L’Évangile selon Saint Marc commenté verset par verset

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CHAPITRE 13

13, 1-37. Parall. Matth. 24, 1‑51 ; Luc 21, 5‑36.

Mc13.1 Comme Jésus sortait du temple, un de ses disciples lui dit : « Maître, voyez quelles pierres et quelles constructions. »Comme il sortait du temple. Le soir venu (ces choses se passaient encore dans la journée du mardi saint), Jésus quitta le temple comme aux deux jours précédents, pour se retirer à Béthanie. Mais il y avait alors cela de remarquable, qu’il le quittait pour n’y plus revenir. Le prophète Ézéchiel, à la fin d’une vision terrible, Ézéchiel 11, 22-23, raconte comment il vit Dieu abandonner le temple et la cité de Jérusalem devenus indignes de lui : « Alors les Kéroubim levèrent leurs ailes, les roues auprès d’eux ; la gloire du Dieu d’Israël était au‑dessus d’eux. La gloire du Seigneur s’éleva du milieu de la ville et s’arrêta sur la montagne qui est à l’est de la ville. ». De même, en cet instant, le Messie répudie son palais, sa capitale et son peuple. — Un des disciples. S. Marc, plus précis que les deux autres synoptiques, attribue la réflexion qui suit à un seul des Apôtres. — Maître, regardez… Jésus et les siens descendaient probablement alors les degrés qui conduisaient à la vallée du Cédron. C’est de ce côté que les murs du temple présentaient l’aspect le plus imposant. On y voit encore plusieurs de ces pierres gigantesques qui suscitaient l’admiration des disciples. L’historien Josèphe n’exagère nullement quand il dit que la plupart des blocs qui entrèrent dans la construction du temple mesuraient 25 coudées de longueur, sur 8 de hauteur, et 12 de largeur [Cf. Flavius Josèphe, Bell. Jud., 5, 6, 8 ; Ant., 15, 11, 3.]. Aussi, en plusieurs endroits, les béliers romains durent‑ils battre les murs six jours durant pour y faire quelques brèches légères.

Mc13.2 Jésus lui répondit : « Tu vois ces grandes constructions ? Il n’y sera pas laissé pierre sur pierre qui ne soit renversée. » — Le disciple qui avait pris la parole semblait sous‑entendre : De pareilles constructions défient les ravages du temps. Jésus le détrompe en lui révélant leur triste destinée — Ces grandes constructions est emphatique et correspond à « quelles pierres et quelles constructions » du v. 1. — Il n’en restera pas pierre sur pierre qui ne soit renversée. Deux négations, deux circonstances qui fortifient la pensée. Le grec serait mieux traduit par « qui ne soit désagrégée, séparée des autres pierres ». Quarante ans s’étaient à peine écoulés depuis cette prédiction, qu’elle était déjà en grande partie réalisée. Le vent des jugements divins avait passé sur le temple de Jérusalem, comme sur les palais de Thèbes et de Ninive. Qu’en reste‑t‑il aujourd’hui ? Rien, absolument rien ; car, à vrai dire, les pierres énormes qui attirent encore l’attention des pèlerins ne faisaient pas partie du temple : elles formaient ou des murs d’enclos ou des substructions destinées à soutenir les terrasses.

Mc13.3 Lorsqu’il se fut assis sur la montagne des Oliviers, en face du temple, Pierre, Jacques, Jean et André l’interrogèrent en particulier :Assis sur la montagne des Oliviers. Jésus et ses disciples gravirent probablement en silence les flancs de la montagne des Oliviers, livrés les uns et les autres à de pénibles réflexions. Arrivés au sommet de la colline, à mi‑chemin entre Jérusalem et Béthanie, ils s’arrêtent pour prendre un peu de repos, et Jésus s’assied sur le gazon. — En face du temple. Trait graphique, propre à S. Marc, et servant de trait d’union pour amener la question des Apôtres. Les derniers rayons du soleil couchant devaient en ce moment couvrir d’or le temple et ses dépendances, leur communiquant une nouvelle beauté. — Pierre, Jacques, Jean et André. « Marc est le seul a rapporter que ce furent Pierre, Jacques, Jean et André qui interrogèrent le Christ. Note la mention de Pierre ». C’étaient les quatre premiers Apôtres attachés à Jésus d’une manière définitive. Cf. Marc 1, 16‑20. Saint André nous apparaît ici à côté des trois disciples les plus intimes : d’où l’on a conclu parfois que c’était lui peut‑être qui avait attiré l’attention de Jésus sur le temple, v. 1. — En particulier : relativement aux autres membres du Collège apostolique, qui étaient restés à l’écart.

