« Quel malheur pour vous, pharisiens ! Vous aussi, les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous ! » (Lc 11, 42-46)

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Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, Jésus disait :
    « Quel malheur pour vous, pharisiens,
parce que vous payez la dîme
sur toutes les plantes du jardin,
comme la menthe et la rue
et vous passez à côté du jugement et de l’amour de Dieu.
Ceci, il fallait l’observer,
sans abandonner cela.
    Quel malheur pour vous, pharisiens,
parce que vous aimez le premier siège dans les synagogues,
et les salutations sur les places publiques.
    Quel malheur pour vous,
parce que vous êtes comme ces tombeaux qu’on ne voit pas
et sur lesquels on marche sans le savoir. »

    Alors un docteur de la Loi prit la parole et lui dit :
« Maître, en parlant ainsi,
c’est nous aussi que tu insultes. »
    Jésus reprit :
« Vous aussi, les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous,
parce que vous chargez les gens
de fardeaux impossibles à porter,
et vous-mêmes, vous ne touchez même pas ces fardeaux
d’un seul doigt. »

            – Acclamons la Parole de Dieu.

Dépasser le légalisme pour aimer: entendre et suivre la voix du Christ

De la critique des Pharisiens à la liberté des disciples: discerner, agir et porter du fruit aujourd’hui.

Ce texte s’adresse à celles et ceux qui cherchent une foi dense et simple à la fois: exigeante pour le cœur, légère pour la conscience, féconde pour la vie. À partir des « malheurs » adressés aux Pharisiens (Lc 11, 42-46) et de l’appel lumineux « Mes brebis écoutent ma voix » (Jn 10, 27), nous suivrons un fil de transformation: passer du poids des exigences à la grâce de la relation, du prestige religieux à la charité concrète, de l’angoisse de bien faire à la joie de mieux aimer. L’objectif: une méthode reproductible pour discerner, agir et transmettre.

Situer Lc 11, 42-46 et Jn 10, 27 dans leur contexte et leur portée spirituelle.

Identifier l’idée directrice: l’intégration du jugement et de l’amour comme cœur de la Loi.

Déployer trois axes: critères, conversion des motivations, co-portage des fardeaux.

Traduire en pratiques: sphères de vie, projets concrets, feuille pratique actionnable.

Ancrer dans la tradition, répondre aux défis, appeler à une mise en route joyeuse.

Contexte

Le passage de Lc 11, 42-46 s’inscrit au cœur d’une controverse de Jésus avec certains Pharisiens et docteurs de la Loi. Le reproche porte non sur l’observance en tant que telle, mais sur son déséquilibre: scrupuleux pour la dîme sur la menthe et la rue, négligents pour « le jugement et l’amour de Dieu ». Cette tension révèle un glissement subtil: lorsque la pratique, même minutieuse, se décolle de la finalité, elle se transforme en fardeau inutile et en écran à la miséricorde.

La mention des « premiers sièges » et des « salutations sur les places » introduit la dimension sociale du religieux: la reconnaissance devient monnaie symbolique. Or la vie spirituelle, dès qu’elle s’alimente de regard social plus que de regard de Dieu, s’expose à une double corruption: la vanité d’un côté, le cynisme de l’autre. Jésus ne fustige pas pour humilier, mais pour libérer: il retire le masque afin de rendre au visage sa lumière.

Une image choc structure la dénonciation: « des tombeaux qu’on ne voit pas ». Dans le judaïsme du Second Temple, le contact avec un tombeau rend impur. Un tombeau dissimulé contamine à l’insu de celui qui marche. C’est l’illustration d’une religiosité qui, faute de transparence intérieure, devient source d’impureté sociale: elle transmet la peur et l’obsession au lieu de transmettre la vie.

Le dialogue avec un docteur de la Loi déplace la critique de la scène rituelle au champ éthique: « vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter, et vous-mêmes ne les touchez pas d’un seul doigt ». Le durcissement normatif, sans accompagnement, produit l’épuisement et l’écrasement. Jésus propose une autre logique: non pas abolir la Loi, mais l’accomplir en l’orientant vers sa fin, l’amour de Dieu et du prochain, la justice comme style de relation. D’où la convergence avec Jn 10, 27: « Mes brebis écoutent ma voix; moi, je les connais, et elles me suivent. » L’autorité qui vient du Christ est relationnelle, non oppressive; elle connaît, parle, guide, et conduit à la vie.

