« Sur lui reposera l’esprit du Seigneur » (Is 11, 1-10)

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Lecture du livre du prophète Isaïe

En ce jour-là, une branche naîtra du tronc de Jessé, père de David, un surgeon poussera de ses racines. L’esprit du Seigneur demeurera sur lui : esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de puissance, esprit de science et de respect du Seigneur – qui éveillera en lui la crainte du Seigneur. Il ne jugera pas selon les apparences ; il ne tranchera pas d’après ce qu’on raconte. Il rendra justice aux faibles avec équité ; il défendra les pauvres de la terre avec droiture. Par la force de sa parole, il châtiera le pays ; par le vent de ses lèvres, il fera périr le méchant. La justice ceindra ses hanches ; la fidélité sera la ceinture de ses reins.

Le loup vivra avec l’agneau, le léopard se reposera auprès du chevreau, le veau et le jeune lion se nourriront côte à côte, un jeune enfant les guidera. La vache et l’ourse partageront le même pâturage, leurs petits reposeront au même endroit. Le lion, comme le bœuf, se nourrira d’herbe. Le bébé jouera près du repaire du serpent ; sur l’antre de la vipère, le petit enfant posera la main. Il n’y aura plus ni méchanceté ni destruction sur toute ma montagne sacrée ; car la connaissance du Seigneur couvrira la terre comme les eaux emplissent la mer.

Ce jour-là, la descendance de Jessé se dressera tel un signal pour les peuples, les nations viendront vers elle, et sa demeure sera glorieuse.

Quand l’esprit transforme le monde : découvrir la promesse messianique d’Isaïe

Comment le texte d’Isaïe 11 révèle la puissance de l’esprit qui fait naître la justice et la paix universelle

Imaginez un monde où les contraires se réconcilient, où les faibles sont protégés, où la nature elle-même vit en harmonie. Cette vision n’est pas qu’un rêve poétique : elle est au cœur de la prophétie d’Isaïe 11, 1-10, qui annonce l’avènement d’un roi messianique habité par l’esprit du Seigneur. Ce texte, central dans la tradition chrétienne, dévoile une promesse révolutionnaire pour tous ceux qui cherchent sens et espérance. Cet article explore la richesse théologique de cette prophétie et ses implications concrètes pour notre vie spirituelle.

Nous commencerons par situer ce texte dans son contexte historique et liturgique. Nous analyserons ensuite la dynamique de l’esprit et ses dons. Nous explorerons trois axes majeurs : la justice renouvelée, l’harmonie cosmique et la portée universelle de la promesse. Enfin, nous proposerons des pistes de méditation et d’application concrètes.

Le rejeton de Jessé : contexte et signification d’une promesse

Le livre d’Isaïe est l’un des plus grands trésors de la littérature prophétique de l’Ancien Testament. Composé sur plusieurs siècles, il rassemble des oracles prononcés dans des contextes historiques variés, marqués par les crises politiques et spirituelles du royaume de Juda. Le chapitre 11 appartient à ce qu’on appelle le proto-Isaïe ou Isaïe de Jérusalem, qui prophétise au huitième siècle avant notre ère, dans un climat d’instabilité où les petites nations du Proche-Orient sont menacées par les grandes puissances assyriennes et babyloniennes.

Isaïe 11, 1-10 surgit après une série d’oracles sombres annonçant le jugement sur Israël et sur les nations. Le prophète vient de décrire la chute des arbres puissants, symbole de l’orgueil humain et de la destruction des royaumes. Mais au milieu de cette désolation, une nouvelle surgit : un rejeton va jaillir de la souche de Jessé. Jessé était le père du roi David, figure fondatrice de la monarchie israélite. En évoquant la souche de Jessé plutôt que David lui-même, Isaïe suggère que la dynastie davidique semble abattée, réduite à presque rien, mais qu’un renouveau est possible.

Ce texte a joué un rôle capital dans la liturgie chrétienne, particulièrement durant le temps de l’Avent. Il est lu comme une annonce de la venue du Christ, le Messie attendu qui portera l’esprit du Seigneur en plénitude. La tradition chrétienne y voit la prophétie des sept dons de l’Esprit Saint, énumérés ici de manière explicite : sagesse, intelligence, conseil, force, science, piété et crainte de Dieu. Ces dons deviennent, dans la spiritualité chrétienne, les vertus qui habitent le croyant après le baptême et la confirmation.