Mc13.4 « Dites-nous quand cela arrivera et à quel signe on connaîtra que toutes ces choses seront près de s’accomplir ? »Dites‑nous… La question est plus complète et plus claire dans le premier Évangile. Elle avait trait à trois points distincts : 1° l’époque de la destruction du temple (c’est le quand cela arrivera de S. Marc) ; 2° les signes du second avènement du Messie ; 3° les pronostics de la fin du monde. Le toutes ces choses de notre Évangéliste réunit ces deux derniers points.

Mc13.5 Jésus leur répondant, commença ce discours : « Prenez garde que nul ne vous séduise.Prenez garde. Ce grave avertissement, que nous entendons dès le début du discours, retentira de temps à autre comme une de ses notes dominantes. Cf. vv. 9, 23, 33. À chaque instant reviendront aussi les conseils analogues : Veillez, supportez, priez. — Que nul ne vous séduise. Grand danger, qui menace tous les hommes, durant toute leur vie et de mille manières. Il faut donc « prendre garde », si l’on veut y échapper.

Mc13.6 Car beaucoup viendront sous mon nom, disant : C’est moi le Christ et ils en séduiront un grand nombre.Car beaucoup… La particule « car » montre que le Sauveur va développer son exhortation pressante du v. 5. Il attire l’attention de ses disciples sur divers signes qui leur annonceront en premier lieu la proximité de la ruine de Jérusalem, puis, à la fin des temps, celle du jugement général. — Viendront sous mon nom… Premier signe, l’apparition d’un grand nombre de pseudo‑messies. — Ils séduiront beaucoup de monde. Ces faux Christs ne réussirent que trop à séduire les Juifs avant et pendant la guerre avec Rome. Josèphe raconte que plusieurs d’entre eux entraînèrent à leur suite dans le désert d’immenses multitudes auxquelles ils avaient promis de faire voir des prodiges éclatants. Bien plus, à l’heure où le temple brûlait, six mille personnes de tout âge et de toute condition y pénétrèrent sur la parole d’un faux prophète et périrent affreusement dans les flammes. La fin du monde ne trouvera pas les imposteurs moins nombreux, ni les foules moins crédules.

Mc13.7 Quand vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerres, ne vous troublez pas, car il faut que ces choses arrivent, mais ce ne sera pas encore la fin. — Second signe, les guerres rapprochées et lointaines. Guerres indique en effet des combats qui auront lieu à proximité ; les bruits de guerre, des combats livrés à distance. — Ne vous troublez pas. De même que les chrétiens ne devront pas se laisser séduire par l’erreur, de même ils devront veiller à ne pas se laisser égarer par la peur, qui est si souvent une mauvaise conseillère et qui a causé tant d’apostasies. — Ce ne sera pas encore la fin. Ces premiers signes ne seront que des préliminaires, annonçant des dangers plus terribles.

Mc13.8 On verra se soulever peuple contre peuple, royaume contre royaume, il y aura des tremblements de terre en divers lieux, il y aura des famines. Ce sera le commencement des douleurs. — Troisième signe : les peuples, les empires, soulevés les uns contre les autres, et occupés à s’entre‑détruire. « Quand tu verras les royaumes s’agiter les uns contre les autres, tu t’attendras à voir les empreintes de pas du Messie » [Beresch. Rabb. sect. li.]. — Des tremblements de terre. Quatrième signe, d’effroyables tremblements de terre, arrivant en divers lieux. — Des famines. Cinquième signe. — Le commencement des douleurs. Que sera donc la douleur elle‑même, si les malheurs signalés jusqu’ici n’en sont que le prélude ? Ces maux préalables, d’après la traduction littérale du mot grec traduit par douleurs, seront à la catastrophe finale ce que sont les souffrances qui précèdent l’enfantement à celles qui l’accompagnent. Jésus ne pouvait pas choisir une comparaison plus énergique. Du reste, les prophètes avaient souvent employé la même image.

