Sagesse pour l’ère digitale (thématique)

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Introduction : pourquoi ce parcours ?

Le défi spirituel de notre époque

Nous vivons une révolution sans précédent. En moins de trois décennies, le numérique a transformé notre manière de communiquer, de travailler, de nous divertir, et même de prier. Nos smartphones sont devenus des extensions de nous-mêmes : nous les consultons en moyenne plus de 150 fois par jour. Les réseaux sociaux ont redéfini nos relations. L’intelligence artificielle commence à s’immiscer dans nos décisions quotidiennes.

Face à cette mutation profonde, beaucoup de chrétiens se sentent démunis. Comment vivre sa foi à l’ère des algorithmes ? Comment préserver son intériorité quand tout nous pousse vers l’extériorité ? Comment discerner le bien du mal dans un monde où l’information circule à la vitesse de la lumière, mais où la vérité semble de plus en plus difficile à cerner ?

Ce parcours de 14 jours est né d’une conviction simple : la Parole de Dieu, écrite il y a des millénaires, contient une sagesse éternelle capable d’éclairer les défis les plus contemporains. Les Écritures ne parlent pas explicitement de smartphones ou de réseaux sociaux, bien sûr. Mais elles abordent les questions fondamentales que ces technologies soulèvent : notre rapport au temps, à l’attention, à la parole, à l’image, à la communauté, à la vérité, à notre propre cœur.

Une approche théologique et pratique

Ce parcours n’est ni une diabolisation du numérique, ni une célébration naïve de ses promesses. Il propose un chemin de discernement enraciné dans la tradition biblique et catholique. Chaque jour, tu découvriras des textes de l’Ancien et du Nouveau Testament qui éclairent un aspect particulier de notre vie numérique.

L’approche est résolument théologique : nous cherchons à comprendre ce que Dieu nous dit à travers sa Parole sur les enjeux de notre temps. Mais elle est aussi pratique : chaque jour se termine par des pistes concrètes pour vivre différemment avec le numérique. Car la foi chrétienne n’est pas une gnose désincarnée, mais une vie transformée par la grâce.

Les 14 jours sont organisés en trois grandes étapes. Les cinq premiers jours posent les fondations : ils explorent notre rapport au temps, à l’attention, à l’intériorité, au repos et à la présence. Les six jours suivants abordent nos relations numériques : la parole, l’image de soi, la communauté, la vérité, la charité en ligne, et la gestion des conflits. Les trois derniers jours ouvrent des perspectives : l’évangélisation numérique, le discernement face aux nouvelles technologies, et l’espérance dans un monde en mutation.

Comment utiliser ce parcours

Chaque jour comprend plusieurs éléments. D’abord, une présentation du thème qui situe l’enjeu spirituel. Ensuite, les textes bibliques à méditer, choisis dans la Bible catholique (incluant les livres deutérocanoniques). Puis une explication théologique qui fait le lien entre ces textes et notre réalité numérique. Enfin, des propositions concrètes pour la journée.

Je te conseille de prendre ce parcours le matin, avant de consulter tes écrans. Accorde-toi au moins 20 à 30 minutes de lecture priante. Si possible, note tes réflexions dans un carnet. Et surtout, essaie vraiment de mettre en pratique les suggestions quotidiennes : c’est en faisant que l’on apprend à vivre autrement.

Tu peux suivre ce parcours seul(e), mais il est encore plus fructueux en groupe : en famille, entre amis, dans un groupe de partage paroissial. Les échanges sur ces sujets sont précieux, car nous avons tous des expériences différentes du numérique et des sagesses complémentaires à partager.

Que l’Esprit Saint t’accompagne dans cette aventure. Qu’il ouvre ton cœur à la Parole et t’aide à trouver, au milieu du bruit numérique, le chemin de la vraie liberté.

Sagesse pour l'ère digitale (thématique)

Jour 1

Maîtriser son temps à l’ère de l’instantanéité

Thème : Le temps comme don de Dieu

Le contexte : l’accélération permanente

Le numérique a compressé notre perception du temps. Tout doit être instantané : réponses aux messages, livraisons, informations. Nous sommes passés de la lettre qui mettait des jours à arriver au message qui exige une réponse dans les minutes. Cette accélération n’est pas neutre : elle façonne notre psyché, notre spiritualité, notre rapport à Dieu lui-même.

Paradoxalement, alors que nous gagnons du temps grâce à la technologie, nous avons le sentiment d’en manquer toujours plus. Les études montrent que les personnes les plus connectées sont souvent les plus stressées par le temps. C’est ce que les sociologues appellent la « famine temporelle » : plus nous avons d’outils pour gagner du temps, plus nous nous sentons pressés.

Cette situation pose une question spirituelle fondamentale : à qui appartient notre temps ? Qui en est le maître ? Est-ce nous, est-ce les notifications qui nous sollicitent, ou est-ce Dieu ?

Les textes du jour

Lecture principale : Qohélet 3, 1-15

« Il y a un moment pour tout, et un temps pour chaque chose sous le ciel : un temps pour enfanter et un temps pour mourir ; un temps pour planter et un temps pour arracher le plant ; un temps pour tuer et un temps pour guérir ; un temps pour détruire et un temps pour bâtir ; un temps pour pleurer et un temps pour rire ; un temps pour gémir et un temps pour danser ; un temps pour jeter des pierres et un temps pour en ramasser ; un temps pour embrasser et un temps pour s’abstenir d’embrassements ; un temps pour chercher et un temps pour perdre ; un temps pour garder et un temps pour jeter ; un temps pour déchirer et un temps pour coudre ; un temps pour se taire et un temps pour parler ; un temps pour aimer et un temps pour haïr ; un temps pour la guerre et un temps pour la paix. »

— Qohélet 3, 1-8

« Quel profit le travailleur tire-t-il de sa peine ? J’ai vu la besogne que Dieu a donnée aux fils d’Adam pour qu’ils s’y emploient. Toutes choses, il les a faites belles en leur temps. De plus, il a mis dans leur cœur l’ensemble du temps, sans que l’homme puisse découvrir l’œuvre que Dieu a faite du début jusqu’à la fin. »

