quatre principaux Apôtres. — Simon et André. S. Matthieu et S. Luc, dans les passages parallèles, ajoutent au nom de Simon l’épithète de Pierre. S. Marc est le seul à ne pas mentionner ce surnom. Nous avons vu dans la Préface, § 4, 4, que ses rapports intimes avec le Prince des Apôtres ont visiblement influé sur sa narration toutes les fois qu’elle touche à ce saint personnage : tantôt elle est plus complète, tantôt elle est moins précise que les autres récits évangéliques, selon les circonstances. — Qui jetaient leurs filets. Le grec détermine mieux la nature du filet dont se servaient alors les deux frères : c’est l’épervier, le filet que l’on jette, et qui, lorsqu’il est adroitement lancé par dessus l’épaule, soit du rivage, soit du bateau, retombe circulairement sur l’eau, et alors, s’enfonçant rapidement par le poids des plombs qui y sont attachés, enveloppe tout ce qui est au‑dessous de lui ». — Dans la mer. Le lac de Tibériade a toujours passé pour être un des plus poissonneux du monde.
Mc1.17 Jésus leur dit : « Venez à ma suite et je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes. » — Prenant l’humble profession de Pierre et d’André pour point de départ, Jésus les appelle à de sublimes destinées, qui ne seront pas sans analogie, leur dit‑il, avec leur métier de pêcheurs. Ils seront désormais pêcheurs d’hommes. Voir sur cette expression l’Évangile selon S. Matthieu, 4, 19. C’est ainsi que, dans le langage figuré du Sauveur, tout devient signe ou symbole de ce qui aura lieu dans son royaume.
Mc1.18 Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent. — Ce verset raconte la prompte obéissance des deux frères. S. Marc ne pouvait manquer d’employer ici son adverbe favori εὐθὺς (aussitôt). Cf. v. 20.
Mc1.19 Un peu plus loin, il vit Jacques, fils de Zébédée et Jean son frère, qui étaient eux aussi, dans une barque, réparant leurs filets. 20 Il les appela aussitôt et, laissant leur père Zébédée dans la barque avec les ouvriers, ils le suivirent. — À quelque distance de là (« un peu », est une particularité de S. Marc), une scène identique se renouvelle pour un autre couple de frères, S. Jacques et S. Jean. — Raccommodant leurs filets. Cf. Matth. 4, 21. Tandis que les fils de Jona étaient occupés à jeter leurs filets dans le lac, ceux de Zébédée raccommodaient les leurs dans la barque de leur père. Ils étaient les uns et les autres dans le plein exercice de leur métier. — Et ayant laissé leur père. Sacrifice aussi rapide et plus généreux encore, en un sens, que celui de Pierre et d’André ; car ceux‑ci n’avaient pas eu à quitter un père bien‑aimé ; rien du moins ne l’indique dans le récit. — Avec les ouvriers. S. Marc a seul mentionné cette circonstance qui, bien qu’elle semble insignifiante à première vue, a pour nous en réalité un grand intérêt : soit parce qu’elle prouve que Zébédée vivait dans une certaine aisance, puisqu’il faisait la pêche plus en grand ; soit surtout, comme beaucoup d’exégètes aiment à le dire, parce qu’elle nous montre que Jacques et Jean pouvaient se séparer de leur père sans blesser la piété filiale, attendu qu’ils ne le laissaient pas complètement seul. L’Évangéliste aurait donc noté ce détail pour adoucir ce que l’acte de Jésus ou des deux fils semblerait avoir de dur envers un père. Plus tard, probablement après la mort de Zébédée, nous verrons Salomé, mère des Fils du tonnerre, s’attacher elle‑même à Jésus. Cf. Matth. 20, 20 et ss. — Voilà donc quatre Apôtres conquis en un seul jour par le divin Maître. Jésus est véritablement le Roi des cœurs.
1, 21-28.Parall. Luc 4, 31‑37.