Mc13.9 Prenez garde à vous-mêmes. On vous traduira devant les tribunaux et les synagogues, vous y serez battus, vous comparaîtrez devant les gouverneurs et les rois, à cause de moi, pour me rendre témoignage devant eux.Prenez garde. Trait propre à S. Marc.  : Prenez garde à vous, pour ne pas chanceler dans la foi, car la chair est faible, et elle aura beaucoup à endurer. — On vous traduira… Voici maintenant le tableau des épreuves qui attendent les chrétiens aux deux époques indiquées. On les livrera comme des criminels à toute sorte de tribunaux : tribunaux juifs et ecclésiastiques, les Sanhédrins de divers degrés (voyez l’Évangile selon S. Matthieu) et dans les synagogues ; tribunaux civils et païens, devant les gouverneurs et devant les rois. S. Matthieu ne mentionne pas ici tous ces détails ; mais il les avait rapportés ailleurs, dans l’Instruction pastorale de Jésus à ses disciples, Matth. 10, 17, 18. — Les verbes vous serez battus, vous comparaîtrez sont dramatiques. — Pour me rendre témoignage. Par tous ces mauvais traitements supportés avec courage, vous prouverez la divinité de mon œuvre. La persécution contribuera ainsi à la propagation de l’Évangile.

Mc13.10 Il faut qu’auparavant l’Évangile soit prêché à toutes les nations. — Autre passage spécial à S. Marc. — Auparavant : c’est‑à‑dire avant la « fin » dont il a été question au v. 7. Et en effet, avant la destruction du temple, saint Paul seul avait porté l’Évangile dans une grande partie de l’empire romain. Les autres Apôtres avaient travaillé à proportion. L’Apôtre saint Pierre adresse sa première Lettre aux fidèles du Pont, de la Galatie, de la Cappadoce, de l’Asie, de la Bithynie. Saint Paul écrit aux Romains que la réputation de leur foi est répandue par tout le monde. Et depuis, quels immenses progrès n’a pas faits l’Évangile.

Mc13.11 Donc lorsqu’on vous emmènera pour vous faire comparaître, ne pensez pas d’avance à ce que vous direz, mais dites ce qui vous sera donné à l’heure même, car ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit-Saint. — Nouvelle pensée propre à S. Marc. Les autres Synoptiques la placent ailleurs, cf. Matth. 10, 19 ; Luc 12, 11 ; 22, 14 ; preuve que Jésus l’exprima plusieurs fois en différentes circonstances. Elle contient en effet une grande consolation pour le disciple persécuté, la promesse d’une assistance toute spéciale de l’Esprit‑Saint. — À l’heure même, c’est‑à‑dire quand vous serez arrivés devant vos juges. — Ce n’est pas vous qui parlerez : Jésus suppose par anticipation que la situation qu’il vient de décrire est déjà réalisée, et il contemple ses disciples improvisant de sublimes apologies sous la dictée de l’Esprit‑Saint. Quel encouragement pour eux dans cette promesse.

Mc13.12 Le frère livrera son frère à la mort et le père son fils, les enfants s’élèveront contre leurs parents et les mettront à mort. — Ce passage a été également omis par S. Matthieu. — Le frère livrera son frère… Le Sauveur prédit maintenant aux siens une peine plus cruelle encore que la précédente, les persécutions et la trahison de la part de leurs proches. Les liens les plus sacrés de la nature cesseront d’exister, ou plutôt ils seront une cause de plus grande haine, de poursuites plus acharnées.

Mc13.13 Et vous serez en haine à tous à cause de mon nom. Mais celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé.Vous serez en haine à tous… Ces paroles résument le sort des chrétiens aux deux grandes époques de crise prophétisées par Jésus : ils seront de la part de tous ceux qui ne partageront par leur foi, amis et ennemis, l’objet d’une profonde inimitié. — Mais celui qui persévérera… Conclusion de ce premier tableau. De toutes parts, soit avant la ruine de Jérusalem, soit avant la fin du monde, il surgira pour les disciples du Christ des dangers redoutables, qui menaceront leur salut éternel. Que faire pour ne pas succomber ? Une seule chose, tenir ferme, persévérer jusqu’au bout. Le verbe grec traduit ici par persévérera, cf. Matth. 24, 13, est très expressif : il signifie littéralement « je reste dessous », et suppose qu’on demeure debout malgré toute sorte de difficultés provenant du dehors. On ne le rencontre que trois fois dans les Évangiles. — Celui qui est emphatique : Celui‑là et pas un autre.