— Qohélet 3, 9-11

Texte complémentaire : Psaume 90 (89), 1-12

« À tes yeux, mille ans sont comme hier, c’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit. […] Le nombre de nos années ? Soixante-dix, quatre-vingts pour les plus vigoureux ! Leur plus grand nombre n’est que peine et misère ; elles s’enfuient, nous nous envolons. […] Apprends-nous la vraie mesure de nos jours : que nos cœurs pénètrent la sagesse. »

— Psaume 90, 4.10.12

Texte du Nouveau Testament : Éphésiens 5, 15-17

« Prenez bien garde à votre conduite : ne vivez pas comme des fous, mais comme des sages. Tirez parti du temps présent, car nous traversons des jours mauvais. Ne soyez donc pas insensés, mais comprenez bien quelle est la volonté du Seigneur. »

— Éphésiens 5, 15-17

Méditation théologique

Le temps a une structure divine

Le poème de Qohélet nous révèle une vérité fondamentale : le temps n’est pas une matière informe que nous pourrions modeler à notre guise. Il a une structure, un rythme, une qualité propre à chaque moment. Il y a des temps pour agir et des temps pour s’abstenir, des temps pour parler et des temps pour se taire.

Cette vision s’oppose frontalement à l’idéologie de l’instantanéité numérique, qui prétend que tout peut et doit se faire à tout moment. L’économie de l’attention nous pousse à être toujours disponibles, toujours réactifs, toujours productifs. Mais le sage biblique nous rappelle que cette prétention est un mensonge. Il y a un temps pour chaque chose, et vouloir tout faire tout le temps, c’est finalement ne rien faire vraiment.

Saint Augustin, dans ses Confessions, a longuement médité sur le mystère du temps. Il a montré que le temps n’existe véritablement que dans notre âme : le passé est mémoire, le futur est attente, et le présent est attention. Or, c’est précisément notre attention que le numérique capture et fragmente. En multipliant les sollicitations, il nous empêche de vivre pleinement le présent, ce lieu où Dieu nous rencontre.

Racheter le temps

L’expression de saint Paul dans Éphésiens est saisissante : « Tirez parti du temps présent » ou, selon d’autres traductions, « Rachetez le temps ». Le verbe grec exagorazō évoque l’idée de racheter un esclave pour lui rendre sa liberté. Notre temps est-il libre, ou est-il esclave des algorithmes et des notifications ?

Racheter le temps, c’est d’abord reconnaître qu’il ne nous appartient pas en propre. Il est un don de Dieu, une grâce quotidienne. Chaque matin, nous recevons 24 heures neuves, non pas comme un dû, mais comme un cadeau. Cette conscience devrait transformer notre rapport au temps numérique : au lieu de le subir passivement, nous sommes invités à le recevoir activement, à en faire une offrande.

Racheter le temps, c’est ensuite exercer notre discernement. Tout n’a pas la même valeur. Certaines activités numériques nous construisent : apprendre, créer, maintenir des liens authentiques. D’autres nous détruisent : le scrolling compulsif, la comparaison envieuse, la dispersion permanente. Être sage, c’est savoir faire la différence.

L’éternité dans le cœur

Qohélet nous dit que Dieu « a mis dans le cœur de l’homme l’ensemble du temps » — ou selon certaines traductions, « l’éternité ». Cette parole mystérieuse signifie que nous portons en nous une aspiration qui dépasse le temps. Nous ne sommes pas faits pour l’instant fugace, mais pour l’éternité.

C’est pourquoi le divertissement numérique, même quand il nous procure un plaisir immédiat, nous laisse souvent insatisfaits. Nous avons passé des heures sur les réseaux, et nous nous sentons vides. Nous avons regardé des dizaines de vidéos, et nous n’en retenons aucune. C’est que notre cœur cherche autre chose : il cherche ce qui demeure, ce qui a du poids, ce qui touche à l’éternel.

La tradition monastique distingue deux types de temps : le chronos, le temps qui passe et se mesure, et le kairos, le moment favorable, l’instant de grâce. Le numérique nous enferme souvent dans le chronos, cette succession indéfinie de moments interchangeables. Mais Dieu nous invite au kairos, à reconnaître les moments qui comptent, à saisir les occasions de grâce.

Mise en pratique

Aujourd’hui, je te propose trois exercices concrets :

Premièrement, fais un audit de ton temps d’écran. La plupart des smartphones proposent maintenant cette fonctionnalité. Regarde non seulement le temps total, mais aussi la répartition par application et le nombre de déverrouillages. Ces chiffres sont souvent surprenants, voire choquants. Accueille-les sans culpabilité, comme une prise de conscience.

Deuxièmement, identifie tes « moments kairos » de la journée : ces temps où tu es particulièrement disponible à la grâce, à la rencontre, à la profondeur. Ce peut être le matin au réveil, le soir avant de dormir, la pause déjeuner. Et décide de protéger ces moments de l’intrusion numérique.

Troisièmement, médite le psaume 90 et fais-en une prière personnelle. Demande à Dieu de t’apprendre « la vraie mesure de tes jours », de t’aider à ne pas gaspiller ce temps qui t’est donné, de mettre ton cœur dans la sagesse.

Jour 2

L’attention, ce trésor menacé

Thème : Garder son cœur dans la dispersion

Le contexte : l’économie de l’attention

Nous vivons dans ce que les économistes appellent « l’économie de l’attention ». Dans un monde où l’information est surabondante, c’est l’attention humaine qui devient la ressource rare et précieuse. Les géants du numérique l’ont bien compris : leur modèle économique repose entièrement sur leur capacité à capter et retenir notre attention le plus longtemps possible.

Pour y parvenir, ils emploient des armées d’ingénieurs et de psychologues qui conçoivent des interfaces addictives. Le scroll infini, les notifications push, les points rouges, les algorithmes de recommandation : tout est pensé pour exploiter nos vulnérabilités cognitives et nous garder captifs de nos écrans.

Le résultat est alarmant. Des études montrent que notre capacité d’attention soutenue a considérablement diminué. Nous avons de plus en plus de mal à lire un texte long, à suivre une conversation sans regarder notre téléphone, à rester concentrés sur une tâche. Notre esprit est devenu comme un papillon qui volète d’une fleur à l’autre, incapable de se poser.

Or l’attention n’est pas seulement une faculté cognitive parmi d’autres. Elle est au cœur de notre vie spirituelle. Prier, c’est faire attention à Dieu. Aimer, c’est faire attention à l’autre. L’attention est le lieu de la rencontre. Quand notre attention est fragmentée, c’est notre capacité de relation qui est atteinte.