Le texte se déploie en trois mouvements. D’abord, l’apparition du rejeton et les dons de l’esprit qui reposent sur lui. Ensuite, la description de son règne marqué par la justice et l’équité. Enfin, une vision paradisiaque où toute violence est abolie et où la création entière vit en harmonie. Cette structure progressive nous conduit de la personne du Messie à son action dans le monde, puis à la transformation cosmique qui en découle.

On peut comprendre ce texte à plusieurs niveaux. Historiquement, il répond à l’attente d’un roi juste qui restaurera Israël. Théologiquement, il ouvre un horizon messianique que le judaïsme et le christianisme interpréteront différemment. Spirituellement, il offre une vision de l’humanité renouvelée par l’esprit. Littérairement, il utilise des images puissantes et contrastées pour exprimer l’inexprimable : la réconciliation des contraires, la paix universelle, la fin de la prédation.

Le contexte liturgique enrichit encore notre lecture. En Avent, ce texte nous invite à attendre non seulement la venue historique du Christ à Bethléem, mais aussi sa venue dans nos vies et son retour glorieux à la fin des temps. Il nous rappelle que l’Esprit Saint est déjà à l’œuvre dans l’histoire, préparant l’humanité à accueillir le Royaume.

La dynamique de l’esprit comme source de transformation

Au cœur de ce texte se trouve une idée simple mais révolutionnaire : c’est l’esprit du Seigneur qui transforme tout. Le rejeton de Jessé n’est pas simplement un leader charismatique ou un guerrier puissant. Il est quelqu’un sur qui repose l’esprit, et c’est cet esprit qui lui confère ses qualités exceptionnelles.

L’énumération des dons de l’esprit n’est pas anodine. Elle suit une progression qui va de la sagesse, capacité de discerner le sens profond des choses, jusqu’à la crainte du Seigneur, attitude de respect et d’émerveillement devant le mystère divin. Entre les deux, nous trouvons l’intelligence qui pénètre les vérités cachées, le conseil qui guide les décisions justes, la force qui permet de tenir bon dans l’épreuve, et la connaissance qui permet de reconnaître Dieu à l’œuvre dans le monde.

Cette dynamique de l’esprit a une portée paradoxale. D’un côté, elle semble faire du Messie un être exceptionnel, différent de nous. Mais d’un autre côté, elle révèle que la transformation du monde ne vient pas d’abord de la puissance humaine, mais de l’accueil de l’esprit. Le Messie n’est pas grand malgré sa faiblesse initiale – il sort d’une souche abattue – mais justement à cause de cette fragilité qui le rend disponible à l’action de Dieu.

Le texte insiste sur le fait que cet esprit inspire une manière nouvelle de gouverner et de juger. Le Messie ne juge pas sur l’apparence, il ne se laisse pas influencer par les rumeurs. Cette précision est capitale dans un monde où le pouvoir s’exerce souvent par la manipulation, le mensonge et la violence. Le vrai jugement repose sur une perception profonde de la réalité, une capacité à voir au-delà des masques et des façades.

Cette vision a des implications existentielles majeures. Elle nous dit que le changement véritable ne vient pas de nos efforts solitaires, mais de notre ouverture à l’esprit. Elle nous invite à reconnaître notre pauvreté intérieure, notre souche abattue, comme le lieu même où Dieu peut faire jaillir la vie nouvelle. Elle nous libère de l’illusion que nous devons être forts et parfaits pour être utiles.

Dans la tradition spirituelle, cette dynamique a été comprise comme le chemin de la sainteté. Les grands mystiques ont tous reconnu que leur vie n’était pas leur œuvre propre, mais le fruit de l’esprit agissant en eux. Ils ont accepté de devenir des instruments dociles, des rameaux qui laissent passer la sève divine. Cette attitude n’est pas du fatalisme ou de la passivité : c’est une collaboration active avec la grâce, une disponibilité confiante qui permet à Dieu de réaliser en nous ce que nous ne pourrions jamais accomplir seuls.