Mc13.14 Lorsque vous verrez l’abomination de la désolation établie où elle ne doit pas être, que celui qui lit, comprenne, alors que ceux qui seront en Judée s’enfuient dans les montagnes. — Sur les mots abomination de la désolation, voyez l’Évangile selon S. Matthieu, 24, 15. Aucun Juif n’ignorait la prophétie de Daniel. « Abomination de la désolation » était donc un terme technique pour désigner d’affreux malheurs qui devaient fondre sur la ville sainte et plus spécialement sur le lieu saint. Le terme grec traduit par désolation provient du verbe « provoquer le dégoût » (surtout par une mauvaise odeur) et n’apparaît que six fois dans les écrits du Nouveau Testament : ici, dans le passage parallèle de Matth. 24, 45 ; Luc 16, 4-5 ; Apocalypse 17, 4-5 ; 21, 27. Les Septante appliquent ce substantif aux idoles et à tout ce qui se rattache au culte païen. Cf. 1 Rois 11, 5, 33 ; 2 Rois 16, 3 ; 21, 2, etc. — Établie là où elle ne doit pas être. C’est‑à‑dire, d’après S. Matthieu, « dans le lieu saint », dans le temple, que son caractère sacré devrait préserver de toute profanation. — Que celui qui lit comprenne. Avertissement pressant, glissé selon toute vraisemblance par l’Évangéliste au milieu des paroles de Notre‑Seigneur [Matth. 24, 15]. — Alors : immédiatement après l’apparition de l’affreux malheur prédit par Daniel, il faudra fuir sans hésiter. — Que ceux qui sont en Judée s’enfuient... De toutes les provinces juives, c’est la Judée qui eut le plus à souffrir, soit de la part des Romains, soit de la part des Zélotes, durant l’horrible guerre qui se termine par la ruine de l’État juif. De là cet avis spécial à l’adresse des chrétiens qui y avaient établi leur résidence.

Mc13.15 Que celui qui sera sur le toit ne descende pas dans sa maison et n’y entre pas pour prendre quelque objet. 16 Et que celui qui sera allé dans son champ ne revienne pas pour prendre son manteau. — Deux images très pittoresques, pour montrer avec quelle rapidité chacun devra quitter la Judée, aussitôt qu’aura paru « l’abomination de la désolation ». Assurément, il ne faut pas les prendre à la lettre ; ce sont de vives hyperboles pour dire : Fuyez au plus vite. S. Marc, sans rien ajouter à l’idée, est plus complet, plus explicite dans l’expression. S. Matthieu, pour le premier exemple, dit seulement : « que celui qui sera sur le toit n’en descende pas pour emporter quelque chose de sa maison ». Notre Évangéliste, fidèle à son genre dramatique, distingue deux actes, descendre du toit, et entrer dans la maison. De même pour le second exemple. S. Matthieu : « ne retourne pas pour prendre sa tunique » ; S. Marc : Ne retourne pas en arrière (c’est‑à‑dire des champs à la ville)…

Mc13.17 Mais malheur aux femmes qui seront enceintes, ou qui allaiteront en ces jours-là. 18 Priez pour que ces choses n’arrivent pas en hiver. — Autres détails pittoresques, destinés à faire ressortir l’étendue des malheurs qui menacent Jérusalem, et la nécessité de prendre une prompte fuite si l’on désire y échapper. — Malheur n’est pas une malédiction en cet endroit, mais plutôt une exclamation de profonde sympathie : Pauvres mères, qui ne pourrez fuir assez vite. — Priez… Après ces deux premiers empêchements qui devaient retarder la fuite, à savoir le désir d’emporter quelque chose et l’embarras des petits enfants, Jésus touche à un troisième empêchement, celui qui peut venir du temps. En hiver le terrain est détrempé, les rivières débordent, et ce sont là, en Orient surtout, de sérieux obstacles à une marche rapide. — Ces choses. Ces choses n’arrivent. Il s’agit des malheurs qui obligeront les chrétiens de s’expatrier. — S. Marc ne fait pas mention du sabbat (cf. Matth. 24, 20), parce que cette circonstance avait peu d’intérêt pour ses lecteurs romains.