Les textes du jour

Lecture principale : Proverbes 4, 20-27

« Mon fils, sois attentif à mes paroles, tends l’oreille vers mes discours. Qu’ils ne s’éloignent pas de tes yeux, garde-les au fond de ton cœur. Car ils sont vie pour celui qui les trouve, et santé pour tout son corps. Par-dessus tout, veille sur ton cœur, car c’est de lui que jaillissent les sources de la vie. Écarte de toi le mensonge de la bouche, éloigne de toi les lèvres perverses. Que tes yeux regardent bien en face, que ton regard se porte droit devant toi. Examine le sentier où tu poses le pied, et que toutes tes voies soient sûres. Ne dévie ni à droite ni à gauche, écarte ton pied du mal. »

— Proverbes 4, 20-27

Texte complémentaire : Deutéronome 6, 4-9 (le Shema Israël)

« Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. Ces paroles que je te donne aujourd’hui resteront dans ton cœur. Tu les rediras à tes fils, tu les répéteras sans cesse, à la maison ou en voyage, que tu sois couché ou que tu sois levé ; tu les attacheras à ta main comme un signe, elles seront un bandeau sur ton front ; tu les inscriras à l’entrée de ta maison et aux portes de ta ville. »

Deutéronome 6, 4-9

Texte du Nouveau Testament : Luc 10, 38-42 (Marthe et Marie)

« Chemin faisant, Jésus entra dans un village. Une femme nommée Marthe le reçut. Elle avait une sœur appelée Marie qui, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Quant à Marthe, elle était accaparée par les multiples occupations du service. Elle intervint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur m’ait laissé faire seule le service ? Dis-lui donc de m’aider. » Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. » »

Luc 10, 38-42

Méditation théologique

Veiller sur son cœur

Le livre des Proverbes nous donne une consigne d’une importance capitale : « Par-dessus tout, veille sur ton cœur, car c’est de lui que jaillissent les sources de la vie. » Cette injonction est d’une actualité brûlante à l’ère numérique.

Dans la Bible, le cœur n’est pas seulement le siège des émotions. Il est le centre de la personne, là où se forment les pensées, les désirs, les décisions. C’est depuis le cœur que nous orientons notre vie. Jésus dira : « C’est du cœur que proviennent les pensées mauvaises » (Mt 15, 19), mais aussi les pensées bonnes.

Veiller sur son cœur, c’est exercer une vigilance sur ce qui y entre et ce qui en sort. Or le numérique déverse dans nos cœurs un flot ininterrompu d’images, de nouvelles, d’opinions, de stimulations. Nous absorbons passivement des contenus choisis par des algorithmes, sans discernement, sans filtre. Nous laissons des inconnus — ou pire, des machines — façonner notre intériorité.

La sagesse biblique nous invite à reprendre le contrôle. Non pas pour nous couper du monde, mais pour choisir activement ce que nous laissons entrer dans notre cœur. Les yeux, les oreilles, sont comme des portes : nous pouvons décider de les ouvrir ou de les fermer, de les orienter vers ce qui édifie ou vers ce qui détruit.

L’écoute totale du Shema

Le Shema Israël est la prière fondamentale du judaïsme, que Jésus lui-même récitait quotidiennement. Elle commence par un impératif : « Écoute ! » Mais il ne s’agit pas d’une écoute passive ou distraite. C’est une écoute de tout l’être : « de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force ».

Cette écoute totale est aux antipodes du mode « multitâche » dans lequel nous plonge le numérique. Nous pensons pouvoir écouter quelqu’un tout en regardant notre téléphone, suivre une conférence en ligne tout en consultant nos emails, prier tout en étant interrompus par des notifications. Mais cette attention divisée n’est pas vraiment de l’attention. C’est une illusion d’attention.

Les neurosciences confirment ce que la tradition spirituelle savait depuis longtemps : le multitâche est un mythe. Notre cerveau ne peut pas vraiment faire plusieurs choses conscientes à la fois. Il passe rapidement de l’une à l’autre, au prix d’une perte d’efficacité et de profondeur. Quand nous croyons faire plusieurs choses en même temps, nous faisons en réalité plusieurs choses mal.

Le Shema nous appelle à une attention unifiée. Aimer Dieu de tout son cœur, c’est lui accorder une attention non divisée. C’est être entièrement présent à sa présence. C’est faire taire les bruits intérieurs et extérieurs pour entendre sa voix.

Marie a choisi la meilleure part

L’épisode de Marthe et Marie est souvent mal compris. Il ne s’agit pas d’opposer l’action à la contemplation, ni de dévaloriser le service. Marthe fait quelque chose de très bien : elle accueille Jésus, elle prépare le repas. Son erreur n’est pas d’agir, mais d’être « accaparée par les multiples occupations ».

Le mot grec utilisé est periespato, qui signifie littéralement « tirée dans tous les sens ». Marthe est dispersée, fragmentée, tiraillée. Elle fait beaucoup de choses, mais elle n’est pleinement présente à aucune. Et surtout, elle n’est pas présente à Jésus, qui est pourtant là, chez elle, maintenant.

Marie, elle, a fait un choix. Elle s’est assise aux pieds de Jésus et elle écoute. Elle n’est pas inactive : écouter vraiment est un acte, et même l’acte le plus important. Elle a reconnu que la présence du Christ est « la seule chose nécessaire » et elle lui accorde toute son attention.

Ce récit nous interroge : dans notre vie numérique, sommes-nous comme Marthe, tirés dans tous les sens par les multiples sollicitations ? Ou savons-nous, comme Marie, choisir la meilleure part, prendre le temps de nous asseoir aux pieds du Seigneur ?

Mise en pratique

Aujourd’hui, trois propositions concrètes :

Premièrement, désactive les notifications non essentielles sur ton téléphone. Garde seulement celles qui concernent des personnes (appels, messages de proches) et supprime toutes celles qui viennent d’applications qui cherchent ton attention pour des raisons commerciales. Tu peux aller plus loin en activant le mode « Ne pas déranger » pendant tes temps de prière et de travail concentré.

Deuxièmement, pratique aujourd’hui une « écoute Shema ». Choisis un moment — un repas en famille, une conversation avec un ami, un temps de prière — où tu te rendras pleinement présent, sans aucun écran à proximité, avec une attention non divisée. Observe la différence de qualité que cela fait.