Mc1.21 Ils se rendirent à Capharnaüm et dès le premier sabbat, Jésus entrant dans la synagogue, se mit à enseigner. — Ils entrèrent dans Capharnaüm. Cette ville était située auprès du lac de Tibériade, et c’est dans son voisinage qu’avait eu lieu l’appel des quatre premiers Apôtres. Jésus y entre, suivi de ses heureux élus : Capharnaüm eut ainsi l’honneur de posséder immédiatement dans ses murs les prémices de la société chrétienne. — Aussitôt, le jour du sabbat. L’adverbe aussitôt ne signifie pas que l’entrée de la petite troupe dans la ville eut lieu en un jour de sabbat, mais seulement que Jésus profita du sabbat le plus prochain pour faire entendre la prédication messianique aux habitants de Capharnaüm. « du sabbat », quoique au pluriel dans le grec, a le sens du singulier. Voyez Matth. 12, 1 et l’explication. Toutefois, il est bien évident que l’Évangéliste ne veut pas exclure les sabbats suivants, du moins pour ce qui regarde l’enseignement public de Jésus dans les synagogues ; car ce fut à partir de ce moment une coutume régulière pour Notre‑Seigneur de prêcher le samedi dans les maisons de prière des Juifs. — Entrant dans la synagogue. C’était donc tout ensemble aux jours saints et dans les lieux saints que Jésus faisait entendre la divine parole : de même aujourd’hui les prédicateurs de l’Évangile. Sur les synagogues, voyez l’Évangile selon S. Matthieu, 4, 23. — Il les instruisait. « les » désigne les Juifs. On rencontre souvent, dans les écrits du Nouveau Testament, des pronoms employés de cette façon irrégulière et ne retombant sur aucun des substantifs qui précèdent. Nous en avons vu dans Matth. 4,23, un frappant exemple. — Quoique Jésus ne fût pas un Docteur attitré, il n’est pas surprenant qu’il pût ainsi prêcher librement dans les synagogues. Les Juifs laissaient sous ce rapport à leurs coreligionnaires une assez grande latitude : les étrangers, les personnes pieuses ou instruites, étaient même fréquemment invités à édifier les assemblées par quelques bonnes paroles. Cf. Actes 12, 45.
Mc1.22 Et ils étaient frappés de sa doctrine, car il les enseignait comme ayant autorité et non comme les Scribes.— Ils étaient frappés de sa doctrine. S. Marc indique ici l’effet causé par la prédication du Sauveur et le motif qui le produisait. Les auditeurs étaient vivement impressionnés. Toutefois, leur étonnement n’avait rien d’extraordinaire, ajoutent de concert les deux Évangélistes (cf. Luc 4, 32), car il enseignait avec autorité. — Comme ayant autorité. C’est le Verbe divin, la Sagesse incarnée qui parle, c’est le Législateur céleste qui interprète ses propres lois. Comment Jésus n’aurait‑il pas trouvé le chemin des esprits et des cœurs ? Ses ennemis eux‑mêmes seront obligés d’avouer que « jamais homme n’a parlé comme cet homme ». Ses paroles pleines de vigueur, de vérité, de grâce, convainquaient la raison et touchaient la volonté ; elles éveillaient le repentir, la frayeur et l’amour. En même temps, elles donnaient la force de rechercher ce qu’on devait aimer, de fuir ce qu’on devait craindre, de quitter ce qu’on aurait pu regretter. Voir les idées générales que nous avons exposées dans notre Commentaire sur S. Matthieu, touchant l’éloquence de Jésus‑Christ. — Et non pas comme les scribes. Quelle différence profonde entre la méthode du Sauveur et celle de ces Légistes officiels. Ces derniers n’étaient que les organes impersonnels de la tradition, et d’une tradition toute humaine : leur enseignement était froid, compassé, sans vie, aussi bien pour le fond que pour la forme. Qu’on lise de suite, si on le peut, quatre pages du Talmud, et l’on aura une juste idée de la prédication des Scribes. Le peuple est donc justement ravi dès qu’il a entendu Jésus : c’est un genre entièrement nouveau, approprié d’une façon admirable à ses besoins ; aussi ne peut‑il se lasser de l’entendre. Comparez Matth. 7, 28, 29. Quel éloge parfait pour Jésus orateur, dans les trois lignes de ce verset.
Mc1.23 Or il se trouva dans leur synagogue un homme possédé d’un esprit impur, qui s’écria : — Or, il y avait dans leur synagogue. Mais, voici un autre fait qui va redoubler, à un nouveau point de vue, l’admiration des habitants de Capharnaüm : c’est la guérison miraculeuse d’un de ces cas funestes, alors si nombreux en Palestine, connus sous le nom de possession. Le divin Orateur se transforme en Thaumaturge, et il montre qu’il est supérieur aux démons les plus puissants. — Sur les démoniaques, voyez l’Évangile selon S. Matthieu ; sur les miracles de Jésus en général, ibid. — Un homme possédé d’un esprit impur. « Possédé », c’est‑à‑dire « au pouvoir de » ; cette locution expressive indique la puissance du démon sur le possédé, l’absorption de celui‑ci par celui‑là. Le démoniaque était comme plongé dans l’influence satanique. Comparez le nom grec d’énergumène (ἐνεργούμένος) qui désigne une personne contrôlée par une autre. L’épithète « impur, immonde » est accolée vingt fois environ dans l’Évangile au nom des esprit mauvais. C’est une expression technique, empruntée au langage liturgique des Juifs, qui nommaient impur tout ce dont ils devaient éviter le contact. Qu’y a‑t‑il en effet de plus immonde que les mauvais anges ? Leur désobéissance envers Dieu les a profondément souillés ; ils se sont depuis endurcis dans leur malice, et ils ne songent qu’à profaner les hommes en les portant au péché. — Nous ne devons pas être trop surpris de trouver un démoniaque dans la synagogue de Capharnaüm : quand les possédés étaient calmes, on ne leur interdisait pas l’entrée des lieux de prière. — Au figuré, le démon avait pénétré dans la synagogue, c’est‑à‑dire dans le Judaïsme ; Jésus vient pour le chasser. Hélas. il restera quand même, par suite de l’endurcissement de la majorité des chefs du peuple Juif.