Mc13.19 Car il y aura, en ces jours, des tribulations telles qu’il n’y en a pas eu depuis le commencement du monde, que Dieu a créé, jusqu’à présent et qu’il n’y en aura jamais.Des tribulations telles... Expression très énergique, propre à S. Marc. Elle signifie que le caractère spécial des jours dont parle Jésus sera la peine et la tribulation. — Qu’il n’y en a pas eu depuis le commencement… Voyez l’Évangile selon S. Matthieu, 24, 21. Cf. Tacite, Hist. 5, 13.

Mc13.20 Et si le Seigneur n’avait abrégé ces jours, nul homme ne serait sauvé, mais il les a abrégés à cause des élus qu’il a choisis.Et si le Seigneur n’avait abrégé ces jours… Le verbe que le Nouveau Testament n’emploie qu’ici et dans le passage parallèle de Matth. 24, 22, a le sens de « amputer ». Cf. 2 Samuel 4, 12, dans la traduction des Septante. Mais, comme le verbe hébreu מער, « couper avec une faux » (Ps 102 hébr.), il se dit au moral du temps qu’on abrège. — Nul homme ne serait sauvée. Si Dieu, dans sa pitié, n’eût abrégé le temps du siège de Jérusalem, aucun Juif n’aurait survécu à tant d’horreurs et de misères. Cette « abréviation » miséricordieuse se manifesta de deux manières, d’une part dans les mesures actives et vigoureuses des assiégeants, d’autre part dans la folle confiance et les guerres intestines des assiégés. Elle eut lieu à cause des élus, en vue des chrétiens que Dieu voulait sauver. — Qu’il a choisis. Nouvelle répétition, semblable à celle du v. 19.

Mc13.21 Si quelqu’un vous dit alors : Le Christ est ici, il est là, ne le croyez pas. 22 Car il s’élèvera de faux christs et de faux prophètes et ils feront des signes et des prodiges, jusqu’à séduire, s’il se pouvait, les élus mêmes.Si quelqu’un vous dit alors… Ce alors nous transporte subitement à la fin des temps, vers l’époque du second avènement du Christ. Telle est, depuis l’ère patristique, l’interprétation la plus suivie. « Il ne faut pas prendre ce mot alors dans le sens que cela doive arriver tout de suite, mais dans le sens que la réalisation de cette prophétie succédera à celle de la ruine de Jérusalem ». Théophylacte. En apparence, Jésus range donc sur un même plan des événements qui devaient être séparés par un long intervalle. — De faux christs et de faux prophètes… C’est la prédiction du v. 6, développée et appliquée d’une manière spéciale aux derniers jours du monde. — Ils feront des signes et des prodiges. Ces faux Christs et ces faux prophètes opéreront, avec l’appui de Satan leur maître, des prodiges aussi nombreux qu’éclatants, Dieu le permettant ainsi pour éprouver les justes.

Mc13.23 Pour vous, prenez garde. Voyez, je vous ai tout annoncé d’avance. — Répétition emphatique d’une exhortation que Jésus a déjà adressée deux fois aux disciples depuis le commencement de son discours (Cf. vv. 5 et 9). S. Marc est seul à la signaler. L’adjectif tout, également emphatique, après annoncé, lui appartient aussi en propre.

Mc13.24 Mais en ces jours-là, après cette tribulation, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, 25 les étoiles du ciel tomberont et les puissances qui sont dans les cieux seront ébranlées. — La particule mais introduit de nouveaux détails, dont l’ensemble forme une tragédie terrible qui doit se réaliser aux derniers jours du monde, en ces jours‑là. — Les mots après cette tribulation ne désignent plus l’abomination de la désolation (vv. 14 et 19), mais les malheurs décrits plus bas, vv. 21 et 22, et propres à la fin des temps. Cf. Matth. 24, 29. — Le soleil s’obscurcira… Nous interprétons littéralement ces divers phénomènes (voir notre commentaire sur l’Évangile selon S. Matthieu, 24, 29), que deux des Apôtres auxquels s’adressait alors Notre‑Seigneur, saint Pierre et S. Jean, ont mentionnés dans leurs écrits comme devant se réaliser à la fin du monde. Cf. 2Pierre 1‑13 ; Apocalypse 20–21. — Les puissances qui sont dans les cieux seront ébranlées (Matth. « des cieux », d’après Isaïe 34, 4). Les astres, sortant de leur orbite accoutumée, erreront çà et là : il n’y aura donc plus d’harmonie dans leur marche, d’où résultera un ébranlement universel.