Troisièmement, le soir, avant de dormir, au lieu de regarder ton téléphone, prends cinq minutes pour faire silence. Comme Marie aux pieds de Jésus, reste simplement en sa présence. Tu peux répéter intérieurement le Shema : « Seigneur, je veux t’aimer de tout mon cœur, de toute mon âme, de toute ma force. »

Jour 3

Cultiver l’intériorité dans le bruit

Thème : Le silence, porte de la rencontre

Le contexte : la disparition du silence

Le monde numérique est un monde de bruit permanent. Pas seulement le bruit sonore des notifications et des vidéos, mais le bruit mental des informations, des images, des sollicitations. Nos esprits sont constamment alimentés, stimulés, distraits. Le silence est devenu rare, presque menaçant.

Beaucoup de nos contemporains ne supportent plus le silence. Ils allument la télévision en rentrant chez eux, mettent de la musique dans leurs oreilles dès qu’ils marchent, regardent leur téléphone dès qu’ils ont un instant d’attente. Le silence leur semble vide, ennuyeux, anxiogène.

Pourtant, toutes les traditions spirituelles reconnaissent que le silence est indispensable à la vie intérieure. C’est dans le silence que l’on peut entendre la voix de Dieu, qui ne parle pas dans le vacarme. C’est dans le silence que l’on peut se retrouver soi-même, au-delà des masques et des rôles. C’est dans le silence que l’on peut vraiment penser, créer, méditer.

Le numérique nous prive progressivement de cette ressource vitale. Et avec elle, c’est notre vie spirituelle qui s’appauvrit, notre capacité de prière qui s’atrophie, notre sens de Dieu qui s’émousse.

Les textes du jour

Lecture principale : 1 Rois 19, 9-13 (Élie à l’Horeb)

« Élie entra dans une caverne et y passa la nuit. Et voici que la parole du Seigneur lui fut adressée : « Que fais-tu là, Élie ? » Il répondit : « J’éprouve une ardeur jalouse pour le Seigneur, Dieu de l’univers. Les fils d’Israël ont abandonné ton alliance, renversé tes autels, tué tes prophètes par l’épée ; moi, je suis le seul à être resté, et l’on cherche à m’enlever la vie. » Le Seigneur dit : « Sors et tiens-toi sur la montagne devant le Seigneur, car il va passer. » À l’approche du Seigneur, il y eut un ouragan, si fort et si violent qu’il fendait les montagnes et brisait les rochers, mais le Seigneur n’était pas dans l’ouragan ; et après l’ouragan, il y eut un tremblement de terre, mais le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre ; et après ce tremblement de terre, un feu, mais le Seigneur n’était pas dans ce feu ; et après ce feu, le murmure d’une brise légère. Aussitôt qu’il l’entendit, Élie se couvrit le visage avec son manteau, il sortit et se tint à l’entrée de la caverne. »

— 1 Rois 19, 9-13

Texte complémentaire : Psaume 62 (61), 2-9

« Je n’ai de repos qu’en Dieu seul, mon salut vient de lui. […] Je n’ai de repos qu’en Dieu seul, oui, mon espoir vient de lui. Lui seul est mon rocher, mon salut, ma citadelle : je reste inébranlable. Mon salut et ma gloire se trouvent près de Dieu ; chez Dieu, mon refuge, mon rocher imprenable ! »

— Psaume 62, 2.6-8

Texte du Nouveau Testament : Marc 1, 35

« Le lendemain, Jésus se leva, bienôt avant l’aube. Il sortit et se rendit dans un endroit désert, et là il priait. »

— Marc 1, 35

Méditation théologique

Dieu dans la brise légère

L’expérience d’Élie à l’Horeb est l’un des textes les plus profonds de la Bible sur la présence de Dieu. Le prophète, épuisé et découragé, se réfugie dans une caverne. Dieu lui annonce qu’il va passer. Et alors surviennent des phénomènes spectaculaires : ouragan, tremblement de terre, feu. Ce sont les manifestations traditionnelles de la théophanie, de l’apparition divine.

Mais le texte nous dit avec insistance : « Le Seigneur n’était pas dans l’ouragan… n’était pas dans le tremblement de terre… n’était pas dans le feu. » Dieu déjoue les attentes. Il ne se manifeste pas dans le spectaculaire, le violent, le bruyant. Il vient dans « le murmure d’une brise légère » — littéralement en hébreu, « une voix de fin silence » (qol demamah daqqah).

Cette expression paradoxale — une voix de silence — dit quelque chose d’essentiel sur la manière dont Dieu se communique. Il ne s’impose pas. Il ne crie pas. Il murmure. Et pour l’entendre, il faut faire silence soi-même.

Le monde numérique est plein d’ouragans, de tremblements de terre et de feux. Les informations spectaculaires, les polémiques violentes, les contenus sensationnels captent notre attention. Mais Dieu n’est pas là. Il est dans le fin silence que nous n’entendons plus, trop assourdis par le vacarme.

Le repos en Dieu seul

Le psaume 62 exprime une expérience spirituelle fondamentale : le repos de l’âme en Dieu. Le psalmiste répète : « Je n’ai de repos qu’en Dieu seul. » Ce repos n’est pas la paresse ou l’inaction. C’est la paix profonde de celui qui a trouvé son centre, son ancrage, sa source.

Saint Augustin a magnifiquement exprimé cette vérité : « Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose en toi. » Notre cœur est inquiet, agité, tant qu’il cherche son repos dans les créatures. Et le numérique multiplie ces créatures en lesquelles nous cherchons vainement le repos : divertissements, approbation sociale, information, stimulation.

Le silence est le chemin vers ce repos. Non pas d’abord le silence extérieur, bien qu’il soit utile, mais le silence intérieur : faire taire les pensées, les désirs, les peurs qui nous agitent, pour nous laisser reposer en Dieu. C’est ce que les mystiques appellent le « repos en Dieu » ou la « quiétude ».

Jésus cherche le désert

L’évangile de Marc nous montre Jésus au cœur de son ministère. Il vient de vivre une journée intense : enseignement à la synagogue, guérison d’un démoniaque, guérison de la belle-mère de Pierre, puis toute la ville rassemblée à sa porte pour être guérie. C’est le succès, la foule, l’activité débordante.