« Sur lui reposera l’esprit du Seigneur » (Is 11, 1-10)

La justice au service des petits

L’une des dimensions les plus frappantes de cette prophétie est l’accent mis sur la justice, particulièrement envers les plus faibles. Le Messie jugera les petits avec justice, il se prononcera en faveur des humbles du pays. Cette insistance n’est pas accidentelle : elle révèle le cœur même du projet divin.

Dans le monde ancien comme dans le nôtre, les systèmes judiciaires ont tendance à favoriser les puissants. Ceux qui ont l’argent, les relations, l’éducation peuvent se défendre et faire valoir leurs droits. Les pauvres, les marginaux, les sans-voix sont souvent écrasés par des procédures qu’ils ne comprennent pas, par des juges corrompus, par un système qui les ignore. La promesse d’Isaïe inverse radicalement cette logique.

Le Messie annoncé ne sera pas neutre. Il prendra parti pour les petits. Sa parole sera comme un bâton qui frappe l’oppresseur, son souffle fera mourir le méchant. Ces images, certes violentes, expriment une vérité profonde : la justice de Dieu n’est pas une justice abstraite qui traite tout le monde de la même façon sans tenir compte des situations concrètes. C’est une justice qui rétablit l’équilibre, qui protège le faible et limite le fort.

Cette conception de la justice a des racines profondes dans la Torah. Dès le livre de l’Exode, Dieu se révèle comme celui qui entend le cri des opprimés, qui libère les esclaves, qui prend soin de la veuve et de l’orphelin. Les prophètes n’ont cessé de rappeler ce principe fondamental : un culte sans justice sociale est une hypocrisie, un ordre religieux qui tolère l’exploitation est une abomination.

Dans notre contexte contemporain, cette parole d’Isaïe garde toute son actualité. Nos sociétés génèrent des inégalités massives, des exclusions systématiques, des violences structurelles qui écrasent les plus vulnérables. Les migrants, les chômeurs de longue durée, les personnes handicapées, les victimes de discriminations multiples se heurtent à des barrières invisibles mais bien réelles. La prophétie d’Isaïe nous interpelle : sommes-nous du côté de la justice qui relève les petits, ou du côté du système qui les maintient au sol ?

L’image de la ceinture de justice et de fidélité qui entoure les reins du Messie suggère que ces vertus ne sont pas des ornements extérieurs, mais font partie de son être même. La justice n’est pas une politique parmi d’autres, c’est l’identité profonde du règne messianique. De même, la fidélité indique que cette justice n’est pas capricieuse ou changeante selon les circonstances : elle est constante, fiable, on peut compter sur elle.

Pour le croyant, cela implique un engagement concret. Accueillir l’esprit du Messie signifie nécessairement travailler pour la justice, défendre les opprimés, dénoncer les abus de pouvoir. Cela peut se traduire par des actions modestes – soutenir une association caritative, écouter quelqu’un qui souffre, partager ses ressources – ou par des engagements plus structurels – militer pour des réformes politiques, combattre les discriminations, construire des alternatives économiques plus justes.

L’harmonie cosmique comme horizon

La deuxième partie du texte bascule dans un registre apparemment différent. Nous passons de la justice humaine à une vision de la nature entière réconciliée. Le loup et l’agneau, le léopard et le chevreau, le veau et le lionceau vivent ensemble en paix. Les animaux carnivores deviennent herbivores, l’enfant joue sans danger avec les serpents venimeux. Cette imagerie peut nous sembler naïve ou utopique, mais elle porte une signification théologique profonde.

Dans la pensée biblique, la violence dans la nature n’est pas l’état originel voulu par Dieu. Le récit de la Genèse présente le jardin d’Éden comme un lieu où l’harmonie régnait entre toutes les créatures. La prédation, la souffrance, la mort violente sont perçues comme des conséquences du péché, de la rupture de l’alliance entre l’humanité et son Créateur. La vision d’Isaïe n’est donc pas une fantaisie, mais un retour à l’intention première de Dieu.

Cette réconciliation cosmique a plusieurs implications. D’abord, elle nous dit que le salut ne concerne pas seulement les âmes individuelles, mais toute la création. L’écologie contemporaine redécouvre cette intuition biblique : nous ne pouvons pas sauver l’humanité en détruisant la planète, nous ne pouvons pas construire un monde juste sur les ruines de la biodiversité. Le règne messianique englobe toute la réalité, visible et invisible.