Mc13.26 Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec une grande puissance et une grande gloire. Alors. Cette expression, réitérée trois fois presque coup sur coup, cf. vv. 21 et 27, marque solennellement le rythme dans cette prophétie qui est cadencée à la façon des oracles de l’Ancien Testament. — On verra le Fils de l’homme. Sans mentionner, comme l’a fait S. Matthieu, le signe du Messie faisant d’abord dans le ciel son apparition subite, S. Marc introduit immédiatement sur la scène le Christ lui‑même, qui se présentera tout environné de puissance et de gloire, ainsi qu’il convient au Fils de Dieu, au Roi théocratique.

Mc13.27 Et alors il enverra ses anges rassembler ses élus des quatre vents, de l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel.rassembler ses élus, « avec la trompette et une voix éclatante », ajoute S. Matthieu. Le Christ réunira ses élus à la manière dont les Hébreux étaient autrefois convoqués aux saintes assemblées. Cf. Exode 19, 13, 16, 19 ; Lévitique 23, 24 ; Psaume 80, 3‑5. — De l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel. Expression qui diffère un peu de celle que nous lisons dans le premier Évangile (« depuis une extrémité des cieux jusqu’à l’autre »), bien que le sens soit le même de part et d’autre. La locution de S. Marc suppose, d’après les idées populaires des anciens, une terre aplatie, dont les extrémités étaient de toutes parts entourées, encadrées en quelque sorte, par les rebords inférieurs de la calotte des cieux. Elle signifie : d’un bout de la terre à l’autre.

Mc13.28 Écoutez cette comparaison du figuier : Dès que ses rameaux sont tendres et qu’il pousse ses feuilles, vous savez que l’été est proche. — Deux fois déjà le figuier avait donné aux disciples de graves enseignements. Cf. Marc 11, 13 et ss. ; Luc 13, 6‑9. Voici qu’il est établi leur docteur à un nouveau point de vue.

Mc13.29 Ainsi, quand vous verrez ces choses arriver, sachez que le Fils de l’homme est proche, qu’il est à la porte. — De même que l’homme naturel est sensible aux signes variés des temps et des saisons, de même il faut que le chrétien sache reconnaître aux pronostics indiqués par le Sauveur (lorsque vous verrez ces choses arriver) l’approche de la grande crise qui mettra fin au monde présent. — Sachez que c’est proche, à la porte. « Voici que le juge se tient devant la porte », écrit saint Jacques employant la même figure, et faisant peut‑être allusion aux paroles de Jésus. Jacques 5, 9.

Mc13.30 Je vous le dis en vérité, cette génération ne passera pas que tout cela n’arrive. — Conclusion solennelle de toute la prophétie qui précède (vv. 5‑30). Notre‑Seigneur, revenant sur les deux grandes idées autour desquelles a roulé la première partie de son discours, c’est‑à‑dire, d’une part sur la ruine de Jérusalem et ses signes avant‑coureurs, de l’autre sur la fin du monde et ses divers préludes, annonce que tout se passera comme il l’a prédit. Les mots cette génération désignent donc soit les Juifs contemporains de Jésus, soit la race humaine en général, selon qu’on envisage l’une ou l’autre de ces deux catastrophes. Voyez l’Évangile selon S. Matthieu, 24, 34.

Mc13.31 Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas. — Comme si la formule « En vérité, je vous le dis » ne suffisait pas pour garantir la vérité parfaite de son assertion, Jésus y ajoute une antithèse frappante. Il met en regard le ciel, la terre, ces objets qui paraissent si stables dans leur existence, et ses paroles qui avaient déjà cessé de retentir sur la cime du mont des Oliviers. Et pourtant le ciel et la terre passeront, mais ses paroles ne passeront pas. Quelle noble et fière assurance dans un tel langage. Qui eût osé le tenir, si ce n’est le Fils de Dieu ?