Et que fait Jésus ? « Bien avant l’aube », il se lève, sort, et va dans un endroit désert pour prier. Il ne se laisse pas emporter par le tourbillon. Il prend du recul. Il revient à la source. Il fait silence devant le Père.

Si Jésus lui-même, le Fils de Dieu, avait besoin de ces temps de silence et de solitude, combien plus nous ! Les disciples viendront le chercher : « Tout le monde te cherche » (Mc 1, 37). La pression des demandes, des attentes, des sollicitations est permanente. Mais Jésus n’y cède pas. Il sait que sans la prière silencieuse, son ministère perdrait sa source.

Nous aussi, nous sommes constamment cherchés : par les notifications, les messages, les emails, les réseaux sociaux. « Tout le monde te cherche » pourrait être le slogan de l’économie de l’attention. Mais comme Jésus, nous devons savoir nous retirer, avant l’aube s’il le faut, pour trouver le silence où Dieu nous attend.

Mise en pratique

Aujourd’hui, trois propositions pour cultiver le silence :

Premièrement, crée un « désert quotidien ». Choisis un moment de la journée — même court, même dix minutes — où tu t’isoleras de tout écran, de tout bruit, de toute sollicitation. Pas de musique, pas de podcast, pas de lecture même. Juste le silence. Au début, cela peut être inconfortable. Accueille cet inconfort. Il révèle à quel point nous sommes devenus dépendants du bruit.

Deuxièmement, pratique le « jeûne de bruit ». Choisis un trajet habituel — aller au travail, faire une course — où tu n’écouteras rien dans tes oreilles. Laisse ton esprit vagabonder, prier, contempler. Redécouvre le plaisir simple d’être présent à ce qui t’entoure.

Troisièmement, le soir, éteins tous tes écrans une heure avant de dormir. Utilise ce temps pour des activités silencieuses : lire, prier, écrire, simplement être. Observe comment cela change la qualité de ton sommeil et de ton réveil.

Jour 4

Le sabbat numérique

Thème : Se reposer comme Dieu s’est reposé

Le contexte : la connexion permanente

L’un des changements les plus profonds apportés par le numérique est la disparition des frontières entre temps de travail et temps de repos, entre espace professionnel et espace privé. Grâce — ou à cause — de nos smartphones, nous sommes potentiellement joignables 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Les emails professionnels nous suivent jusque dans notre lit. Les notifications nous réveillent la nuit.

Cette connexion permanente a des conséquences graves sur notre santé physique et mentale. Le burn-out se multiplie. L’anxiété augmente. Le sommeil se dégrade. Mais au-delà de ces effets mesurables, c’est quelque chose de plus fondamental qui est en jeu : notre capacité de nous arrêter, de nous reposer vraiment, de sabbatiser.

Car le repos n’est pas un luxe ou une faiblesse. C’est un commandement divin, inscrit dans les dix paroles du Sinaï. Dieu lui-même s’est reposé le septième jour, non par fatigue, mais pour nous montrer le chemin. Le sabbat est une institution sacrée qui protège l’humanité de l’homme contre sa propre démesure.

Les textes du jour

Lecture principale : Exode 20, 8-11

« Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier. Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage ; mais le septième jour est un sabbat pour le Seigneur ton Dieu. Tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l’immigré qui est dans ta ville. Car en six jours le Seigneur a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié. »

Exode 20, 8-11

Texte complémentaire : Genèse 2, 1-3

« Ainsi furent achevés le ciel et la terre, et tout leur déploiement. Le septième jour, Dieu avait achevé l’œuvre qu’il avait faite. Il se reposa, le septième jour, de toute l’œuvre qu’il avait faite. Et Dieu bénit le septième jour : il le sanctifia puisque, ce jour-là, il se reposa de toute l’œuvre de création qu’il avait faite. »

Genèse 2, 1-3

Texte du Nouveau Testament : Marc 2, 27-28

« Jésus leur dit : « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat. Voilà pourquoi le Fils de l’homme est maître, même du sabbat. » »

— Marc 2, 27-28

Texte supplémentaire : Hébreux 4, 9-11

« Il reste donc un repos de sabbat pour le peuple de Dieu. Car celui qui est entré dans son repos s’est reposé lui aussi de ses œuvres, comme Dieu s’est reposé des siennes. Empressons-nous donc d’entrer dans ce repos. »

— Hébreux 4, 9-11

Méditation théologique

Le repos de Dieu

Le récit de la Genèse nous présente un Dieu qui travaille pendant six jours, puis se repose le septième. Ce repos divin n’est évidemment pas le repos de quelqu’un qui serait fatigué. Dieu ne se fatigue pas : « Il ne s’assoupit pas, il ne dort pas, le gardien d’Israël » (Ps 121, 4).

Alors pourquoi Dieu se repose-t-il ? Les commentateurs juifs et chrétiens ont beaucoup médité cette question. Le repos de Dieu n’est pas une absence d’activité, mais une présence contemplative. Après avoir créé, Dieu s’arrête pour contempler son œuvre, pour se réjouir de sa bonté : « Dieu vit tout ce qu’il avait fait : c’était très bon » (Gn 1, 31).

Ce repos est aussi un acte de confiance. En s’arrêtant de créer, Dieu montre qu’il fait confiance à sa création pour continuer à exister et à se développer sans son intervention constante. Il laisse de l’espace. Il se retire pour que les créatures puissent être.

Pour nous, le sabbat numérique peut avoir ce double sens. C’est un temps de contemplation : nous arrêtons de produire, de consommer, de réagir, pour simplement être présents à la beauté de ce qui est. Et c’est un acte de confiance : nous acceptons que le monde continue de tourner sans notre surveillance constante, que nos emails puissent attendre, que nous ne soyons pas indispensables.

Le commandement du repos

Le sabbat fait partie des dix commandements, à égalité avec « Tu ne tueras pas » et « Tu ne voleras pas ». Ce n’est pas un conseil optionnel pour ceux qui auraient le temps. C’est une obligation sacrée, pour notre bien et pour la gloire de Dieu.

Le commandement est remarquablement inclusif : il concerne le maître de maison, mais aussi ses enfants, ses serviteurs, ses animaux, et même l’étranger qui habite chez lui. Le sabbat est une institution de justice sociale. Il protège les faibles de l’exploitation des forts. Il garantit que personne ne sera forcé de travailler sans relâche.