Mc1.24 « Qu’avons-nous à faire avec vous, Jésus de Nazareth ? Vous êtes venu pour nous perdre. Je sais qui vous êtes, le Saint de Dieu. » — Nous trouvons dans les versets 24‑26 des détails dramatiques sur ce premier des prodiges de Jésus racontés par S. Marc. L’Évangéliste communique successivement à ses lecteurs les paroles au démoniaque, v. 24, le commandement de Jésus, v. 25, et le résultat de ce commandement, v. 26. — 1° Le démoniaque, ou plutôt le démon par son intermédiaire, exprime trois idées de la plus parfaite vérité. Première idée : Qu’y a‑t‑il entre nous et vous ? Il n’y a rien de commun entre Jésus et le démon. La locution que le possédé emploie pour exprimer cette pensée (cf. Matth. 8, 29) dénote une séparation entière de vie et de nature, une complète opposition d’intérêts et de tendances ; cf. 2 Corinthiens 6, 14,15. Le pluriel « nous » désigne la solidarité qui existe entre tous les esprits mauvais : actuellement, c’est au nom de toute l’armée satanique que le démoniaque parle à Jésus. — Jésus de Nazareth : telle était déjà, aux premiers temps de la Vie publique du Sauveur, sa dénomination courante et populaire. Quelques commentateurs supposent, mais sans raison suffisante, que le démon l’emploie ici avec un sentiment de dédain. — Deuxième idée : Êtes‑vous venu pour nous perdre ? L’esprit mauvais ne pouvait pas mieux caractériser l’objet de la mission de Notre‑Seigneur : Jésus est venu pour écraser la tête de l’antique serpent, pour ruiner l’empire de Satan sur la terre. Remarquons que le Sauveur n’a encore rien dit au possédé : sa seule présence suffit néanmoins pour faire trembler le démon qui prévoit sa prochaine défaite. — Troisième idée : Jésus est le Messie promis ; Je sais que vous êtes…, s’écrie le démoniaque avec emphase : le baptême et la tentation ont révélé aux démons le caractère messianique de Jésus. — …le saint de Dieu, le Saint par antonomase, comme le font justement observer les exégètes grecs, Victor d’Antioche, Théophylacte et Euthymius. Ce titre, d’après plusieurs passages de l’Ancien Testament, Psaume 15, 10 ; Daniel 9, 24, équivaut à celui de Messie. Tertullien et d’autres exégètes à sa suite ont pensé que le démon l’adressait à Jésus par flatterie : il est préférable de croire qu’il le lui donne en toute sincérité, quoique malgré lui, Dieu permettant que l’enfer même rendît témoignage à son Christ.
Mc1.25 Mais Jésus, lui parlant avec menace : « Tais-toi, dit-il et sors de cet homme. » — 2° Le commandement de Jésus. Jésus le menaça. Les Évangélistes semblent avoir affectionné cette expression ; cf. Matth. 8, 26 ; 16, 22 ; 17, 18 ; 19, 13 ; Marc 4, 29 ; 8, 31 ; 9, 25 ; 10, 13 ; Luc 4, 39 ; 9, 55 ; 18, 15 ; etc. Elle convenait d’ailleurs parfaitement à la dignité et à la toute‑puissance de Jésus, car elle suppose un ordre absolu, qui n’admet ni la résistance ni même une simple réplique. — Tais‑toi ; littéralement, d’après le grec : Sois muselé. C’est la première partie du commandement. Notre‑Seigneur commence par imposer silence à l’esprit immonde : il ne veut pas qu’il y ait de relations entre le royaume messianique et l’empire des ténèbres. De plus, il y aurait des inconvénients à ce que son caractère fût ainsi divulgué ; aussi verrons‑nous le divin Maître défendre habituellement aux malades guéris par lui de proclamer ses prodiges et sa dignité. — Seconde partie de l’ordre : Sors de cet homme. Jésus a pitié du pauvre démoniaque, et il expulse de lui l’esprit qui le possède.