Ensuite, cette vision met en lumière le lien entre justice sociale et paix cosmique. Ce n’est pas un hasard si Isaïe passe directement de la description du roi juste à celle de l’harmonie universelle. L’injustice humaine génère de la violence qui se propage dans toute la création. Inversement, quand l’humanité vit selon l’esprit, toute la création en bénéficie.

L’image de l’enfant qui conduit les animaux et joue avec les serpents est particulièrement significative. Elle exprime l’innocence retrouvée, la confiance rétablie, la vulnérabilité qui n’est plus synonyme de danger. Dans le monde messianique, on n’a plus besoin de dominer par la force, de se protéger par la violence, de survivre au détriment des autres. La fragilité devient possible parce que l’amour règne.

Cette dimension cosmique du salut a souvent été négligée dans une spiritualité trop centrée sur le salut individuel de l’âme après la mort. Pourtant, elle est centrale dans la Bible. L’apôtre Paul reprendra cette intuition en parlant de la création qui gémit dans les douleurs de l’enfantement, attendant la révélation des fils de Dieu. La tradition chrétienne affirme que la résurrection du Christ n’est pas seulement une victoire sur la mort humaine, mais le début d’une nouvelle création.

Pour nous aujourd’hui, cette vision nous appelle à une responsabilité écologique renouvelée. Respecter la création n’est pas simplement une question de survie ou de prudence : c’est participer au projet messianique de réconciliation universelle. Chaque geste de soin envers la nature, chaque effort pour réduire notre empreinte destructrice, chaque attention portée aux autres espèces est une manière d’anticiper le Royaume.

L’universalité de la promesse

Le texte se conclut par une ouverture universelle surprenante. La racine de Jessé sera dressée comme un étendard pour les peuples, les nations la chercheront. Cette finale élargit considérablement la portée de la prophétie. Ce qui commençait comme une promesse pour Israël, centrée sur la restauration de la dynastie davidique, devient une espérance pour toute l’humanité.

Cette ouverture universelle est caractéristique de plusieurs textes prophétiques. Les prophètes d’Israël ont progressivement découvert que le Dieu d’Abraham n’était pas seulement le Dieu d’un peuple particulier, mais le Dieu de toutes les nations. Le salut offert à Israël était destiné à rayonner vers tous les peuples de la terre. Cette intuition culminera dans le Nouveau Testament avec la mission universelle confiée aux disciples du Christ.

L’image de l’étendard est significative. Dans le monde ancien, l’étendard était le signe de ralliement autour duquel une armée se rassemblait. Mais ici, l’étendard n’appelle pas à la guerre, il invite à la recherche. Les nations ne sont pas conquises par la force, elles viennent d’elles-mêmes, attirées par la gloire qui émane de cette racine de Jessé. C’est une conversion libre, un mouvement spontané vers la lumière.

Cette dimension universelle a des implications majeures pour notre compréhension de la foi. Elle nous libère d’une vision tribale ou exclusive de la religion. Le projet de Dieu ne consiste pas à créer un petit groupe de privilégiés séparés du reste de l’humanité, mais à rassembler tous les peuples dans une communion fraternelle. Cette perspective peut transformer notre manière de vivre notre foi : non plus comme une forteresse à défendre contre les autres, mais comme un don à partager avec tous.

La mention de la montagne sainte où il n’y aura plus ni mal ni corruption renvoie à Jérusalem, lieu du Temple, centre symbolique du monde dans la géographie sacrée d’Israël. Mais cette montagne devient ici le symbole d’un espace universel où la présence de Dieu remplit tout. La connaissance du Seigneur remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer : cette image magnifique exprime la plénitude, la totalité, l’abondance débordante de la présence divine.

Pour nous qui vivons dans un monde globalisé mais déchiré par les nationalismes, les racismes, les fondamentalismes religieux, cette promesse d’universalité est un appel puissant. Elle nous invite à dépasser nos frontières mentales, à reconnaître l’œuvre de l’esprit dans toutes les cultures, à chercher ce qui unit plutôt que ce qui divise. Elle nous rappelle que le Royaume de Dieu est plus vaste que nos Églises, plus profond que nos doctrines, plus accueillant que nos communautés.