Marc 13, 32‑37. Cf. Matth. 24, 36–25, 46 : C’est ici surtout que S. Marc abrège et condense. Il n’a que six versets pour exprimer ce qui occupe un chapitre et demi dans le premier Évangile.

Mc13.32 Pour ce qui est de ce jour et de cette heure, nul ne les connaît, ni les anges dans le ciel, ni le Fils, mais le Père seul.Quant à ce jour ou à cette heure. C’est‑à‑dire l’époque précise de la fin du monde. Après avoir affirmé d’une manière générale que personne ici‑bas ne connaît ce jour et cette heure terribles, nul ne les connaît, Jésus spécifie davantage, et signale deux sortes d’êtres qui, par suite de leur nature sublime et de leurs rapports intimes avec Dieu, sembleraient devoir posséder sur ce point des connaissances particulières : ce sont, d’un côté, les anges dans le ciel, de l’autre, le Fils de l’homme, le Messie. Or, des Anges et du Fils de l’homme il assure qu’eux aussi ils ignorent le jour et l’heure du jugement dernier. Les mots ni le Fils sont propres à S. Marc. Les hérétiques anciens et modernes (autrefois les Ariens et les « Agnoètes ou Agnoites », aujourd’hui les protestants et les musulmans) en ont abusé pour imposer à la science du Christ des limites plus ou moins étroites. Mais il y a longtemps que les Pères de l’Eglise, par des distinctions aussi claires que solides, en ont indiqué le véritable sens. Citons quelques‑unes de leurs paroles : « Comment le Fils peut‑il ne pas savoir ce que sait le Père, puisque le Fils est dans le Père ? Mais dans un autre endroit, il montre pourquoi il ne veut pas le dire » (Actes 1, 7 : « (…) ce n’est pas à vous de connaître les temps ni les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. ») Saint Ambroise de Milan, In Luc, 17, 31. De même saint Augustin, Discours sur les Psaumes, 36, 1 : « Notre‑Seigneur Jésus‑Christ, envoyé pour nous instruire, a dit que le Fils de l’homme lui‑même ne connaît pas ce jour, parce qu’il n’était pas dans ses attributions de nous le faire connaître. Le Père, en effet, ne sait rien que le Fils ne sache également, puisque la science du Père est identique à sa sagesse, et que sa sagesse est son Fils, son Verbe. Mais comme il n’était pas utile pour nous de connaître ce que connaissait fort bien celui qui était venu nous instruire, sans nous apprendre ce qu’il ne nous était pas avantageux de savoir : alors, non‑seulement c’est en qualité de maître qu’il nous a donné certains enseignements, mais encore en qualité de maître qu’il nous en a refusé d’autres. ». Cf. saint Augustin, de Trinitate, 12, 3, saint Hilaire de Poitiers, de Trinitate, 9 ; et les commentaires de Jansenius, de Maldonat, de Patrizi, h. l. Nous citerons encore l’excellente interprétation de Fr. Luc : « Il dit que c’est le Fils de l’homme, c’est‑à‑dire lui en tant qu’homme, qui ne sait pas, non absolument parlant, mais d’une manière qui lui est propre… Dieu ne révèle à aucune créature ce jour qu’il est impossible à aucune créature de découvrir. Mais l’âme du Christ, bien qu’elle soit une créature, le voit dans la nature de Dieu à laquelle elle est unie. Car, que le Christ fils d’homme soit aussi fils de Dieu, c’est une chose qui lui est propre, et qui n’est le partage d’aucune créature. Et c’est du seul fait que le Fils de l’homme est uni au Fils de Dieu qu’il sait qu’il ignorera, comme les autres créatures, certaines choses, même les plus subtiles… C’est dans ce sens que Grégoire le Grand dit que le Christ a connu ce jour dans la nature humaine, mais pas par la nature humaine » [car le Christ a connu ce jour par sa nature divine] Franciscus Lucas Brugensis, Commentarius in Sacro‑sancta Quatuor Iesu Christi Evangelia, h. l. Voyez aussi Bossuet, Méditatation sur l’Évangile, Dernière Semaine, 77e et 78e jour. — Mais le Père seul. « Par ce secret impénétrable, dit fort bien Dom Augustin Calmet, Jésus veut nous contenir dans une vigilance et une attention continuelles, et réprimer en nous la vaine curiosité et les recherches inutiles au salut ».