Mc1.26 Et l’esprit impur, l’agitant violemment, sortit de lui en jetant un grand cri. — 3° Nous voyons ici l’admirable et prompt résultat du commandement du Sauveur. Toutefois, avant de quitter un séjour qui lui était cher, le démon manifeste sa rage de plusieurs manières. — L’agitant avec violence. Il tourmente une dernière fois le possédé, en le faisant entrer dans de violentes convulsions : c’est le trait du Parthe, trait impuissant toutefois, ajoute S. Luc, 4, 35. S. Grégoire, fait sur ce point de belles réflexions morales : « Dès que l’âme qui savourait les biens terrestres commence à aimer les célestes, l’antique adversaire lui présente des tentations plus violentes et plus subtiles qu’à l’accoutumée. Et ainsi, la plupart du temps, il tente une âme qui lui résiste comme il ne l’avait jamais tentée avant, quand il la possédait. Voilà pourquoi le démoniaque qui avait été libéré par le Seigneur est mis en pièces par le démon sortant » [Saint Grégoire, Homilia 4 in Ezechiel.]. — Poussant un grand cri. Le démon pousse un cri de rage et de désespoir. Mais rien n’y fait : il est obligé de fuir et de se précipiter en enfer. — Aucun Évangéliste ne raconte autant de guérisons de démoniaques que S. Marc. Il aime à représenter Notre‑Seigneur comme le vainqueur suprême des Esprits infernaux.
Mc1.27 Tous furent saisis d’étonnement, de sorte qu’ils se demandaient entre eux : « Qu’est-ce que ceci ? Quelle est cette doctrine nouvelle ? Car il commande en maître, même aux esprits impurs et ils lui obéissent. » — Les versets 27‑28 décrivent l’impression profonde que produisit ce miracle soit sur ses témoins immédiats. v. 27, soit dans toute la province de Galilée, v. 28. — Tous furent dans l’admiration. D’après le texte grec, le sentiment qui saisit immédiatement l’assemblée fut l’effroi (mot rare, dans le Nouveau Testament), plutôt que l’admiration. À la suite de cette manifestation surnaturelle, tous les assistants furent en proie à une sainte frayeur. Ils se communiquèrent alors mutuellement leurs pensées. — Qu’est‑ce que ceci ? De mémoire d’homme on n’avait rien vu de semblable ; de là cette première exclamation générale. — Quelle est cette nouvelle doctrine ? L’assistance spécifie ensuite les points qui excitaient le plus son étonnement. C’était d’abord la doctrine attestée par de pareils prodiges : chacun venait de l’entendre et avait pu se convaincre de sa nouveauté, cf. v. 22 ; mais elle avait spécialement cela de nouveau qu’elle s’appuyait sur des miracles de premier ordre. Ce n’étaient pas les Scribes qui auraient pu offrir rien de semblable. — Il commande avec autorité. On admirait en second lieu la puissance merveilleuse de Jésus. Un mot de lui avait produit sur‑le‑champ le résultat le plus frappant. — Même aux esprits impurs… Cette puissance s’était en effet exercée dans les conditions les plus difficiles : Jésus avait montré qu’il était supérieur même aux démons. Il y a une grande, force dans ce « même ». — Actuellement, on admire donc Jésus à cause de sa prédication nouvelle et de son empire irrésistible sur les esprits mauvais. Bientôt, quand les cœurs se seront retournés contre lui, on tirera de ces deux faits les griefs les plus graves pour les lui jeter à la face.
Mc1.28 Et sa renommée se répandit aussitôt dans toute la région de la Galilée. — Le bruit de ce miracle se répandit d’abord dans la ville de Capharnaüm, et de là il fit rapidement (aussitôt est emphatique dans ce passage) le tour de toute la Galilée. — Plusieurs commentateurs supposent à tort que les mots « le pays de Galilée » désignent les provinces voisines de la Galilée.
1, 29-34. Parall. Matth. 8, 14‑17 ; Luc 4, 38‑41.
Mc1.29 En sortant de la synagogue, ils allèrent aussitôt dans la maison de Simon et d’André, avec Jacques et Jean. — Aussitôt. S. Luc, comme S. Marc, rattache très étroitement ce miracle à la guérison du démoniaque : il y eut donc une connexion historique réelle entre les deux prodiges. Les récits des Synoptiques sont ici les mêmes quant à la substance ; ils ne varient guère que dans l’expression. Notre Évangéliste a cependant le mérite d’être le plus précis pour la plupart des détails. Tout est pris sur le vif dans son récit : on devine à quelle source il avait puisé. — Sortant de la synagogue. Aussitôt après le miracle raconté au v. 26, Jésus sortit de la Synagogue avec ses quatre disciples, et ils vinrent ensemble dans la maison de Pierre et d’André. S. Marc est le seul à mentionner en termes exprès S. André, S. Jacques et S. Jean.