À l’ère numérique, cette dimension sociale est cruciale. La connexion permanente crée une pression qui s’exerce particulièrement sur les plus vulnérables : les employés qui n’osent pas ne pas répondre à leur patron le week-end, les jeunes qui craignent de manquer quelque chose s’ils se déconnectent. Le sabbat numérique est un acte de résistance contre cette pression. C’est affirmer que notre valeur ne dépend pas de notre disponibilité permanente.

Le sabbat fait pour l’homme

Jésus, face aux pharisiens qui lui reprochaient de guérir le jour du sabbat, rappelle l’intention profonde du commandement : « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat. » Le repos n’est pas une contrainte légaliste, mais un cadeau de libération.

Cette parole nous libère d’une pratique rigide du sabbat numérique. L’objectif n’est pas de créer de nouvelles règles culpabilisantes, mais de redécouvrir le repos comme une grâce. Il ne s’agit pas de compter les heures de déconnexion comme on compterait des points, mais de goûter la liberté de ne pas être esclave de nos appareils.

En même temps, cette liberté ne doit pas devenir un prétexte pour ne rien changer. Jésus n’abolit pas le sabbat, il le recentre sur sa finalité. De même, la liberté chrétienne ne nous dispense pas de pratiquer le repos, mais elle nous invite à le pratiquer dans l’esprit et non dans la lettre.

Mise en pratique

Aujourd’hui, je te propose de réfléchir à l’instauration d’un sabbat numérique régulier dans ta vie. Voici quelques pistes :

Premièrement, choisis un temps hebdomadaire de déconnexion. Cela peut être un jour entier (le dimanche pour les chrétiens, qui célèbrent la résurrection), une demi-journée, ou quelques heures. L’important est que ce soit régulier et protégé. Inscris-le dans ton agenda comme un rendez-vous incontournable.

Deuxièmement, prépare ce sabbat numérique. Préviens les personnes qui pourraient avoir besoin de te joindre. Mets un message d’absence sur tes emails si nécessaire. Range ton téléphone dans un tiroir ou une autre pièce. Supprime les tentations.

Troisièmement, remplis ce temps de sabbat avec des activités qui te font du bien : prière, messe, lecture, promenade dans la nature, jeux en famille, conversation avec des amis, cuisine, repos… Le sabbat n’est pas un vide, mais une plénitude différente.

Jour 5

Être présent à ceux qui sont là

Thème : La tentation de l’ailleurs numérique

Le contexte : des corps présents, des esprits absents

Une scène devenue banale : une famille au restaurant, chacun penché sur son smartphone. Des amis réunis mais pas vraiment ensemble, leurs yeux rivés sur leurs écrans. Un couple qui regarde la télévision en consultant Instagram en parallèle. Nous sommes physiquement présents, mais mentalement ailleurs.

Le numérique nous offre une capacité inédite d’être « connectés » avec des personnes lointaines. Mais il nous déconnecte souvent de ceux qui sont là, devant nous, en chair et en os. Nous entretenons des amitiés virtuelles avec des gens à l’autre bout du monde, mais nous ne connaissons pas le prénom de notre voisin de palier.

Cette situation pose une question théologique fondamentale sur l’incarnation. Le christianisme est la religion du Dieu qui s’est fait chair, qui a habité parmi nous, qui s’est rendu présent dans un corps, en un lieu, à un moment de l’histoire. La présence physique n’est pas un détail, mais le cœur du mystère chrétien.

Les textes du jour

Lecture principale : Jean 1, 14

« Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. »

Jean 1, 14

Texte complémentaire : Matthieu 18, 20

« Car là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. »

— Matthieu 18, 20

Texte de la tradition sapientiale : Siracide 9, 10

« N’abandonne pas un vieil ami, car le nouveau ne le vaudra pas. Vin nouveau, ami nouveau : quand il aura vieilli, tu le boiras avec plaisir. »

— Siracide 9, 10

Texte du Nouveau Testament : 1 Jean 1, 1-3

« Ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché du Verbe de vie — car la vie s’est manifestée, et nous l’avons vue, et nous lui rendons témoignage — nous vous annonçons la vie éternelle qui était tournée vers le Père et qui s’est manifestée à nous. Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons à vous aussi, pour que, vous aussi, vous soyez en communion avec nous. »

— 1 Jean 1, 1-3

Méditation théologique

Le scandale de l’incarnation

Le prologue de l’évangile de Jean annonce le cœur de la foi chrétienne : « Le Verbe s’est fait chair. » Cette affirmation était un scandale pour les contemporains de Jean, tant pour les Juifs qui ne pouvaient concevoir que le Dieu transcendant entre dans la matière, que pour les Grecs qui méprisaient le corps comme une prison de l’âme.

Mais c’est précisément ce scandale qui fait la spécificité du christianisme. Dieu n’est pas resté dans les hauteurs célestes, communiquant avec nous par des messages spirituels. Il est descendu. Il a pris chair. Il a eu faim, soif, sommeil, fatigue. Il a pleuré, ri, s’est mis en colère. Il a été touché et a touché. Il a regardé les gens dans les yeux.

Cette présence incarnée n’était pas un pis-aller, en attendant de meilleures technologies de communication. C’était le choix délibéré de Dieu. Il aurait pu envoyer des rêves, des visions, des textes. Il a choisi d’envoyer son Fils, en chair et en os, pour vivre parmi nous.

Ce choix divin a quelque chose à nous dire sur la valeur de la présence physique. Les relations médiatisées par les écrans ont leur valeur, mais elles ne peuvent pas remplacer la présence incarnée. Il y a quelque chose d’irremplaçable dans le fait d’être là, physiquement, avec quelqu’un.

La communion des présences

Jésus promet : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. » Cette présence du Christ au milieu de la communauté rassemblée est au fondement de l’ecclésiologie chrétienne. L’Église n’est pas d’abord une institution ou une doctrine, mais une assemblée, des personnes réunies en un même lieu.

La liturgie catholique insiste sur cette dimension physique du rassemblement. On ne peut pas célébrer l’Eucharistie seul. Le prêtre a besoin d’au moins un fidèle présent. Et même si la pandémie de Covid-19 a montré que les messes retransmises pouvaient être une aide spirituelle, elle a aussi confirmé qu’elles ne remplaçaient pas la participation physique.