Pharisiens et docteurs de la Loi

Les Pharisiens forment un mouvement de renouveau qui valorise la sainteté dans la vie quotidienne, au-delà du Temple. Les docteurs de la Loi (scribes) sont des interprètes reconnus de la Torah orale et écrite. Jésus dialogue avec eux de l’intérieur d’un monde juif pluriel, critiquant des dérives, non un peuple ni une tradition en bloc. Sa polémique est une chirurgie, pas une condamnation globale.

Nuancer le contexte évite l’anachronisme et tout anti-judaïsme.

« Quel malheur pour vous, pharisiens ! Vous aussi, les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous ! » (Lc 11, 42-46)

Analyse

Idée directrice: Jésus oppose l’obsession des détails à l’oubli de l’essentiel, mais sans opposer l’essentiel aux détails. La clé herméneutique réside dans sa phrase d’équilibre: « Ceci, il fallait l’observer, sans abandonner cela. » Il ne s’agit pas d’une déconstruction morale, mais d’une hiérarchie des biens: l’amour et la justice sont la mesure de toute observance. Lorsqu’un précepte apparemment mineur (dîme de la menthe) prend la place du cœur (jugement droit et charité), la boussole s’affole.

La rhétorique des « malheurs » est prophétique. Elle démasque une logique de façade: première place, salutations, tombeaux invisibles. Le religieux devient un théâtre où l’on joue sa valeur. En réponse, Jn 10, 27 offre la contre-figure: la relation du berger et des brebis. On n’y monte pas sur scène; on marche derrière une voix. Il ne s’agit pas de se faire voir, mais d’apprendre à écouter.

Preuves internes au texte: l’opposition « dîme… jugement et amour », les images d’impureté cachée, la critique des fardeaux, tracent une géographie de la déviation. Preuves externes (tradition): la Loi vise la charité; l’autorité pastorale est un service; le discernement prime la performance. Conséquence: l’authentique réforme spirituelle n’abolit ni les rites ni les règles, mais elle les réoriente et les allège en les réinsérant dans la relation qui sauve. La voix du Christ est moins un ordre qu’une orientation vitale: elle attire, elle reconnaît, elle précède.

« Ceci… sans abandonner cela »

Deux erreurs symétriques: 1) Légalismes épuisants, sans amour. 2) Vagues sentiments, sans formes ni fidélité. Jésus unit substance (charité) et forme (pratiques), en ordonnant la seconde à la première. La foi mature se reconnaît à cet équilibre vivant.

enir ensemble l’essentiel et le secondaire, mais dans l’ordre juste.

« Quel malheur pour vous, pharisiens ! Vous aussi, les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous ! » (Lc 11, 42-46)

Jugement et amour: les critères du cœur

La paire « jugement et amour de Dieu » (Lc 11, 42) condense l’éthique biblique: juger droitement et aimer fidèlement. Le jugement désigne ici le discernement relationnel et social: savoir peser équité et miséricorde, rendre à chacun ce qui lui est dû, déjouer les angles morts de nos préférences. L’amour de Dieu n’est pas une émotion diffuse; il irrigue l’ensemble des choix concrets, surtout là où ils coûtent. L’un sans l’autre s’altère: un jugement sans amour devient froideur; un amour sans jugement se dissout en sentimentalisme.

Un critère pratique émerge: ce qui augmente la capacité de relation vraie participe de l’amour; ce qui l’amoindrit relève d’un faux zèle. Appliqué aux observances, cela signifie: une pratique est juste si elle creuse en moi l’espace d’une charité plus ardente et d’une justice plus fine. À l’inverse, si elle me rend plus dur, plus supérieur, plus inquiet, elle s’éloigne de sa finalité. Cette vérification sobre demande honnêteté et accompagnement.

L’image des « tombeaux invisibles » rappelle un autre critère: la transparence. La sainteté n’est pas une couche blanche sur un tombeau, c’est la vie à l’œuvre dans la vase du réel. Une communauté qui sait nommer ses limites se purifie en profondeur. Une communauté qui les dissimule laisse sourdre une contamination silencieuse: peur, honte, double langage. Les « malheurs » prennent alors la valeur d’une alarme salutaire.