Mc1.30 Or, la belle-mère de Simon était au lit, ayant la fièvre, aussitôt ils parlèrent d’elle à Jésus. — La belle‑mère de Simon était couchée. Pierre semble avoir ignoré cet accident, qui avait pu, du reste, survenir d’une manière très rapide pendant son absence des jours précédents. Cf. les vv. 16 et 21. Heureusement, Jésus est là pour consoler cette famille éplorée. — Sur la belle‑mère et la femme de S. Pierre, voyez l’Évangile selon S. Matthieu, 8, 14. [Cf. Eusèbe de Césarée, Historia Ecclesiastica, 3, 30.]. — Ils parlèrent d’elle. Expression délicate. On dit simplement au bon Maître que la belle‑mère de son disciple est malade ; on sait que sa miséricorde et sa puissance feront le reste. Les sœurs de Lazare se contenteront aussi de faire dire à Jésus : Seigneur, celui que vous aimez est malade.
Mc1.31 Il s’approcha et la fit lever, en la prenant par la main, au même instant la fièvre la quitta et elle se mit à les servir. — La confiance n’avait pas été vaine, car le Sauveur guérit sur‑le‑champ la malade. S. Marc raconte le prodige de la façon la plus graphique : chacun des gestes de Jésus est décrit dans sa narration. Il s’approche du lit de la malade ; Il la prend par la main ; Il la soulève doucement. À son divin contact, le mal disparaît instantanément (c’est le troisième « aussitôt » depuis le v. 29.) et la guérison est si décisive, que celle qui gisait naguère sur son lit de souffrance peut se lever aussitôt et vaquer à ses fonctions de maîtresse de maison. — Elle les servait. Le verbe « servir » signifie en cet endroit servir à table. Cf. Matth. 4, 11 et le Commentaire. Il s’agit du repas joyeux et solennel qui termine chez les Juifs la journée du Sabbat [Voyez Flavius Josèphe, Vita, § 54.]. La belle‑mère de S. Pierre, rendue complètement à la santé, eut assez de force pour le préparer elle‑même. Puissions‑nous, disent les moralistes, quand Dieu a guéri miséricordieusement les maladies de notre âme, employer de même notre vigueur spirituelle à servir le Christ et ses membres.
Mc1.32 Sur le soir, après le coucher du soleil, ils lui amenèrent tous les malades et les démoniaques, — Sur le soir. Ce miracle en amena un grand nombre d’autres, qui occupèrent Jésus une partie de la nuit. Quelle douce soirée pour lui et pour les habitants de Capharnaüm. Mais, par suite d’un respect exagéré pour le repos du Sabbat, cf. Marc 3, 1 et suiv., on ne conduisit les malades et les possédés au Sauveur qu’après le coucher du soleil, le saint jour ne finissant, d’après le rituel juif, qu’au moment où cet astre disparaissait au dessous de l’horizon.
Mc1.33 et toute la ville se pressait devant la porte. — Et toute la ville… Trait pittoresque, spécial à S. Marc : on voit qu’un témoin oculaire le lui avait communiqué. Voilà donc toute la ville qui assiège en quelque sorte l’humble maison de S. Pierre. Les mots devant la porte désignent en effet le lieu où se trouvait alors Jésus et pas, comme on l’a dit quelquefois, la porte de la cité. — Cet émoi se comprend sans peine. Notre‑Seigneur avait opéré ce jour‑là même deux grands miracles à Capharnaüm : le bruit s’en était promptement répandu, et chacun voulait profiter de la présence du Thaumaturge pour la guérison de ses infirmes.
Mc1.34 Il guérit beaucoup de malades affligés de diverses infirmités et il chassa beaucoup de démons, mais il ne leur permettait pas de parler, parce qu’ils le connaissaient. — Il guérit beaucoup… il chassa beaucoup… Est‑ce à dire que Jésus aurait fait un choix parmi les malades et parmi les possédés ? Qu’il aurait guéri les uns et pas les autres ? Des exégètes anciens et modernes l’ont pensé : « Pourquoi n’a‑t‑il pas dit : et il les guérit tous, mais beaucoup ? Probablement parce que l’infidélité empêchait certains d’être guéris » . La foi aurait donc manqué à un certain nombre des personnes présentées à Jésus ; ou bien, a‑t‑on dit encore, le temps eût été insuffisant pour guérir tant de monde. Mais ce sont là des conjectures sans fondement, que réfutent les passages parallèles de S. Matthieu et de S. Luc. « Quand le soir fut venu, on lui présenta de nombreux possédés et il chassait les esprits par sa parole et il guérit tous ceux qui étaient malades », Matth. 8, 16. Non, il n’y eut pas d’exception, et ce n’est pas un contraste que notre Évangéliste a voulu établir en se servant des expressions citées : il s’est plutôt proposé de montrer le nombre considérable des guérisons. Telle était déjà l’opinion de Théophylacte. — Il ne leur permettait pas de dire… Comme dans la matinée, v. 20, il impose silence aux démons, dont les proclamations intempestives auraient pu nuire à son œuvre.
1, 35-39.Parall. Luc 4, 42‑44.