Car dans le rassemblement physique, il se passe quelque chose que la connexion numérique ne peut pas reproduire. Les corps sont présents les uns aux autres. On respire le même air. On chante ensemble. On échange un signe de paix. On mange le même Pain. Cette corporéité n’est pas accessoire, elle est constitutive de la communion chrétienne.

Le témoignage des sens

Le début de la première lettre de Jean est extraordinaire. L’apôtre insiste lourdement sur l’expérience sensorielle : ce que nous avons entendu, vu, contemplé, touché. Il ne s’agit pas d’une doctrine abstraite, mais d’une rencontre avec quelqu’un de réel, de palpable, de charnel.

Jean écrit contre les premiers gnostiques qui niaient la réalité de l’incarnation. Mais son témoignage résonne aussi pour nous. Il nous rappelle que la foi chrétienne n’est pas une connexion virtuelle avec des idées, mais une relation incarnée avec une personne. Nous rencontrons le Christ dans les sacrements, qui sont des réalités physiques : eau, pain, vin, huile, toucher des mains.

Et nous le rencontrons dans nos frères et sœurs, qui sont aussi des réalités physiques. « Ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). Cette parole de Jésus nous appelle à voir sa présence dans les visages concrets qui nous entourent, non dans les avatars et les profils en ligne.

Mise en pratique

Aujourd’hui, trois propositions pour être plus présent à ceux qui sont là :

Premièrement, instaure des « zones sans écran » dans tes rencontres. Quand tu es à table avec ta famille ou des amis, range ton téléphone. Quand tu as une conversation importante, pose l’appareil hors de ta vue. Quand tu es avec tes enfants, accorde-leur une attention non divisée.

Deuxièmement, regarde les gens dans les yeux. Au lieu de regarder ton écran en marchant, observe les visages autour de toi. Salue les personnes que tu croises. Échange un sourire avec le caissier. Ces micro-rencontres sont précieuses.

Troisièmement, prends une initiative de présence incarnée cette semaine. Invite quelqu’un à prendre un café. Rends visite à une personne âgée ou isolée. Propose une promenade à un ami au lieu d’un échange de messages. Redécouvre la joie d’être ensemble.

Jour 6

Peser ses paroles dans l’espace public

Thème : La puissance de vie et de mort de la langue

Textes du jour

Jacques 3, 1-12 (la langue, ce petit feu) • Proverbes 18, 21 • Matthieu 12, 36-37

Méditation

Les réseaux sociaux ont démultiplié notre parole. Ce que nous écrivons peut être lu par des milliers de personnes. Cette puissance nouvelle exige une responsabilité nouvelle. Jacques nous avertit : la langue est un petit membre, mais capable de grands incendies. Chaque tweet, chaque commentaire, chaque post peut édifier ou détruire. La parole a un poids que nous ne mesurons pas toujours.

Jésus nous prévient que nous rendrons compte de toute parole vaine. Combien de nos interventions en ligne sont-elles vraiment nécessaires ? Avant de publier, demandons-nous : est-ce vrai ? Est-ce utile ? Est-ce bienveillant ? Est-ce le bon moment ? Ces quatre questions peuvent transformer notre présence numérique.

Jour 7

L’image de soi à l’ère des selfies

Thème : Créés à l’image de Dieu, pas à celle des filtres

Textes du jour

Genèse 1, 26-27 (créés à l’image de Dieu) • 1 Samuel 16, 7 (Dieu regarde le cœur) • 1 Pierre 3, 3-4

Méditation

Nous sommes créés à l’image de Dieu, non à l’image des filtres Instagram. Cette vérité fondamentale est menacée par la culture du selfie et de la mise en scène permanente de soi. Nous construisons des personnages numériques, des versions idéalisées de nous-mêmes, et nous finissons par nous y perdre.

La Bible nous libère de cette tyrannie de l’apparence. Dieu regarde le cœur, non les apparences. Notre beauté véritable est intérieure : « la parure incorruptible d’un esprit doux et paisible ». Quelle liberté de ne plus dépendre des likes et des validations extérieures !

Jour 8

La communauté réelle vs la communauté virtuelle

Thème : Où est l’Église à l’ère numérique ?

Textes du jour

Actes 2, 42-47 (la première communauté chrétienne) • Hébreux 10, 24-25 • 1 Corinthiens 12, 12-27

Méditation

La première communauté chrétienne était « assidue à l’enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières ». Cette vie communautaire n’était pas optionnelle : elle était constitutive de l’expérience chrétienne. L’auteur d’Hébreux nous exhorte à ne pas déserter nos assemblées.

Les communautés en ligne peuvent être un complément précieux, mais elles ne peuvent remplacer la communauté incarnée. C’est dans la rencontre réelle que nous apprenons à aimer des personnes que nous n’avons pas choisies, à porter les fardeaux les uns des autres, à vivre la patience et le pardon au quotidien.

Jour 9

Chercher la vérité dans l’océan d’information

Thème : Discerner le vrai du faux

Textes du jour

Jean 8, 32 (la vérité vous rendra libres) • Jean 18, 37-38 • Proverbes 14, 15 • 1 Thessaloniciens 5, 21

Méditation

« Qu’est-ce que la vérité ? » demandait Pilate à Jésus. Cette question résonne avec une acuité particulière à l’ère des fake news et de la désinformation. Nous naviguons dans un océan d’informations où le vrai et le faux sont mélangés, où les algorithmes nous enferment dans des bulles.

Le chrétien est appelé à être un chercheur de vérité. « La vérité vous rendra libres », dit Jésus. Mais cette liberté exige un effort : vérifier nos sources, croiser les informations, douter de ce qui flatte nos préjugés, accepter la complexité du réel. « Vérifiez tout ; retenez ce qui est bon », nous dit saint Paul.

Jour 10

La charité en ligne

Thème : Aimer son prochain numérique

Textes du jour

1 Corinthiens 13, 1-7 (l’hymne à la charité) • Romains 12, 9-21 • Éphésiens 4, 29-32

Méditation

L’hymne à la charité de saint Paul s’applique aussi à notre vie numérique. La charité est patiente : elle ne répond pas à chaud aux provocations. Elle est serviable : elle utilise les outils numériques pour aider les autres. Elle n’est pas envieuse : elle ne se compare pas compulsivement aux autres sur les réseaux.