Enfin, Jn 10, 27 propose la régulation ultime: écouter la voix du Christ. Comment? Par l’Écriture reçue en Église, par la prière silencieuse, par l’épreuve de la charité concrète, par l’avis des pauvres et des petits qui nous réenseigne le centre. Le discernement devient un art: une pratique, une parole, une règle, me rendent-elles plus capable d’aimer Dieu et mon prochain de manière juste? Si oui, on continue, parfois en simplifiant. Si non, on réajuste, parfois en renonçant à l’accessoire.

Des motivations purifiées : du prestige à la présence

« Vous aimez le premier siège et les salutations »: la tentation du prestige n’est pas propre aux Pharisiens. Elle affecte tout milieu engagé et vertueux. Là où il y a excellence, reconnaissance et capital symbolique, se logent comparaison, peur de déchoir, calcul de réputation. Jésus ne supprime pas l’honneur dû, il nous délivre de l’idolâtrie du regard. L’antidote n’est pas l’incivilité, mais la présence humble: voir et servir sans se regarder servir.

Un chemin de purification passe par l’intention droite: avant un acte religieux ou caritatif, demander intérieurement: pour qui je fais cela? Pour le Christ et ses petits, ou pour maintenir une image de moi? Cette question n’humilie pas; elle unifie. Elle convertit la performance en offrande, le protocole en présence. Progressivement, l’identité se déplace: non plus « être celui qui… » mais « être connu du Christ ». La phrase « moi, je les connais » de Jn 10 est tendre et décisive: la vraie sécurité n’est pas d’être vu, mais d’être reconnu par Celui qui connaît.

Dans les communautés, la conversion des motivations requiert des formes concrètes: rotation des responsabilités, gratitude partagée, relecture commune des décisions en fonction des plus fragiles. La « première place » devient unité de service qui circule. La parole passe du je au nous. L’attention se déplace vers les périphéries: qui n’a pas de siège, qui n’est pas salué? Alors la liturgie des honneurs se transfigure en liturgie de la charité.

Rester attentif à un paradoxe: la visibilité peut être juste quand elle est au service d’un bien plus grand. Témoigner publiquement, prendre la parole, recevoir une mission, ne sont pas suspects en soi. Ce qui compte est la source (appel reçu), la finalité (édification des autres), et la manière (humilité joyeuse). Le signe de santé: la joie demeure même si le poste disparaît.

Index de vanité spirituelle

Signaux d’alerte: rechercher systématiquement les remerciements, se vexer d’être oublié, confondre critique et attaque personnelle, préférer les tâches visibles, accumuler les titres. Antidotes: service discret, écoute de personnes sans pouvoir, examen ignatien, correction fraternelle.

Observer sans se juger; convertir sans s’épuiser.

« Quel malheur pour vous, pharisiens ! Vous aussi, les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous ! » (Lc 11, 42-46)

Des fardeaux à porter ensemble : l’accompagnement évangélique

« Vous chargez de fardeaux impossibles à porter »: l’injustice ne tient pas seulement à la norme, mais à la façon de l’appliquer. Une règle juste devient oppressive si l’on supprime la pédagogie, la progressivité, l’aide fraternelle. Jésus propose un autre style d’autorité: il marche devant et à côté. Il enseigne et il porte. Il corrige et il relève. Bref, il transforme la Loi en chemin.

Concrètement, cela implique un art de l’accompagnement. D’abord, alléger ce qui est accessoire, expliciter ce qui est essentiel, reconnaître ce qui est impossible. La vie morale chrétienne n’est pas un examen permanent, mais une croissance. Ensuite, joindre les doigts à l’action: « ne pas toucher d’un seul doigt » est le diagnostic d’une autorité qui délègue la contrainte sans partager le coût. L’autorité évangélique, au contraire, s’expose et s’implique.

Dans les familles, les équipes, les paroisses, passer d’une logique de prescription à une logique de compagnonnage: faire avec, montrer comment, célébrer les progrès. La confession classique « moins, plus, mieux » aide: moins de consignes, plus d’exemples, mieux d’accompagnement. Les fardeaux deviennent supportables quand ils sont partagés et quand l’on sait pourquoi on les porte.