Mc1.35 Le lendemain, s’étant levé longtemps avant le jour, il sortit, alla dans un lieu solitaire et il y pria. — S’étant levé longtemps avant le jour. La nuit du samedi au dimanche s’achevait donc à peine, que Jésus était déjà debout, malgré les fatigues de la soirée précédente, et quittait sans bruit, à l’insu de tous, la maison hospitalière de Simon. Son but manifeste était d’échapper ainsi aux ovations de la foule enthousiasmée par ses miracles, et de se préparer, par une prière solitaire de quelques heures, à la mission qu’il allait bientôt commencer, v. 38 et s. — Il sortit et alla dans un lieu solitaire. Un trait remarquable du lac de Gennésareth, c’est qu’il était entouré de solitudes désertes. Ces places solitaires, situées à proximité, soit sur les plateaux, soit dans les ravins qui abondent près des deux rives, fournissaient d’excellents refuges pour le repos ou pour la prière… Jésus recherchait ces solitudes, tantôt seul, tantôt avec ses disciples. Les montagnes, les déserts, les lieux retirés, Gethsémani, tels furent les principaux oratoires du Sauveur : il ne priait pas sur la place publique comme les Pharisiens. — Et il y pria... Autre détail particulier à S. Marc : du reste tout ce récit est marqué au cachet distinctif du second Évangile. La scène est extrêmement pittoresque : le narrateur la met vraiment sous nos yeux. — Qu’il est beau de voir Jésus en oraison après et avant ses nombreux labeurs. Sa vie se compose de deux éléments, les exercices du zèle et les exercices de religion, le côté extérieur et le côté intérieur. Telle doit être aussi la vie du prêtre.
Mc1.36 Simon et ceux qui étaient avec lui se mirent à sa recherche, — Le jour venu, Simon‑Pierre remarqua le premier l’absence du bon Maître, et aussitôt il se mit à faire d’actives recherches pour le retrouver. Cet acte révèle l’ardeur de son tempérament et son vif amour envers Jésus. — Simon... Le grec porte une expression d’une rare énergie (litt. le poursuivit), qui n’est employée qu’ici dans le Nouveau Testament. Elle est souvent prise en mauvaise part, pour désigner des poursuites hostiles ; S. Marc, à la suite des Septante, la prend en bonne part, afin de caractériser le zèle avec lequel les disciples coururent en tous lieux pour chercher Jésus. — Et ceux qui étaient avec lui ; c’est‑à‑dire les trois compagnons de S. Pierre : André, Jacques et Jean. Cette tournure est à remarquer. Il est évident que l’Évangéliste accorde ici à Simon une prééminence sur les autres amis de Jésus. C’est la primauté par anticipation. Simon est déjà supérieur aux autres cf. Luc 8, 45 ; 9, 32.
Mc1.37 et l’ayant trouvé, ils lui dirent : « Tout le monde vous cherche. » — L’ayant trouvé. Il leur fallut sans doute plusieurs heures avant de découvrir la retraite du bon Maître. — Tout le monde vous cherche. Ces paroles, qu’ils prononcèrent en l’abordant, prouvent que, dès l’aube du jour, le concours de la veille avait recommencé de plus belle. On voulait encore voir Jésus et obtenir de lui de nouveaux bienfaits. Ce fut une grande déception quand on apprit qu’il avait disparu. Tous se mirent alors en quête pour le trouver. S. Luc 4, 42, ajoute ici une ligne significative qui nous aidera à mieux comprendre la réponse subséquente du Sauveur, v. 38 : « Les foules le cherchaient, et elles vinrent jusqu’à lui, et elles voulaient le retenir, de peur qu’il ne les quittât ».
Mc1.38 Il leur répondit : « Allons ailleurs dans les bourgades voisines, afin que j’y prêche aussi, car c’est pour cela que je suis sorti. » — Allons. Jésus ne saurait entrer dans les désirs du peuple de Capharnaüm : il n’a pas le droit de restreindre à cette ville le don de sa présence, de ses miracles et de sa prédication. D’autres cités, d’autres bourgades l’attendent, et il va sans plus tarder se diriger vers elles. — On lit dans plusieurs manuscrits grecs (B. C. L, Sinait.) « allons ailleurs » ; mais d’autres manuscrits (A, D, E, etc.) ont simplement « allons », comme la Vulgate. — Dans le texte grec, le mot correspondant à « villages », que notre version latine a traduit inexactement par « villes et bourgades », ne se rencontre qu’en cet endroit. C’est une expression composée, qui équivaut littéralement à « bourgades, villes », et qui désigne les bourgs alors si nombreux de la Galilée, trop petits pour être appelés des villes, mais trop gros pour être simplement nommés villages [Cf. Flavius Josèphe, Bellum Judaicum, 3, 2, 1]. L’épithète « voisines » montre que Jésus commença son tour de missionnaire par les localités voisines de Capharnaüm : c’étaient Dalmanutha, Corozaïn, Bethsaïda, Magdala, etc. — C’est pour cela que je suis sorti. C’est‑à‑dire pour faire entendre la bonne nouvelle à toute la contrée, et pas seulement à une ville spéciale. Mais quelle est bien ici la signification du verbe « je suis sorti » ? Quel est le point de départ auquel Jésus fait allusion ? D’où est-il venu ? D’où est-il sorti ? Il vient de Capharnaüm, répond de Wette. Il vient la vie cachée, dit Paulus. De sa retraite solitaire, v. 35, écrit Meyer. Interprétations misérables, dignes du rationalisme. Comme si Jésus ne voulait pas parler dans ce verset du but de l’Incarnation, par conséquent de sa mystérieuse sortie du sein du Père céleste. Il n’est pas possible d’expliquer autrement notre passage. C’est ainsi du reste que l’ont compris les anciens exégètes. Ajoutons que les paroles prononcées par Notre‑Seigneur d’après la rédaction de Luc 4, 41, ne permettent pas d’autre exégèse. Cf. Jean 16, 28. — La Vulgate a lu « je suis venu », de même que les versions copte, syriaque, arménienne et gothique.