Derrière chaque écran, il y a une personne créée à l’image de Dieu. Cette vérité devrait transformer notre manière d’interagir en ligne. « Qu’aucune parole mauvaise ne sorte de votre bouche », dit Paul. Cela s’applique aussi à nos claviers.

Jour 11

Gérer les conflits numériques

Thème : La réconciliation à l’ère des polémiques

Textes du jour

Matthieu 18, 15-17 (la correction fraternelle) • Matthieu 5, 23-24 • Proverbes 15, 1 • Romains 12, 17-21

Méditation

Les réseaux sociaux sont des machines à polémiques. Les algorithmes favorisent les contenus conflictuels car ils génèrent plus d’engagement. Il est facile de se laisser entraîner dans des disputes stériles, des règlements de comptes publics, des escalades verbales.

Jésus nous donne une méthode de résolution des conflits : d’abord en privé, puis avec des témoins, puis seulement en dernier recours devant la communauté. L’exact inverse de la logique Twitter où tout conflit devient immédiatement public. Quand un désaccord surgit en ligne, avons-nous le réflexe d’envoyer un message privé plutôt que de répondre publiquement ?

Jour 12

Évangéliser dans le monde numérique

Thème : Être témoins jusqu’aux extrémités d’Internet

Textes du jour

Matthieu 28, 19-20 (allez, de toutes les nations faites des disciples) • Actes 1, 8 • 1 Pierre 3, 15-16

Méditation

Le commandement missionnaire s’applique aussi à l’espace numérique. Des milliards de personnes y passent des heures chaque jour. C’est un nouveau continent à évangéliser. Mais comment annoncer le Christ dans un environnement si différent des méthodes traditionnelles ?

Saint Pierre nous donne une clé : « Soyez toujours prêts à rendre raison de l’espérance qui est en vous. Mais faites-le avec douceur et respect. » L’évangélisation numérique n’est pas l’agressivité des prosélytes, mais le témoignage humble et joyeux de ce que le Christ fait dans notre vie. Notre présence en ligne peut être une présence de lumière.

Jour 13

Discerner face aux nouvelles technologies

Thème : L’intelligence artificielle et au-delà

Textes du jour

Genèse 11, 1-9 (la tour de Babel) • Sagesse 9, 13-18 • Philippiens 1, 9-11

Méditation

L’intelligence artificielle, la réalité virtuelle, les interfaces cerveau-machine… Les technologies émergentes posent des questions éthiques inédites. Le récit de Babel nous met en garde contre la tentation prométhéenne de « se faire un nom » en défiant les limites de la condition humaine.

Mais la Bible n’est pas technophobe. La technique est un don de Dieu, une expression de l’intelligence créatrice qu’il nous a donnée. Le discernement consiste à distinguer ce qui humanise de ce qui déshumanise, ce qui nous rapproche de Dieu et du prochain de ce qui nous en éloigne. Ce discernement est un travail permanent, qui requiert prière, réflexion et dialogue.

Jour 14

Espérance pour un monde numérique

Thème : Vers la Jérusalem céleste

Textes du jour

Apocalypse 21, 1-5 (un ciel nouveau et une terre nouvelle) • Romains 8, 18-25 • Isaïe 65, 17-25

Méditation

Ce parcours pourrait donner une impression pessimiste : tant de mises en garde, tant de dangers. Mais l’horizon chrétien n’est pas la peur, c’est l’espérance. Nous croyons que Dieu fait toutes choses nouvelles, qu’il prépare un monde transfiguré où « la mort ne sera plus, il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur ».

Cette espérance ne nous dispense pas d’agir maintenant. Au contraire, elle nous donne la force de travailler dès aujourd’hui pour un numérique plus humain, plus juste, plus fraternel. Nous ne sommes pas condamnés à subir passivement les mutations technologiques. Nous pouvons être des artisans de transformation, des témoins d’une autre manière de vivre avec la technique.

En conclusion de ce parcours, je t’invite à relire les notes que tu as prises au fil des jours. Quels textes t’ont particulièrement marqué ? Quelles pratiques as-tu envie de garder ? Quels changements concrets veux-tu opérer dans ta vie numérique ? Et surtout, garde confiance : celui qui a commencé en toi cette bonne œuvre la mènera à son terme.

Conclusion : vers une sagesse numérique incarnée

Au terme de ces 14 jours, nous n’avons pas épuisé le sujet. Les technologies évoluent plus vite que notre réflexion. De nouveaux défis émergeront demain, que nous ne pouvons pas encore imaginer. Mais nous avons posé des fondations solides, enracinées dans la Parole de Dieu.

La sagesse biblique pour l’ère numérique peut se résumer en quelques principes fondamentaux. Premièrement, le temps est un don de Dieu à recevoir et à offrir, non une ressource à exploiter. Deuxièmement, l’attention est le lieu de la rencontre avec Dieu et avec le prochain. Troisièmement, le silence est indispensable à la vie intérieure. Quatrièmement, le repos est un commandement divin qui nous libère de l’idolâtrie de la productivité. Cinquièmement, la présence incarnée est irremplaçable.

Sixièmement, nos paroles en ligne ont le même poids que nos paroles en face-à-face. Septièmement, notre identité véritable est en Dieu, non dans notre image numérique. Huitièmement, la communauté chrétienne se vit d’abord dans la rencontre physique. Neuvièmement, la recherche de la vérité est un devoir permanent. Dixièmement, la charité doit gouverner toutes nos interactions.

Ces principes ne sont pas des règles rigides, mais des balises pour le discernement. Chaque situation est différente. Chaque personne a sa vocation propre. L’Esprit Saint te guidera dans l’application concrète de cette sagesse à ta vie.

Je te laisse avec une prière que tu peux faire tienne :

Seigneur, à l’ère du numérique, apprends-moi la vraie mesure de mes jours. Garde mon cœur de la dispersion. Ouvre mes oreilles à ta voix de fin silence. Donne-moi le courage du repos. Rends-moi présent à ceux qui sont là. Purifie mes paroles. Libère-moi de la tyrannie de l’image. Enracine-moi dans ta communauté. Guide-moi vers la vérité. Remplis-moi de ta charité. Fais de moi un témoin de ton Évangile dans ce monde nouveau. Amen.

Équipe Via Bible
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