Enfin, relier l’exigence à la promesse. « Mes brebis écoutent ma voix »: si l’écoute est réelle, la marche devient possible. Une communauté qui favorise l’écoute (silence, Parole, relecture) découvre l’ajustement des règles et le courage des décisions. La voix du Christ n’impose pas d’en haut; elle attire depuis l’avenir. C’est pourquoi l’Église avance non par pression, mais par persuasion nourrie d’espérance.

Critères d’un accompagnement juste

Clarté du but (charité), progressivité des étapes, co-responsabilité réelle, évaluation des effets sur les plus fragiles, droit à l’essai et à l’erreur, relecture priante régulière.

Quand l’accompagnement est juste, le poids devient chemin.

Implications et applications

  • Vie personnelle : Pratiquer un examen quotidien sur l’intention. Noter un acte où l’amour et la justice se sont rencontrés, un autre où l’un manquait. Ajuster un point concret pour le lendemain.
  • Vie familiale : Réduire les « règlements » de maison au minimum vital, nommer la raison de chaque règle, prévoir une marge d’exception, ritualiser la gratitude plus que la sanction.
  • Vie communautaire/ecclésiale : Auditer les « fardeaux » (calendrier, obligations, formulaires). Supprimer le superflu, expliquer l’essentiel, créer des binômes d’entraide, ouvrir des « guichets d’écoute » de quinze minutes.
  • Vie professionnelle : Remplacer une consigne imposée par un processus co-construit. Fixer des critères mesurables reliés au sens du travail. Partager la charge des tâches ingrates par rotation.
  • Vie citoyenne : Soutenir des initiatives de justice locale qui allègent des fardeaux réels (endettement, isolement, décrochage). Participer une heure par semaine à une action concrète visible.
  • Vie numérique : Débusquer la « première place » virtuelle. Définir des règles d’usage qui favorisent l’écoute (temps de silence, commentaires bienveillants, fact-checking partagé). Bannir l’humiliation publique.
  • Vie spirituelle : Réinsérer les pratiques (jeûne, dîme, pèlerinage) dans un projet de charité. Associer chaque pratique à une personne à aimer et à un acte de justice à poser.

Résonances

La Loi orientée vers la charité est un leitmotiv patristique. Augustin résume: « Aime et fais ce que tu veux » (non pas « ce qui te plaît », mais « ce que commande l’amour éclairé »). Thomas d’Aquin précise: la fin de la loi nouvelle est la grâce de l’Esprit qui nous rend capables de charité; les préceptes n’ont sens que relativement à cette fin. La norme est bonne si elle instruit, meilleure si elle accompagne, parfaite si elle transforme.

La tradition juive elle-même nuance l’observance. Le Talmud et la Mishna discutent des degrés d’obligation de la dîme, révélant un souci de cohérence plus que de scrupule. Rabbi Hillel condense la Torah en une règle d’or: « Ce qui t’est odieux, ne le fais pas à ton prochain. » Jésus s’inscrit dans cette dynamique en conduisant à l’accomplissement: aimer Dieu et le prochain résume la Loi et les Prophètes.

Dans le Nouveau Testament, Jacques rappelle que la « religion pure » consiste à prendre soin des orphelins et des veuves et à se garder de la souillure du monde. Paul affirme que « l’accomplissement parfait de la Loi, c’est l’amour »; il dénonce aussi les « faux frères » qui imposent des charges inutiles. L’Évangile selon Matthieu (chapitre 23) offre un parallèle développé aux « malheurs », confirmant la centralité de la justice, de la miséricorde et de la fidélité.

Le Magistère contemporain prolonge: Vatican II (Dei Verbum) insiste sur l’écoute de la Parole; Gaudium et Spes réinsère la foi dans les joies et les espoirs du monde. Des textes récents dénoncent la « mondanité spirituelle », ce mélange de codes pieux et d’ego, plus dangereux que des faiblesses visibles. L’ecclésiologie de communion redéfinit l’autorité comme service, l’exigence comme chemin, la mission comme sortie de soi.

« Quel malheur pour vous, pharisiens ! Vous aussi, les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous ! » (Lc 11, 42-46)

Piste de pratique et méditation

Proposer une semaine d’écoute pour aligner intention, pratique et charité.