« Sur lui reposera l’esprit du Seigneur » (Is 11, 1-10)

Les échos dans la tradition spirituelle

La prophétie d’Isaïe 11 a profondément marqué la tradition chrétienne à travers les siècles. Les Pères de l’Église y ont vu une annonce claire de la venue du Christ et des dons de l’Esprit Saint qui seraient répandus sur l’Église.

Saint Jérôme, traducteur de la Bible en latin, a joué un rôle décisif dans l’interprétation de ce texte. Sa traduction a fixé la liste des sept dons de l’esprit tels que nous les connaissons aujourd’hui dans la tradition catholique : sagesse, intelligence, conseil, force, science, piété et crainte de Dieu. Cette énumération septénaire a pris une place centrale dans la théologie sacramentelle, particulièrement pour la confirmation.

Bernard de Clairvaux, moine cistercien du douzième siècle, a médité longuement sur cette prophétie dans ses sermons. Pour lui, le rejeton de Jessé représentait non seulement le Christ, mais aussi chaque croyant appelé à renaître de sa propre souche abattue par le péché. Bernard insistait sur l’humilité nécessaire pour accueillir l’esprit : c’est dans notre pauvreté reconnue que la grâce peut agir.

La spiritualité franciscaine a particulièrement retenu la dimension cosmique du texte. François d’Assise lui-même, dans son Cantique des créatures, exprime une vision harmonieuse du monde qui fait écho à la prophétie d’Isaïe. Pour les franciscains, la réconciliation avec les animaux et la nature fait partie intégrante de la vie évangélique.

La liturgie de l’Avent a donné au texte d’Isaïe une place privilégiée. Les antiennes de l’Avent, chantées durant la dernière semaine avant Noël, reprennent directement les images du prophète : le Rameau de Jessé, la Sagesse, l’Emmanuel. Cette répétition liturgique permet aux fidèles de s’imprégner progressivement de la promesse messianique et de préparer leur cœur à la venue du Christ.

La théologie contemporaine redécouvre l’importance de ce texte pour penser les défis actuels. La théologie de la libération en Amérique latine a souligné la priorité donnée aux pauvres dans le règne messianique. L’éco-théologie s’appuie sur la vision de l’harmonie cosmique pour repenser notre relation à la création. La théologie du dialogue interreligieux médite sur l’universalité de la promesse.

Un chemin de transformation personnelle

Comment accueillir concrètement dans notre vie la dynamique de l’esprit annoncée par Isaïe ? Voici quelques étapes pour entrer dans ce chemin de transformation.

Commencez par reconnaître votre propre souche abattue. Identifiez les domaines de votre vie où vous vous sentez sec, épuisé, découragé. Au lieu de fuir cette aridité, acceptez-la comme le lieu même où Dieu veut faire jaillir du nouveau. Prenez un temps de silence pour nommer vos fatigues, vos échecs, vos limites, sans jugement ni dramatisation.

Invoquez ensuite l’esprit et ses dons dans votre prière quotidienne. Vous pouvez reprendre lentement l’énumération d’Isaïe : sagesse, intelligence, conseil, force, science, piété, crainte. Pour chaque don, demandez à l’esprit de vous en faire comprendre la portée concrète dans votre situation présente. Ne vous précipitez pas, laissez chaque mot résonner en vous.

Exercez-vous à juger autrement. Dans vos relations, dans vos décisions, dans vos évaluations d’autrui, résistez à la tentation de l’apparence et de la rumeur. Cherchez à voir plus profond, à percevoir les blessures cachées derrière les masques, à reconnaître la dignité même là où elle semble absente. Cette pratique demande du temps et de l’humilité.

Engagez-vous concrètement pour la justice. Choisissez une action, même modeste, qui exprime votre solidarité avec les petits : un don régulier à une association, du bénévolat auprès de personnes en difficulté, un soutien à une cause juste. L’important n’est pas l’ampleur du geste, mais la cohérence entre votre foi et votre vie.

Cultivez un rapport renouvelé à la création. Observez les animaux, les plantes, les éléments naturels avec un regard contemplatif. Réduisez votre impact écologique par des choix concrets. Priez pour la création souffrante. Apprenez à voir le monde non comme une ressource à exploiter, mais comme une communion à respecter.