Mc1.39 Et il prêchait dans leurs synagogues, parcourant la Galilée entière et chassant les démons. — Et il prêchait… Cette tournure est à remarquer : elle indique une continuité, une habitude régulière. — Jésus exécute immédiatement son dessein. Quittant Capharnaüm avec ses disciples, il se met en route à travers la Galilée, répandant en tous lieux les bonnes paroles, prêchant, et les bonnes œuvres, il chassait les démons. S. Matthieu 4, 23, est plus explicite relativement aux miracles du Christ pendant ce premier voyage apostolique : « Guérissant toute maladie et toute infirmité dans le peuple ». — Combien de temps dura la mission dont S. Marc nous donne un sommaire si rapide ? Quelques mois probablement ; toutefois, les données évangéliques sont trop vagues pour qu’on puisse répondre d’une manière précise à cette question. Cf. 2, 1. — La Galilée fut le théâtre général de l’apostolat de Jésus ; les synagogues étaient le théâtre particulier de sa prédication.
1, 40‑45. Parall. Matth. 8, 2‑5 ; Luc 5, 12‑16.
Mc1.40 Un lépreux vint à lui et se jetant à ses genoux, il lui dit d’un ton suppliant : « Si vous voulez, vous pouvez me guérir. » — Un lépreux vint à lui. La scène se passa, d’après S. Luc, dans une des villes évangélisées par Jésus durant la mission qui vient d’être si brièvement racontée. C’est un épisode intéressant, que les trois Synoptiques ont relevé de concert, à cause du grand exemple de foi que donna le lépreux. Le récit de S. Marc est de nouveau le plus complet, le plus vivant. — Un lépreux. Sur cette terrible maladie de l’Orient, voyez l’Évangile selon S. Matthieu 8, 2. — Se jetant à ses genoux. Belle attitude de supplication, qui manifeste déjà la foi du malade. — Sa prière, Si vous le voulez, vous pouvez me guérir, est d’une exquise délicatesse. Il appelle justement sa guérison une purification, car, aux termes de la loi juive, quiconque était atteint de la lèpre était impur par là‑même.
Mc1.41 Ému de compassion, Jésus étendit la main et le toucha, en disant : « Je le veux, sois guéri. » 42 Et dès qu’il eut parlé, la lèpre quitta cet homme et il fut guéri. — Ayant pitié de lui. S. Marc seul mentionne ce sentiment du cœur de Jésus. Le bon Maître s’attendrit à la vue des souffrances de l’infortuné qui est agenouillé devant lui. — Étendit la main. « Ce déploiement de pouvoir et de volonté est un grand signe », Fr. Luc. Cette main si pure et si puissante, Jésus ne craint pas de l’appliquer sur le corps du lépreux, il le toucha, malgré la susceptibilité de la Loi. Il n’avait pas à craindre de souillure, lui qui enlevait au contraire toute impureté physique et morale. — Je le veux, sois guéri. Dès qu’il eut prononcé ce mot majestueux, qu’il daignait emprunter à la prière même du lépreux, v. 40, le malade fut guéri à l’instant ; ce qui donne occasion à S. Marc de répéter encore l’adverbe favori, aussitôt, au moyen duquel il aime tant à accentuer la rapidité des prodiges de Jésus ».