  • Jour 1 — Silence d’orientation (10 minutes): « Seigneur, fais-moi entendre ta voix. » Respirer lentement. Confier trois situations où je veux discerner.
  • Jour 2 — Lectio (Lc 11, 42-46): Lire lentement, souligner « ceci… sans abandonner cela ». Demander lumière sur un « cela » à alléger, un « ceci » à approfondir.
  • Jour 3 — Lectio (Jn 10, 27): Écouter la voix du Berger. Noter une parole qui appelle à une action concrète aujourd’hui. Poser cette action humblement.
  • Jour 4 — Élection petite: Choisir une pratique à simplifier et une relation à honorer. Écrire sur une carte: « Moins de forme superflue, plus de présence réelle. »
  • Jour 5 — Accompagnement: Chercher un compagnon de route. Partager une charge, demander un conseil, offrir une aide. Fixer une relecture commune dans quinze jours.
  • Jour 6 — Miséricorde: Poser un acte de justice miséricordieuse discret. Par exemple, régler une petite dette morale, réhabiliter par un mot quelqu’un de mal jugé.
  • Jour 7 — Action de grâce: Relire la semaine. Quels fardeaux ont bougé? Quelle joie a surgi? Rendre grâce et décider d’un pas durable.

Questions actuelles et défis

  • Cette critique n’alimente-t-elle pas l’anti-judaïsme? Le texte est une dispute intrajuive. Jésus, juif, parle à des juifs dans un contexte de réforme. Notre lecture doit refuser toute généralisation abusive. Les dérives visées existent dans toute religion, toute idéologie, toute institution. La vigilance éthique est universelle.
  • Faut-il alors abolir les pratiques religieuses? Non. Jésus dit « ceci… sans abandonner cela ». Les formes sont précieuses quand elles servent la relation. La solution n’est pas l’anomie, mais l’ordonnancement: simplifier l’accessoire, approfondir l’essentiel, articuler les deux.
  • Qui décide de « l’essentiel »? Ni un caprice individuel, ni un diktat anonyme. Le discernement s’enracine dans l’Écriture, se vérifie dans la Tradition, se reçoit de la communauté, s’actualise par la conscience éclairée. L’épiscopat et les pasteurs ont un rôle de garantie; le sensus fidei du peuple de Dieu contribue; la charité envers les petits est un test décisif.
  • Comment éviter l’épuisement en « portant les fardeaux »? En posant des limites justes, en partageant réellement, en diversifiant les formes d’aide (temps, savoir-faire, encouragement), en retenant que tout ne dépend pas de moi. L’Esprit agit au-delà de nos moyens. La joie est un indicateur de bonne charge.
  • Et l’autorité dans l’Église? L’autorité évangélique est service. Elle n’est ni molle (laisser-faire), ni dure (imposer sans accompagner). Elle enseigne, écoute, décide, rend compte. Elle accepte la correction fraternelle. Elle se laisse convertir par les fruits de la mission plutôt que par la peur de perdre la face.

Prière

Seigneur Jésus, Berger véritable, ta voix nous appelle à la vie. Nous te bénissons pour ta connaissance aimante, plus forte que nos peurs, plus claire que nos confusions. Fais-nous entrer dans l’écoute qui libère et dans l’obéissance qui donne la joie.

Seigneur, nous confessons nos duretés: lorsque nous avons préféré l’apparence à la vérité, la première place au dernier service, la lettre froide à l’amour vivant. Purifie nos intentions, simplifie nos pratiques, unifie nos cœurs. R/ Donne-nous d’écouter ta voix.

Tu nous rappelles que « jugement et amour de Dieu » sont le cœur de la Loi. Éclaire notre discernement, afin que la justice ne devienne pas sévérité et que la miséricorde ne se dilue pas en indifférence. Donne-nous de choisir ce qui fait grandir la relation, et d’écarter ce qui l’écrase. R/ Donne-nous d’écouter ta voix.

Nous te prions pour les pasteurs et les responsables: garde-les de charger des fardeaux impossibles à porter. Inspire-leur un gouvernement humble, patient, courageux, qui accompagne en marchant, qui enseigne en servant, qui corrige en relevant. R/ Donne-nous d’écouter ta voix.