Ouvrez-vous à l’universel. Faites l’effort de rencontrer des personnes différentes de vous par la culture, la religion, le milieu social. Lisez des textes d’autres traditions spirituelles. Cherchez ce qui unit plutôt que ce qui divise. Laissez-vous élargir par la richesse de la diversité humaine.

Célébrez les signes d’harmonie. Quand vous voyez la justice triompher, quand vous expérimentez la paix intérieure, quand vous observez la beauté de la création, prenez le temps de rendre grâce. Ces moments sont des avant-goûts du Royaume, des percées de l’esprit dans notre monde encore en attente.

Une révolution douce et puissante

La prophétie d’Isaïe 11 nous offre bien plus qu’une consolation pour des temps difficiles. Elle dessine les contours d’une révolution profonde, douce mais radicale, qui transforme le monde de l’intérieur. Cette révolution ne passe pas par la violence ou la conquête, mais par l’action de l’esprit qui fait jaillir la vie là où tout semblait mort.

Le message central est clair : l’espérance ne repose pas sur nos forces humaines, mais sur la promesse de Dieu. Le rejeton qui sort de la souche de Jessé nous rappelle que Dieu peut faire du neuf avec ce qui paraît fini. Cette logique divine bouleverse nos calculs humains et ouvre des possibles insoupçonnés.

La triple dimension du texte – justice pour les petits, harmonie cosmique, universalité de la promesse – nous indique que la transformation annoncée concerne tous les niveaux de la réalité. Il ne s’agit pas d’un salut désincarné qui sauverait les âmes en abandonnant le monde à son sort. C’est une transfiguration globale qui embrasse l’individu et la société, l’humanité et la création, le présent et l’avenir.

Cette vision peut sembler utopique. Pourtant, elle est le cœur même de la foi chrétienne. Croire au Christ, c’est croire que cette promesse a commencé à s’accomplir dans l’histoire, que l’esprit est déjà à l’œuvre, que le Royaume est déjà là, caché mais réel. Notre vocation n’est pas d’attendre passivement que tout se réalise, mais de collaborer activement à cette venue du Royaume.

L’appel que nous lance Isaïe est donc double. D’abord, reconnaître notre pauvreté et notre besoin d’être habités par l’esprit. Ensuite, mettre nos vies au service de la justice, de la paix et de la réconciliation universelle. Ces deux mouvements ne s’opposent pas, ils se nourrissent mutuellement. Plus nous accueillons l’esprit, plus nous devenons capables de travailler pour la transformation du monde. Plus nous nous engageons pour la justice, plus nous découvrons notre besoin de l’aide divine.

Puisse cette méditation du texte d’Isaïe raviver en nous la flamme de l’espérance et le désir de vivre pleinement cette aventure messianique qui traverse les siècles.

Pratique

• Priez quotidiennement les sept dons de l’esprit en les reliant à vos situations concrètes actuelles et à vos besoins.

• Lisez régulièrement les textes prophétiques durant l’Avent pour préparer votre cœur à la venue du Christ dans votre vie.

• Engagez-vous dans une action de justice sociale en soutenant les plus vulnérables de votre entourage ou de votre communauté.

• Observez la nature avec un regard contemplatif et posez des gestes écologiques concrets pour respecter la création blessée.

• Rencontrez des personnes d’autres horizons culturels ou religieux pour élargir votre vision et accueillir l’universalité du salut.

• Identifiez vos propres zones de sécheresse spirituelle et accueillez-les comme des lieux où Dieu peut faire jaillir du nouveau.

• Célébrez les signes de paix et d’harmonie que vous rencontrez en rendant grâce pour ces avant-goûts du Royaume.

Références

• Isaïe 11, 1-10, Lecture de la liturgie de l’Avent dans la tradition catholique

Livre de la Genèse, chapitres 1-3, récit de la création et de la chute

• Épître aux Romains 8, 18-25, la création en attente de la révélation des fils de Dieu

• Saint Jérôme, traduction de la Vulgate et commentaires sur Isaïe

• Bernard de Clairvaux, Sermons sur le Cantique des Cantiques et méditations sur l’humilité

• François d’Assise, Cantique des créatures, vision de l’harmonie cosmique

• Thomas d’Aquin, Somme théologique, traité sur les dons du Saint-Esprit

• Tradition liturgique de l’Avent, antiennes O et lectures prophétiques

Équipe Via Bible
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