Mc1.43 Aussitôt Jésus le renvoya, en lui disant d’un ton sévère : 44 « Garde-toi d’en parler à personne, mais va te montrer au prêtre et offre pour ta guérison ce que Moïse a ordonné pour l’attester au peuple. » — Ces versets contiennent deux injonctions du Sauveur adressées à celui qu’il venait de guérir. Jésus le renvoya ; l’expression grecque correspondante est d’une force extraordinaire ; le verbe, qu’on ne trouve qu’en cinq endroits du Nouveau Testament (Matth. 9, 30 ; Marc 1, 43 ; 14.5 ; Jean 11, 33,38), signifie tantôt être sous le coup d’une vive indignation, tantôt, et c’est ici le cas, donner un ordre sur un ton sévère et menaçant. Voilà donc que Jésus, qui s’était attendri sur l’état du lépreux, le menace maintenant après l’avoir guéri. — Aussitôt. Encore aussitôt. Jésus renvoie brusquement le lépreux, sans lui permettre de demeurer plus longtemps auprès de lui. Ces détails sont spéciaux à S. Marc. Le Sauveur, par cette conduite sévère, se proposait d’intimer avec plus d’énergie les ordres qu’il allait donner. — Premier ordre : Garde‑toi d’en parler à personne. Dans le grec, il y a deux négations (ne rien dire… à personne), ce qui est conforme au genre de S. Marc, cf. la Préface, § 7. Jésus redoute les agitations politiques de la foule : de là ces soins minutieux qu’il prend pour les empêcher. Il veut agir sur les esprits plutôt par le dedans que par le dehors, les convertir et non les éblouir : c’est pourquoi il recommande si souvent le silence à ceux qu’il a guéris. Voyez l’Évangile selon S. Matthieu, 8, 4. — Second ordre : Va te montrer au prêtre, au prêtre de semaine. — Et offre… Le détail de ces sacrifices est indiqué tout au long dans le chap. 14 du Lévitique. — Pour l’attester au peuple. Les hommes sauront ainsi que tu es entièrement guéri, et ils l’admettront de nouveau dans les rangs de la société. Tel est probablement le véritable sens de ces mots sur lesquels on a beaucoup discuté. Voir notre Commentaire sur Matth. 8, 4.
Mc1.45 Mais cet homme étant parti, se mit à raconter et à propager partout ce qui s’était passé : de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer publiquement dans une ville, il se tenait dehors, dans les lieux solitaires et l’on venait à lui de tous côtés. — Mais cet homme, étant parti. Le lépreux s’éloigne comme le voulait Jésus ; bientôt sans doute il alla faire déclarer officiellement sa guérison par les prêtres. Quant à l’ordre qui lui enjoignait le silence, il n’en tint aucun compte. Tout au contraire, il se mit à raconter et à divulguer la chose. Les sentiments de joie et de reconnaissance qui remplissaient son âme furent plus forts que son désir d’obéir au Sauveur. Du reste, il ne fut pas le seul à se conduire ainsi : plusieurs autres malades miraculeusement rendus à la santé par Notre‑Seigneur agirent de même dans des circonstances analogues. Cf. Matth. 9, 30 et suiv. ; Marc, 7, 36. — De sorte que… Le résultat de cette indiscrétion fut immense : il est décrit par l’Évangéliste d’une manière très pittoresque. — Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville. Jésus perdit une grande partie de sa liberté d’action : il ne pouvait plus se montrer dans les villes sans exciter de vifs mouvements d’enthousiasme. Le trait raconté par S. Marc au début du chapitre suivant (Marc 2, 2), prouvera jusqu’à quel point allait cet enthousiasme. — Dans une ville ; dans quelque ville que ce fût, car il n’y a pas d’article dans le grec. — Mais il se tenait dehors, dans des lieux déserts. Le divin Maître fut donc obligé de se retirer dans les solitudes mentionnées plus haut et de vivre éloigné des hommes, contrairement à ses desseins apostoliques (v. 38). « dehors », par rapport aux villes. — Et l’on venait à lui de toutes parts. Autre trait charmant : Jésus a beau faire, la multitude qu’il a ravie sait le trouver quand même ; ou plutôt, Jésus ne se propose pas de fuir, mais simplement d’éviter des manifestations aussi imprudentes qu’inutiles. Il se livrait donc à l’exercice de son ministère envers les bonnes âmes qui parvenaient à le rejoindre.
Ce premier chapitre de S. Marc nous a révélé de grandes choses sur Jésus. Nous l’avons vu faire majestueusement son apparition en qualité de Messie, précédé de son Précurseur, entouré de ses premiers disciples, parcourant la Galilée comme un conquérant pacifique des cœurs, excitant partout l’admiration par son enseignement et par ses miracles. Aucune intention hostile ne s’est encore manifestée contre lui. S’il était permis d’employer un pareil langage, nous dirions que c’est le beau, l’heureux temps du Sauveur, que S. Marc nous a décrit.
Ce chapitre nous a révélé en même temps le « genre » de notre Évangéliste. Le portrait de S. Marc en tant qu’écrivain, tel que nous l’avions tracé dans la Préface, s’est trouvé complètement justifié dès les premières lignes : brièveté, précision, animation, pittoresque, clarté, intérêt. À coup sûr cette narration nous a plu ; suivons‑la donc jusqu’à la fin avec amour.