Nous te confions ceux qui ploient sous le poids: obligations sans soutien, normes sans explication, isolement sans voix. Envoie-leur des frères et des sœurs qui touchent ces fardeaux avec douceur, partagent la route et ouvrent des chemins praticables. R/ Donne-nous d’écouter ta voix.

Visite nos communautés: délivre-nous de la « première place » et des salutations vaines. Fais de nos assemblées des maisons de transparence, où l’on peut nommer ses fragilités sans honte et recevoir un secours sans délai. Que la liturgie de nos cœurs déborde en œuvres de justice et de paix. R/ Donne-nous d’écouter ta voix.

Apprends-nous l’art du peu essentiel: moins d’accessoire, plus de présence; moins de mots creux, plus de gestes utiles; moins de calcul, plus de gratuité. Que chaque règle renvoie à la charité, chaque exigence à la grâce, chaque décision au bien des plus petits. R/ Donne-nous d’écouter ta voix.

Toi qui connais tes brebis et que tes brebis suivent, garde-nous près de toi. Que ton Esprit grave en nous la loi nouvelle, et que ta parole, reçue dans le silence, devienne chemin sous nos pas. Toi qui vis et règnes pour les siècles des siècles. Amen.

Indicateurs de fruit

Moins d’angoisse et plus de joie; moins de plaintes et plus d’initiatives; moins d’apparence et plus de présence; moins de mots creux et plus de gestes utiles; plus de pauvres rejoints.

Les fruits évangéliques se mesurent à la vie qu’ils transmettent.

Conclusion

Le Christ ne nous invite pas à accomplir un numéro religieux plus performant, mais à entrer dans une alliance plus simple et plus vraie: écouter sa voix, marcher derrière lui, aimer avec jugement. Les « malheurs » ne visent pas à condamner, mais à réveiller: la vie est trop précieuse pour se perdre dans l’accessoire; la relation est trop belle pour s’atrophier en prestige. La réforme qu’il propose est joyeuse: alléger, ordonner, accompagner.

Commencer petit et tout de suite: un acte d’écoute, un geste de justice, une suppression d’accessoire, une aide concrète donnée. S’entourer: choisir un compagnon de route, rejoindre un petit groupe. Relire: noter les fruits, corriger avec bienveillance. Et surtout, revenir à la source: « Mes brebis écoutent ma voix. » La voix du Berger ne crie pas; elle appelle. Elle ne charge pas; elle porte. Elle ne flatte pas; elle connaît et elle aime. C’est ainsi que la Loi devient chemin et que la foi devient vie.

Pratique

  • Chaque matin, lire un court Évangile et décider d’un geste de charité, concret, modeste, réalisable avant midi.
  • Chaque semaine, supprimer une obligation accessoire et ajouter un accompagnement tangible à une exigence essentielle.
  • Avant une action visible, prier trente secondes: « Pour qui? Avec qui? Pourquoi? » Puis agir simplement.
  • Mettre en place une rotation trimestrielle des rôles visibles et un rituel de gratitude pour les tâches cachées.
  • Organiser un audit « Essentiel/Accessoire » sur un mois avec critères, décisions, communication et évaluation des fruits.
  • Choisir un compagnon spirituel pour relire progrès et écueils, toutes les deux semaines, avec douceur et vérité.
  • Mesurer les fruits: joie, paix, initiatives, soin des plus fragiles, clarté intérieure. Ajuster en conséquence.

Références

  • Évangile selon saint Luc, 11, 42-46; parallèle: Matthieu 23.
  • Évangile selon saint Jean, 10, 1-30 (notamment 10, 27).
  • Lettre de saint Jacques, 1, 27; Lettre aux Romains, 13, 8-10; Galates 6, 2.
  • Mishna, Ma’aserot (sur la dîme des herbes); Talmud, Shabbat 31a (Hillel).
  • Augustin, Homélies sur la première épître de Jean (sermon 7: « Aime et fais ce que tu veux »).
  • Thomas d’Aquin, Somme théologique, I-II, qq. 90-97 (loi), II-II (charité).
  • Catéchisme de l’Église catholique, 1965-1974 (Loi nouvelle et grâce).
  • Enseignements contemporains sur la mondanité spirituelle et la conversion pastorale.

Équipe Via Bible
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