Mc13.33 Prenez garde, veillez et priez, car vous ne savez pas quand ce sera le moment. — L’exhortation devient pressante et rapide.  Incapable d’être assez attentif par lui‑même, à cause de l’insouciance et de la légèreté qui lui sont propres, l’homme doit demander du secours au Seigneur pour n’être pas surpris par l’arrivée soudaine du dernier jugement.

Mc13.34 C’est ainsi qu’un homme, ayant laissé sa maison pour aller en voyage, après avoir remis l’autorité à ses serviteurs et assigné à chacun sa tâche, commande au portier de veiller. — Cette petite parabole, par laquelle Notre‑Seigneur corrobore son exhortation, diffère un peu de celle que nous lisons dans le passage parallèle du premier Évangile, Marc 24, 45 et ss. Là, le personnage principal était un majordome, c’est‑à‑dire le premier de tous les serviteurs ; ici c’est un portier, le dernier des esclaves. Là, Jésus recommandait par‑dessus tout la fidélité dans la vigilance ; ici il exhorte à la vigilance. Le Sauveur eut donc recours dans cette circonstance à plusieurs similitudes, parmi lesquelles chaque Évangéliste a fait son choix. Ainsi s’expliquent leurs divergences. — Un homme qui, s’en allant au loin. Cf. Marc 12, 1 et le commentaire. Allusion manifeste au prochain « départ » de Jésus. — Remet l’autorité à ses serviteurs. « Ayant donné le commandement à ses serviteurs, à chacun son emploi », il recommanda spécialement au portier de veiller.

Mc13.35 Veillez donc, car vous ne savez pas quand viendra le maître de la maison, le soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du coq, ou le matin, 36 de peur que, survenant tout à coup, il ne vous trouve endormis. — Application de la parabole. — Veillez donc. Jésus répète son mot d’ordre avec emphase. Il répète de même avec quelques développements (cf. v. 33) le motif pour lequel ses disciples devront veiller sans cesse dans l’attente de son second avènement : car vous ne savez pas… — Le soir, ou au milieu de la nuit… Ce sont les noms techniques des quatre divisions de la nuit chez les Romains. La Mischna, Tamid. 1, 1, 2, raconte que, pour obliger à une vigilance perpétuelle les Lévites qui montaient la garde dans le Temple pendant la nuit, un prêtre venait de temps en temps, mais à des heures variées et à l’improviste, frapper à la porte du lieu saint, qu’on devait aussitôt lui ouvrir. C’est ainsi que fait le Fils de Dieu. — Survenant tout à coup. C’est sur cet adverbe tout à coup que repose l’idée principale.

Mc13.37 Ce que je vous dis, je le dis à tous : Veillez. »Je le dis à tous. « Il n’a pas seulement parlé ainsi pour ceux qui avaient le bonheur de l’entendre, mais aussi pour ceux qui furent de ce monde après ses disciples et avant nous, et pour nous‑mêmes et pour ceux qui viendront après nous jusqu’au dernier avènement » [Saint Augustin d’Hippone, Lettre 199.]. — Veillez. Dans la rédaction de S. Marc, le discours eschatologique se termine par cette parole vigoureusement accentuée. Les premiers chrétiens, afin de se motiver plus vivement à mettre en pratique la recommandation de Jésus, aimaient à prendre des noms qui la leur rappellent sans cesse. De là ces Vigilius, ces Gregorius (d’un verbe grec signifiant « veiller ») si souvent mentionnés dans les inscriptions des Catacombes.

Bible de Rome
Bible de Rome
La Bible de Rome réunit la traduction révisée 2023 de l’abbé A. Crampon, les introductions et commentaires détaillés de l’abbé Louis-Claude Fillion sur les Évangiles, les commentaires des Psaumes par l’abbé Joseph-Franz von Allioli, ainsi que les notes explicatives de l’abbé Fulcran Vigouroux sur les autres livres bibliques, tous actualisés par Alexis Maillard.

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